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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake


FORT FORT LOINTAIN

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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyDim 16 Nov - 0:13




Poucet et Elis

les larmes qui brûlent sont aussi celles qui consolent

Il serrait les dents. Il serrait les dents parce que c’était ce qu’on faisait quand on ignorait quoi faire de plus pour que ça aille mieux, ou justement quand on le savait mais qu’on ne voulait s’y résoudre. Et Elis ne voulait s’y résoudre. Même s’il était en train de craquer, comme à l’habitude. C’était trop fort pour qu’un seul homme, aussi insignifiant que le forgeron, puisse y repousser. Il avait hurlé lorsqu’il avait passé le seuil de son petit appartement, avec la certitude que ça passerait. Qu’après tout, ça finissait toujours par passer. Mais bien entendu qu’avec son frère, ça ne passait pas. C’était ainsi que la mécanique de leurs cœurs fonctionnait, différente de toutes : celle de la famille, des amis, des ennemis. Elle régissait deux palpitants épuisés, irrémédiablement accrochés l’un à l’autre et pourtant trop opposés pour s’accepter. En découvrant ceci, il avait eut envie de pleurer, aussi, en se remémorant la scène macabre tandis qu’Aquilon s’était échoué sur le plancher de son chez lui, alors qu’elle aurait dû être à la ceinture de son frère. Accablé sur sa chaise, le regard dans le vide et surtout pas posé sur la lame qu’il avait eu quelques heures auparavant glissée sous la gorge, si proche qu’il en sentait encore le contact gelé sur sa peau brunie par le soleil et la chaleur de la forge, Elis inspirait et expirait longuement, en faisant semblant de ne se préoccuper que de cette action pourtant facile à exécutée, mais si délicate dans l’instant. Bien entendu, son cerveau songeait à mille choses à la fois, qui convergeaient en un seul et unique point. Poucet. Poucet et ses mots durs. Poucet et ses yeux où s’était figé tout le désespoir du monde. Poucet qui faisait semblant de vivre, comme Elis qui lui mimait l’acquiescement alors qu’il voulait purement et simplement le sortir de la torpeur où laquelle le temps l’avait plongé. Poucet et son épée. Un cadeau. Un symbole. Un « je serais toujours là avec toi, pour toi, envers et contre tout. » Elle avait glacé son sang, elle avait menacé son existence, et la menaçait encore, là, comme l’observant à travers sa brillance factice. Non, en réalité, ce n’était pas elle.
Pour la première fois, il se rendit compte qu’il avait peur de son frère, alors que toute sa vie il avait eut peur pour lui. Ce sentiment le prit rapidement aux tripes, et pendant ce qui sembla être une éternité, il eut envie de vomir.
Il continua pourtant à serrer les dents, et l’envie passa.
La peur, quant à elle demeura.
Il avait peur pour lui, mais aussi pour son cadet.
Il avait peur pour eux deux. Et ça sonnait comme le début de la fin.  
Qu’allaient-ils faire, si personne ne croyait plus en ce qui les unissait ? Si aucun des deux cœurs maladroits ne voulaient plus tenter de réparer l’autre en dépit de ses propres blessures ? Qu’allait-il advenir des échoués Cailloublanc ? Aujourd’hui, ils avaient été plus cendres que rocs.      
"Laisse-moi." murmura-t-il d’une voix si lointaine qu’elle ne lui parut pas tout de suite lui appartenir. Pourtant c’était bien lui qui avait cassé le silence entêtant des lieux, avec l’aide de Cinead qui essayait tant bien que mal de lui redonner un sourire qu’il avait perdu quelque part entre les coulisses du château et celles de sa propre vie. Son chien venu lui quémander quelques marques d’affection volées, il le repoussa une seconde et demie avant de le laisser passer sa tête entre sa main et son genou, sa truffe humide lui chatouillant la paume avec une tendresse involontaire qui le fit déglutir difficilement. C’était si facile pour un être à prime abord inférieur aux humains, mais qui recelait de tellement de bonté que toute la race humaine aurait du prendre exemple sur lui. "Sale entêté." continua Elis, du vague à l’âme. Un petit sourire triste pointait tout de même dans son ton lorsqu’il songea que cette bête n’abandonnait jamais, quel que ce soit l’obstacle auquel on le confrontait. Une qualité que le forgeron ne pensait pas posséder. Il fallait simplement le voir pour y croire, ici même, la voix enrouée de s’être déchaîné sur un rien qui lui minait le cœur, l’esprit embrumé par les larmes qu’on pouvait facilement desseller à l’intérieur de ses yeux, le regard complètement paumé, parce que c’était ce que reflétait ce dernier : La situation dans lequel son porteur se trouvait. Il fallait aussi entendre les mots de son frère, résonnant dans sa tête reposée sur le dossier de son siège pour comprendre le pourquoi du comment. C'est vrai, tu es si intouchable, si parfait que tu ne sais même pas ce que tu veux. Pardon, vraiment, je suis un obstacle à tout ce que tu souhaites. Et son ton. Il fallait l’avoir entendu. Ce ton qui aurait fait frémir la plus brute des espèces animales. Alors qu'attends-tu pour me transpercer de toute part ? Pour te débarrasser de moi ? TOI, OH ELIS qui n'a rien à se faire reprocher, tu devrais le faire, là, tout de suite, en me regardant dans le blanc des yeux. Il ne l’avait pas fait. Il n’avait ni utiliser Aquilon, ni ne l’avait regardé dans le blanc des yeux. Parce que l’un était impensable, et l’autre infaisable. A savoir lequel de ces termes convenait le mieux. Même lui l’ignorait. Et c’était horrible. C’était le pire. Les pensées enfouies si profondément dans un esprit qu’on n’aurait jamais cru qu’elles pourraient un jour refaire surface. Mais elles ne s’étaient pas privé pour, et avaient entrepris de tout dévaster sur son passage en posant des questions qui ne devaient surtout pas être posées.
Si Poucet ne l’était pas, heureux, Elis l’était-il avec son frère ? Etait-ce lui, le problème, finalement ? Le Grand Problème du sixième fils Cailloublanc ?
Elis se mit à se haïr en pensant à cette énormité. Il aurait du ne jamais s’approcher des points sensibles de son petit frère. Car ses paroles blessaient. Il ignorait que ses mots pouvaient être aussi tranchants que la lame que lui avait offert son frère.
Non, il le savait pertinemment.  Et il désirait lui-même le faire douter sur ses propres sentiments, parce que c’était l’une de ses particularités, celle de ne pas accepter l’amour qu’on lui donnait sous prétexte qu’il ne le méritait pas, ou qu’il ne savait quoi en faire, ou encore qu’il allait le détruire.
Un soupir tremblant sortit d’entre les lèvres du forgeron, et il se prit à détourner son regard du vide qui l’habitait pour observer son chien. Ses yeux canins étaient fixés sur lui. Ceux de son maître se dirigèrent vers Aquilon, sur le sol. Elle le regardait aussi. Ils attendaient tous les deux une réaction de sa part. D’habitude, Elis ne restait pas aussi inerte si longtemps. Qu’il hurle, frappe, fonde en larmes, aille se coucher. Il ne mit que quelques douloureuses secondes à se relever, et finalement décidé attrapa la lame qui était sur son chemin et sortit avec un tel empressement que Cinead eut du mal à suivre le mouvement. Pourtant ils furent deux à se diriger rapidement à travers les rues de Fort fort lointain, encore actives bien que la nuit était déjà tombée depuis quelques temps. C’était déjà le soir. Le roux en fronça les sourcils d’étonnement. Il aurait cru qu’une poignée de sable s’étaient écoulés dans le grand sablier depuis qu’il avait menacé de se briser sous les paroles de Poucet. Tu es si intouchable. Je suis un obstacle. Oh elis qui n’a rien à se reprocher.
Oh Elis qui n’avait non pas rien, mais tout à se reprocher, ce qu’il faisait avec une telle hargne de forcené qu’il en avait manqué de s’arracher les phalanges – ce qui n’était rien sur l’instant. Ce qui n’était toujours rien, d’ailleurs. Parce que seul Poucet demeurait. Et que s’il n’arriverait rien à lui dire, il avait tout de même quelque chose à lui rendre.
Arrivant rapidement – trop rapidement – à son but, il monta les marches qui le menaient à son frère. En toquant doucement à sa porte, il se remémora Aquilon, en travers de sa gorge, avant de chasser cette idée de son esprit.
Poucet n’avait pas besoin de cette lame pour le tuer.
Et puis il s’en irait vite, de toute manière. La proximité faisait court-circuiter les cœurs.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyDim 16 Nov - 1:40




Elis et Poucet
Tout ce que je sais... C’est que des fois, tu me manques tellement, que j’ai envie d’en crever tant ça fait mal...

La souffrance se présente par bien des manières. Des larmes, des hurlements, des silences qui durent et ne se terminent jamais. Chez Poucet ça tangue, ça danse, c'est endiablé, ça passe par plusieurs stades qu'il ne veut plus connaître et reconnaître, tout bonnement parce qu'il ne supporte pas s'effondrer. Alors, il essaie d'être fort, de faire une mine de façade, impassible pour faire gober au monde que son coeur n'est atteint que par très peu de choses. Y'a pourtant certains faits indéniables pour lesquels il veut bien tomber, dire qu'il en a marre, quelques secondes durant. C'est pas si mal d'être faible finalement, c'est les nerfs qui relâchent, toute cette pression posée sur les épaules qui s'écraser en peu de temps. Il est seul dans son appartement pas bien grand, Aldred étant dans son coin les yeux clos à ne chercher aucune manière d'embêter son maître qui il le sait, craquera bientôt. Déglutissant difficilement, les pensées taraudent son esprit, bon sang ce qu'elles font saigner son palpitant qui voudrait cesser de battre. Alors quoi ? C'est ça vivre ? Se donner la peine de subir des évènements qui ne devraient pas avoir lieu ? De se prendre des phrases en pleine poire qui font chouiner autant qu'elles peuvent faire naître un large sourire ? Se dénigrant plus que convenu, tout son être surchauffe, ses mains tremblent, il n'a plus Aquilon à sa ceinture. Une partie de son être manque. Un être lui manque dans sa totalité. Il voudrait s'excuser, lui dire à quel point il est désolé d'avoir agi ainsi, c'est juste que ça sort pas, qu'il est plus capable de sa grande empathie, qu'il ressent sans pour autant pouvoir faire sortir ce qui lui crève l'estomac. Elis lui manque. La complicité lui manque. Tout lui manque. Si bien qu'il pourrait en crever à l'instar d'un bâtard pestiféré qui attend son heure dans le caniveau, laissé pour compte, injurié parce qu'il est resté ce qu'il est, pour tout son désenchantement, son univers se casse progressivement et joyeusement la gueule. Un autre bout de terre vient à lui dire adieu. Une autre partie de son âme vient à filer par le biais de ses lèvres qui se mordent, s'arrachent, si bien qu'il sent une goutte de sang réveiller les papilles de sa langue. Et il voit trouble, il voit flou, la panique s'empare de son être tout entier, il ne contrôle plus ses os qui se décochent, jouent entre eux pour le rendre aussi cinglé que possible. Qu'on lui foute la paix. Qu'on le lâche. Il n'a rien demandé, même pas à être aimé. Il ne se considère pas comme étant la bonne personne à qui donner son coeur sur un plateau d'argent. Il est la mauvaise. Celle qu'il faut éviter. Celle qu'Elis cherche à tout prix. Pourquoi il s'embête ? Il aurait dû le savoir, depuis longtemps qu'il était pas fait pour lui offrir ce bonheur tant attendu. Il aurait dû le remarquer, ce jour de pluie où Poucet encore tout jeune, avait eu la bête idée d'enterrer des oisillons tombés d'un nid en lambeaux, près de leur vieille maisonnée, quand encore leurs parents ne souhaitaient pas se débarrasser de la fratrie. La mort, à six ans, il aurait pas dû connaître sa définition, et il peut encore sentir ses traits se déformer, à la mine qu'il avait tirée lorsqu'il avait remarqué une tignasse rousse s'approcher de son petit sanctuaire. Par la barbe de Merlin, qu'il s'était senti ridicule à souhait, tassant la terre pour donner un enterrement digne de ce nom à ces animaux qui venaient de pointer le bout de leurs becs. Ils avaient parlé, un temps seulement, le cadet avait retrouvé le sourire quoiqu'un peu maladroit, et ç'avait suffi à son aîné qui l'avait pris dans ses bras, avait compris qu'il ne le faisait pas exprès. Il était ainsi, c'est tout. A force de sales boutades, d'une répétition de qualificatifs peu flatteurs, il avait fini par y croire du plus profond de son coeur. Qu'il n'était qu'un moins que rien, un pauvre crétin en quête d'argent qu'il n'aura pas, qu'il n'était qu'un petit homme inutile qui ne ferait rien de son existence. Un type dans toute cette foule avait bien voulu croire en lui. Elis Cailloublanc, depuis plus de vingt ans avait misé sur le mauvais cheval. Qu'il s'en veut, qu'il se hait en cet instant, sentant un hoquet lui traverser la gorge il se laisse lamentablement tomber sur sa couche, ayant pris soin de balancer son baluchon plus loin dans la pièce. Il a besoin de son frère. Peu importe ce qu'il veut penser, ce qu'il se butte à vouloir songer. Il a besoin de lui. A l'instar de l'oxygène qui fait gonfler ses poumons, du sang qui palpite dans ses veines ou de son épée forgée qui lui apporte le peu de force qu'il n'a pas. Il voudrait qu'il soit là tout le temps. Qu'il prenne sa main lorsqu'il doute, qu'il cesse de voir en toute chose la peur, qu'il puisse avoir une bonne fois pour toute confiance en lui. C'est pas qu'il l'aime pas. C'est qu'il l'aime trop. C'est ça le pire dans cette tragique engueulade qui aurait pu bien mieux se terminer. C'est que malgré les termes utilisés pour le rendre ainsi, il ne lui en veut pas totalement. Il sait qu'il a raison, il sait qu'Elis le grand de ces dames, le tombeur de tous, le forgeron tant apprécié par les guerriers a une part de sincérité à laquelle il ne déroge que très peu. L'un dans l'autre ils se foncent dedans, ils veulent se tuer pour mieux se retrouver ailleurs, dans une autre existence qui sait, là où les étoiles ne s'éteignent jamais, là où ils pourront s'assoir dans l'herbe, se prendre la main, se la serrer et rire à gorges dévoilées sans raison apparente. Pour le moment, seules les larmes se fraient un chemin sur son visage. Elles brûlent, elles crament, sont désagréables et toute l'amertume de cette bile retenue durant leur altercation vient à remonter. Il pourrait vomir de mal-être, pas celui des autres, bien sûr que non.
Le mal de lui.
Qu'il se sente pas coupable le bouclé aux yeux clairs, qu'il n'imagine pas avoir participé à ce massacre interne qui le rend aussi pitoyable qu'une guerre qui ne devait pas avoir lieu. Personne n'est fautif. Il est l'ultime commanditaire de cet assassinat, le marmot qui résidait en son coeur gît actuellement à la recherche d'une aide qui ne veut guère passer le pas de la porte. Il attend. Il refuse. Une main tendue qu'il rejette d'un côté, de l'autre. Enflure. Pourriture. C'est ce qu'il doit être. Finalement, son frère a raison, il est un obstacle à tout ce qu'il désire. Il devrait prendre un couteau, se le planter dans l'estomac et patienter, agonisant parce que c'est ce qu'il mériterait comme peine, celle d'entendre ses secondes s'effilocher dans les airs, le tic-tac répétitif d'une horloge qui se fera de plus en plus lointaine, tout en caressant le page de son chien blanc. Inspirant profondément, même l'air lui fait un mal de chien. Faible. Faible. Faible. Au bout du rouleau, des plaintes résonnent dans l'habitation, si bien que des pattes viennent à se joindre à cette ombre effacée pour la consoler. Il se faufile dans ses bras, se jette sur son lit, frôle sa truffe contre son front. Le réconfort. Pauvre Aldred qui fait de son mieux, tout en sachant pertinemment qu'une seule personne pourrait le sortir des ténèbres. Sa lumière délicate elle a un prénom. Elle a aussi un visage. Un petit nez, un timbre de voix qui pourrait en impressionner plus d'un, une tignasse indomptable ainsi qu'un coeur grand, si grand. Bon sang, à le décrire il ne pourrait même pas le faire, tant sa taille dépasse l'entendement. Il donne trop, sans demander en retour. C'est son plus grand défaut, accompagné d'une qualité, les deux se mêlent, offrant un résultat qui laisse perplexe. Je voudrais être comme toi, avait-il marmonné un jour alors qu'il s'enfonçait dans ses larges bras. Un énième sanglot, il pourrait s'étouffer dans toute cette flotte qui lui déforme le visage. Jusqu'à ce qu'il entende toquer. Passant une main sur ses lèvres pour arrêter tout son, il se redresse, arrange sa dégaine pitoyable, ses yeux rougis à souhait démontrant une peine si immense, qu'elle ne peut être apaisée pour l'instant. Une envie de tout dégobiller, un instant de doute, jambes en coton il se traîne jusqu'à la porte d'entrée, son ami à quatre pattes le suivant de près - certainement de peur qu'il s'enfonce dans les entrailles de la terre. Secouant sa tignasse charbon, reniflant pour se donner meilleure mine, il ouvre la porte grinçante, croisant ses bras sur son torse la seconde d'après. Faut qu'il tombe sur lui. Elis il est toujours là. Il lui avait juré quand il était plus petit, quand parfois lorsqu'il avait peur, il se glissait dans ses draps, quand il cauchemardait, quand le croque-mitaine s'emparait de ses idéaux enfantins se résumant à des licornes, des dragons, de la chevalerie. Il veut plus devenir un preux garçon en armure sauvant sa princesse à la chevelure dorée, il ne sait pas ce qu'il souhaite, il ne sait plus. Inspirant profondément, il recommence à torturer sa lèvre inférieure qui se remet à saigner. D'un mouvement de main, il balaie cette apparition écarlate bien trop révélatrice de son état actuel. « Tu es enfin venu m'asséner le coup de grâce ? » Voix brisée, aussi délicat que le battement d'ailes d'un papillon, tout est une question de retenue. Ne plus le faire devant lui. Ne plus redevenir comme avant. « Je ne bougerais pas, si vraiment je suis une entrave à tes rêves, n'hésite plus. » Parasite. Inutile. Bon à rien. Clébard galeux. Pardon. Bon sang que ça lui titille la bouche, lui faire des excuses. Sauf que sa fierté lui en empêche - c'est pire que la fièvre, chez les Cailloublanc on se refile l'entêtement de générations en générations -, qu'il l'assassine au lieu de lui supplier d'entendre ce qu'il veut. Pardon mon frère. Pardon mon tout. Pardon d'être une raclure. Pardon d'avoir essayé. Essayé quoi ?
Essayé de faire un peu comme toi.
Essayé d'être un type bien.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyDim 16 Nov - 18:10




Poucet et Elis

les larmes qui brûlent sont aussi celles qui consolent

Il avait frappé trois coups. Le premier pour les regrets, le second pour les remords, le dernier pour l'amour qu'il portait à son frère, malgré toutes les épreuves qu'ils avaient enduré, chacun à des stades différents mais pourtant toujours ensembles, parce que c'était ainsi et que ce ne serait jamais autrement. Les frères Cailloublanc marchaient en parallèles sur un même chemin semés d'embûches, et si leur trajectoire allait parfois à l'oblique, l'un comme l'autre s'occupait de la rendre comment avant. En y arrivant toujours, parce que leur route était déjà tordue à leur naissance. La faute à pas de chance, auraient dit certains, puisque c'était des mots simples à prononcer quand on en ignorait tout le sens. Elis avait pourtant toujours l'impression qu'il l'avait eu, la chance. Ou du moins qu'il avait Poucet, ce qui revenait au même à bien y réfléchir. Sans Poucet il serait mort. Sans Poucet il ne se serait remis de rien. De l'ogre à la fée, du jour à la tombée de la nuit. Alors qu'en sa compagnie, il avait pu se relever puisque c'était son devoir, et que si son petit frère l'avait aidé, Elis s'était remis à flot pour lui. 
A présent les voilà qui se déchiraient. Terminé les sourires complices, envolé les rires communicatifs. Ils étaient grands, maintenant, alors ils n'avaient plus besoin des autres pour se mettre plus bas que terre. Ils se débrouillaient seuls. Mais ensembles. Toujours. A cet instant même, le forgeron aurait tellement voulu que non. Pourtant c'était ce qui se déroulait sous ses yeux embrumés, avec une telle force qu'il pouvait bien y mettre tout son cœur, il n'arriverait plus à se duper lui-même. Ils avaient piétinés leur âme d'enfant, ils avaient marché sur leurs palpitants comme des guerriers assoiffés de sang et aveuglés par la folie guerrière, pourtant convaincu qu'ils avaient tous les droits de réduire leur monde en cendres pour des causes qu'ils avaient tous deux épousés, alors que rien n'autorisait leur ennemis à le faire. 
Elis aurait du s'observer un peu plus longtemps dans le miroir révélateur avant de balancer à bout portant des paroles aussi caustiques, qui lui brûlaient encore la gorge alors que cela faisait déjà quelques heures quelles avaient disparues dans les profondeurs abyssales du château, suivies par les gestes du cadet entrainés par cette série d'énormités qu'il regrettait à présent. Il aurait alors compris qu'il avait été une fois de plus un peu trop impulsif, et que reprendre son calme au lieu d'envenimer les plaies béantes de son frère aurait été bien plus adulte que de tout prendre personnellement tel un damoiseau de quinze ans. Ce n'était pas Poucet le problème, finalement. Lui, il essayait juste de vivre. Et il avait été tant malmené, tant mis en miettes, sacrifié durant des année que même ses ennemis ne pouvaient lui en demander plus.
Elis, c'était son pire ennemi. Son ennemi juré, celui qui lui collait à la peau. Il se devait donc de le laisser mener son existence comme il l'entendait au lieu d'essayer de tout régir, de l'aider à se sortir d'une léthargie où il le poussait lui-même. Mais il ne pouvait s'en empêcher. On n'arrivait jamais à se détacher de ce qu'on était réellement, et dieu savait ce que le forgeron était, et surtout avec son cadet. Protecteur. C'était plus qu'un devoir de grand frèrec'était la facette laissée telle qu'elle d'Elis Cailloublanc. La brute. La seule. Toutes les autres, il les avait polies au fil que le temps passait et trépassait, devenant un être décemment plus logique que l'adolescent irrationnel et trop rêveur qu'il avait été, s'attendrissant lui-même tandis que les années s'écoulaient, impassibles, le faisant évolué complètement. Sauf sur un seul et unique point. Un point qui pouvait s'apparenté à une véritable qualité, et qui rassurait les plus faibles parce qu'il en fallait, des protecteurs dans son genre. Le monde en avait besoin, de personne qui s'occupait plus d'autrui que d'eux-même, quitte à y laisser des plumes. Pourtant chez lui, plus il y pensait et plus il songeait que ce point le façonnait du tout au tout, et était devenu un travers plus qu'un don des cieux. Bien entendu, qu'Elis n'était pas des irréprochables. Lui aussi était un être un peu trop imparfait car humain. Et s'il se plaisait à regarder haineusement les assassins, il n'était pas non plus à aduler. Parfois, c'était à celui qui nous disait bonjour tous les matins avec le sourire qu'il fallait jeter la pierre. Parce qu'on ignorait ce qu'il pouvait cacher sous ses beaux airs. Le passé qu'il avait enfoui, comme Poucet, la rancœur qu'il vomissait, les défauts qu'on ne voyait que quand on le regardait de plus près, quand on prenait la peine de gratter un peu sous la surface factice. La belle vie qui n'en était pas. Ses petites fossettes qui dissimulaient les hurlements et les mots meurtriers.
Elis, il tuait avec son amour. Son amour métamorphosé en travers. 
Parce que c'était ce qu'était l'amour, après tout.

Lorsque la porte s'ouvrit finalement, laissant la place à un fantôme de frère mort, il se rendit compte de tout le mal qu'il avait causé. C'était des choses difficiles à remarquer, et non pas moins à cacher. Mais quand on le voyait, le défaut dans la cuirasse, il n'y avait plus que cela qui importait. Surtout quand il était inscrit sur un visage aimé. Et aucun visage n'était pour lui plus aimé que celui de son petit frère. Il déglutit avec difficulté, et osa à peine le regarder, lui et ses yeux rougies - cela lui rappelait trop leur enfance pour être accepté par son système nerveux, comme des piques glacées qu'il lui transpercerait le corps de part en part. Il se remémora les nuits cauchemardesques, où Poucet se réfugiait vers Elis parce que pour lui il n'y avait pas d'endroit plus sûr au monde qu'entre ses bras. En réalité c'était son être entier, échoué devant l'entrée qui lui faisait songer à un passé mis de côté, car trop doux, trop horrible, trop présent à la fois. C'est ainsi qu'il regarda le néant au lieu de ces prunelles qui lui coupait le souffle, mais pût tout de même apercevoir l'éclat vermeille qui parsemait ses lèvres puisqu'il était si pâle que cela se voyait comme la pleine lune une nuit dégagée. Qu'il se détestait dans des moments comme celui-ci. "Tu es enfin venu m'asséner le coup de grâce ?" Ils étaient pitoyables. L'un comme l'autre. Et ils se donnaient en spectacle sur le pas de sa porte, comme un couple qui se déchirait sans s'occuper du reste. C'était ainsi, quand on aimait trop. Rien d'autre n'avait d'importance. Même pas notre existence. Parce qu'on ne s'aimait pas forcément, ni l'autre, juste ce sentiment dévastateur et pourtant salvateur. Elis l'avait connu. Quelques fois, sous plusieurs formes, et ne s'en était remis qu'avec l'aide de celui qui le rendait aujourd'hui plus misérable qu'il ne l'avait été avec tous ses amours combinés. "Je ne bougerais pas, si vraiment je suis une entrave à tes rêves, n'hésite plus." Il était aussi borné que lui. Le monde avait souvent à faire à des idiots dans ce genre là, qui ne pouvaient s'empêcher de faire du mal pour prouver quelque chose qui échappait à tous. Du mal aux autres ou à soi même, ils choisissaient. Poucet avait fait le choix de se dénigrer, quant à Elis il s'occupait de l'empoisonner. Et tout ce qu'il faisait pour lui, jusqu'à ses cadeaux causaient ses malheurs.
Il eut envie de pleurer pour son frère. Lui qui n'avait rien demandé mais qui avait tout reçu de la part d'un Elis qui donnait tout, mais mal. Un Elis qui ignorait ici quoi faire, ce qui n'était pas commun puisque avec son cadet il savait toujours quel mot employé, quel geste utilisé, quel baume appliqué. Les cauchemars éveillés l'avait trop fait réfléchir et à présent il n'osait même plus faire ce qu'il aurait trouvé tout à fait normal une journée auparavant. 
Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.
Inspirant longuement, comme s'il doutait de l'utilité de l'effort, il finit par relever les yeux vers lui. Ses jambes décidèrent d'elles même de rétrécir les quelques mètres qui les séparait, et face à face, il le regarda de ses yeux un peu trop humides lorsqu'il pointa l'épée sur sa personne qui semblait ici faite de chimère. D'un mouvement sec il replaça la lame dans son fourreau, ainsi Aquilon revint là où elle devrait toujours se trouver : A la ceinture du Petit Poucet. Les lèvres pincées, le regard aimanté à l'autre, Elis pût enfin respirer un peu plus convenablement. "Tu avais oublié ceci. " dit-il dans un souffle, au bord du précipice. Il se raccrocha à lui afin de ne pas s'écrouler définitivement pour ne plus se relever, et ses bras vinrent agripper ses épaules sans trop savoir s'il réclamait son aide ou s'il voulait le protéger du mal qui les entourait. "Allez, on arrête de dire des bêtises, par pitié Poucet, on arrête tout ça. C'est idiot. Je suis idiot. Et je ne veux pas de ça, pas avec toi." murmura-t-il, trop proche pour que leur cœurs en sorte indemne. Tant pis. Si ses mots murmurés avaient le goût des larmes, leur étreinte, elle, avait le goût d'avant. Et c'était si bon, sur l'instant. Bon comme le dernier repas du condamné. Ce n'était plus que cendres. Mais ça réchauffait un peu. 
Regarde-moi, Poucet. C'est moi le condamné. Je suis le condamné de mon propre amour pour toi, et je m'en veux de t'avoir désigné comme coupable alors que tu n'es que le martyr de l'histoire.
Et que nos rôles s'inversent, et qu'ils s'entremêlent comme ils se détruisent. 
Et que si ça fait mal d'être toi, c'est pareil pour moi.

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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyVen 21 Nov - 17:14




Elis et Poucet
Tout ce que je sais... C’est que des fois, tu me manques tellement, que j’ai envie d’en crever tant ça fait mal...

Ils n'ont plus les apparences, même plus la bienséance. La douleur, c'est tout ce qu'il leur reste. A quoi bon se cacher quand il est possible d'exposer au grand jour ce qui ne va pas ? A quoi bon rester derrière une pierre immense pour ne pas frôler le soleil du bout des doigts ? Le bonheur, ils peuvent l'avoir, c'est un fait indéniable, après tout, tout ce qui entoure ce sentiment peut être accessible par l'homme et les êtres qui peuplent Fort Fort Lointain. Quelque part, ils doivent simplement être cette exception qui dérange, démange, gratte sous la peau si bien qu'on en vient à se l'ouvrir pour dévoiler les muscles. Un on-ne-sait quoi cloche chez eux, c'est pas si évident à voir en une oeillade, pourtant plus on s'y attarde, plus ça devient une logique impossible à changer. Sous sa carrure de forgeron parfait, Elis cache bien des blessures que seul le cadet connaît - car même s'il n'a pu totalement les soigner, il les aide à cicatriser au fil du temps, sauf que depuis des années il les réouvre, sans même s'en rendre compte. Il fait pas attention Poucet, il est pas très doué en ce qui concerne le coeur des autres. Il veut en prendre soin, il en est convaincu, de toute sa bonne volonté il veut dorloter ce qu'on lui met entre les mains, toutefois et c'est avec une certaine gaucherie attendrissante - ou désespérante - qu'il effrite l'organe saignant. Il s'en veut, il se déteste pour ça, alors c'est pour ça qu'il se décide à reculer, de fuir ceux qui veulent lui donner un surplus d'amour qu'il ne pourrait contrôler. Enfant, il savait comment faire, petit il était la joie de vivre incarnée, il ne se démontait pas, se relevait quoiqu'il puisse arriver parce que tant qu'il y avait Elis Cailloublanc dans son monde, il se portait comme un charme. Avec lui, il se sentait capable de traverser des montagnes, de boire des océans et de survivre à un désert aride. Oui, finalement quand on est enfant ce qui est plutôt appréciable c'est de ne soucier de rien, de se dire que la mort peut être contrée quand un proche est à nos côtés. C'est ce qu'il croyait du plus profond de son âme, ses prunelles pétillaient grâce à ce fait plutôt crétin. Jusqu'à ce qu'il croise la route de l'ogre, jusqu'à l'abandon, le retour en fanfare apprécié seulement pour les schillings qu'il avait entre les pattes, les botte de sept lieux, le messager et enfin le déclin. Le long, le lent casse-gueule qui a poussé le maître d'armes à sa propre perte, attrapant sans même le désirer ceux qui ont connu cet enfant crédule au sourire d'ange. Il peut comprendre qu'il lui manque, lui-même avouerait regretter cette période où tout était sujet à la fascination, à l'émerveillement. Pour peu il disait que son aîné était un magicien, ses paroles étaient belles ainsi que ses gestes, surtout quand il le défendait, il prenait des allures de grand Prince à la rescousse des plus faibles - au fond de son coeur, le plus jeune le sait, il a ce petit truc qui fait de lui un bourgeois à l'armure dorée, un grand homme au regard juste sur cet univers qui le dépasse. Si Poucet n'avait pas changé si radicalement, aujourd'hui l'appellerait-il peut-être autrement ou se conduirait-il de manière plus appréciable qu'une véritable explosion de larmes. S'il déteste être dans un état de faiblesse, il supporte d'autant moins faire souffrir le seul qui a bien voulu lui apprendre tout ce qu'il sait actuellement. A dire vrai, marmot il était même très curieux, si bien qu'il demandait tout ce qui lui passait par la tête à son frère, souhaitant qu'il lui apprenne à chasser, à pêcher ou encore à se battre comme les adultes le font - qu'il disait en sautillant sur ses minuscules jambes -, apprends-moi. C'était sa phrase fétiche parmi tant d'autres, elle se répétait des jours durant, quand le soleil se levait, quand il retombait et même lorsque la terre menaçait de disparaître sous leurs petons bambins. Apprends-moi. Que doit-il lui enseigner maintenant ? Aimer, sans aucun doute. Cling. La lame frotte contre le fourreau en cuir, dans un silence glacial qui pourrait faire penser à un cimetière. « Tu avais oublié ceci. » Bien sûr, Aquilon et sa belle dégaine argentée, son claquement agréable lorsqu'elle atteint la peau de quelqu'un, son frétillement unique lorsqu'elle doit être retapée par son créateur. Oublié est un faible mot, donné serait plus juste. Néanmoins, et pour ce coup, Poucet n'a pas la force de se battre contre cette entité qui a l'air imperturbable. Vu ainsi, Elis est sans rien de bien mirobolant en lui, à se demander s'ils n'ont pas échangé les rôles entre-temps. L'un chouinant et l'autre venant à sa rescousse, c'est qu'en plus ça lui donne l'amertume du passé qui remonte royalement dans sa gorge. Bon sang, il le hait pour ça. A chaque fois qu'il pose son attention sur lui, y'a tout qui lui remonte à la gueule, ses regrets, ses bêtises, ses énervements autant que ses plus beaux gloussements. Elis c'est un prénom tout ce qu'il y a de plus banal, quoiqu'il n'ait encore jamais croisé d'autre Elis dans la capitale, malgré tout, ça signifie beaucoup pour lui. Suffit de lui dire pour qu'il se sente tout chose, que son estomac se torde, que la panique se lise à peine dans ses prunelles sombres. Toucher à son frère, c'est le toucher aussi. Il ne supporte pas qu'une autre personne puisse le toucher, le faire souffrir alors qu'il mérite tellement mieux. Alors s'il s'avère qu'il est le seul constructeur de cette architecture du démon, pourquoi continuer à rester là ? Il veut peut-être la paix, il veut peut-être la guerre. Il ne saurait le dire. En cet instant, le combattant n'a plus la force de réfléchir, ayant la sensation que sa matière grise va lui dégouliner par les oreilles. Tout se liquéfie, tout fond.
Elis est mauvais pour sa santé.
Il est maladie, poison et élixir à la fois. Il devrait se poser des questions, sortir de son existence tout en ayant eu la bonne idée de lui frapper sur la tête pour qu'il puisse s'effacer des calvaires qu'il a vécu dans des petits instants uniques qu'il voudrait revivre un jour. Ils sont loin, tellement loin. Quand ils cherchaient des bestioles dans la rivière non loin de la chaumière, quand ils s'enchantaient de pouvoir admirer des lucioles dans la forêt, quand ils regardaient à travers la fenêtre les étoiles, en pointant une pour dire qu'il l'offrait à l'autre. Ils étaient si godiches que c'en était détestable à souhait. Ce devait être pour ça aussi, que les cinq autres ne pouvaient rester plus longtemps dans la même pièce avec eux. Ils toléraient Elis, parce qu'il était la tête rousse du troupeau de moutons noirs, qu'il avait une maturité étonnante pour son âge et surtout parce qu'il avait la force de tenir une hache pour couper du bois. Poucet il était incapable. Il arrivait même pas à tenir une bûche exactement sans se retrouver cul sur terre, un genou égratigné par la même occasion. Et quand ça arrivait, son aîné était le premier à l'entendre, à venir le relever tout en soufflant un sourire aux lèvres qu'il pouvait le faire. Elis avait après tout passé plus de la moitié de son temps à lui expliquer que rien n'était impossible, que tout l'était à partir du moment où on voulait bien se donner la peine d'espérer - ne serait-ce qu'un peu. C'est grâce à lui qu'il en est là, qu'il est certes aussi glauque que les ruines d'un château fort, néanmoins sa force il l'a acquis avec des principes qu'il lui a inculqués. Il lui doit son éducation, ainsi que sa capacité d'être une tête de mule. « Allez, on arrête de dire des bêtises, par pitié Poucet, on arrête tout ça. C'est idiot. Je suis idiot. Et je ne veux pas de ça, pas avec toi. » Il se rend pas compte sur l'instant, totalement pris au dépourvu. C'est chaud, ça fait du bien, c'est plaisant, ça fait piquer ses globes oculaires qui ne veulent plus sentir de larmes rasoirs leur couper les nerfs. Ses bras autour de lui, le champion de la fée se disait toujours qu'il pouvait être plus grand que n'importe qui. Cependant, il est petit, tout petit collé contre lui, à pas vouloir s'en dégager. Si, bien sûr, ce serait mal le connaître sinon. Faiblement il cherche à le repousser en fronçant les sourcils en marmonnant. « LÂCHE-MOI. » Une fois, Elis est sourd.  « Lâche-moi. » Deux fois, Elis ne veut pas l'écouter.  « Lâche-moi... » La troisième fois c'est la bonne, il serre d'autant plus le plus jeune dans ses bras ne voulant qu'il s'en extirpe. Pour la plus grande peine dans tout son corps, il en frissonne, son front se cale sur son épaule dans un soupir grandiloquent. Il se sent revivre entre ses bras. Il se sent juste bien, là, il voudrait plus s'en dégager, il voudrait plus l'envoyer dans les roses. Il profite du peu de répit qu'il lui propose, sachant pertinemment que cet instant ne sera que de courte durée. Ses bras restent le long de son corps, toutefois sa respiration le trahit. Quelque peu tremblante, animale, le comparer à Aldred après avoir couru ne serait même pas abusif. Le Petit Poucet. Son surnom rabaissant n'a jamais eu autant de sens. Paupières closes, plus rien ne sort, le calme s'installe petit à petit dans son corps qui reprend une respiration régulière qui s'écoute, s'entend, il pourrait jurer que son chien plus loin tend l'oreille pour s'assurer que son maître n'a pas succombé au baiser de la mort. Pinçant sa lèvre inférieure à nouveau, il grimace en sentant que ça le tire. Flûte, il a oublié qu'il avait saigné y'a même pas deux minutes à force de vouloir s'énerver sur lui-même. Allez, faut qu'il le dise. Je suis désolé. Je. Suis. Dé-so-lé. C'est que trois mots, quelques lettres en plus, c'est pas si compliqué. Ouvrant sa bouche, dissimulé contre son âme soeur ça sort pas. C'est bidon à s'en marrer. Mais ça sort pas. C'est muet, c'est sourd, c'est aveugle. « Arrêter quoi ? Tout a commencé le jour de ma naissance, et jusqu'à ma mort ce sera ainsi. C'est toujours plus facile de le dire que de faire son possible pour que ça s'arrête. Et tu le sais Elis, bon sang tu le sais. Pourquoi tu continues de te battre ? Hein ? » Pourquoi il laisse pas tomber les armes comme lui ? Pourquoi pour une fois, il s'avoue pas vaincu par les coups du sort ? Que le destin n'est pas de leur côté et qu'ils sont destinés à se détruire jusqu'à ce qu'ils se retrouvent sur une autre terre, là où l'herbe est plus verte, là où les horreurs ne sont qu'un lointain souvenir. Un rire sec, lugubre s'échappe de sa bouche blessée. « On ne peut pas, on doit juste... apprendre à s'en accommoder. » Se lovant un peu plus contre lui, à l'instar d'une couche dans laquelle il pourrait dormir, là c'est différent. Il est bercé par les battements du palpitant de son aîné qui est si doux qu'il pourrait presque avoir l'impression de l'avoir entre les doigts, ne claquant que pour lui, existant juste pour celui qui joue l'enfant alors qu'il est coincé dans un corps d'adulte. Déglutissant difficilement, ses larmes cristallines sont ravalées. Il ne doit plus jamais le voir ainsi, jamais.  « C'est notre malédiction, notre damnation, notre fatalité. » La notre oui, parce qu'elle appartient à personne d'autre dans cette maudite capitale. Elle est à eux. Eux deux. Y'en a pas un plus haut que l'autre, il sont dans le même merdier, le sublime foutoir qu'est leur sablier qui s'écoule progressivement. Ils sont nés pour se mettre sur la gueule comme revenir l'un vers l'autre, ils sont nés pour se détruire, ils sont nés pour s'étouffer avec leurs sentiments contradictoires. Quand l'un est pas capable de dire je t'aime, l'autre justement le dit trop. L'antipode, les extrêmes, les pôles qui devraient pour le bien de l'humanité, rester à une distance considérable l'un de l'autre. Ce serait trop en demander pour eux. Peut-être qu'ils sont faits pour s'entre-tuer, toutefois il sont aussi venus ici pour se tendre la main - y'a que dans la fin qu'on peut demander pardon. Et puis, quitte à partir autant le faire de cette manière.
Pour faire croire que tout va bien.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyDim 7 Déc - 15:02




Poucet et Elis

les larmes qui brûlent sont aussi celles qui consolent

Il voulait arrêter oui. Il voulait arrêter tout ça, cette destruction qui ne menait nul part, parce que quand on avait tout mis à feu et à sang, que nous restait-il pour vivre ? Des morceaux de rien. Des bouts de chairs calcinés, des cœurs inutilisables qui faisaient toujours mal, parce que cette sensation ne s'arrêtait pas, même quand c'était fini. Elis l'avait appris. On n'en finissait jamais avec la douleur. Après dix ans, elle mordait encore avec autant de force que quand on l'avait ressenti pour la première fois. Avide, vicieuse, vision d'horreur qu'on effleurait du bout des doigts une fois, deux fois, jusqu'à ce qu'elle se glisse dans la peau pour toujours, la martyrisant, laissant ça et là des côtes cassées, des cheveux arrachés, des yeux noyés dans les larmes, et des songes trempés dans un océan de noirceur que Poucet s'était approprié, en pensant que c'était lui qui avait créer tout cela. Cette immense douleur. Il ignorait qu'il n'était que dans le faux, à défaut d'être tombé dans l'eau noire. A la place, il se fourvoyait, encore et toujours, se répétant que c'était de sa seule et unique faute. Qu'il était un monstre, un monstre qui avait pris les coups, et qui les avait peut-être mérité, finalement, en y réfléchissant. Et Elis savait comme ces idées étaient revenues à lui, au fil du temps, tellement qu'il s'en était imprégné le corps et l'esprit, jusqu'à s'en construire une armure qui le pourrissait de l'intérieur. Parce que dans son cercueil, il y avait des piques pour ses assaillants, à l'extérieur, mais aussi pour lui, et ces derniers étaient les plus acérées.  Oui, ces pensées malsaines avaient été là. Toujours, alors qu'Elis, non. Durant son absence, le mal s'était diffusé dans les veines, comme une maladie incurable, et tandis qu'il avait cru faire le bien en revenant, le sixième Cailloublanc n'avait fait qu'accélérer la procédure, lui volant des années de sainteté d'esprit – en même temps que son propre sablier – ne faisant que le mal où il aurait voulu faire le bien. Il s'en voulait. Il s'en voudrait toujours. Et si cesser cette procession jusqu'aux enfers était la seule solution, il ignorait comment faire pour être utile à nouveau, de manière aussi innocente que lorsqu'ils avaient été enfants. C'était si simple, avant. Poucet posait les mêmes questions que son frère s'était posé quelques temps plus tôt, et ayant les réponses adéquates, il n'était pas compliqué de lui donner satisfaction sans lui mentir. Même les mensonges n'avaient pas été viles. Parce que lorsqu'il ignorait quelle réponse il pouvait lui donner à une question que lui, enfant moins tourmenté que son cadet, n'avait jamais posé, il les inventait, en même temps qu'il commençait à comprendre ce petit être qui voyait déjà bien plus grand que lui. Mais ce temps-là était révolu. Elis s'était fait à l'idée qu'ils ne pourraient jamais revenir en arrière. C'était terminé, tout simplement. Il fallait se faire une raison, et continuer de l'avant, enfoncer ses ongles dans les parois rugueuses du vide qui les entourait et menaçait des les engloutir complètement, et puis remonter. Ici, ils ne faisaient que descendre un peu plus. Et le forgeron n'avait rien remarqué, alors que cela aurait du être l'un de ses devoirs – ces mêmes devoirs qu'il ratait tous, parce qu'il s'était perdu en même temps que son frère, c'était un fait indéniable -. Il songea à tout cela lorsque Poucet commença à se débattre dans ses bras. Même lui prouver son amour par une étreinte si simple que celle-ci était devenu trop compliqué. Ils étaient donc arrivés à un point de non-retour. C'était navrant. Si décevant que ça lui tordait les entrailles et que la douleur revenait de plus belle, si elle était partie un jour. Et bien sûr qu'elle n'était pas partie. Toujours dissimulée dans l'ombre, comme l'aîné Cailloublanc, bénéfique et destructeur à la fois. Ou leur relation, c'était au choix. Au final, il ne s'en étonnait même plus. Comment des êtres tel qu'eux auraient pu construire quelque chose de beau. Quelle idée de penser cela ne serait-ce qu'un instant. Lui, Elis Cailloublanc, garder la beauté immaculée dans le creux de sa main, sans serrer les poings pour la détruire en quelques secondes. Pourtant, il voulait encore y croire. C'est ainsi qu'il continua à l'étreindre, mettant tout son cœur dans ce seul geste inconscient. Parce qu'il y avait encore de l'espoir. Il réparait bien des objets briser par les autres, pourquoi ne pourrait-il pas réparer ce qui lui appartenait ? - Il était honteux de songer que oui, son petit frère lui appartenait, mais c'était le cas, et si la possession était un poison, alors il mourrait intoxiqué. Dans ses bras, avec un peu de chance. Parce que jamais il ne desserrerait son étreinte. "LÂCHE-MOI." Il l'avait promis. Je ne te lâcherais pas. Sans lui promettre qu'il lui laisserait la vie sauve, en effet. Bambin, il n'avait pas pu prévoir tout cela. Ce qui arriverait dans son existence, dans celle de son cadet. Ce qui adviendrait de son amour pour lui, et de la haine qu'il voyait dans les yeux des autres à l'égard de Poucet. Avec le temps, il n'avait pas pu s'en empêcher, d'endosser le costume du sauveur, même s'il avait été un peu trop grand pour lui, et que ses coutures s'étaient défaites, maintenant, le laissant sans costume, sans rôle autre que celui du bourreau, bien dissimulé sous ses airs du gentil héro défendeur des plus faibles, pourfendeur des méchants. Quelle comédie. Même Poucet lui avait filé entre les doigts, après ça. "Lâche-moi." Son cœur se mit à battre plus fort, tandis que les paroles de son frère se faisaient plus faibles. Le voilà qui reprenait ses biens par la force. C'était exactement ce qu'il ressentait, et bon sang, si c'était ça, Elis Cailloublanc, alors il n'avait plus qu'à s'en aller définitivement, parce qu'à n'en pas douter ce monstre-là continuerait à causer son mal, conscient certes, mais déterminé. C'était comme quand on tuait. On avait des remords les trois premières fois, et puis après on faisait fi de ces derniers, et ne pouvait plus s'arrêter.  
Il ne le lâcha pourtant pas.
Immobile, comme changer en pierre. Il ignorait qui de lui ou de Poucet devait arrêter le premier. Même s'il sentait les sanglots de son frère revenir, et qu'il n'arrêtait pas de penser que c'était à cause de lui. Pour ne pas les voir – lui, son visage d'enfant, ses larmes cachées sous un masque brisé – il le serra plus fort, au lieu de le laisser tranquille. Savoir que cette étreinte ne le calmerait pas ne l'aidait en aucun cas à essayer de faire mieux. Il continuait juste sur sa lancée, et tant pis s'il s'en rendait un peu plus aveugle, et sourd, parce qu'il ne voulait plus l'entendre, sa voix qui hurlait la vérité, et qui lui transperçait la chair pour l'atteindre jusqu'à son âme. "Arrêter quoi ? Tout a commencé le jour de ma naissance, et jusqu'à ma mort ce sera ainsi. C'est toujours plus facile de le dire que de faire son possible pour que ça s'arrête. Et tu le sais Elis, bon sang tu le sais. Pourquoi tu continues de te battre ? Hein ?"  Il aurait aimé lui dire qu'il ne se battait plus. Parce que se battre l'aurait assimilé au preux chevalier, au vaillant soldat. Il ne l'était pas, même si Poucet l'avait cru, et le croyait peut-être encore, parce qu'on n'en finissait jamais de voir son aîné comme un modèle à suivre à tout prix. Aujourd'hui, Elis pouvait se le dire : Heureusement que son frère ne l'avait pas suivi sur sa lancée. Il avait pris un autre chemin semé d'embûches, mais au moins n'était-il pas comme lui. Cela avait le mérite de le rassurer un peu, ce qu'il aurait aimé pouvoir faire pour Poucet. Mais il ne dit rien, se contentant de le garder dans ses bras. Il s'autorisa même à passer ses mains dans ses cheveux noirs corbeau, comme au temps où ils avaient été des enfants – une éternité s'était écoulée. "On ne peut pas, on doit juste... apprendre à s'en accommoder." S'en accommoder. S’accommoder au coup du sort qui les a frappé dès la naissance du cadet, comme ce dernier répétait, vocable qui peinait Elis comme il l'apaisait un peu – parce qu'on aime toujours se dire que ce n'est pas entièrement de notre faute, malgré le nombre indéfini de preuves allant contre nous. Ainsi, ils ne pourraient pas changer. C'était contre-nature, de changer. Pourtant c'était ce qu'ils avaient fait en devenant adolescent, puis adulte. Leur relation avait évolué. Ils avaient évolués. Pas dans le bon sens, certes, mais ils l'avaient fait. Et il y avait peut-être un infime espoir d'évoluer encore, de la bonne manière, cette fois. Elis le penserait toujours, au fond de son cœur, qui lui disait qu'il pouvait, lui aussi, décider de déjouer ce destin fatal auquel il ne croyait pas – du moins à l'accoutumée. Car quand Poucet mit des mots sur ce qui les frappait de plein fouet, il le crut. Un instant, du moins. Un instant qui le déstabilisa, parce qu'à y réfléchir, c'était peut-être cela. C'était facile, de mettre la faute sur l'autre pour se rassurer, mais ça l'était encore plus de la mettre sur le dos d'une providence inconnue, car au moins on ne touchait pas à quelqu'un qui nous était cher. Il embrassa cette idée pendant un infime moment de répit où il ferma les yeux, le menton perdu dans la chevelure décoiffée de ce petit frère qui lui donnait tant de mal, mais pour qui il se battrait tout de même – et tant pis si ses techniques n'étaient pas dignes des chevaliers qu'on félicitait – il ne l'était pas, de toute manière. Lui et Poucet n'étaient pas des nobles, des rois, des savants. Ils n'étaient sûrement même pas de bons citoyens, ni des frères très réussis. Ils hurlaient plus qu'ils ne parlaient. Ils s'écorchaient au lieu de se soigner, et leur amour avec autrui était condamné à l'échec, pour la simple et bonne raison qu'ils étaient humains, et qu'ils n'avaient pas trouvé le moyen d'atténuer cette particularité défectueuse.
Oui, il ne s'en accommoderait pas. Il ne s’accommoderait que de ce changement qu'il essayerait de provoquer, peu importe comment. Il s'en portait garant.
Soufflant légèrement, de la buée sortant d'entre ses lèvres glacées, il déposa un baiser sur le haut de son crâne. Le calme revenait peu à peu, et il l'aidait, en se disant que non, il ne s'énerverait pas, et que non, il ne laisserait pas son frère penser de telles choses à propos d'eux. "Ce n'est rien." Ou pas grand chose. Elis pourrait le croire. Se croire. Et s'il n'était pas réellement optimiste, il fit semblant de l'être, parce qu'il fallait bien que quelqu'un contre-balance avec les paroles du septième Cailloublanc. Avec un silence, il se décida enfin à se détacher de lui, tout doucement, ouvrant les yeux sur ce frère dont les morceaux avaient été réduits en miettes, puis recollés, et une nouvelle fois brisés. Une autre particularité humaine. Tremblant, le cœur battant la chamade, le forgeron passa l'une de ses mains sous son menton, tandis que son pouce essuyait le sang qui perlait à la surface de ses lèvres craquelées.
Il essaya de parler comme il le faisait à dix ans, quand Poucet avait fait des cauchemars et qu'il ne savait pas comment revenir à la réalité. "D'abord, commença-t-il dans un murmure, cesse de malmener ta lèvre, sinon elle ne cicatrisera pas." Et puis ton corps, et puis mon cœur. Sinon tous nos efforts seront vains. Tu sais comme son les cicatrices, Poucet. Cela, il ne le dit pas. Non, il parlait comme à dix ans. Et à dix ans, il ne disait pas ça. "Ensuite, arrête de penser à ça. Si tu n'y penses pas, le mal va se dissiper, il a juste besoin d'une tête pour exister. Alors enlève-lui le pouvoir de vivre, et tu en seras débarrassé." C'était exactement ce qu'il avait dit, il y a très longtemps, quand les mauvais rêves s'invitaient dans le sommeil de son frère, pour ne lui laissé aucun répit. Il espérait que ça marche. De tout son cœur. "Et puis dis-moi que ça ira, d'accord ? Parce que ça ira, Poucet."
Moi j'y crois encore.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyLun 15 Déc - 18:07




Elis et Poucet
Tout ce que je sais... C’est que des fois, tu me manques tellement, que j’ai envie d’en crever tant ça fait mal...

Quelqu'un devrait immortaliser la scène. Quelqu'un devrait regarder, leur raconter et surtout leur expliquer en détails à quel point ils sont risibles vus ainsi. Même Aldred ne se donne plus la peine de s'incruster dans cette conversation qui, de toute manière, ne mènera nulle part. Très bien, si ça ira aujourd'hui, est-ce qu'il en sera de même demain ? C'est comme promettre des foutaises la veille de la nouvelle année, rien n'y fait, ça tient quelques jours, une semaine tout au plus et les mauvaises habitudes tapent dans l'estomac, jusqu'à posséder le corps dans sa totalité. C'est dans la nature humaine de ne pas pouvoir garder les promesses dans le creux de la main, c'est dans la nature humaine de tout casser sur son chemin, même une âme dite très bonne ne peut déroger à cette règle, à moins que celle-ci ne soit pas aussi humaine qu'elle prétend l'être. C'est dans son imperfection que cet être se développe à foison, qu'il casse un peu aussi, qu'il recommence jusqu'à ce qu'il soit à peu près content du résultat. Malgré tout, une personne du peuple viendra toujours à lever la main dans la foule pour dire que non, ça ne lui va pas, non ce n'est pas beau, non ça ne veut rien dire. Les intelligences divergent autant que les opinions, il existe des amoureux des arbres et des adorateurs de capitales, il y a aussi des dévoreurs d'herbes comme des carnivores débutants, c'est ça le souci de ce qu'ils sont, ils ne peuvent pas être totalement d'accord sur un sujet. Forcément, celui qui revient le plus souvent porte son propre nom, celui qui lui donne un haut-le-coeur si palpable qu'il prend un temps considérable avant de prendre conscience que oui, c'est bien de lui qu'Elis parle. C'est bien de ce garçon niais qu'il avait connu, c'est bien de celui qu'il a vu grandir, c'est bien de ce poison qui le pousse dans le tombeau. Indéniablement, il ne peut empêcher la culpabiliser devenir s'intégrer à sa peau, comme si elle était toujours là, attendant simplement le bon moment pour lui asséner le coup fatal. Ah ! Aquilon n'aura même pas eu besoin de faire couler son sang, il le fait assez bien tout seul sans l'aide de personne. C'est ce qu'il voulait après tout, non ? Qu'on lui lâche la grappe et que son aîné ne soit plus derrière lui pour lui apprendre à marcher, à parler et même à lire. Il peut s'en souvenir, des heures qu'il a passées dans l'immense chambre de la fratrie, assis sur le lit de la tête rousse, regardant avec curiosité l'un des seuls ouvrages que la famille Cailloublanc pouvait se vanter d'avoir. En fait, c'était plutôt Elis qui avait eu l'audace de les acheter, il ne pouvait certainement pas compter sur son paternel pour lui en offrir un après ses deux ans. Non, il s'est toujours débrouillé, et les heures secrètes passées dans cette bulle de chaleur lui reviennent comme une évidence. Il se remémore les rires attendris du plus grand, ses reprises lorsqu'il ne trouvait pas le sens d'un terme, sa main passée dans sa tignasse charbon pour lui montrer à quel point il était fier de lui. Oh oui, c'est loin tout ça, si loin, pourtant, dans son esprit ça paraît si proche. Lové contre son corps, il se sent hors du royaume, sur une terre qu'il ne connaît pas ou plutôt plus - probablement la terre promise. Il inspire profondément, toute sa souffrance s'est écoulée, ses tremblements se sont presque apaisés. Il le déteste pour ça. Parce qu'il est le seul à savoir glisser un baume salvateur sur son trou béant placé tantôt au coeur tantôt dans la tête. « Ce n'est rien. » Quand l'un a perdu sa petite flamme, faut bien que l'autre essaie de la raviver, qu'il pompe l'air pour que les poumons de l'autre finissent par se regonfler. C'est comme ça que ça marche, c'est certainement le plus fatal aussi dans tout ce qu'ils sont. L'un ne peut se débrouiller sans l'autre, Poucet ne peut pas imaginer la moindre seconde de son piètre futur sans son frère, il faut qu'il soit là, quelque part, qu'il le sache sain et sauf, qu'il puisse entendre à des lieux d'ici son palpitant craquer avec force contre son torse, en même temps que son marteau s'abat sur le fer qui prend forme au-dessus du feu qui crépite. Il inspire profondément, même si ses veines menacent de ne donner qu'une pelote de laine, il se fiche du reste. Il a tout oublié, sauf le pire. Bien sûr, retenir le plus beau serait beaucoup trop simple, lui demander de ne penser qu'aux principes positifs serait comme lui demander de se mettre en valeur à autrui. Mis à part se battre, Poucet ne sait pas faire grand-chose, il n'est pas un homme de lettres mais de principes, il n'est pas un être calme et posé mais brut et violent, similaire à un volcan qui éclate un matin, il n'est pas fait pour l'amour, il a été forgé pour la haine. Un geste, il peut voir sa mine dépitée dans sa totalité, ça lui refile un frisson glacial dans la cambrure légère de son dos. Sa main glisse sur son menton, il dégage le sang presque séché de ses lippes torturées, et il ne se contente même plus de parler, il préfère murmurer, parce que ce serait bête que quelqu'un les entende. « D'abord, cesse de malmener ta lèvre, sinon elle ne cicatrisera pas. » Digne du forgeron, il commence toujours par une petite morale pour annoncer la couleur. Là, Poucet pencherait plutôt pour du vert, la couleur de l'espoir, ou bien du bleu, symbole d'une mélancolie qui jamais ne partira. Oh oui, du bleu roi, ou du bleu ciel, peu importe la nuance, ça leur irait plutôt bien avec une tâche noire pourrissant toute cette belle peinture. Les résumer équivaudrait à une palette de couleurs qui se fait avoir, dévorer, gober.
Les abysses obscurs sont là.
Il peut les sentir. C'est un sixième sens qui lui a refilé cette capacité à être sur ses gardes. Un ogre pourrait apparaître ou pourquoi pas le fantôme des sept petites filles, des sept minuscules couronnes, des sept crânes qui font claquer leurs dents. Il se crispe à nouveau, ses membres se préparent à réagir avec une offensive catégorique. Il vient de récupérer le peu de lucidité qu'il avait laissé s'échapper par ses larmes. Plus pleurer, plus souffrir, plus rien du tout. Il ne veut plus rien ressentir, comme ça il ne pourra plus faire de mal et il ne sentira aucun besoin de se rattacher à d'autres personnages de son espèce. Il déglutit, la salive brûle sa gorge comme un vieux remède de grand-mère qu'on lui refilait lorsqu'il avait de la fièvre. Dégoûtant, répugnant, un mélange de fruits pourris et d'animaux morts. Elis réagit néanmoins avant qu'il n'explose, continuant sur sa lancée interminable. « Ensuite, arrête de penser à ça. Si tu n'y penses pas, le mal va se dissiper, il a juste besoin d'une tête pour exister. Alors enlève-lui le pouvoir de vivre, et tu en seras débarrassé. » S'il n'était pas qu'une allégorie, à ne pas en douter, c'est ce que le septième fils aurait fait. Il n'aurait pas laissé le choix à cet horrible monstre qui arrache ses tripes par sa bouche, il lui aurait rit à la figure avant de planter la lame dans sa gorge, la tournant et la retournant pour faire gicler le sang au sol. En effet, ce serait un affreux spectacle, cependant il aurait la fierté d'avoir vaincu ses démons et ça, même tout l'or du monde ne pourrait lui offrir cette satisfaction. Il pourra pas ressentir ça un jour, ce serait idyllique pour lui de s'imaginer comme avant, voire dans une joie incommensurable. Non pas qu'il soit incapable d'apprécier les petits plaisirs de la vie, c'est juste qu'il est incapable de les assimiler pour sourire grandement chaque fois que le soleil se lève. « Et puis dis-moi que ça ira, d'accord ? Parce que ça ira, Poucet. » Non ça n'ira pas. L'un le sait, l'autre aussi. Pas besoin de mots quand les yeux qui mènent vers l'âme parlent à leur place. Il pousse un profond soupir, si poussé qu'il paraît désabusé. Aldred qui était dans l'autre pièce vient à se glisser sur le sol, non loin des jeunes hommes qui se déchirent. Il le sait, il n'a aucun droit sur eux, et surtout il ne sera d'aucune aide. Roulant des yeux de manière à démontrer son mécontentement, il se sépare de cette enveloppe dans laquelle il se trouvait pour atterrir dans la réalité qu'il aimerait modeler, il voudrait lui échapper, mais une chose est sûre, une fois la naissance passée, il est impossible de se fuir. Passant une main sur sa nuque qu'il masse par habitude, il la fait même craquer, comme si toute cette tristesse lui avait endormi les muscles. Il racle sa gorge, se remet de ses émotions en pestant intérieurement contre cette faiblesse qui causera sa perte puis recule d'un pas, de deux, laisse la place à Elis de prendre ses aises, tout en ajoutant de sa voix rauque et peu convaincue. « Je n'aime pas mentir, et tu le sais. » La bête reprend le pas sur absolument tout, sauf bien sûr sur ses gestes qui pour une fois ne sont pas aussi rêches. Passant une main sur sa chemise sombre qu'il rabaisse quelque peu comme pour se donner une dégaine pseudo-princière, il s'approche d'une table en bois massif pour attraper la bouteille d'hydromel - le seul alcool qu'il puisse se payer, ou du moins bien tenir - et deux verres semblent le narguer. Tiens, le mobilier se serait-il préparé à accueillir le sixième garçon prodige ? Un rire sec lui échappe, de dos à son interlocuteur il semble prêt à lui lancer le liquide en pleine figure. Il n'en est rien, il sert simplement les deux récipients, en prenant un dans sa main droite qu'il lève dans les airs. Le bas du dos adossé au meuble, son sourire faux casse la magie de l'instant - c'est pas comme si c'était nouveau de toute manière. « Mais je propose tout de même un verre, à notre passé minable, notre présent pitoyable et notre futur qui, j'en suis sûr, sera mémorable. » La tête penchée sur le côté, il prend une gorgée et repose avec brutalité l'objet fragile une fois celle-ci faite, si bien qu'il se demande un instant s'il ne va pas se casser. « Pourquoi changer après tout, Elis ? Nous avons toujours fonctionné ainsi, même mère savait en nous mettant au monde qu'elle n'aurait droit qu'à des moins que rien qui se déchireront pour son amour. Le plus amusant c'est que non, bien sûr que non, nous ne nous disputons pas pour elle, mais pour des faits bien plus égoïstes : nous. » Ils s'occupent d'eux, plus des autres, il semblerait même qu'il a presque oublié les prénoms de ses autres frères. Elis a été le seul, et quand bien même ils partagent un sang en commun, ils n'ont pas ce petit truc, ce fil invisible qui les relie. Il aurait tant aimé être comme lui, pourquoi pas son jumeau ? Ils n'en seraient peut-être pas là. Non, ce serait pire, puisque l'un ne pouvant abandonner l'autre, ils auraient ce caractère irascible leur rappelant que les spectres ne sont jamais loin. Ses doigts frôlent le rebord de la table étonnamment bien tenue malgré les années, il pianote quelques secondes en s'attardant sur un point invisible, disposé entre les deux yeux de son fidèle compagnon au pelage opalin. « Nous, c'est toi, c'est moi. Ah ! Qu'il est joli ce mot, nous, comme si nous pouvions en sortir indemnes. Je suis plutôt d'avis que nous aurons de la chance peu de temps à peine avant notre mort, l'éclat, le miracle, la révélation que nous avons l'échec au bout des doigts, sans possibilités de revenir en arrière. Trop tard, ou trop tôt... » Serait-ce l'hydromel qui lui monte à la tête ? Même ce qu'il baragouine n'a plus tellement de sens. La cassure dans son ton démontre une faille qu'Elis pourrait utiliser quand il lui laissera le temps d'en placer une. « Quel pessimiste je fais. » Sourire nostalgique témoin des niaiseries anciennes. « Dragée ne serait pas satisfaite de mon comportement, il faudrait que je songe à apprendre à bien me tenir pour le bal à venir. Amusant, non ? » Il passe du coq à l'âne, de l'âne à la vache, de la vache à l'inconscience. « Moi, à un rassemblement bourgeois où la populace danse, boit, se remplit la panse tout en faisant naître de nouvelles rumeurs. Crois-tu qu'ils continueront à affirmer qu'elle et moi avons une liaison ? » Il divague, grimace, rattrape son verre pour se vider le reste cul sec. Il sait pas à quoi il joue, il sait plus ce qu'il fait, il cherche même pas à enfoncer le couteau dans la plaie, il veut juste qu'il sache, peut-être même est-ce une demande pour qu'il vienne l'accompagner, pourquoi pas même remplacer sa fée adorée ? Deux frères, deux cavaliers dansant une valse en cherchant à s'assassiner. Il se redresse convenablement jusqu'à se laisser tomber un peu plus loin sur un fauteuil. Coude gauche posé sur l'accoudoir, sa tête se repose entre ses doigts, ses paupières se ferment, un énième soupir de désespoir. C'est barbant d'être adulte, c'est rasoir. Il veut redevenir le petit Poucet, et pas juste Poucet. Il veut repasser peu avant ses sept ans, juste avant qu'on les abandonne, juste avant qu'il devienne destructeur. Ah, Elis.
Il aimerait tant faire quelques pas avec lui sur des violons agonisants.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptySam 27 Déc - 17:53




Poucet et Elis

les larmes qui brûlent sont aussi celles qui consolent

Il y croyait oui. Il croyait à une rédemption, ou il ne savait quoi qui serait en mesure de les aider, au moins un peu. Il fallait bien que quelqu'un le fasse pour eux deux, de toute façon. Mais surtout pour Poucet, car l'espoir devait chez lui plus que chez tout le monde être rallumé, inlassablement, jour après jour, nuit après nuit, afin qu'il demeure en vie. Il avait déjà failli lui claquer dans les doigts, son cœur à vif, de trop nombreuses fois lors de leur adolescence mouvementée. Elis ne voulait plus revivre ça, cette anxiété croissante qui le prenait à la gorge comme un loup en chasse, crocs dégarnis, griffes sorties. Il ne voulait plus, en apercevant son frère, se dire « voilà ce qu'il est devenu, voilà ce qu'on a fait de lui, pour s'amuser. » Un homme de paille. Un homme de paille qui avait la main mise sur des allumettes.
Il les voyait, à présent, se détacher de l'obscurité, et pourtant être nées de cette dernière, car c'était ainsi qu'on faisait les instruments du diable. Elles s'approchaient à chaque fois un peu plus de son cadet, envoûtantes, charmeuses, nymphes brûlantes qui dansaient pour lui. Pour eux. Pour leur destruction qui n'en finissait pas, parce que cela aurait voulu dire parler un peu plus sincèrement, et les Cailloublanc en étaient bien incapables ici. Elis doutait l'être un jour avec son frère, d'ailleurs. Il atteignait trop son cœur pour cela, alors il essayait de limiter les dégâts avec des mensonges en tout genre, du plus petit je t'aime au gigantesque tout ira bien. Tous ces mots murmurés n'étaient pas là pour aider Poucet, mais Elis, tout compte fait. A bien y réfléchir, le salut de leurs âmes n'existeraient pas. Jamais. Mais on pouvait faire comme si. L'aîné y arriverait, en tout cas. Même si les calomnies chuchotées au creux de son oreille ne feraient qu'envenimer la blessure qui saignait déjà à gros bouillon. "Je n'aime pas mentir, et tu le sais." Il n'aimait pas non plus. Pourtant il le faisait, le forgeron. Chaque jour dans ces bas-fonds où le plus petit éclat relevait d'un peu d'alcool que quelqu'un avait enflammé. Il mentait. Pour le bien des autres, parce que pour continuer, il fallait entendre ce qu'on voulait entendre. Au final, tout le monde faisait ça. Tout le monde se comportait de manière si honteusement humaine, en pensant bien faire vis-à-vis de ses proches, des gens qu'on aimait. Seuls les ennemis n'étaient pas épargnés des mots coupants comme des lames aiguisées, les autres mentaient sans cesse, car c'était l'un des attraits de l'amour. Se voiler la face, tout recouvrir d'un drap immaculé dans le seul but de protéger. On ne pouvait pourtant pas en sortir indemne. On finissait tous par pourrir de l'intérieur.
Tous les hommes se comportaient aussi pitoyablement. Sauf Poucet.
Poucet qui disait les choses, jusqu'à l'épuisement, et bien au-delà quand il consommait de l'alcool.
Elis l'observa faire, encore sur le perron de l'entrée, bras ballants car inutiles face à du vide, du néant, du rien interstellaire qui s'infiltrait par les pores de sa peau pour le rendre tout aussi exsangue. Il avait l'impression de subir une maladie particulièrement éreintante quand il croisait le regard de son frère, miroir de ses propres prunelles claires, reflet intérieur de son âme. Il fallait s'accrocher pour le subir, mais surtout pas à lui, car comme un noyé il emportait quiconque l'approcherait dans les profondeurs. Et tandis qu'il reculait un peu plus dans la pièce, Elis de son côté le voyait s'enfoncer dans les abysses. Il s'éloignait, toujours un peu plus, comme s'il avait voulu le fuir irrémédiablement, tout en continuant de le supplier de venir avec lui. "Mais je propose tout de même un verre, à notre passé minable, notre présent pitoyable et notre futur qui, j'en suis sûr, sera mémorable." Même submerger, tel un navire sans port, le cadet Cailloublanc ne perdait pas de sa verve,et toujours il répandait le poison, inlassablement, comme si les grimaces agonisantes des silhouettes qu'il observait tranquillement dans la nuit ne le gênaient pas outre mesure. Il l'avait dit. Il avait enfin mis des mots sur leur vie, qui n'en formait qu'une, car ils l'avaient vécue ensemble, toujours accrochés l'un à l'autre, jusqu'à se déchirer. Tout de suite Elis eut envie d'en changer, car c'était vrai. Le poison ne pardonnait pas, il révélait l'irrévocable, attaquait la surface dorée pour ne laisser que la moisissure croître, encore et encore, jusqu'à tout engloutir. Un instant le roux eut envie de faire demi-tour tandis qu'il était encore temps, et rentrer chez lui, là où il serait seul, et donc un peu plus protéger qu'ici . Mais il était trop tard. Cela faisait déjà quelques années, d'ailleurs. Alors il ne fit aucun mouvement de recul, et brisa son immobilité pour pénétrer dans la pièce, scène où se jouait la vérité sur les frères Cailloublanc, comique pathétique, qui visait à se moquer de ces familles qui ne savaient pas s'aimer, ou trop mal. Il s'approcha de la table autant abîmée que son propriétaire, et effleura le bois du bout des doigts, les yeux rivés sur l'étendue mise à mal par les gestes violents de Poucet. Malgré ces derniers qui démontraient facilement le désespoir du plus jeune, Elis demeura calme, comme las.
Il l'était.
Et il doutait que porter un toast à tout ça les aiderait. La raillerie ne servait à rien.
Tout était vain.
"Pourquoi changer après tout, Elis ? Nous avons toujours fonctionné ainsi, même mère savait en nous mettant au monde qu'elle n'aurait droit qu'à des moins que rien qui se déchireront pour son amour. Le plus amusant c'est que non, bien sûr que non, nous ne nous disputons pas pour elle, mais pour des faits bien plus égoïstes : nous." Les enfants cassés. Les défectueux, à la naissance. Aujourd'hui, l'aîné le savait plus qu'aucun autre jour avant. Égoïstes, ils l'étaient. Tous les deux. Ils s'étaient cadenasser le cœur, bien à l'abri des regards des autres membres de leur famille brisée. Leur mère n'était rien. Juste une femme qui leur avait donné la vie. Et quelle vie. Peut-être qu'avec le temps, Elis aurait pu en rire, comme le faisait à présent son frère, ou peut-être pas. Il n'était pas comme lui après tout. Ils étaient différents alors la haine avait repris le dessus.
Avec le temps.
Avec le temps, seule cette dernière demeurait.
Sa respiration ne cessa pas d'être agréablement rythmée, comme si cette anormalité relevait de la banalité. Il fallait faire comme si. Il fallait croire qu'on pouvait faire fi de ces mots si réels, chimères cauchemardesques qu'Elis avait combattu pour son frère durant leur enfance, sans penser une seule seconde qu'elles reviendraient toujours, car c'étaient eux qui les avait créer. Lui, un peu plus, afin d'avoir un petit quelque chose à protéger, un Poucet à secourir, une utilité quelconque dans la nuit, jusqu'à devenir le besoin vital de quelqu'un, car c'était ce que tout être humain recherchait. Qui pouvait le blâmer ? Qui pouvait les blâmer ? Être égoïste ensemble, c'était s'aimer. Et cet amour était devenu le besoin vital du forgeron.  "Nous, c'est toi, c'est moi. Ah ! Qu'il est joli ce mot, nous, comme si nous pouvions en sortir indemnes. Je suis plutôt d'avis que nous aurons de la chance peu de temps à peine avant notre mort, l'éclat, le miracle, la révélation que nous avons l'échec au bout des doigts, sans possibilités de revenir en arrière. Trop tard, ou trop tôt..." Il en frissonna de dégoût. Un instant il parut plus jeune que son petit frère, là, à regarder une table comme si elle allait lui donner les réponses à toutes ses questions rhétoriques. Pourquoi eux ? Qu'est-ce qui les avait rendu comme ça ? Comment vaincre ces serpents aux paroles de mort, et croire de tout son être qu'on pouvait réellement s'en sortir indemnes ? Aucun mot ne sortit d'entre ses lèvres, aucun son ne s'y précipita, bien qu'il eut durant l’espace de quelques secondes l'envie de hurler jusqu'à en exploser ses douloureux poumons. Il était vide. Cadavre bougeant à peine, comme si se faire remarquer aurait équivalu à se trahir soi-même. Peut-être qu'au fond, il n'y croyait plus du tout.
Au final, qui était le plus pessimiste des deux ?
Il y avait des jours comme ceux-ci, où l'orage cachait tellement le soleil qu'il n'existait plus.
Et qu'il semblait vouloir ne plus jamais revenir.
"Dragée ne serait pas satisfaite de mon comportement, il faudrait que je songe à apprendre à bien me tenir pour le bal à venir. Amusant, non ?" Il y avait même des jours où le soleil voulait mourir. Il releva pourtant la tête, légèrement, comme si elle avait été si lourde que même le marteau du forgeron faisait pâle figure à sa place, et continua son chemin dans l'obscurité, jusqu'à Poucet, le point de non-retour, la voix rauque et les mots durs.  "Moi, à un rassemblement bourgeois où la populace danse, boit, se remplit la panse tout en faisant naître de nouvelles rumeurs. Crois-tu qu'ils continueront à affirmer qu'elle et moi avons une liaison ?" Il se stoppa au bout de la table, devant son frère, mais ne le regarda pas. A la place, ce fut la bouteille qu'il observa, comme on observerait un ennemi, ou un amant. Il fallait croire que la différence était moindre, dans tous les aspects de sa vie. "Si tu cherches à rouvrir des plaies qui ont cicatrisés depuis longtemps, ou à en créer de nouvelles, c'est raté mon frère. Il n'y a qu'à toi que tu causeras du mal." L'une de ses mains attrapa tout de même la bouteille, et pour ponctuer ses paroles lourdes de sens, il but une gorgée au goulot, interminable, détestable. Comme leur amour. "Tu es pessimiste de naissance, c'est à cause de cela que tu débites de telles absurdités." Des vérités. Cela l'énerva. Un peu. Assez pour qu'il déplace son corps fatigué jusqu'à la fenêtre, bouteille à la main. Il vida son contenu dans la rue. Le monde n'avait pas besoin d'un pessimiste de plus. D'un réaliste. "Moi, je ne le suis pas, mais côtoyer tes mots me rend comme toi. Fais attention de ne pas contaminer tout le monde au bal, laisse les autres sourire." Pas moi, qu'il eut envie de dire. Pour moi, c'est déjà trop tard. Je suis ici pour t'aider. Je suis ton dégât collatéral, comme tu es le mien. La bouteille revint à sa place, sur la table, vide de sens, comme eux, et un silence s'en suivit, brisé par ses pas s'approchant irrémédiablement de Poucet. Au passage, il prit avec lui une couverture posé sur l'une des chaises, et la glissa sur son frère, le bordant comme lorsqu'il était enfant. Dans ses gestes comme dans ses mots, Elis ne mentait pas. Pas cette fois. Il était déjà assez exténué pour en rajouter – ils l'étaient tous les deux. "Il n'y a que nous, comme tu l'as dit." dit-il doucement, en s'accroupissant près du fauteuil, les coudes posées sur l'accoudoir de droite, comme son menton non rasé. C'était une affirmation. Un je suis d'accord avec tes absurdités, en étant moi-même une. Mais c'était aussi une manière de dire à haute voix que Dragée ne comptait pas ici, comme tous ces bourgeois au bal, comme toutes ces âmes dans la nuit. Il n'y avait qu'eux. Toujours.
Ses doigts s'approchèrent de sa joue diaphane, pour un contact infime, qui en disait pourtant tant. Ils restèrent pourtant suspendus dans les airs, et revinrent finalement à leur place initiale, sans n'avoir touché ne serait-ce qu'une larme de Poucet. Soupirant légèrement, Elis reprit en murmurant toujours. "Repose-toi, il est tard et tu n'as jamais très bien supporté l'alcool." Lèvres pincées, il se redressa difficilement, les genoux claquant, tout autant que son cœur malmené.
Il l'avait choisi. Il l'avait aimé.
Rappelant Cinead qui lui, adorait son frère, Elis fit volte-face et laissa le sien, comme il l'avait déjà fait trop longtemps auparavant.
Ils ne danseront plus jamais comme avant.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyMar 30 Déc - 19:27




Elis et Poucet
Tout ce que je sais... C’est que des fois, tu me manques tellement, que j’ai envie d’en crever tant ça fait mal...

Une mère, elle est pas censée offrir une vie aussi horrible à son enfant. Une mère elle est censée qu'en avoir deux ou trois des mouflets, parce que à partir du moment où ça dépasse le chiffre quatre, des préférences claires et nettes se font voir. Le tout premier c'est le plus fort, le second le plus intelligent, le troisième le plus agile, le quatrième le plus amusant, le cinquième le plus brave, pour ce qui est du sixième, Poucet y réfléchit encore. Néanmoins, il ne pense pas se tromper en affirmant qu'il est le plus aimant. Quant au septième, il y a plusieurs hypothèses à ce sujet. Certains murmureront apeurés qu'il est sans aucun doute le plus plus froid, les plus aguerris hurleront qu'il est sûr qu'aucun coeur n'a pu voir le jour dans cette cage thoracique bien gonflée et cachée sous des muscles entraînés. Que du mauvais finalement quand on regarde ceci sous bien des angles. Que du négatif. Que du pourri. Comme si quelque part, il avait été impossible de donner à ce bébé un semblant d'humanité. C'est pas tant qu'il en a jamais eu, c'est plutôt qu'elle s'est fait la malle lorsqu'il a croisé les dents aiguisées de cet ogre, qu'il a sacrifié d'autre à sa place et que pour sauver sa carcasse, il a dû répandre le sang. Aujourd'hui, ce liquide vermeil ne lui fait presque plus rien, et à la réalité s'occuper de forbans ne le dérangerait que très peu, néanmoins, c'est lorsque la nuit étale son long manteau que les spectres reviennent lui taper dans le crâne, qu'il se rend compte que rien n'est joué d'avance. Le septième fils de cette immense fratrie n'a rien eu, si ce n'est une tignasse indomptable, des yeux sombres à l'instar de ses noirs desseins et une capacité étrange à prendre des décisions à la place des autres. Le contrôle n'est pas tant lié au pouvoir que cela, il en résulte plutôt d'un dérivé qui sort de sa tanière lorsque l'enfant décide de s'affirmer. A même pas dix ans, il savait donner des ordres à ses aînés, âgé d'à peine plus de treize ans il s'était battu avec son père et dès sa majorité il avait filé tel le voleur ayant accompli son méfait dans la plus grande discrétion. Il avait eu droit au regard empli d'incompréhension d'Elis, et du peu qu'il s'en doutait, sa famille ne s'était certainement pas inquiétée pour son petit dernier. Oh non, il avait été utile pour ramener le butin de l'ogre c'est indéniable ! Cependant son heure de gloire enfantine n'avait duré que quelques mois, laissant place par la suite à une indifférence amère ayant le goût d'un passé que trop présent. Et le refuge, il l'avait trouvé là où il le pouvait. Sous un immense chêne qu'il appréciait grimper avec le sixième quand celui-ci lui avait appris à s'accrocher à l'écorce d'un arbre, ou bien chez sa Duchesse sucrée. Poucet Cailloublanc n'avait donc dans son existence que deux lieux d'accroche, qui actuellement n'ont plus tellement le même effet sur lui qu'auparavant. Faut dire qu'avoir emménagé à la capitale l'a éloigné considérablement de ce vieillard feuillu, toutefois il donnerait tout ce qu'il possède pour y retourner, ressentir les branches lui griffer un peu les mollets, les feuilles lui caresser les joues et rien que pour écouter le sifflement des oiseaux qui pensaient qu'ils étaient des leurs. Ce doit être l'hydromel avalée sèchement qui lui fait cet effet, il est suspendu sur du coton, fixe sans trop savoir pourquoi un point invisible sur son parquet grinçant, humectant ses lèvres du bout de la langue, il peut sentir une émotion dévastatrice remonter dans le creux de ses orbites. « Si tu cherches à rouvrir des plaies qui ont cicatrisés depuis longtemps, ou à en créer de nouvelles, c'est raté mon frère. Il n'y a qu'à toi que tu causeras du mal. » Allez, qu'il le dise sur tous les toits qu'il est pitoyable, un de plus ou de moins ne fera plus la différence. La seule étant qu'ils ont ce sang en commun. Rien de plus. Rien qu'avec ça Poucet devrait s'en débarrasser, rien que pour ça il devrait le ranger dans un coin de son crâne et le haïr tout comme il se débecte de cette société bourgeoise qui zieute de haut ceux qui sont roulés dans la boue - et encore, même les gueux semblent faire les difficiles. Il le veut, de toute son âme, de tout son petit coeur mollasson qui frappe contre son épiderme pâle. Il n'y arrive pas. Il n'y arrivera jamais. On ne peut pas se défaire d'une malédiction, et s'il croyait dur comme fer que la sienne était d'avoir vu le jour dans le cocon Cailloublanc, il s'est trompé lourdement. La sienne elle répond au nom d'Elis, elle a de beaux yeux bleus, des cheveux cendrés d'un roux obnubilant, la sienne elle a toujours le sourire pour mieux le crever de l'intérieur. « Tu es pessimiste de naissance, c'est à cause de cela que tu débites de telles absurdités. » Il fronce les sourcils, se fige dans son fauteuil en entendant la fenêtre s'ouvrir et le liquide couler. Bon sang il lui doit une bouteille qui lui a coûté vingt schillings, si ce n'est plus. Se retenant de grogner probablement par sensation de partir ailleurs, l'arrière de son crâne tapote un instant la surface en tissu, il ferme les yeux et se concentre sur les bruits amplifiés que son forgeron fait. Le sien, pourquoi le sien d'ailleurs ? Parce que l'un est l'autre, et l'autre est l'un, c'est aussi simple que l'eau mouille. Il retient un petit rire lointain à cette propre découverte. Il refera le monde un jour Poucet, il ne saura comment, mais un jour avec de la chance, beaucoup d'aplombs et de véritables idées - il fera un carnage. Inspirant profondément pour se laisser aller, il racle sa gorge dans un ridicule toussotement en écoutant toujours avec attention son invité surprise. « Moi, je ne le suis pas, mais côtoyer tes mots me rend comme toi. Fais attention de ne pas contaminer tout le monde au bal, laisse les autres sourire. » Et ça fait mal, ça fait toujours plus mal. La rouille s'enfonce dans sa chair, le fait rouvrir ses prunelles difficilement. En quoi serait-ce une honte d'être lui ? En quoi serait-ce mauvais ? Qui se trouve mieux ? Elis ? Il divague, perd le peu de lucidité qu'il lui restait en reposant toute sa rage sur celui qui veut bien lui tendre la main. Ce n'est pas diffamatoire d'être Poucet, ni Elis, ça l'est bien plus d'être Cailloublanc. Sans ce nom de famille ils ne seraient pas ce qu'ils sont. Ils seraient peut-être heureux.

Heureux. Quel joli mot, quel terme agréable, ça lui refile des frissons. Et comme si l'autre avait lu dans ses pensées, il glisse sur lui une couverture pas franchement épaisse mais ce qu'il a de mieux ici. En sachant que personne n'a jamais pu réchauffer son âme calcinée par les autres, le maître d'armes fait comme il le peut et Elis aussi. « Il n'y a que nous, comme tu l'as dit. » Il est proche, à côté de lui, pourtant si loin ça lui tord les viscères, ça le pousse à respirer à nouveau de manière incontrôlée. Il a encore envie de craquer, de saturer, de ne plus exister. Il voudrait faire plus, mieux, comme il était capable de le faire lorsqu'il était enfant. Toutefois il ne l'est plus, le garçon a évolué en ce qui semble être un homme, de surcroît il n'est que le septième. Certainement pas une alliance de force, d'intelligence, d'agilité et Dieu seul sait quoi d'autres. Il est lui, au moins est-ce un début dans cette quête d'identité qu'il peine à trouver dans ce long chemin qu'est la vie. Il veut le toucher le plus grand, il ose pas, se retient de peur certainement de se prendre une torgnole monumentale. Le couteau continue son horrible périple. Oh ! Il vient de toucher le coeur. Le combattant retient une petite plainte entre ses lèvres sèches et saignantes, il évite son regard un instant. « Repose-toi, il est tard et tu n'as jamais très bien supporté l'alcool. » Jusqu'à ce qu'il disparaisse. Il a pas le droit, pas comme ça. Son inconscient le tire hors de sa léthargie pour qu'il puisse réagir avant qu'il passe le pas de la porte, et pour l'en empêcher il tapote du pied pour appeler Cinead devant lui. S'il n'ajoute rien, ses mains froides passent sur son pelage d'été, il le fixe lui droit dans les pierres précieuses qui lui servent d'yeux. Le chien peut tout y voir chez son autre maître, les larmes qui perlent mais ne sont pas si nouvelles, en revanche elles ont un goût tout autre. Prenant son visage canin entre ses doigts, il dépose un long baiser sur son front, tremblant jusqu'au haut de ses épaules. Le silence, il n'y a rien de pire pour casser une ambiance déjà étrange à l'origine. « Ne pars pas.... » Qu'il murmure très bas. Il aurait voulu gueuler ne fuis pas, mais de ces deux gaillards lequel se tire en douce le plus souvent ? Refuse l'autre ? Encore un effort, encore une parole, il va partir, vite, le plus rapidement possible. « Ne pars pas. » Lancé une seconde fois plus fortement pour qu'il puisse s'arrêter dans son périple de trouver la porte de sortie. Le maître d'armes se redresse un peu, relâche le chien qui reste étonnamment calme - à la réalité il ne souhaite même pas retrouver Aldred pour l'instant. Poucet sait pas, Poucet sait plus, Poucet est paumé dans cette foutue forêt qui lui fait voir des illusions cauchemardesques. C'est sûrement grâce à son verre fraîchement avalé qu'il arrive à sortir de son immense coquille, pas assez pour parler d'une renaissance certes, toutefois c'est un départ à ne pas négliger. « J'ai besoin de toi. J'ai la sensation d'avoir encore une fois sept ans, de m'être perdu dans les bois, cette fois-ci sans mes six compagnons de misère. » Un petit rire sec et désespéré ponctue son récit symbolique. « Et, je n'ai pas eu la bonne idée de ramasser quelques pierres blanches pour me ramener chez moi. » A la maison, où est-elle d'ailleurs sa charmante chaumière ? Est-ce cet appartement aussi vide que pratique ? Non c'est autre chose, c'est plus loin, encore plus perdu dans les fourrages. Il peut entendre les loups qui hurlent sous la lune, attendant qu'il trépasse pour le dévorer  d'un coup de gueule. Il peut sentir les insectes lui passer sous les doigts ainsi que les feuilles mortes craqueler sous ses petites bottes. Il a de nouveau sept ans. Toujours de chiffre sept. Le septième fils de sept ans aux sept défauts. « Je ne suis même plus sûr de savoir où est exactement ce " chez moi " à vrai dire. Peut-être sous ce vieux chêne que nous aimions tant ou alors, nul part. Mais, si je suis pessimiste mon frère, pourquoi est-ce que j'ai encore espoir de retrouver ma lumière un jour ? Pourquoi est-ce que je songe à cette folie douce de rejoindre mon chemin ? » Têtu, colérique, perfectionniste, intraitable, franc, bourré de principes. Il en manque un, serait-ce sans coeur ? « Parce que tu es là, quelque part, je le sais, caché entre quelques fagots ou sous les plumes d'une hirondelle. Tu guettes mes pas, tu préviens mes sens au moindre danger. » Son horizon se brouille, la décadence reprend possession de son corps. Pas tant sans coeur que ça, finalement. « Et si tu pars Elis, j'en mourrais. J'EN MOURRAIS TU M'ENTENDS ?! » C'est un suicide, un appel à l'aide qu'il lance sentimentalement parlant. La couverture posée sur lit tombe au sol, il en vient à passer ses coudes sur ses genoux jusqu'à joindre ses mains qu'il serre entre elles comme si elles allaient lui échapper. Il le regarde. Il sent une larme, vicieuse qui roule sur sa barbe de trois jours, il voudrait la dégager, lui la mettre derrière un beau voile doré. Une deuxième, puis une troisième. Pas cette fois-ci, il veut qu'il le regarde comme il l'a toujours été. Un petit bibelot fragile qu'on a malmené, le garçonnet qui savait même pas marcher. Un septième qui a un seul fait dont il peut se vanter.
Le septième, il a le sixième.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyVen 2 Jan - 19:10




Poucet et Elis
les larmes qui brûlent sont aussi celles qui consolent

Son monde s’écroulait sous ses yeux. Il avait tenu bon durant quelques temps, sur ses certitudes maladroites. Ils avaient tous tenu bon, ils avaient essayé de sauver les meubles, d'éviter les dégâts autant que possible. Pour finir par baisser les armes, un peu plus qu'hier, parce qu'il y arrivait un moment dans la vie d'un homme où le cœur ne pouvait plus suivre. Il faiblissait, réduisait la cadence pour finir par s'éteindre après une longue agonie. Elis put le sentir s'arrêter de battre, alors qu'il tournait les talons pour s'éteindre lui aussi. Il avait tapé fort dans sa cage thoracique durant ses dernières minutes d'existence, passées aux pieds du plus jeune, à essayer de l'atteindre sans y arriver – cela semblait faire longtemps après tout qu'il ne l'avait pas touché de manière à le faire réagir un peu. Cette époque était définitivement révolue. Et les sourires aussi. Les deux Cailloublanc avaient d'eux-même fait de la place pour les larmes d'acide, et les coups dans le dos. A cet instant précis, alors qu'il se déplaçait dans la maison pour s'en aller définitivement – jusqu'à la prochaine bataille, il aurait pu prendre ces coups de poignards aiguisés personnellement. Tout, absolument tout ce qu'avait pu faire Poucet ces dix dernières années allait contre lui. Son départ, d'abord, puisqu'il lui avait là enlevé un bout d'âme qui lui appartenait, puis ses combats dans l'arène, afin de lui faire perdre le peu de sens qui lui restait, ses silences et son mal-être constant, et puis Dragée, maintenant. C'était pour lui. Il pouvait se le persuader, même s'il aurait du faire le contraire afin de ne pas sombrer dans des abysses sans fin. Il ne put s'en empêcher. Parce que comme il l'avait dit quelques instants plus tôt, il n'y avait qu'eux. Il n'y avait toujours eu qu'eux, du berceau au tombeau. Cachant son visage anéanti derrière le capuchon de sa cape qu'il avait attrapé en passant, il s'apprêtait à passer la porte en remarquant qu'un autre bout de son existence manquait à l'appel. Cinead demeurait, comme un guérisseur restait près du blessé. Ses mâchoires se serrèrent, comme si la colère reprenait déjà possession des lieux. La haine du désespéré. L'agonie de l’écorché. Son regard se posa sur son ami au pelage cendré et il se stoppa dans son action afin de le rappeler à l'ordre. "Cinead." dit-il d'une voix stricte et impénétrable. Le canidé releva son ordre silencieux de ses oreilles qui se redressèrent, mais il se garda lui-même prisonnier du cadet Cailloublanc, comme s'il attendait quelque chose d'eux. Poucet brisa le silence, ce qui sembla plaire à son ami qui resta tout de même, puisqu'il faisait parti de la force qui gardait son maître en ces lieux de peine. "Ne pars pas..." La supplique le prit aux tripes. Il voulu que son chien vienne finalement afin d'avoir une raison de ne pas l'entendre, son frère comme le cœur qu'il se traînait maladroitement et qui se battait encore à l'intérieur de lui, essayant tant bien que mal de continuer à fonctionner malgré sa prétendue mort. Le soufflé coupé, Elis ne l'aida pas, mais ne passa tout de même pas la porte de bois. Ce n'était pas non plus une manière de secourir son cœur que de s'enfuir une nouvelle fois. La répétition de ces trois mots le firent frissonner et un petit soupir tremblant franchit la barrière de ses lèvres. Son frère l'implorait de rester près de lui, car Cinead ne pouvait guérir tout ses maux, mais au prix de quels risques insensés ? Ils n'étaient pas fait pour être ensembles, du moins plus maintenant. Il n'avaient pas été créer pour être frères. Ils étaient leur propre némésis. Ils se tiraient dans les pieds à chaque fois qu'un d'entre eux faisait un pas en avant, vers l'autre, pour finalement se reculer de trois. Pourtant Elis ne voulait pas partir non plus, parce que s'ils étaient contre-nature, la fuite l'était elle aussi. Ainsi il attendit la suite, avec la peur de la voir arriver, d'apercevoir les poignards qui lui transperceraient les os un par un, sans répits aucun. C'était douloureux d'espérer quelque chose qui causerait notre perte, mais c'était ainsi que les Cailloublanc fonctionnait. Toujours à l'envers, à quelques centimètres d'une falaise vertigineuse, aux rocs coupants comme des rasoirs. Ce n'était pas de leur faute. Ils étaient nés ainsi, et leur dessein n'était qu'un dessein de malheur. "J'ai besoin de toi. J'ai la sensation d'avoir encore une fois sept ans, de m'être perdu dans les bois, cette fois-ci sans mes six compagnons de misère." Ses paroles se mélangèrent à son rire d'homme sous l'emprise de l'alcool, et Elis ne sut quoi tirer de tous ces mots entassés pêle-mêle dans son esprit, attendant quelqu'un pour les traduire en un langage qu'ils comprenaient : celui de la destruction. Car leur relation était vouée à cette dernière. Ils avaient, aidés par les autres, détruits les liens qui les unissaient avec leur famille. Puis avec le temps. Puis l'once de conscience qui leur restait encore. Et ils allaient continuer, encore et encore, parce qu'ils avaient besoin de ça, finalement, pour se sauver mutuellement, et avoir besoin de l'autre. "Et, je n'ai pas eu la bonne idée de ramasser quelques pierres blanches pour me ramener chez moi." L'ultime pierre blanche qui s'imposait à eux était la tombe. Le jeune homme y songea en s'en voulant, du moins son palpitant le fit pour lui puisqu'il avait repris ses moyens. Il volait comme un oiseau à l'aile brisée. J'ai besoin de toi. Ne pars pas. C'était facile à dire. Ça l'était un peu moins quand il fallait le pleurer. Mais c'était ce qu'Elis voulait faire en cet instant. Pleurer, ou rester. Il ne savait plus très bien. Ces paroles l'apaisèrent autant qu'elles le firent hurler intérieurement. Pourquoi faisait-il toujours cela ? Pourquoi fallait-il qu'ils se comportent tout deux ainsi, malgré ce qu'ils avaient vécus ? Il n'y aurait jamais aucun calme, ici. Pas dans leurs chaires à vif. "Je ne suis même plus sûr de savoir où est exactement ce " chez moi " à vrai dire. Peut-être sous ce vieux chêne que nous aimions tant ou alors, nul part. Mais, si je suis pessimiste mon frère, pourquoi est-ce que j'ai encore espoir de retrouver ma lumière un jour ? Pourquoi est-ce que je songe à cette folie douce de rejoindre mon chemin ?" Le forgeron se remémora le vieil arbre centenaire qu'ils avaient transformé en cachette de fortune. Leur chez eux était les bois, la chambre du plus âgé, ou la petite maison d'Alric, leur oncle à la figure paternelle. Mais à présent, il n'y avait ni cachette, ni cabane qui comptait. Juste deux appartements aussi vides que leurs propriétaires. Une grimace s'interposa entre son immobilité et sa détresse, et il baissa la tête, préférant regarder le sol que son frère en perdition. Ce dernier était conscient de ce qu'il était, et de ce qu'il avait été. Il savait. Ils savaient tous les deux. Et Elis voulut un peu plus encore être sa famille, sa cachette où se réfugier pour l'éternité. Cette pensée le crispa derechef, et il appela une nouvelle fois Cinead, qui fidèle à lui-même ne l'écoutait que quand cela l'arrangeait. Ses yeux dissimulés par sa capuche se parèrent des plus funestes atouts humains : les larmes, perles d'eau salée qui menaçaient de l'envahir – de tous les envahir. Gorge serrée, il ferma les paupières durant l'espace d'une seconde, essayant tant bien que mal de reprendre son souffle, à l'instar de l'homme saoul qui s'employa à lui couper les deux jambes. Histoire de le faire rester, et de l'anéantir pour de bon. "Parce que tu es là, quelque part, je le sais, caché entre quelques fagots ou sous les plumes d'une hirondelle. Tu guettes mes pas, tu préviens mes sens au moindre danger." Ses paroles firent repartir son cœur pour de bon, dirigé par une colère à l'encontre de sa propre personne. Parce qu'il avait beau essayer d'être la lumière de son frère, il ne l'était pas, du moins pas comme il aurait aimé l'être – comme avant. En lui, Poucet ne pouvait plus voir qu'un homme de façade qui luttait contre du néant, tailladant de son épée des fantômes invisibles, sans jamais réussir à les toucher. L'enfant aurait réussi, lui. L'enfant réussissait toujours. Il faisait disparaître les cauchemars de son sourire malicieux, et protégeait son cadet de ses bras plus frêles qu'aujourd'hui, et pourtant bien plus forts que ceux du forgeron. Mais il n'était plus. Plus rien qu'un souvenir flou et intouchable, qui visait à la peine et aux regrets. Son sang se mit à taper fort dans ses veines, comme s'il aurait voulu se disperser dans la pièce pour la repeindre dans des couleurs moins fades que présentement. Mais son essence de vie demeurait-elle aussi colorée qu'avant ? Ou s'était-elle ternie elle aussi, comme tout le reste qui pourrissait sous leurs yeux ébahis de tristesse ? Elis inspira. Une fois pour chercher son souffle, une autre pour le trouver finalement, dans sa gorge brûlante. Et puis il se glaça d'effroi. Parce que, dans les tréfonds de son âme, il aurait aimé – payé pour, même – entendre cette maudite phrase, elle n'en était pas moins terrible. Autant qu'une guerre ou deux. Pire que l'amour. Pire que la vie. "Et si tu pars Elis, j'en mourrais. J'EN MOURRAIS TU M'ENTENDS ?!" Il y avait bien un monstre caché sous leur lit, qui datait de l'enfance, et qui avait fait peur au plus jeune, pour sa simple distraction, parce qu'il fallait bien trouver quelqu'un à tourmenter. Il existait réellement. Et il leur faisait dire des choses horribles, mais non pas moins attendues. L'un n'excluait pas l'autre. Un meurtre était aussi fascinant qu'il était dégoûtant. Un suicide aussi. Le forgeron rabaissa brusquement sa capuche d'un main irritée, puis tourna derechef la tête vers son propre meurtre, échoué dans son fauteuil trop grand pour lui. Il semblait être aussi fragile qu'il était magnifique, et c'était toujours aussi déstabilisant de ne pas savoir comment se comporter avec cet être tout à fait différent, car tout à fait brisé. Le fuyard ne chercha pourtant pas longtemps.
Il ne chercha probablement pas du tout.
"NE ME PARLE PAS DE MORT !" se mit-il à dire – peut-être à hurler, détachant parfaitement ses mots qui le firent trembler. Le voilà qui faisait demi-tour, parce que c'était toujours comme cela que ça se passait. Et s'il ne voulait pas trancher la gorge de son cadet, comme ce dernier avait voulu le faire en le rattrapant dans les coulisses du château, il possédait tout de même les mêmes traits que lui. Ils se ressemblaient, finalement. Ils étaient frères, après tout. "NE ME PARLE PAS DE DÉPART. Je sais ce que c'est ! Je t'ai vu et partir, et mourir, Poucet !" continua-t-il, sa voix montant petit à petit, comme on gravissait un pic glacé sans vivre et sans oxygène. A cet instant, il se sentait comme l'un de ces alpistes à qui on avait fait une mauvaise blague en tranchant la corde qui le retenait à sa paroi. Il n'avait plus qu'un échappatoire, celui de tomber. Encore et encore. Il se rapprocha donc du bouclé, en le montrant du doigt comme pour l'accuser, alors qu'il n'était même pas le bourreau de l'histoire. "Je l'ai vu bon sang ! Ça fait dix ans, dix foutues années que je te vois perdre ta MAUDITE lumière !" Il y avait quatre animaux dans cette petite pièce d'infortune. Deux chiens. Deux loups. Ils hurlaient tous à la mort. Un par un. "Et j'ai essayé de la remplacer. J'AI ESSAYÉ MAIS JE N'Y ARRIVE PAS." L'adulte n'avait plus aucun moyen. Il baissa son bras, et passa l'une de ses mains sur son visage, en détournant un peu la tête, le souffle court. "Je me suis moi-même perdu, alors comment je pourrais guider tes pas ?" Un petit rire brisé vint se faire entendre, tout bas, et sa voix étranglée reprit. Saut dans le vide. Arrêt rapide. "Tu me manques. Et- et je ne veux pas partir." Son ton s'affaiblit, et sa colère s'amenuisa, comme empoisonné par la vérité qui fusait, celle qui faisait peur et vous prenait au ventre. "Ou juste à ta recherche." termina-t-il en se mordant l'intérieur de la bouche. Il l'avait déjà fait. Il n'était parti de la maison que pour ça. Pour être sa lumière. Pour être fort. Pour être là. Mais il n'avait été aucun des trois. Il expira difficilement, en tournant un peu la tête, ses yeux brillants de détresse dérivant vers Poucet. Cinead le regardait avec un air étonné, et il aurait sûrement fait la même chose s'il avait été un chien – peut-être l'était-il, en fin de compte. Un chien qui ne savait même plus après quoi il courait.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptyDim 4 Jan - 15:14




Elis et Poucet
Tout ce que je sais... C’est que des fois, tu me manques tellement, que j’ai envie d’en crever tant ça fait mal...

Pleurer c'est pour les faibles. Pleurer c'est pour les femmes. Pleurer ce n'est bon pour personne. Mais avant toute chose, tout cela, pleurer c'est humain. C'est une autre preuve qu'il ne peut être à l'abri d'un coup d'épée mal agencé, qu'il n'est pas fait pour être seulement stoïque et faire office de présence. Le plus étonnant c'est que Poucet arrive à ressentir, à souffrir, à aimer autant que son coeur le peut. Il s'en rend compte seulement maintenant, en s'effondrant pour la seconde fois dans la journée - qui sera à marquer d'une pierre blanche sans aucun doute. L'estomac noué, le palpitant dispersé un peu partout dans son corps il ne sait guère où donner de la tête. Sa tête lui dit d'aller à gauche, sa conscience lui marmonne la droite, il est tiraillé entre deux pôles le pauvre maître d'armes, sans aide aucune pour lui tendre une main salvatrice. Même son frère semble avoir jeté l'éponge. Lui qui disait que tout était de la faute de la populace, finalement il se rend compte qu'il est son pire ennemi ainsi que son meilleur allié dans cette bataille qu'il doit mener contre son être noirci par la peur. Ce doit être cela qui le ronge, l'effroi qui lui met des bâtons dans les roues, l'horreur qui constante arrache ses rêves pour les transformer cauchemars. Sa plus grande faiblesse, ce qu'il porte en dégoût, ce sentiment si grandissant qu'il tétanise les muscles. Suffit-il de lui murmurer à l'oreille le terme ogre et il en tombera, suffit-il aussi de lui rappeler les morts qu'il a causés et il ne fera que s'enfoncer un peu plus dans la boue. Il est fait pour la terre ce pauvre rampant qui gigote, il doit s'y faire, se dire que de toute façon la chance est pour autrui, pas pour les Cailloublanc - ils le sauraient sinon, et ils n'auraient pas été abandonnés avant tout. Il n'est pas l'unique détenteur d'une poisse monumentale, ils sont sept, le sixième ayant fait le choix de l'accompagner jusque dans la tombe pour son bien. Néanmoins, lui, ce qu'il en pense exactement ? Il désapprouve ce qu'il fait, tout en ayant bien sûr une certaine fierté au fond de lui. C'est étrange, assez contradictoire même, Poucet ne cherche plus à comprendre depuis le temps - et ce n'est pas faute d'avoir posé des questions. Alors il reste là, attendant sagement qu'il puisse avoir de nouveau foi en son jeune cadet qu'il protégeait envers et contre tout lorsqu'ils étaient mômes. Ce temps est révolu, il le sait, alors pourquoi s'y pencher encore plus ? Si ce n'est pour mélanger sa plaie purulente avec du sel venu du fin fond des océans les plus déchaînés, ce doit être son épreuve, ce qu'il doit affronter pour réussir à trouver cette petite voix qui lui murmure des paroles douces à l'oreille qu'il envoie dans les roses constamment. Il faut savoir écouter. Ce que le champion n'a pratiquement jamais fait, si ce n'est envers ses supérieurs tant hiérarchiques qu'en matière d'âges. Son père avait affirmé qu'une fois qu'il faut écouter les anciens, bourrés d'une sagesse légendaire ils sauront le guider sur le bon chemin. Cependant, là où son géniteur avait faux, c'était ce côté mythique qu'ils dégageaient, ces fameux vieillards ne sont que des incarnations humaines qui prennent une plus grande dimension pour étonner les plus jeunes ! Qu'il était stupide de croire une seule seconde qu'une entité faite de chair et de sang allait pouvoir lui donner la réponse. La preuve en est qu'Elis n'est pas capable de lui offrir plus qu'il ne le peut déjà - il ne faut pas en demander trop à un congénère, pas même la lune ni les étoiles, le strict minimum devrait suffire pour le peu qu'il est capable d'en prendre soin. « NE ME PARLE PAS DE MORT ! » Il aurait dû s'en douter qu'il venait d'amorcer un canon, il aurait dû le savoir, pourtant non, il ne s'y attend pas, si bien qu'il en sursaute sur son fauteuil, gardant Cinead à ses côtés comme pour se protéger du monstre qui sort enfin des pores de la peau de son frère. Il fronce les sourcils, laissant cette cascade de larmes ravager son visage déjà souillé par les méfaits du sable et du combat. Qu'ils sont minables. Ils passent de la rage à la tristesse, de l'un à l'autre comme si de rien n'était. Ne sont-ils donc que des mélanges émotionnels qui ne sont là que pour se détruire ? Sans aucun doute, Poucet ne doute plus réellement à ce sujet, le jour où il périra son frère le suivra sans rien regretter si ce n'est la Duchesse Plumosucre. Ils sont reliés, c'est tout, que la tête de mule le veuille ou non, il est incapable de s'en débarrasser aussi facilement que l'on peut jeter un jouet parmi les restes de nourriture. Il l'a dans la peau, alors qu'il hurle à s'en éclater les cordes vocales peu lui importe, il souhaite aussi jouer son rôle de libérateur dans cette histoire qui tourne un peu trop autour de ses bouclettes foncées. Déglutissant presque avec une certaine difficulté, le concerné totalement bouleversé n'arrête pas pour autant de bavasser - tout au contraire, le silence doit le pousser au vice. « NE ME PARLE PAS DE DÉPART. Je sais ce que c'est ! Je t'ai vu et partir, et mourir, Poucet ! » Qu'est-ce que ça fait d'avoir un cadavre sur les épaules ? Ce doit être lourd, très lourd, si conséquent que le porteur ne peut que tomber au bout un instant. Ce doit être dur, aussi. Il n'en a pas la moindre idée, Poucet ne fait que porter les vivants comme les spectres qui s'impriment dans ses pensées les plus infimes. Dis, Elis, ça fait quoi de traîner une coquille vide ?

Des bourdonnements prennent place dans ses oreilles, il voit les lèvres de la tête rousse bouger, néanmoins il n'arrive pas à assimiler les mots trop complexes qui s'échappent de sa gorge. Il ne doit pas vouloir les entendre. Voilà son souci, sa barrière qu'il aime à ressortir lorsqu'il se sent radicalement en danger. Il pourrait le croquer il en est convaincu, s'il en avait le pouvoir il serait en train de lui arracher les viscères, de danser autour de sa carcasse rongée par les corbeaux. Capable du pire, oui, ils peuvent commettre l’innommable à partir du moment où ils se retrouvent dans une pièce. Toutefois, comme tout revers de pièce, ils peuvent s'offrir mutuellement le meilleur aussi. Il faut simplement savoir faire des choix, et c'est ici que rien ne va plus. Prendre un chemin, celui devant, derrière encore à gauche ou à droite, lequel est le plus accessible ? Le plus rapide aussi ? Ils se trompent toujours, ils sont faits de ça, ils ne sont doués que pour se planter de façon monumentale - ils deviendront des fleurs à force de côtoyer l'herbe. « Tu me manques. Et- et je ne veux pas partir. Ou juste à ta recherche. » Est-ce vraiment ce qu'il attendant ? Une déclaration à coeur ouvert ? Il peut le voir ce pauvre organe sanglant qui cliquette gentiment contre sa cage thoracique. En fronçant un peu plus les sourcils, bien qu'ayant son horizon flouté à cause de la peine qui s'échappe par ses iris ténèbres, il l'admire dans toute sa splendeur. C'en est fascinant de se dire qu'une toute petite chose peut faire tant de mal. Mais est-ce vraiment ce morceau de chair écarlate qui rend l'être humain capable d'une telle folie ? Il en doute. Tout se déroule dans la tête, là où les bêtises sont telles qu'elles prennent des envergures de batailles interminables. Pinçant sa lèvre inférieure, c'est avec un certain aplomb que ses mains dégagent toute cette eau qui s'est imposée sur sa mine déconfite. Inspirant profondément, il en profite pour renifler quelque peu, ravaler sa fierté qui fait office d'un démon. Ne sachant quoi rajouter sur l'instant, il repasse le bout de ses dix doigts sur le pelage de l'animal déchiré entre ses deux maîtres, puis quelques minutes après il se met debout, faisant tomber la couverture mise un peu plus tôt sur le parquet. Un rire lointain fait trembler la peau de sa gorge, il lui rappelle ceux dont il usait quand il avait encore tout juste dix ans. « Alors reste. » Une belle conclusion en perspective qui laisse à présager des suites plus propices à la paix qu'à la guerre. Ou bien ? Ce serait mal les connaître, il ne peut y avoir de bon ou de mauvais côté, juste un milieu qui les fait tanguer tant vers l'un que vers l'autre. Ils ne connaissent pas la bonne mesure, ou le juste, rien que tout blanc ou tout noir. Inspirant profondément, sa respiration tremblante trahit sa dégaine impassible, Poucet hausse les épaules dans une ultime lassitude. « Je ne te demande pas d'y arriver, seulement de ne pas m'abandonner. Tu es le dernier de notre belle et glorieuse famille, si je venais à te perdre, qu'est-ce qu'il me resterait ? Outre nos deux bêtes sauvages, rien. » Une solitude si grande qu'elle finirait par le gober tout entier, encore pire que le grand méchant loup, probablement moindre que la reine usurpatrice, néanmoins si conséquent que ça le détruirait. Dragée serait l'unique survivante de sa dépravation, cependant elle ne pourrait combler le vide qu'Elis aura laissé derrière lui, jamais. On ne peut remplacer l'irremplaçable. « Et encore, je suis convaincu que Cinead préférerait te rejoindre plutôt que de rester avec moi, n'est-ce pas ? » Et il appuie son fait en jetant un regard complice au chien qui lui répond par le biais d'un aboiement, plus loin il peut entendre celui d'Aldred qui souhaite prendre part à cette conversation risible. Retenant un petit gloussement maladroit, ses prunelles rougies se reposent sur le véritable martyr. « L'hydromel ne m'aide pas vraiment à y voir plus clair, hm. » Au moins elle dénoue sa langue de pierre, il ne devrait pas s'en plaindre - et bien qu'il tremble encore, son assurance a bien voulu reprendre le dessus sur son changement d'humeur. « Je ne suis pas le frère rêvé, je ne suis même pas un frère tout court. Mais en tant que personne, seul ton bonheur m'importe, peut-être est-ce même pour cela que je veux que tu fuies, pour que tu ne te frottes pas à ça. » Son dernier mot si bien prononcé qu'il se regarde de haut en bas, détaillant ses vêtements d'une qualité moyenne aux couleurs fades - tout comme son âme. « Le plus déplorable c'est que je suis indécis. Je veux, je ne veux pas, je veux, je ne veux pas. Sais-tu à quel point un crâne peut regorger d'instruments de torture ? Comme si nous étions nos propres bourreaux... » Le bout de sa langue passe sur ses lippes asséchées, ses poings se serrent en se concentrant exclusivement sur un point invisible disposé sur la chemise de son aîné. « Qu'on lui coupe la tête avant qu'elle ne tombe toute seule. » Parole en l'air, sa raison se fait la malle autant que l'alcool qui lui est bien monté à la tête. Décidément, Poucet n'est pas fait pour les plaisirs interdits, et certainement pas la boisson. « Je pense que j'aime à te détester, tout comme je déteste à t'aimer. Reste. Parce que tu sais, je sais aussi qu'un point final n'est pas envisageable. Tu es mon frère, mon dernier espoir dans ce royaume. Reste non pas pour moi, mais pour qui j'étais avant. » Pour ce dernier hommage, pour une unique bougie allumée qui brille sous des ciels ombragés.
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poucet ☾ if you must wait, wait for them here in my arms as i shake EmptySam 31 Jan - 17:17




Poucet et Elis
les larmes qui brûlent sont aussi celles qui consolent

Il s'était mis à trembler. Ses frissons partaient de la pointe de ses orteils pour terminer jusqu'à ses yeux qui ne comprenaient même pas pourquoi ils devaient supporter tout ceci, cette même tragédie qui rendait tout petit bonheur de la vie quotidienne parfaitement surfait, et qui les tirait plus bas que terre à chaque seconde passée l'un à côté de l'autre. Il ignorait pourtant les raisons de ces tremblements presque douloureux, tant il essayait de les contenir, d'abord bien à l’abri dans son cœur qu'ils avaient déjà détruit, pour finir par imploser. Exploser. Comme ses paroles, mots nauséeux, sortis des tréfonds de son âme qui elle-même avait été touchée, alors que de tout ce qui faisait l'humain, Elis avait toujours pensé qu'elle survivait toujours malgré les coups. Quelle naïveté. Il aurait pu s'en douter, après tout. Il avait assisté à la mort de celle de son frère, précipitant de ce fait la sienne, parcelle par parcelle, jour après jour. Il fallait arrêter ce processus des enfers maintenant. C'était arrêter, ou en crever. Ils en étaient bien incapables. Les frères Cailloublanc savaient faire beaucoup de choses, comme aimer, un peu, beaucoup parfois, sourire quand il le fallait, rire quand il ne le fallait pas, apprendre à compter avec des minuscules bouts de bois, apprendre à vivre sans aucun instrument adéquat, rester dix ans sans une quelconque nouvelle du reste de leur famille – si on pouvait appeler cela ainsi. Mais arrêter cette lourde et dangereuse machine qu'ils avaient mis de leur plein gré en marche n'était pas dans leurs cordes. Ni dans celles des autres, ceci dit. Ils étaient les seuls responsables. Elis ne cessait de le penser. Comme un rengaine qui ne pourrait jamais s'amenuiser, car elle était ce qui les liait l'un à l'autre, pour l'éternité, ainsi il ne pourrait que l'aimer, même si la haine n'était pas loin, même si la haine demeurerait quoi qu'il arrive, puisqu'elle allait de paire avec l'amour, donc avec les Cailloublanc, un duo aussi improbable que ces deux sentiments qui n'allaient pas l'un sans l'autre, et qui même s'il essayait tant bien que mal de limiter les blessures par la fuite, continuerait à s'aimanter, à s'aimer, à se détester. Eux.
Il les aimait, parce qu'ils les définissait.
"Alors reste." Il restait pour cela. Pour ce qui demeurerait de leur relation, et des paroles haineuses qu'ils se lançaient comme des mots d'amour, d'un toujours qui n'était pas, mais qu'ils pouvaient tout de même effleurer du bout des doigts, parce qu'avec eux restait l'espoir, et que cet espoir suffisait à les raccrocher l'un à l'autre, comme un fil invisible, corde de deux âme pendues à des yeux qui n'en finissaient pas de déverser des larmes silencieuses, parfois hurlantes dans ce genre de nuit-ci, aussi rare que les paroles que prononçaient à présent son frère. Ce dernier avait tiré le tabouret bancal sur lequel ils s'étaient installés de leur plein gré. Elis l'aidait dans sa douloureuse besogne. Il restait pour eux. Pour ce suicide collectif, à cœur ouvert. "Je ne te demande pas d'y arriver, seulement de ne pas m'abandonner. Tu es le dernier de notre belle et glorieuse famille, si je venais à te perdre, qu'est-ce qu'il me resterait ? Outre nos deux bêtes sauvages, rien." Le forgeron ne répondait plus de rien. Il attendait. Il attendait ces syllabes entre coupées au couteau, dans un souffle tout aussi effilé. Il attendait ce qu'il avait attendu toute sa vie. Et à son plus grand malheur elles venaient. Elles venaient, alors il restait. Et cela faisait si mal que ça finissait par le rassurer. Il fallait être capable de ressentir de telle chose pour se sentir vivant. Pour garder son immobilité malgré la tempête qui passait, repassait, trépassait afin de les rendre naufragés de leur propre bêtise exubérante. Il mit une seconde seulement à les assimiler, les porter jusqu'à son cœur fatigué, puis releva finalement les yeux vers cet être qu'il avait chéri au dépend de sa propre existence, de son propre mensonge, de sa propre folie. Il ne se sentait ni frère, ni animal. Même Elis n'était plus. Plus rien que de la chaire consumée, brûlée vive par des cendres soufflées par le cadet, qui faisait repartir la machine destructrice, pour un dernier acte où le happy end ne pouvait même pas être abordé sans en rire de plus belle. Il avait voulu l'abandonner, oui,  mais en quelques secondes sa raison lui avait murmurée qu'il en était bien incapable. Comme il était incapable d'être son frère, ou d'être plus ou moins. Sa raison avait à présent un prénom. Poucet. La famille Cailloublanc n'en avait pas fini avec son revers de fortune. D'abord terrassée par la faim, elle avait connue la richesse, puis le déclin, à nouveau, car c'était ainsi qu'on vivait une vie, dans un changement constant qui donnait le mal de mer, qui donnait la nausée mais qui vous faisait vous relever contre vent et marée. Car bien entendu, que les Cailloublanc se relevait. Avec difficulté, certes. Mais ils le faisaient, car ils ne savaient faire que cela, continuer, en bien ou en mal, c'était selon. Même si souvent, c'était un savant mélange des deux, comme à cet instant-ci, encré dans la nuit et pourtant bien au dessus de cette dernière. C'était déroutant, de se dire que ce genre de moment incongru pouvait exister, surtout pour Elis qui n'aspirait qu'à une existence paisible. Et pourtant, il ne réussissait à se sentir que grâce à cela. Grâce à Poucet. "Et encore, je suis convaincu que Cinead préférerait te rejoindre plutôt que de rester avec moi, n'est-ce pas ?" Il l'observa, ce garçon qui était devenu un homme, mais qui était resté son petit frère, car si Elis ne savait ce qu'il était pour lui, il n'avait aucun doute sur ce que lui représentait à ces yeux. Un petit être qu'il avait façonné, puis qui s'était écrit seul, à son plus grand regret, bien que finalement il aimait cette indépendance qui l'horripilait plus que de raison, car quoi de pire pour une personne telle que lui que de voir le contrôle lui filer entre les doigts ? Cinead s'occupait bien de lui, jouant aux sparadraps lorsque son maître n'était que l'arme du crime.  Heureusement qu'ils étaient là, ces animaux au grand cœur, plus grand encore que ces hommes qui voulaient les dresser à leur effigie, ce qui ne faisaient que les rendre un peu plus monstre encore. Peut-être que sans ces deux boules de poils, le lien qui unissait les frères ce serait déjà brisé depuis très longtemps. Finalement, il fallait peu de choses pour détruire la beauté, mais il n'en fallait pas plus pour la conserver. Elle subsistait tant quand on pouvait la nourrir de petites bricoles à la mine peu importante, et ces dernières étaient la clé qui leur fallait pour ne pas se mettre à agoniser comme deux âmes à qui on aurait enlevé l'essence même. C'était ce qu'ils devraient faire. Se comporter aussi normalement que possible, afin d'éviter de s’embourber dans leur médiocrité.
Elis s'attendrit un peu, à mesure que les secondes défilaient dans cet espace où ils évoluaient en faisant tâches et bourdes monumentales – tâches écarlates, d'un rouge d'alcool, ou d'un rouge de sang, il ne savait plus très bien. Comme le disait si bien Poucet, l'hydromel n'aidait pas beaucoup dans leur besoin de clarté, mais après tout, peu de choses pouvaient leur rendre service ici. Rien que l'amour qu'ils se portaient l'un à l'autre, l'un pour l'autre. A bien y réfléchir, la boisson n'aidait jamais dans ce genre de dessein. Mais au moins réussissait-elle à le faire parler, à un prix certes élevé, mais d'un mal pouvait parfois sortir du bien. Un grand bien, qu'Elis ressentait jusque dans ses muscles fatigués de trop s'être battu, et pour si peu de résultat qu'il aurait pu depuis longtemps en baisser les bras. "Je ne suis pas le frère rêvé, je ne suis même pas un frère tout court. Mais en tant que personne, seul ton bonheur m'importe, peut-être est-ce même pour cela que je veux que tu fuies, pour que tu ne te frottes pas à ça." Le frère écoutait l'autre à présent. Attentivement, comme avant. Il n'écoutait pas tant ses paroles, mais aussi son palpitant qui prenait le pas sur celui de l'être aimé, ce qui changeait de l'ordinaire puisque jamais ils n'avaient été réellement synchronisé depuis que la capitale les avait accueilli en son sein. Cette dernière avait assisté à leur éprouvante décadence, maintenant, elle devait voir la renaissance. Ils devaient du moins la lui donner. Comme une offrande à une terre d’accueil qu'ils foulaient sans en avoir demandé la permission. Ses yeux s'attardèrent,  à l'instar de ceux de Poucet, sur cette même enveloppe charnelle qu'il voulait toujours serrer dans ses bras, histoire de le protéger de tout, sans pour autant pouvoir le protéger de lui-même. C'était tant pis, que le forgeron réussit à se dire. Il ferait ce qu'il pouvait. Il ne pouvait de toute manière pas faire plus, ni moins, en ce qui le concernait. "Le plus déplorable c'est que je suis indécis. Je veux, je ne veux pas, je veux, je ne veux pas. Sais-tu à quel point un crâne peut regorger d'instruments de torture ? Comme si nous étions nos propres bourreaux..." Il haletait toujours, mais sa respiration avait décidé de laisser la souffrance au lendemain, de lui débloquer les pieds et les mains qu'il s'était lui-même cadenassé afin qu'il puisse s'approcher de la carcasse animée qui lui faisait face, et qui lui ferait toujours face parce que c'était sa manière à lui de lui dire qu'il l'aimait. En exposant ses maux, en hurlant ses phrases comme si le diable avait été à ses trousses. A leurs trousses.
Et c'était eux, qui perdraient la tête s'ils ne se mettaient pas tout de suite à s'entraider.
Lèvres pincées, Elis prit une longue inspiration tandis que Poucet finissait son œuvre de guérison, car c'était ce qui s'apparentait le plus à cette déclaration alambiquée, aussi violente qu'elle ne pouvait apparaître que douce aux oreilles de son bourreau. "Je pense que j'aime à te détester, tout comme je déteste à t'aimer. Reste. Parce que tu sais, je sais aussi qu'un point final n'est pas envisageable. Tu es mon frère, mon dernier espoir dans ce royaume. Reste non pas pour moi, mais pour qui j'étais avant." Il y eut un petit sourire, imperceptible, tandis que ses yeux rencontraient les siens. Puis ce sourire s'étira un peu plus, parce que ce n'était pas compliqué, bon sang, d'étirer ses maxillaires un minimum en le voyant devant soi, même dans un si piteux état. Il était là. Il était là, avec lui, et c'était tout ce qui comptait.
Tout ce qui devait compter. Le reste n'avait pas d'importance.
"Je ne me suis jamais autant senti idiot que maintenant. Pourtant je le suis, depuis le début." dit-il à voix basse, après un silence qu'il étira un long moment, afin que tout deux puissent faire le point chacun de son côté. "J'en suis désolé, Poucet. Je suis désolé d'avoir hurlé en pensant que c'était le dernier recours à-. A quoi, déjà ? Je ne sais plus très bien. Je crois que finalement, je ne l'ai jamais su. Ou peut-être que si, je l'ai toujours su, qu'on était voué à se détester, du moins que je l'étais, que je devais te détester parce que tu avais pris un autre chemin, et que je n'avais plus aucune prise sur toi, aucun moyen de faire de toi ce que tu étais quand tu avais cinq ans, et que tu galopais dans la forêt avec moi, lorsqu'on faisait la course pour aller jusqu'à chez Alric." Son sourire était celui de l'amertume, mais une pointe de joie s'y glissa une demi-seconde, pour ne plus en repartir, car il comprenait, et que c'était une bonne chose, de voir le bout d'un tunnel qui ressemblait si fort à celui de la mort qu'il en avait paniqué pendant une bonne dizaine d'années. "Tu ne pourras plus jamais être ce Poucet là, en effet. Il est mort, oui. Mais, eh bien, le nouveau n'est pas obligé non plus d'être une œuvre des ténèbres. J'espère simplement qu'il aidera à sa manière le nouveau Elis à ne pas devenir trop idiot en pensant qu'on peut retourner en arrière, alors que non, on ne peut pas." Il parlait d'une petite voix, comme s'il s'était enfin rendu compte de sa bêtise, et que cela lui faisait honte. Ce qui était irrémédiablement le cas.
Ses deux iris bleutés se plantèrent dans les siens, océans nuageux, emplis d'un brouillard semblable à celui que causait les larmes. Elis, il espérait qu'il puisse autant aimer à l'aimer qu'aimer à le détester.
Parce que c'était ce qu'il faisait, inconsciemment, chaque jour, chaque minute, chaque seconde depuis une vie. Ou deux. Après tout, il fallait avoir vécu quelques éternités aux côtés d'une même personne pour l'avoir encré dans la chaire à un tel point.
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