Je sais que c'est lui. Je le sais. Je l'ai reconnu. J'ai au moins trois gravures de lui dans ma chambre et j'ai mis une alerte sur mon iMirror. Oh bon sang. Qu'est-ce que je vais lui dire ? Il me faut une guimauve. Non, Ulrich, réfléchis ! Allez. Je peux le faire. Il faut que j'aille lui parler. Il est seul, en plus. Je pourrais même le kidnapper !
Bon, peut-être pas. Respire. Un, deux. Pfiou. Je peux le faire. Ni une, ni deux, je fais un pas... Et m'arrête. Non, je ne sais vraiment pas quoi lui dire. Je vais encore me rendre ridicule ! Il faut que je trouve une phrase bien tournée, dans le style « Bonjour, preux Chevalier, comment-allez vous par cette belle journée ? »... Ça fait un peu chanson de Claude Franvoix. On va éviter.

Je me lance. Lancelot. Ha, ha. Je me lance, Lancelot. D'ailleurs, comment ses parents ont eu l'idée de lui donner un tel prénom ? Lancelot, c'est pas facile à porter, quand même. Ça fait penser à une lance. A de l'eau. A une lance dans l'eau. Ou à un lot. Un lot de lance.

... Stop. Allez, je mets cet air confident sur le visage - celui que je prends quand Nina me demande si je sais monter à cheval (« Mais bien sûr que je sais, c'est Niki qui m'a appris ! ») et m'avance vers lui. Et m'assois à sa table. Et je crois même que je fais un petit malaise de quelques secondes. En tout cas, en rouvrant les yeux, une bière est posée devant moi.
C'est bien, ça, de l'alcool, ça aide. Allez, j'en prends deux gorgées. Oh, peut-être cinq, au cas-où.

« Je... Heu. Bonjour. » C'est un bon début, je pense, "bonjour". C'est poli, ça. C'est bien Ulrich ! « Je suis désolé mais... Vous êtes bien Lancelot ? »
En même temps il pourra me dire ce qu'il veut, je sais que c'est lui. J'ai mes moments de stupidité mais je sais reconnaître mon idole quand je la vois ! Je prends encore quelques gorgées de ma bière. J'en ai besoin.

« Vous êtes mon idole ! Je n'arrête pas de parler de vous à tout le monde et je rêve de devenir chevalier, comme vous ! » Je crois que je m'évanouis encore une fois mais, franchement, je n'en suis pas sûr. Je suis un peu dans un état second, là. Un état triple. Quatruple. Je ne sais plus comment dire le reste alors je vais m'arrêter là.

Allez, reprends-toi, Ulrich, ce n'est que Lancelot. Est-ce que je tombe encore dans les pommes ? Ah, je crois bien.

Ulrich & Lancelot

Eh bah on est pas sorti du sable...

Une bière (ou deux…voire trois) en fin de journée pour un chevalier-flic n’avait rien de très étrange. Il n’était clairement pas rare de les voir trainer dans les diverses tavernes de Fort Fort Lointain. Ce soir, Lancelot avait échoué à La Table Ronde. Il en aurait presque ri, s’il n’avait pas une journée éreintante dans les bottes et une envie de se faire royalement oublier, pour un peu. C’est pourquoi il a pris une table dans le fond de la taverne, faisant face à ma la voie d’entrée, un mur dans son dos. Il détestait avoir une voie de passage dans le dos, et ce, depuis aussi loin qu’il s’en souvienne. Il détestait ne pas être en mesure de voir d’où provenait le danger, quel qu’il soit. Et puis ça lui permettait aussi d’observer le reste de la taverne, repérer les habitués, repérer ceux qui pourraient éventuellement causer des problèmes dans le reste de la soirée, ceux qui étaient nouveaux etc…Il pouvait rester des heures assis dans un bar/taverne/endroit qui servait de la boisson, à observer la clientèle aller et venir, sans jamais se faire ennuyer.

Pas ce soir apparemment. Un jeune homme, entré dans la taverne un peu plus tôt et qui était resté planté sur près de l’entrée pendant un bon moment, venait de s’asseoir à la table du chevalier. Il était fébrile, nerveux…Lancelot se tint sur ses gardes, même si son attitude extérieure ne montrait même pas qu’il avait remarqué ce gamin s’asseoir à la table. Son chapeau était toujours aussi bas sur sa tête, son regard semblant sur sa pinte et rien d’autre. Alors qu’il était plus que conscient que ce type, sous ses air un peu niais, pouvait se révéler être une menace…

Alors, la menace n’est pas tant en la personne du gars en tant que telle, mais dans ce qu’il sait. Sa question fit relever les yeux du chevalier de sa pinte pour les poser sur le nouvel arrivant et le reste de ses paroles…A se dire qu’il faut qu’il le fasse taire momentanément et rapidement. Car il ne voulait pas que tout le monde dans cette foutue taverne ne sache qui il était vraiment, sinon il n’en sortirait plus. Des questions, des questions, encore des questions, toujours des questions et surtout, une perte de confiance des autres chevaliers-flics qui sont des gens qui n’aiment pas qu’on leur mente…Alors on vous laissent imaginer le Prince s’il l’apprend. Pas que lui et Lance soient proches, très, très loin de cela, mais ça ne serait pas mal que le patron de son patron n’en sache rien. Tiens, il n’a pas l’air d’aller très bien…Oh…D’accord, un petit malaise du fait de rencontrer son idole, il n’avait jamais provoqué ce genre de réactions avant, mais il fallait bien un début à tout. En tout cas, ça lui donnait une sacrée bonne excuse pour faire sortir ce type d’ici et voir avec lui ce qu’il se passait, ce qu’il savait exactement et surtout, faire en sorte de le faire taire sur cette information. Le chevalier se leva donc, déposa quelques shillings sur la table pour les boissons et attrapa le jeune homme comme quelqu’un de bourré qu’on escorte à la porte. Personne ne se posa vraiment de questions ; il n’était pas rare de le voir, lui, faire sortir quelqu’un de trop soul pour rentrer chez lui sain et sauf d’une taverne. Il le mena dans une petite rue adjacente et tranquille où il le déposa sans cérémonie au sol, avant de croiser les bras sur son torse, surplombant le jeune homme.

"Parles. Qu’est-ce que tu sais ? Qui t’envoie ?"

Car oui, le coup de l’idole, il n’y croyait qu’à moitié à dire vrai. Il se méfiait bien plus de ce que ses anciens détracteurs pouvaient lui vouloir qu’autre chose. D’un autre côté, ce type avait l’air d’un amateur de première, difficile de croire qu’il ait pu être envoyé par quelqu’un connaissant un tant soit peu la réputation du chevalier…Mais on est jamais trop prudent.

Je suis dans un champ de guimauves et plein de moutons virevoltent autour de moi ! C'est merveilleux. Je n'ai qu'à ouvrir la bouche et un cookie me tombe dans la bouche. C'est le paradis. Lancelot gambade au loin et je le suis à cheval car oui - je sais monter à cheval. Soudain, Nina se détache au loin et... Qui a ouvert la porte ? Pourquoi il fait froid ?

Oh. Bizarrement, à chaque fois que je sors le soir, je finis par me retrouver au sol. Que ce soit dans un bar avec l'homme super sympa qui ne m'a jamais dit son nom ou... Face à mon idole. Lancelot. Juste devant moi. Il faut que j'arrête de m'évanouir. Il n'a pas l'air content... Qu'est-ce que je fais ? Je lui ai pété dessus sans faire exprès ? Oh mon dieu Lancelot est fâché avec moi...

« Parles. Qu’est-ce que tu sais ? Qui t’envoie ? » Heu. Que je parle. Par qui je suis envoyé ? Hein ? « Heu... Je sais que vous êtes chevalier ! Et que je rêve de devenir chevalier... Et personne ne m'envoie, enfin, j'ai déjà pris un autographe pour une amie une fois mais cette fois-ci c'est moi qui vous admire...»

Est-ce que ça a du sens, ce que je dis ? Aucune idée. En tout cas, là, tout de suite, il me fait un peu peur. Et je n'aime pas avoir peur, parce que franchement, ça me donne envie de poser une pêche. Il fait froid, en plus. J'ai froid. « Hm... J'ai... J'ai une gravure de vous sur moi je... Je peux avoir un autographe ? »

Vu que je n'ose pas me relever de peur qu'il me tâcle au sol, je farfouille dans mes poches à la recherche de ma gravure porte-bonheur de Lancelot et me tortille tel un asticot. De toute façon, je n'ai plus rien à perdre ! Trouvant ce que je cherchais, je me ratatine un peu plus sur le sol et lui tend mon précieux.

« Et si vous aviez deux-trois conseils aussi... J'aimerais devenir chevalier mais j'ai peur des chevaux... Enfin, Niki essaye de me faire monter mais ces bêtes ne m'aiment vraiment pas. »

Ulrich & Lancelot

Eh bah on est pas sorti du sable...

Définitivement pas un type envoyé par quelqu'un qui voulait sa peau, c'était certain. Ce n'était qu'un gamin. Un gamin qui avait entendu parler de ce qu'il avait fait du temps où il était sous les ordres d'Arthur et qui voyait en lui le héros qu'il rêvait de devenir. Sauf que Lancelot était peut-être un héros au sens le plus stricte du terme, celui qui dit qu'il a accompli de nombreuses quêtes, qui a sauvé des demoiselles en détresses et qui a combattu de nombreuses batailles, mais il ne se sentait pas comme un. Pas quand on a vécu tout ce qu'il a vécu avant de devenir chevalier, et même pendant qu'il l'était, et que les gens qui ont un jour entendu parler de Lancelot Dulac ne savent pas. Ce n'est pas plus mal. Il était, après tout, venu ici pour se refaire une vie, tenter d'oublier tout: Arthur, la table ronde, Guenièvre...bien qu'il sache pertinemment que c'était peine perdue. Voilà aujourd'hui un gamin qui était bien trop physionomiste pour son propre bien et qui, en plus était un admirateur de Lancelot. Toute sa chance quoi. Il se demande tout de même, des fois, s'il n'a pas énervé une déité quelconque à sa naissance, parce qu'il avait tlut de même des retours de Karma assez monumentaux et pas dans le bon sens.

Le chevalier resta silencieux un moment, contemplant ses options. Il devait faire en sorte que ce petit tienne sa langue. Il ne manquerait plus qu'il ne parle et raconte à tout le monde que Lancelot Dulac était en ville et travaillait comme chevaliers-flic pour la ville. Là il irait probablement se mettre six pieds sous terre lui-même. Ou il fuirait, encore une fois, abandonnant Jeiran, Elwenn (une nouvelle fois), Ali...tous ceux qui ont rendus cette vie ici meilleure, ceux qui lui servaient de soutien quand il risquait de faire le pire. Finalement, il poussa un lourd soupire et attrapa le bras du jeune homme et le releva.

"Écoutes petit. Je ne peux pas. Parce que ici je ne suis pas Lancelot Dulac. Tu ne t'ai jamais demandé comment il était possible, avec ma réputation, pour que tu n'entendes parler de moi dans cette ville qu'une fois que tu m'aies croisé? C'est parce que je ne veux pas qu'on le sache. Pour moi ma vie de chevalier avant Fort Fort Lointain est morte et enterrée. Alors je te demandes cela comme une faveur: gardes pour toi ce que tu sais et oublies Lancelot Dulac. Ça vaudra mieux pour tout le monde."

Car si Lancelot n'avait pas officiellement d'ennemis dans la cité, pas de sérieux en tout cas, il n'était pas impossible que Meleagant ou un autre de ses détracteurs ne décident de venir le trouver jusqu'ici et alors, tous ceux qui ont semblé avoir un contact un tant soit peu amical avec lui peuvent devenir des cibles potentielles. Ce gamin ne mérite pas cela...

"Quant à ton désir de devenir chevalier, demandes au vieux Grégoire, à la Tour d'Argent. Il n'en n'a pas l'air comme ça, mais c'est un excellent chevalier, aux valeurs sûres et droites. Il sera très heureux de prendre un apprenti. Je peux même lui glisser un mot pour toi. C'est vrai que ta peur des chevaux est problématique, mais si tu es déterminé, et avec l'aide de Grégoire, tu vaincras ta peur." Il offrit un sourire encourageant au gamin. "Mais demandes toi si Chevalier est vraiment ce que tu souhaites devenir; tu apprendras très vite que c'est un apprentissage difficile et que notre vie est bien moins glorieuse et glamour que ce que les journaux et les romans font croire..."

Lancelot tourna alors le dos, bien décidé à reprendre sa route vers une nouvelle ronde ou alors à retourner noyer ses souvenirs remontés à la surface dans quelques pintes de bière et verres de vin...

Quand je comprends qu'il ne me signera pas d'autographe, je range mon matériel dans ma poche et essaye de ne pas avoir l'air très déçu. Je ne comprends pas comment il peut ne pas être fier de ce qu'il est : c'est mon héros ! Bon, je ne dois pas compter parmi ses meilleurs fans, on a vu mieux qu'un ogre qui rêve d'être chevalier mais qui a peur des chevaux... Et des objets tranchants, et des conflits. Mais Lancelot... C'est une légende, un mythe vivant ! C'est le Chuck Maurice de Fort Fort Lointain ! Et il est là, devant moi...

« Écoutes petit. Je ne peux pas. Parce que ici je ne suis pas Lancelot Dulac. Tu ne t'ai jamais demandé comment il était possible, avec ma réputation, pour que tu n'entendes parler de moi dans cette ville qu'une fois que tu m'aies croisé? C'est parce que je ne veux pas qu'on le sache. Pour moi ma vie de chevalier avant Fort Fort Lointain est morte et enterrée. Alors je te demandes cela comme une faveur: gardes pour toi ce que tu sais et oublies Lancelot Dulac. Ça vaudra mieux pour tout le monde. »

Oublier Lancelot Dulac ? L'homme avec lequel j'ai grandi ? Celui pour lequel j'ai appris à lire parce que je voulais connaître ses exploits ? C'est comme si on me disait d'oublier Olga ! Je secoue alors la tête doucement, en espérant qu'il revienne sur sa position, qu'il me signe mon autographe et qu'il fasse de moi un chevalier.

« Quant à ton désir de devenir chevalier, demandes au vieux Grégoire, à la Tour d'Argent. Il n'en n'a pas l'air comme ça, mais c'est un excellent chevalier, aux valeurs sûres et droites. Il sera très heureux de prendre un apprenti. Je peux même lui glisser un mot pour toi. C'est vrai que ta peur des chevaux est problématique, mais si tu es déterminé, et avec l'aide de Grégoire, tu vaincras ta peur. Mais demandes toi si Chevalier est vraiment ce que tu souhaites devenir; tu apprendras très vite que c'est un apprentissage difficile et que notre vie est bien moins glorieuse et glamour que ce que les journaux et les romans font croire... »

Au vieux Grégoire ? Mais je ne le connais pas moi, ce type ! « Non, non, si je dois apprendre à devenir chevalier je veux apprendre avec vous... » Il s'éloigne ; je décide de me lever et de le suivre. « Vous ne savez pas à quel point vous êtes important pour moi ! Je connais tout de vous, tous vos exploits, je vous suis depuis que je suis petit... Je préfère ne pas apprendre à devenir chevalier du tout plutôt que d'apprendre avec quelqu'un d'autre. »

Je sais bien que mes paroles ne changeront rien. Un homme comme lui, une fois qu'il a décidé quelque chose, il s'y tient ! « Si vous ne voulez pas que quelqu'un sache que vous êtes Lancelot, promis, je me tairais ! Je ferais tout ce que vous me demanderez ! » Mon cerveau me crie "Franchement Ulrich, tu peux trouver mieux que ça pour le convaincre !". Oui, je pense aussi. Il faut que je joue cartes sur table. Ou table sur cartes. Ou cartes tout court. Que je joue quelque chose, quoi.

Je m'arrête alors et reprend ma gravure. « Je... J'ai toujours rêvé d'être vous. Et puis, enfin, vous pourrez demander à ma soeur, mais je ne suis vraiment pas un modèle de courage... Et j'en ai marre de m'effrayer quand un oiseau passe trop près de moi, et tout le monde en profite pour rire de moi, et je ris avec eux parce que, franchement, c'est marrant parfois mais... J'aimerais bien juste gagner un tout petit peu de courage... Et si vous ne voulez pas m'apprendre, eh bien je n'apprendrais pas. Est-ce que vous pouvez au moins me signer ma gravure, s'il vous plaît ? Promis, je ne la montrerais à personne ! »

Je me mets en face de lui et lui tend ma gravure. Si je ne deviens pas chevalier, j'aurais au moins eu la chance de croiser Lancelot Dulac. Le Lancelot Dulac. Et je ne repartirais pas sans mon autographe, quand même. Ou peut-être que si, mais seulement s'il devient agressif. Parce que j'aurais peur et je partirais en courant. J'irais me réfugier chez Gretel pour lui acheter des guimauves. Non, pardon : dans tous les cas, j'irais chez Gretel ensuite. Il n'y a plus de guimauves, chez les Fiersbras.

Ulrich & Lancelot

Eh bah on est pas sorti du sable...

Il aurait pu le laisser continuer à parler, à essayer de le retenir sans y parvenir, mais une phrase stoppa Lancelot net dans ses pas. « Je connais tout de vous ». Il détestait ce genre de phrases toutes faites, censée avoir une valeur quelconque. Pour Lancelot, cette phrase lui donnait plutôt envie de faire taire son auteur le plus rapidement possible. Une solution aurait été de simplement l’ignorer et de continuer à marcher, effectivement, jusqu’à ce qu’il se lasse et ne finisse par partir de lui-même. Sauf qu’il ne le pouvait pas. Il ne pouvait pas simplement ignorer une telle affirmation, faire comme si de rien n’était. Parce que ce genre d’affirmation, ça ne lui rappelait que trop bien les évènements qui l’ont obligé à quitter le Duché de Camelot pour venir s’expatrier ici, à Fort Fort Lointain. Il se tendit mais ne dit rien, laissant le jeune homme terminer, parce qu’il était tellement bien lancé que ça ne servirait à rien de le couper maintenant.

La suite, il ne l’entendit que d’une oreille, voyant trop rouge pour vraiment prêter une franche attention aux paroles suivantes. Ce qui était dommage, parce qu’il aurait pu avoir une certain compassion pour ce gamin qui ne demandait qu’à vivre son rêve. C’était beau d’avoir un rêve et quelque part, Lancelot aurait aimé en avoir encore ; ne pas être cet être presque totalement blasé de la vie, d’avoir encore quelque chose qui le pousserait à se dépasser, malgré tout. Sauf que vu son état d’esprit actuel, le chevalier entendait plus ce que Ulrich disait comme un appui sur ce qu’il avait affirmé un peu plus tôt et le poussait à vouloir le faire taire de plus en plus urgemment. La goutte qui fit déborder le vase fut lorsqu’il se planta devant lui, cette maudite gravure tendue dans l’espoir qu’il la lui signe…

Sans un mot, sans un signe avant-coureur, Lancelot attrapa le jeune homme par l’épaule, agrippant son t-shirt, et le repoussa de son avant-bras juste sous sa gorge jusqu’au mur derrière lui. Son regard s’était fait froid, glacial même, et ses paroles en étaient une belle démonstration de ce froid dont il savait faire preuve malgré tout.

"Ne dis plus JAMAIS que tu connais tout de moi. Tu as lu tout ce qu’on a bien voulu te dire de moi, mais il y a encore beaucoup de choses que tu ne sais et qu’il vaut mieux que tu ne saches pas ! Je ne suis pas ce chevalier parfait qu’on dépeint dans les journaux et les romans, j’ai fait de grosses erreurs, des erreurs qui m’ont fait quitter Camelot. Et de manière générale, la vie de chevalier ne se résume pas simplement à de grandes et belles quêtes, à des combats épiques et autre fadaises qu’on fait croire aux enfants pour leur faire garder espoir en ce bas monde. C’est aussi tuer des gens, pas forcément dans un combat à la loyale, c’est aussi être lâche, fuir, et être faible !" Il prit la gravure des mains du jeune homme et la lui montra, bien en face "Ce Lancelot, petit, est mort il y a longtemps. Fais-toi une raison."

Il lui rendit la gravure avant de le relâcher, reculant de quelques pas pour le laisser respirer et avoir sa réaction. Alors qu’il n’avait plus qu’une envie, partir d’ici et aller se défouler en s’entrainant à l’épée, ou bien aller noyer tout ça dans un sacré paquet de verres de vins…

Non, je ne réfléchis pas souvent. Je réfléchis que dans des situations périlleuses où ma vie peut être mise en jeu, quand je suis face à Olga pour éviter la raclée ou quand je lui concocte un piège. J'essaye de réfléchir quand je fais face à Nina mais j'ai rarement réussi - trop concentré que je suis à admirer ses yeux. Donc, non, il est vrai, je ne réfléchis pas souvent. Mais sur le coup, je pensais réfléchir. Je pensais qu'il serait content de voir que je suis fan de lui - peut-être le plus grand fan que l'on puisse trouver à Fort Fort Lointain. Je n'ai pas réfléchis à ce que j'ai dis mais j'ai réfléchis à ma manière de le dire, et c'était censé être flatteur, tout ça. Très flatteur.

Alors, quand je me suis retrouvé collé contre le mur, tout à coup, je ne savais plus quoi penser. Et c'est dans ces moments-là que je ne peux plus réfléchir, même si j'essaye.
J'essaye plus de me concentrer sur ma respiration que sur ce que me dit Lancelot - c'est qu'il serre fort, tout de même ! Quand j'arrive enfin à maintenir une respiration pas trop douloureuse, je me concentre sur ses paroles.« Et de manière générale, la vie de chevalier ne se résume pas simplement à de grandes et belles quêtes, à des combats épiques et autre fadaises qu’on fait croire aux enfants pour leur faire garder espoir en ce bas monde. C’est aussi tuer des gens, pas forcément dans un combat à la loyale, c’est aussi être lâche, fuir, et être faible ! » Je me contente de hocher la tête comme je peux, mais même le mouvement le plus infime se ressent sur son bras. Il me sert tellement fort ! La pression de son bras diminue lentement lorsqu'il me prend - m'arrache, plutôt - ma gravure des mains et la brandit devant mon nez. J'amorce un mouvement en avant pour la récupérer mais, forcément, cela ne sert à pas grand-chose. « Ce Lancelot, petit, est mort il y a longtemps. Fais-toi une raison. »

Et c'est exactement dans ces moments-là que je n'ai pas besoin de réfléchir. Enfin, ça se discute. Je récupère ma gravure et prends un moment pour récupérer mon souffle et me frotter la gorge. « Vous auriez... Vous auriez simplement pu signer ma gravure et me dire de me taire... » Non, je ne pleure pas.

J'ai des poussières de guimauves dans les yeux.

« Je sais bien, que ce n'est pas parfait, mais quel métier l'est vraiment ? Et vous ne vous sentez pas mieux en vous disant que, malgré toutes ces horreurs, vous avez réussi à sauver des gens ? A en rendre heureux ? Personne n'est parfait... » Je laisse tomber la gravure au sol.
Je n'ai jamais été aussi déçu. J'ai toujours rêvé de le rencontrer. Je cassais les pieds à Olga, à Charmant, à Nina et Niki, et le jour où j'arrive à croiser son chemin... Plus rien. Il ne reste plus rien de l'image que je me faisais de lui.

« Très bien, alors. De toute façon, je ne vous aime plus. » Oui, ça sonnait peut-être enfantin. Mais Lancelot, c'était mon idole. « Je voulais... Je voulais seulement un autographe, et deux ou trois conseils. C'est tout. Je ne voulais pas terminer collé contre un mur en ayant du mal à respirer. Je... » Je me passe la main dans les cheveux et adresse un dernier regard à mon ancien héros. « Je vous laisse, alors. Merci de... » De quoi ? « Non, rien. »

Je regarde ma gravure sur le sol et hésite un instant avant de la ramasser. A quoi bon, maintenant qu'il a tout détruit ? Je la ramasse tout de même. Après tout, ça ne fait pas de mal de s'accrocher à quelque chose. Une petite partie du mythe. Lancelot était un chevalier, après tout. C'était mon héros. Je dépoussière ma représentation du chevalier et la remet dans ma poche.

Je ne sais plus trop si j'ai envie de devenir comme lui ou pas. Je crois bien que non.

Ulrich & Lancelot

Eh bah on est pas sorti du sable...

Il n'avait pas voulu exploser ainsi envers ce petit gars qui avait eu le courage de venir l'approcher alors qu'il l'idolâtrait. Ce fut une réaction purement instinctive, viscérale à un point qui lui ferait presque honte. En plus de cela il lui avait fait mal et pas seulement moralement; ça, il le savait pertinemment, il mentirait s'il disait que ce n'était pas le but de la manoeuvre en un sens. Le secouer suffisamment pour lui faire abandonner l'idée que Lancelot était quelqu'un qui méritait qu'on l'admire. Il ne l'avait jamais cru et il ne le croirait jamais. Cependant, il n'avait pas voulu lui faire de mal physiquement. Jamais. Pourtant c'est ce qu'il avait fait et il s'en voulait pour cela. Ce petit gars ne méritait pas cela, surtout qu'il n'avait pas totalement tort, mais dans une réaction aussi négative, on ne voit que les mauvais souvenirs et les erreurs alors qu'effectivement, il avait sauvé des vies fut un temps. La colère qui avait pris le chevalier sembla fondre comme neige au soleil. Il poussa un soupir léger, ne voulant pas aggraver plus que cela l'humeur déjà maussade du jeune homme, puis se retourna vers lui.

"Pour ce que ça vaut, je m'excuse. Je ne voulais pas te faire mal. Tout comme je n'ai pas à te dicter ce que tu devrais faire ou non." Il laissa une courte pause et repris "Alors si tu veux devenir chevalier...fonces petit. Tu as le coeur bien placé et c'est très important. Cependant, je reste sur ma position: je ne peux pas te former. Tu as vu ce que je suis devenu? Je n'aurais ni la patience et surtout pas la pédagogie pour faire de toi un chevalier digne de ce nom. Fut un temps, peut-être, quand j'étais encore sous les ordres d'Arthur et Guenièvre..." son coeur se serra à la pensée de la belle "mais plus maintenant. Sincèrement, vas voir le vieux Grégoire. Il fut un excellent chevalier, me valant largement et plus encore. Aujourd'hui il a perdu un peu de sa superbe à cause d'une blessure de guerre, mais il n'en reste pas moins qu'il est un excellent instructeur et maître d'armes. Si quelqu'un peut te former à être chevalier, c'est bien lui."

Essayer de lui donner un nouveau héros était une solution qui semblait juste pour Lancelot. On ne pouvait pas détruire les rêves de quelqu'un comme ça et partir comme si de rien n'était. Alors il essayait tant bien que mal de rectifier ce que son saute d'humeur avait endommagé. Pas ce que le petit pensait de lui, car ça n'était pas le but et il sen fichait un peu, mais bel et bien lui redonner foi en son rêve. Il aurait voulut lui lancer un défi, essayer de le motiver mais...en fait, si. Il avait une idée.

"Je te lance un défi jeune homme. Si tu deviens chevalier, reviens me voir et on aura un duel tous les deux. Ainsi tu pourras me faire ravaler toutes les horreurs que j'ai pu te dire aujourd'hui et me prouver que je suis un imbécile fini."

Il y avait tout de même une chance pour que le gosse l'envoie purement et simplement sur les roses, ce qui ne serait qu'un juste retour des choses. Mais il essayait, au moins...

Être chevalier, c'est le genre de rêve que j'ai depuis tout petit mais qui me paraît réellement irréalisable. Après tout, j'étais déjà mal parti : je suis né en tant qu'ogre. Et puis, avec le temps, je ne me suis vraiment pas arrangé. Je crois que c'est Olga qui a hérité de tous les attributs virils de la famille - elle est douée pour tout ce qu'elle entreprend et j'ai passé mes années à la regarder faire. Je ne peux pas me vanter de rien, tout de même : mes pièges sont assez géniaux. J'ai tenté d'éradiquer ma peur des chevaux avec Niki, d'éviter les caniches sur la route, d'apprendre à me servir d'une arme mais j'y ai presque perdu mes doigts... Non, je ne pense pas pouvoir être chevalier un jour. Je ne pensais pas non plus que Lancelot se trouverait en face de moi et que cela se passerait très mal.
Et pourtant, ça a l'air de plutôt bien se terminer. Il s'est excusé. Alors, oui, je pense que je peux mettre sur mon CV que Lancelot m'a présenté des excuses ! Je ne m'y attendais vraiment pas, je pensais plutôt partir en courant et prier pour ne jamais le croiser, de peur de rencontrer un nouveau mur.

Ses conseils ne manquent vraiment pas de bon sens - s'il me prenait comme apprenti, je mourrais au bout de quelques secondes. A nouveau, il me conseille le vieux Grégoire et je me questionne sur mes motivations. Est-ce que je voulais être l'apprenti de Lancelot ou un réel chevalier ?
Aucune idée. Je pense vouloir un peu des deux mais m'imaginer être l'apprenti de quelqu'un d'autre ne m'attire plus vraiment. Ou peut-être ai-je simplement peur de sauter le pas ; après tout, c'est mon rêve de toujours. Ou ça l'était. Je ne sais plus.

« Je te lance un défi jeune homme. Si tu deviens chevalier, reviens me voir et on aura un duel tous les deux. Ainsi tu pourras me faire ravaler toutes les horreurs que j'ai pu te dire aujourd'hui et me prouver que je suis un imbécile fini » Je tente de ne pas sauter de joie, respire un bon coup et le regarde. Je ne serais jamais chevalier. Je le sais, parce qu'un chevalier ne peut pas avoir peur des chevaux, ni des caniches et doit savoir manier les armes. Je ne sais rien de tout cela. Mais là, juste pour quelques secondes, j'ai envie d'y croire.

« D'accord. » Oui, c'est tout ce que je trouve à répondre. Je lui tends la main, la gravure toujours dans ma poche. Non, je ne lui demanderais plus d'autographe, je ne suis pas suicidaire. « Merci. »

Merci de ne pas m'avoir discrédité immédiatement, d'avoir donné de la valeur à mes envies, d'avoir pris le temps de parler - et me coller contre un mur -, de m'avoir donné un tout petit peu de courage. Mais je ne vais pas lui dire ça, c'est pas vraiment viril, tout de même.