Jei & Ali

Qui aime bien châtie bien

J'ai toujours aimé voyager parce que d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voyagé. Avec mon père, on écumait les routes d'Afshin avec tout notre bric-à-brac de babioles à vendre sur les marchés de toutes les villes dans lesquelles on s'arrêtait. C'était pas le top du confort mais j'adorais ça. J'ai jamais envié le sort des gamins sédentaires, loin de là. Moi quand je reste trop longtemps dans la même ville, je finis toujours par me faire chier. Et puis comme je dis toujours, si le con d'ici veut pas de mon tapis, le con d'ailleurs en voudra peut être. Alors autant pas s'attarder. Mon père aurait sûrement pas été hyper content s'il voyait que je prends tout le monde et particulièrement mes clients pour un amas de cons mais je suis désolé, parfois faut regarder la vérité en face : quand je dis que mon tapis est hyper résistant et qu'on me demande « Oui, mais est ce qu'il résisterait à une catastrophe naturelle de type tsunami/inondation/tornade/fin du monde ? » j'ai vraiment envie de me marrer. Évidemment, je réponds que oui, que si eux survivent ils pourront retrouver leur tapis dans leur salon beau comme au premier jour mais faut pas être savant pour percuter qu'à la première goutte d'hydromel dessus il est foutu le bordel !

Quand je sens que je suis sur le point de péter un boulon, j'ai besoin d'aller faire chier quelqu'un et ce quelqu'un en général, c'est Jeiran. En même temps putain, c'est tellement facile de le faire tourner en bourrique ! Dès le premier jour, j'ai su que j'allais bien l'aimer lui. J'me souviens, j'avais volé une lampe à un marchand du coin (elle était moche en plus mais j'aime trop les lampes, c'est compulsif, j'arrive pas à m'en empêcher à chaque fois) et le con il a commencé à me courser ! J'avoue, je m'attendais pas à ce que ce soit un champion du sprint comme ça du coup j'ai tracé comme un malade avec mes 15 tapis sous le bras et j'suis entré dans la première boutique qui venait. Forcément c'était celle de Jei. Je lui ai dit qu'on avait essayé de m'agresser et que je devais me planquer si je voulais pas mourir et il a pas cherché à en savoir plus. C'est vraiment un chic type. En plus il vient d'Afshin comme moi. Bon, il a été un peu moins sympa quand le vendeur de lampe moche a commencé à gueuler dans la rue qu'on l'avait volé et que le voleur en question avait exactement la même gueule que moi. J'ai dit à Jei que c'était mon jumeau mais j'crois pas qu'il m'a cru... En tout cas, il m'a laissé partir sans me balancer et franchement, c'est cool.

Aujourd'hui, j'suis plutôt content : j'ai réussi à vendre un tapis vachement lourd et carrément laid à une vieille à moitié aveugle pour un super bon prix (paraît qu'il lui rappelait Ponpon son chaton, j'ai préféré pas en savoir plus) et comme je suis de bonne humeur, j'ai bien envie d'aller faire chier Jei. Ouais, c'est un processus à double tranchants, le pauvre il morfle depuis qu'il m'a aidé. J'entre dans l'armurerie, pose mon sac plein de marchandises dans un coin de la boutique comme un môme qui rentre de l'école qui balance son cartable à l'entrée et je lâche :

« Coucou c'est moiiiii ! »

Comme ça, Jei sait direct qu'il va prendre cher. Je commence à zyeuter les nouveaux trucs d'exposer en ignorant carrément l'inventeur qui bosse près de la forge et attrape une sorte de tige de fer un peu chelou. J'essaie vite fait de savoir combien j'pourrai en avoir si je décidais sur un malentendu de la piquer pour la revendre mais comme je sais pas à quoi ça sert, ça va être chaud à refourguer ce bordel. Je me tourne enfin vers Jeiran et demande en agitant le machin :

« C'est quoi c'truc ? Un outil pour se gratter le cul quand on est en armure intégrale ? »

Haaaan putain mais c'est pas con ça en fait ! En plus j'suis sûr que je pourrai me faire un paquet de pognon en vendant ça près de la Tour d'Argent... Par contre ça va être chaud à chaparder maintenant que je lui ai montré que ça m'intéresse... Putain j'suis vraiment con, ça m'apprendra à l'ouvrir. Bon, je vais attirer son attention sur autre chose...

« T'as taillé ta moustache ? Parce que franchement, c'était mieux avant, il manque deux ou trois millimètres là, j'ai l'impression de plus te reconnaître... T'as changé. »

Voilà, ça devrait aller. Pendant que je déballe mes conneries, je glisse la gratte-cul dans mon dos, la passe dans mon froc pour le descendre au niveau de ma cuisse et hop, l'affaire est faite. Bon, ça va être chaud pour marcher avec ça maintenant mais au pire je dirai que je me suis claqué un truc après une nuit enflammée au tapis avec une meuf d'Afshin, ça passera crème.