Une heure. Soixante minutes. Et je ne sais pas combien de secondes. Encore moins de mili-secondes. Parce que les calculs et moi, eh bien, ça fait au moins 3. Une heure. Soixante minutes de torture psychologique et physique. De maladresse constante dans une ambiance bizarre sur le canapé du salon. De petits regards en coin et de guimauves avalées de travers. Et je ne sais même pas ce qui passe à la télévision, parce que je la regarde, mais pas vraiment.
Je la regarde, elle. Nina. Ca fait plusieurs semaines maintenant qu'elle dort chez nous et, maintenant qu'Olga est partie, deux semaines que l'on se regarde dans le blanc de yeux, sans savoir quoi faire. Deux semaines de guimauves avalées de travers.

Eh bien, j'ai mal à la gorge.

Non, nous n'avons toujours pas parlé de ce que nous sommes réellement même si ça paraît plutôt clair pour nous deux. Mais... Il n'y a pas de mots, vraiment, à mettre dessus. Il faudrait peut-être que je songe à lui demander. Elle est là, après tout. Sur le même canapé, à quelques centimètres de moi. Ses cheveux me chatouillent le bras quand il y a un courant d'air et je rigole comme un benêt à chaque fois. Mais c'est tout. Oh, on se parle, mais on ne communique pas vraiment. On ne dit pas ce que l'on veut réellement dire. Pourtant, je sais qu'on en a envie tous les deux. Tiens, je vais prendre une guimauve.

Je peux le faire. J'ai juste à prendre mon courage à deux mains, à la regarder, et à lui parler. Sinon, je peux tenter le coup de passer mon bras sur ses épaules mais je crois que c'est un peu démodé. Si Olga me voit faire ça, elle m'attache au canapé pendant deux jours et me lance des tomates. Allez, je me lance. Je peux le faire. Je sais qu'elle tient encore à moi - elle n'a vu personne depuis qu'elle est là après tout, elle passe la majeure partie de ses journées avec moi. Elle a exactement les mêmes réactions que moi.
Je peux le faire. Je peux le faire. Je peux le faire.

« Nina... » Et voilà qu'elle me regarde, avec ses grands yeux bleus ! Bien sûr, complique-moi la tâche sale ogresse ! « Tu... Tu peux me passer des guimauves s'il te plaît ? Mon bol est vide. » Les guimauves avant les ogresses. C'est une nouvelle règle - je ne vais quand même pas briser une règle que je viens de créer, si ? Bon, nous sommes d'accord.

Je peux le faire. « Et... Si... Si tu pouvais me ramener un verre d'eau aussi, s'il te plaît ? » Bien, Ulrich. Maintenant, elle va croire que c'est l'ogresse de ménage ! Viens me taper Olga, pour une fois j'en ai besoin !

Pas trop fort par contre.

Ulrich & Nina

Un empoté + une empotée, ça donne quoi déjà ?
Ah oui, une guimauve, c'est ça, une guimauve !

Encore une après-midi à regarder sa série débile. Non mais franchement, y a pas assez de violence dans le monde, il faut en plus qu'on passe la journée à la regarder en mode voyeur à la télé ? Je ne comprendrais jamais les hommes. Ils en ont jamais assez de regarder de la castagne, mais alors quand il faut se retrousser les manches et remuer ses petites fesses pour faire quelque chose, Ulrich il a beau être un ogre, il est comme tous les autres ! Lui non plus ne remuerait pas ses fesses pour quoi que ce soit. Cela dit, s'il le faisait, ça me donnerait quelque chose de plus intéressant à regarder que cette série ennuyeuse... Bon, d'accord, je me suis choquée toute seule.

Mais c'est pas de ma faute aussi ! Il arrête pas de me jeter des coups d’œil depuis au moins une heure, et chaque fois que je sens qu'il me regarde, j'ai chaud, je deviens cramoisi et j'ai envie de disparaître dans un trou de souris. Alors, pour compenser et me donner une contenance, je joue avec mes cheveux. Mais chaque fois que je joue avec mes cheveux, ça le chatouille et il rigole. Et quand il rigole, moi j'ai le cœur qui fond parce qu'il est trop mignon et que j'ai envie de lui faire des bisous, mais je sais pas où il en est avec notre relation alors je peux pas ET C'EST FRUSTRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAANT ! Alors du coup je bouge plus, je fais mine de regarder la télé, et lui il me jette des coups d’œil et... oooooh saleté de cercle vicieux. Je veux mourir.

En fait, le plus simple ce serait qu'on en parle une bonne fois pour toute. C'est pas que le canapé est pas confortable, mais ça me plairait bien de regarder la télé blottie contre lui, ça donnerait une dimension plus... mignonne. Et peut-être alors que je trouverai sa série intéressante. Mais voilà, moi je ne ferais pas le premier pas. Parce que je considère que si les hommes sont aussi forts que ça, c'est leur rôle d'y aller en premier. Voilà. Bon, en vrai c'est parce que je n'ose pas. Et aussi parce que si ça venait de lui, ça voudrait dire que je compte un peu pour lui.. Nom d'une bouse de limace, ce que c'est agaçant.

« Nina... » Merci Merlin ! Allez Ulrich, un peu de courage, je t'écoute ! Regarde le avec ton plus beau sourire Nina, aller, encourage le ! "Oui, Ulrich ?" Et papillonne des cils, les filles elles font toujours ça dans les films romantiques. Mais bon sang, ça fait vachement mal aux yeux... « Tu... Tu peux me passer des guimauves s'il te plaît ? Mon bol est vide. » Ah, c'est juste pour ça... Je jette un coup d’œil à mon propre bol, mais c'est pas glorieux... Il en reste trois. Bravo Nina, pour passer pour une femme raffinée, c'est raté. "J'en ai plus beaucoup, mais tu peux les prendre si tu veux, je n'ai plus faim." Comme s'il y avait besoin d'avoir faim pour manger des guimauves. Elle commence vraiment à être gênante cette situation. Olga rentre quand déjà ?

« Et... Si... Si tu pouvais me ramener un verre d'eau aussi, s'il te plaît ? » Quand je parlais de bouger ses fesses tout à l'heure ! Un vrai bébé, cet ogre, il se fait toujours materner par tout le monde, c'est dingue à la fin. Mais pour être honnête, je trouve ça mignon. Il me demande ça comme s'il me demandait de lui décrocher la lune. Je me laisse attendrir trop facilement, que tu es bête Nina... Je me lève mollement et vais dans la cuisine pour apporter à Môssieur son verre d'eau. J'en renverse partout dans la maison - histoire de ne rien changer à d'habitude - arrive derrière le canapé et le lui met sous le nez. "Tiens, puisque votre Altesse ne semble pas se souvenir du chemin de la cuisine." Mes cheveux tombent de derrière mon épaule et lui chatouille la nuque. Oh non, s'il se remet à rire, je ne donne pas cher de ma peau. J'attrape ma tignasse pour la ranger et lui effleure la peau du cou. Mes yeux restent accrochés à ce morceau de peau que je viens de toucher, et j'éprouve comme une irrésistible envie de la couvrir de bisous. Mais ce serait indécent, n'est-ce pas ?

Cela dit, j'ai bien envie de jouer avec lui, juste histoire de l'embêter. Ulrich, quand il rougit, il est tellement attendrissant ! Et puis je m'ennuie devant la télé, j'ai bien le droit de m'amuser un peu... J'avance mon visage très proche de son oreille, assez pour que mes lèvres les touche, et lui murmure "Il te faut autre chose, pendant que je suis encore debout ?" Je ne me lasserai jamais de jouer avec lui, je crois bien.

Apparemment, non, je ne peux pas le faire. Certains diront que je n'ai pas essayé mais ils ne doivent pas être au courant de la bataille interne qui se déroule actuellement dans ma tête. Il faut dire que, si Nina et moi passons ce cap, il n'y aura plus de retour en arrière. Ce qui signifie que, si ça ne se passe pas bien - et il y a forcément un moment où ça ne va pas bien se passer, nous connaissant - eh bien, nous pouvons tout ruiner. Et je n'ai pas forcément envie de tout ruiner, mais je ne veux pas non plus rester dans cette non-situation. Je m'enfile les trois guimauves que Nina m'a gentiment légué tout en réfléchissant, pendant qu'elle me cherche mon verre d'eau. Assisté que je suis. Un peu perdu, je vois un verre d'eau s'agiter devant moi et l'attrape. « Tiens, puisque votre Altesse ne semble pas se souvenir du chemin de la cuisine. » Je hoche la tête et bois une gorgée rapidement, tout en la remerciant.

Je sens ses cheveux tomber sur ma nuque et, pour ne rien changer, cela me fait rigoler. Je la sens alors retirer ses cheveux sans toutefois s'en aller. Derrière moi, sa chaleur semble irradier la pièce entière. Elle est immobile et un instant et je sens soudain son souffle près de ma joue, ses lèvres presque collées à ma peau. « Il te faut autre chose, pendant que je suis encore debout ? »
« Ghrheui » Je me relève d'un geste, renverse de l'eau partout et cours à la cuisine. Où je me ressers un verre d'eau, que je ferais tomber plus tard, j'en suis certain.

Non, je n'ai pas fui. Je me suis levé parce que j'ai soudain eu une crampe au mollet et je suis allé à la cuisine pour éviter à Nina de faire l'aller-retour, voilà tout. Appuyé contre le lavabo, je jette un oeil au salon. Elle est toujours là-bas. Et non, je n'ai pas peur d'elle. Mon manque de voyelles dans ma réponse était une toux qui m'a saisie à l'instant où je voulais parler.
Je respire un bon coup, prends mon verre et retourne dans le salon. Elle ne s'est pas rassise sur le canapé et semble seulement un peu perdue, voire interloquée par ma réaction. C'est de sa faute, aussi ! « Heu... Non, non, il ne me faut plus rien, merci » Bien Ulrich. Je suis sûr qu'elle-même a oublié qu'elle t'avait posé une question avant que tu ne détales comme un lapin.
Je bois une gorgée de mon verre et jette des regards autour de la pièce, comme si je ne la connaissais pas. « Il fait chaud aujourd'hui, non ? »
Un pas en avant, trois pas en arrière. Ma nouvelle devise.

Ulrich & Nina

Un empoté + une empotée, ça donne quoi déjà ?
Ah oui, une guimauve, c'est ça, une guimauve !

Il est tellement drôle, Ulrich, quand il commence à devenir tout rouge et qu'il s'exprime essentiellement en voyelles. « Ghrheui », juste ça, et j'aurai pu littéralement mourir de rire si je n'étais pas aussi concentrée sur mon jeu de séduction. Je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de le faire tourner chèvre, juste pour voir quelle est la réelle influence que j'ai sur lui ! Mais ça, c'était sans compter son caractère d'ogre et ma... maladresse légendaire. Il se relève d'un coup en me renversant évidemment toute son eau sur les pieds et va dans la cuisine lui-même cette fois.

« Heu... Non, non, il ne me faut plus rien, merci » Mais c'est qu'il est tout gêné la terreur des caniches ! Je craquerai bien si mon but n'était pas de l'embêter...
"Ah, visiblement ton royal derrière se souvient encore des pièces de la maison !" - « Il fait chaud aujourd'hui, non ? » C'est vrai que tout cela commence à me donner un peu chaud mine de rien... Joueuse, oui, dégoulinante, pas question !

Je m'avance un peu vers lui et je déboutonne mon gilet doucement en ne le quittant pas des yeux. Dessous, j'ai mis ma robe préférée, la blanche à pois bleus, tellement mignonne ! J'enlève mon gilet et le laisse glisser par terre, puis j'attrape un magazine d'Olga et m'évente avec. "Oui, c'est vrai qu'il fait particulièrement chaud aujourd'hui, tu as raison !"
J'avance encore plus près d'Ulrich... Et me prend magistralement les pieds dans le gilet que je venais de laisser tomber. Je m'étale de tout mon long et je cri comme si j'avais vu un caniche... Bon, pour le sex appeal on reviendra. Je suis rouge de honte. Comme d'habitude, je me fais prendre à mon propre piège, et je passerai volontiers ma maladresse à la moulinette si je pouvais la personnifier. Ohlala, j'espère qu'il ne va pas trop se moquer de moi, j'aurai l'air de quoi moi après ? Je dois être la chose la moins désirable sur terre maintenant, avachie comme ça sur la moquette.

Je me redresse doucement pour voir si je ne me suis rien cassé - parce que je me connais, j'en serai capable encore - et je me rassois sur mon postérieur, verte de rage et rouge de gêne. Oui, une ogresse verte et rouge, c'est plutôt pas mal comme spectacle.
"Te moques pas de moi, je me suis fait mal à la cheville en plus." (MENSONGE NUMERO 1) "Ca t'apprendras à détaler quand je veux te faire un bisou !" (MENSONGE NUMERO 2, mais si déjà je dois être ridicule, autant donner une dimension mignonne à mon geste... et puis faire le premier pas aussi. Pare que si j'attend Ulrich, j'aurai 700 ans quand il osera me demander de lui passer le sel.)
"Ma cheville..."

Appuyé sur le meuble de la cuisine d'une main, l'autre s'occupant de tenir mon gobelet correctement, je me dis vraiment que j'aurais bien besoin d'un coup de pied aux fesses. Mais Olga n'est pas là, non, et c'est juste Nina et moi. Je crois qu'il est là, le problème. Nina. Je n'arrive jamais à me concentrer autour d'elle. Dès que je la vois, j'ai comme une brume qui s'installe dans mon cerveau et je n'arrive même plus à aligner trois mots intelligemment.
Nina m'a suivie et s'approche de moi doucement, enlevant son gilet de manière... Ninaesque. Je déglutis et reprends une gorgée d'eau. Il fait vraiment, vraiment chaud.

Soudain, Nina se prend les pieds dans son gilet et tombe. Je reste un instant estomaqué devant sa prestation... unique avant d'éclater de rire. Après tout, nous ne sommes pas des ogres pour rien... La délicatesse, l'élégance, ce ne sont pas des notions que nous avons pu acquérir ! « Oh, Nina », j'arrive à articuler entre deux éclats de rire. J'arrive à poser mon verre sur le meuble et mes mains sont désormais occupés à me tenir le ventre, qui souffre sous la pression de mon rire. « Te moques pas de moi, je me suis fait mal à la cheville en plus. Ca t'apprendras à détaler quand je veux te faire un bisou ! » Ca m'apprendra, à moi ? Je vais bien, merci ! J'essaye de me calmer doucement et prends quelques grandes inspirations. Allez, Ulrich, calme-toi.
Pauvre Nina.

Je coupe sa dernière plainte en la prenant dans mes bras, à la manière d'une princesse et m'en vais l'allonger sur le canapé. « Ca va ? Attends ici, je vais te chercher de la glace. Pour ta cheville. » Et ton égo. Je retourne à nouveau dans la cuisine - décidément, notre journée ne tourne qu'autour du salon et du frigo - et reviens avec une poche de glace, que je pose doucement sur la cheville de l'ogresse. « Ta cheville devrait aller mieux, je pense que tu te l'es seulement foulée. »
Je m'accroupis sur le sol à côté de sa tête, passe mon bras derrière elle et commence à caresser ses cheveux. Ses beaux cheveux... « Tu peux toujours me faire un bisou, si tu veux. Tu ne risques pas de tomber plus bas, maintenant ! »

Non, je ne perds pas le Nord. Mais si déjà elle fait le premier pas, autant que je continue dans son sens, n'est-ce pas ? Oui, mais c'était à toi de faire le premier pas, gros nigaud ! C'est décidé, la voix de ma conscience s'appelle Olga.

Ulrich & Nina

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Ah oui, une guimauve, c'est ça, une guimauve !

Une princesse. Je suis une princesse ! Ah bah il lui a fallut du temps, mais au moins il l'a compris ! Ulrich me prend dans ses bras et me dépose sur le canapé comme s'il venait de soulever une fleur avec le petit doigt. Bon, j'avoue, son aspect d'humain est quand même...graou vu de près. Parce que, oui, je suis un peu tout contre son torse qui est quand même vachement bien musclé. Ohlala j'ai chaud. Contrôles toi Nina. Non mais y a pas à réfléchir 150 ans, Ulrich il est très beau. Jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche. Là il en devient mignon. Mais ça me va, je suis preneuse !

Affalée comme une limace sur le canapé, je le regarde partir me chercher de la glace - où ça ? dans la cuisine ! Histoire de nous rappeler que notre vie se résume à ces deux pièces - et je repense à la première fois où il m'a embrassée. Il m'avait portée comme ça pour me faire descendre d'un arbre, et il s'était enfuit tout de suite après avoir fait le premier pas. Peut-être que cette fois c'est à mon tour ? Raaaaaaah c'est froid ! « Ta cheville devrait aller mieux, je pense que tu te l'es seulement foulée. » Roooh pourquoi est-ce qu'on me sort toujours de mes pensées violemment ? C'est pas juste. Mais il est vraiment trop mignon. TROP mignon. Je ne vais pas me contrôler longtemps. "M..Merci." Je n'arrive pas à le quitter des yeux maintenant. Bravo Nina, tu es en train de faire une bêtise... Il se dirige vers ma tête et s'accroupit sur le sol, juste à côté de moi. Et il joue avec mes cheveux ? Ohlala, des frissons comme ça, c'est pas ogresque ! C'est drôle, il a l'air plus sûr de lui. Mais vraiment. En même temps, à côté de moi, c'est pas difficile... « Tu peux toujours me faire un bisou, si tu veux. Tu ne risques pas de tomber plus bas, maintenant ! » Je crois que l'allusion au bisou est bien passée ! C'est définitif, c'est à moi de faire le premier pas. Tant pis. Ce n'est pas grave. Je crois bien que je suis prête à tout, si c'est pour lui, avec lui, contre lui... Il n'y a pas de mal à essayer. On nous donne notre chance, cette fois.

Bon, ce n'est qu'un bisou, ça ne veut rien dire. Aller je me lance. Il faut que je fasse attention à mes mouvements d'humaine, je ne les maîtrise tellement pas... C'est parti, ça va aller. Je me redresse sur le canapé, j'avance mes lèvres vers sa joue. Je tends mon bras pour prendre appui sur le canapé et bien solidifier ma position... mais je rate le canapé et tombe en avant sur Ulrich. Ah oui, bravo Nina, on avait dit faire le premier pas, pas le violer ! Je me retrouve à califourchon sur lui, et j'ai un rythme régulier dans mon crâne... Mon cœur bat tellement fort que je suis sûre que toute la forêt m'entends. Je ne risquais de tomber plus bas, hein ? "A ta place, je ne parierai pas sur ma faculté à tomber plus bas, Ulrich Fiersbras. Au jeu de la maladresse je suis plus forte que toi. A ça aussi d'ailleurs..."
Tu voulais ton bisou, petit ogre ? Le voilà. Et c'est des feux d'artifice dans ma tête et dans ma poitrine.

Le destin nous joue parfois de sacrés tours. J'ai connu Nina quand j'étais jeune et je ne pensais jamais la revoir. Je n'arrive toujours pas à définir ce que nous étions alors - amis, c'est une certitude, mais il y avait déjà ce quelque chose en plus. Quand je la voyais les après-midis, j'avais toujours ce noeud dans l'estomac, ces papillons dans le ventre et ce sourire benêt. Et aujourd'hui, elle vit chez moi et nous sommes sur le point d'officialiser ce que nous n'avons pas eu le temps d'officialiser il y a quelques années.
Allongée sur le canapé, ses grands yeux bleus qui me fixent, je la vois s'approcher de moi, petit à petit. Mon souffle s'accélère et je n'entends plus que mon coeur qui semble faire des sauts dans ma poitrine.

J'avais peut-être tort lorsque je supposais qu'elle ne pouvait pas tomber plus bas. La voilà sur moi, littéralement, et mon coeur doit avoir arrêté de battre, car je n'entends plus que sa voix, je ne vois plus que ses yeux, et je n'attends plus qu'une chose. Son baiser.
Réminiscence du passé, les sensations semblent toutefois se décupler. Parce que, maintenant, je sais que c'est du sérieux. Ce n'est plus une adolescente, je n'en suis plus un, et c'est... Une toute autre sensation. Ma main passe derrière sa nuque et je goûte à ce dont je rêvais depuis que je l'ai retrouvée.
« Enfin ! » crie une voix dans ma tête. Je ne peux qu'être d'accord, après tout. Dans mon cerveau défilent toutes sortes d'images, du passé comme du futur, et ce baiser semble sceller une promesse.

Nous nous détachons enfin, à bout de souffle, elle à califourchon sur moi, et moi dans une toute autre dimension. Je m'autorise quelques secondes pour reprendre mes esprits et me relève, me retrouvant totalement face à elle. Ma main passe sur sa joue, que je caresse quelques secondes, avant de me perdre dans ses yeux, à nouveau.
Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi dire. J'ai envie de rester là, comme ça, pendant des heures et d'oublier tout ce qu'il se passe autour. Je n'ai plus envie de penser à l'anarchie, à Olga partie je ne sais où, à Potté qui l'a entraîné là-dedans ; je veux juste me perdre en elle.

Le moment se brise lorsque la porte d'entrée s'entre-ouvre, engendrant un courant d'air. Olga ne peut pas être rentrée, elle n'oserait pas venir ici - je suis certain que nous sommes surveillés. De plus en plus de gens passent autour de chez nous comme si de rien n'était, je pense plutôt qu'ils cherchent Olga. Délicatement, je me relève, emportant Nina avec moi. Détachant ses jambes de mes hanches, je l'abandonne devant le canapé et le contourne, m'approchant de la porte d'entrée. Personne ne semble être entré et je n'entends aucun bruit. En me concentrant cependant, une petite respiration se fait entendre. Je baisse les yeux, me fige.

Du rêve au cauchemar. Je me retiens de crier mais je ne suis pas sûr d'y arriver avant de détaler vers le canapé et de me cacher derrière Nina. « Un... Un caniche ! » Un caniche... Chez moi... Ca ne pouvait pas être pire.

Ulrich & Nina

Un empoté + une empotée, ça donne quoi déjà ?
Ah oui, une guimauve, c'est ça, une guimauve !

Parfois il suffit d'une seconde, d'une poignée de secondes pour oublier que la vie n'est pas toujours tendre. Personnellement, je n'ai pas trop à me plaindre, même si je n'ai pas de nouvelles de mes parents depuis des mois et que je suis obligée de cacher ma vraie nature. Mais tout ça ce ne sont que des détails, des petits points insignifiants dans ma vie qui me contente amplement. Et aujourd'hui, à cet instant, plus que jamais je comprend que finalement, si la vie doit avoir un but, alors je viens de la trouver.
Je rends compte que tout, toutes les émotions, tous les événements, toutes les belles choses de ma vie ont toujours été reliées à Ulrich. Et même si je m'amuse souvent à le traiter d'imbécile, mine de rien j'ai l'impression aujourd'hui d'avoir atteint le cœur de la cible. Et lui qui semblait être tellement préoccupé par le départ d'Olga, maintenant dans ses yeux je ne vois que cette petite étincelle qui vient de se rallumé, celle qui me fait perdre mes mots, qui me fait fondre quelques instants. C'est fou ce qu'un baiser pour réveiller en quelqu'un !  

J'ai des fourmilles dans le ventre, et c'est drôle parce que je me souviens avoir ressenti exactement la même chose la première fois qu'il m'a embrassée. Est-ce que ça aurait aussi dû venir de lui cette fois ? Mine de rien, je suis heureuse d'avoir fait le premier pas. Je n'en pouvais plus, j'avais besoin de savoir. Bon, on n'a toujours pas parler, mais toutes les réponses à mes questions je les trouve dans sa manière de me regarder. Et nom d'une limace, c'est vraiment bon de le retrouver.

J'entend un craquement qui semble venir de la porte d'entrée, mais je ne m'affole pas aussi rapidement qu'Ulrich. Trouillard va ! Un coup de vent et... « Un... Un caniche ! » - "QUOI ?" Il se précipite derrière moi et se cache comme un lapin apeuré. Bon, là je vais éviter de me moquer parce que les caniches, bah ça me fout la trouille aussi ! Je suis une ogresse, faut pas l'oublier. Mais visiblement, même si je suis terrifiée et que mes jambes tremblent énormément, je crois que je ne peux pas compter sur Ulrich. Mais bon sang il est effrayant avec ses petites bouclettes partout, ses crocs acérés et ses hurlements ! Ça devrait pas exister une créature pareille !

Allez Nina, tu dois faire quelque chose... Respire... Bon. Il est près de la porte, il n'est pas encore totalement entré dans la maison. Alors, le bocal de guimauves... Le verre d'eau... La télécommande... Les coussins du canapé... Mais oui, les coussins ! J'essaye tant bien que mal de me défaire de l'étreinte apeurée d'Ulrich - il sert mes bras tellement fort que je suis sûre qu'il va me faire des bleus... Il a jamais réussi à contrôler sa force ! - et je chope deux coussins du canapé. Je tremble comme une feuille, mais je n'ai pas réellement le choix ! Je fixe le caniche qui se tourne vers moi et commence à approcher, et je ferme les yeux de terreur avant de lui balancer le coussin. Eh oui, quand on regarde pas ce qu'on fait, on rate sa cible. Le coussin tombe mollement près de la porte, et ne frôle même pas la bête. Bon, cette fois je n'ai pas le choix, je dois réussir ! J'agrippe fermement le coussin et le balance sur le caniche en visant le museau. Le coussin s'écrase juste devant lui à la place, mais il prend peur, fait demi-tour et... s'en va ! Nom d'un rat de motte, j'ai réussi ! J'arrive pas à y croire !
Je saute sur moi-même de joie. "Ouaaaaais je l'ai euuuuuu ! Nina la terreur des caniches !" Mais j'arrête de hurler, de peur qu'il ne revienne...

Je me précipite sur la porte d'entrée pour la verrouiller cette fois, histoire qu'on n'ai plus de mauvaise surprise. Ulrich est toujours recroquevillé sur lui-même derrière le canapé. Je m'approche de lui, m'accroupit et le prend dans mes bras. C'est drôle de le tenir contre moi, mais ça fait un bien fou. Eh, les ogres sont des créatures tendres aussi ! On adore les câlins et les bisous ! Depuis le temps que j'avais envie de lui faire des câlins... Surtout les jours où il rentre torse nu après avoir coupé du bois toute la journée. Bah, il a beau ne pas être très doué en général, Ulrich il est quand même vachement agréable à regarder ! Et maintenant il est pour moi, pour moi toute seule ? Bon, rien n'est encore fait, mais imaginer ça me redonne des fourmilles dans le bidon. Et j'aime vraiment cette sensation.
J'agrippe sa tête et la pose contre moi, je lui caresse les cheveux pour le rassurer. Pauvre Ulrich, il est vraiment terrorisé... "Ulrich il est parti, tu peux te calmer maintenant. Je suis là, tout va bien. Je suis là et j'y resterai."

Il n'y a que les caniches capable d'un tel sadisme. Vous en connaissez beaucoup, des hommes, des ogres ou des ânes qui rentreraient chez vous sans être annoncé ? Non, il n'y a que les caniches. Ils se cachent, les yeux malicieux, la langue pendante, et attendent le moment propice pour bondir. Je ne sais pas ce que Marraine a contre les ogres lorsque l'on voit qu'elle laisse les caniches déambuler dans les rues de Fort Fort Lointain sans aucune protection ! On n'a pas idée de tout ce qu'ils peuvent faire... Enfin, je le sais, mais apparemment, je suis « bizarre » lorsque j'en parle. Ils verront, lorsqu'un caniche bondira sur eux !
Enfin, il n'empêche que Nina semble avoir un peu moins peur que moi. Ma virilité ne prend pas de coup, j'ai plutôt l'habitude. Je suis juste incroyablement soulagé qu'elle ait pris l'initiative, sinon je pense que je serais déjà mort d'une sorte de tachycardie, ou de quelque chose dans le genre. J'entends à peine Nina crier sa victoire et me concentre sur ma respiration et ma vision devenue quelque peu floue. Inspire, expire. Le caniche est sorti, la porte est fermée et...
Les bras de Nina sont autour de toi. Ses mains sont dans tes cheveux et les caressent tendrement. Tout va bien.

J'enregistre ses paroles et ouvre un oeil, vérifiant tout de même les alentours. Mon deuxième oeil tarde un peu à s'ouvrir mais j'y arrive au bout d'un moment et tourne mon regard vers le visage de Nina. Plus que quelques inspirations, expirations, quelques caresses dans les cheveux, et je vais mieux. Je me relève rapidement, relevant Nina avec moi, et tente de reprendre une posture d'homme... Ou du moins d'ogre apeuré. C'est le mieux que je puisse faire. « Merci ! » Elle a tout de même sorti le suppôt de Marraine de ma maison, c'est le moins que je puisse dire. « J'aurais pu le sortir mais... Il m'a pris par surprise, tu vois... » Elle sait très bien que c'est faux, mais je vais quand même essayer de sauver un peu de ma virilité ! Comme on dit, c'est l'intention qui compte.

Je reprends ma place sur le canapé, d'un air assuré mais mes jambes tremblent tout de même beaucoup. En regardant Nina, je me rends compte que rien n'a changé et pourtant, si, tout a changé... Mais pas vraiment. Enfin, je ne me sens pas plus mal à l'aise qu'avant, simplement... apaisé. Parce que toute cette histoire me trottait dans la tête depuis un moment et nous n'avons plus de questions à nous poser. Il nous reste simplement à apprécier cette petite aventure dans laquelle nous nous sommes embarqués, en espérant ne pas recevoir trop de coups d'Olga.
« Bon, on en était où ? » lui dis-je, tapotant la place à côté de moi, étendant mon bras sur la tête du canapé afin de l'envelopper dans un câlin d'ogre. Juste ce dont j'ai besoin, maintenant. Comme si rien n'avait changé.
Comme si c'était écrit.