Il est parti.
Est-ce que cette pensée aurait un jour osée traverser ton esprit ? Certainement pas. Jamais, oh grand jamais tu n'aurais pu penser qu'il te quitterait. Lui. Ton tout. Ton soutien. Ta famille. Ton frère. Pourtant, c'est bel et bien ce qu'il s'est passé, après tout ce que vous avez traversé ensemble, il s'est enfuit comme un lâche dans les jupes de ce capitaine de rien du tout. Pourtant, tu te souviens encore de vos aventures ensemble. Gravées dans ton esprit.

C'était l'heure. Comme tous les jours, la vieille sorcière allait venir voir si ton jeune frère était prêt à être dégusté. Cette idée te hérissait le poil, pourtant, tu ne pouvais rien dire, au risque de voir ta vie réduite en cendre sans avoir pu le sauver. Tu pouvais très bien fuir, mais l'abandonner ? Ce n'était pas une option dans ton esprit. Réfléchir à un plan, ce n'était pas tellement ton don, c'était celui d'Hansel, toi, tu agissais sur le tas, tête brûlée, tu fonçais tête la première. Les réflexions, c'était après, bien après. Cependant, ce jour là, la sorcière ne se contenta pas de vérifier l'état d'Hansel. bien au contraire, elle décida qu'elle n'avait pas une minute de plus à perdre à l'engrosser. Elle décida de le mettre au four. T'envoyant vérifier la température, tu fus prise d'une lueur d'intelligence en lui signifiant que tu étais bien trop petite de taille pour atteindre ce fameux four. Ce qui au fond, n'était pas totalement faux. Soupirant et grognant à la fois, la sorcière se déplaça jusqu'à ce four pour faire le boulot elle-même. A cet instant, prise d'une poussé d'adrénaline, de courage et peut-être même de stupidité, tu poussas la sorcière dans le feu avant de refermer la porte. Tu restas quelques secondes à savourer ses hurlements alors que ton corps lâchait doucement prise. C'était fini. S'ensuit alors une course poursuite, ou presque. Tu t'empresses de sortir ton frère de cette cage de l'enfer avant de fouiner dans les affaires de la vieille sorcière en attendant que ton frère s'en remette. Vous devriez partir, c'est vrai, mais tu as comme une petite idée derrière la tête. Tu t'empares de tout ce qui peut s'avérer utile alors que vous décidez qu'il faut partir. Oui, mais pour aller où. Ce fut d'ailleurs la question de ton frère. Retourner chez vous ? Certainement pas, votre vie là-bas était terminée. Une nouvelle commençait.

Tu étais une orpheline, depuis que ton père avait décidé de vous abandonner, tu te considérais comme tel, malgré ton jeune âge. Ce fut dans un village non loin de la maison en pain d'épices que vous réussirent à trouver un refuge. une maison. Mais aussi et surtout une famille avec des parents aimants. Deux fermiers. Après avoir passé des jours à errer dans la forêt en quête d'un village, vous tombèrent sur ce village. « On a tué la sorcière, elle voulait me manger, et Gretel l'a poussé dans son four. » Ton visage blêmit. Il ne pouvait pas comprendre, il était trop jeune, mais malgré tout, tu aurais préféré qu'il ne dise rien. Honte ? Non, tu n'avais pas honte, certainement pas, tu étais plutôt fière d'avoir agit tel quel. Le problème était certainement le fait que de nombreuses oreilles étaient grandes ouvertes aux alentours. Ce qui devait arriver, arriva. A chaque recoin du village, tu pouvais entendre le mot menteuse suspendu aux lèvres de chacun. Tu voulais les faire taire, mais comment ? Tu n'étais qu'une gamine après tout. A force de les entendre, tu fus prise d'une envie de fuir. C'est vers la forêt que tu courus, loin de la foule, loin de tout. Tu avais à peine treize ans, quelque chose dans ce genre là, quand tu retrouvas cette fameuse maison en pain d'épices. Les entendre sans cesse avait eu pour effet d'entrevoir un certain doute dans ton esprit. Oui, dans le tien. tu n'étais plus sûre de rien. C'est pour cela que tu te retrouvas devant cette maison. ce n'était pas une blague, pas un mensonge, la pure et simple vérité.

Sur le chemin du retour, tu le rencontras. Il te fit peur. Grand, élancé, une cape recouvrant plus de la moitié de son corps. Son visage totalement camouflé. Rien ne laissait entrevoir l'identité de cette personne qui s'approcha de toi. « N'ai pas peur Gretel, je viens juste t'apporter ceci. » C'est ainsi qu'il sortit de dessous sa capz ce qui devint par la suite ton meilleur ami. Un arc. Il surplombait tout. Une aura s'éparpillait tout autour de cette arme qui avait le don de te fasciner. L'homme mystérieux ne resta pas longtemps, tu n'eus d'ailleurs pas le temps de lui poser la moindre question. Il se contenta de te laisser un arc, des flèches, et disparu. Les semaines suivantes, tu pris le temps de t'entraîner, tous les jours, tous les matins, tous les soirs, tu prenais le temps de t'améliorer, mais aussi te l'apprendre à Hansel. Comme si un danger était prévu. Dans le même temps, la disparition des enfants du village était réduite à néant. Les menteurs devenaient petit à petit des héros. Sauf que tu n'oublias pas ce qu'ils t'avaient fait endurer toutes ces semaines. Rancunière, certainement.

Les années courraient autour de toi, jusqu'à ce que tes dix-huit années ne sonnent le début d'une nouvelle vie. Rester dans ce village n'était plus possible pour toi. Tes parents adoptifs avaient été merveilleux, jamais tu ne pourras les remercier comme ils le méritent, cependant tu n'as jamais oublié ce que les autres habitants t'avaient infligés. Rester n'était donc plus une option, et puis la vie était devant toi. C'est comme ça que tu supplias - pas très longtemps d'ailleurs - ton frère à quitter le village pour Fort Fort lointain. Tu te souviendras toujours de ton arrivée dans cette ville. Les beaux gens, les sourires, les bâtiments, les taxi-calèches, les miroirs enchantés. Tes yeux pétillèrent d'envie, de passion, mais aussi de rêve. Ouvrir votre propre boutique s'imposa alors immédiatement. C'est comme ça qu'après l’acquisition d'un bout de boutique, la confiserie Miel & Epices naquit. Votre boutique. Le frère et la soeur, les orphelins Denougatine, toujours et encore unis jusqu'à la fin. Mais la fin arriva bien trop vite à ton goût.

« C'est ce que je veux ! Et ce que je ferais ! D'ailleurs il faut que je parte, l’Écorchée ne m'attendra pas.. » Oui, c'est ce qu'il fit. Tu te montras sentimentale pour qu'il reste. Rien. Tu te montras odieuse. Toujours rien. Insultante. Rien n'y fit, il s'éloigna de toi pour rejoindre la mer. Lorsqu'il tourna les talons, tu te laissas enfin aller. Ton dos se coinça contre le mur opposé, tu sentis ton corps glisser tout le long, avant de finir les fesses par terre, les genoux repliés et la tête entre tes jambes. Les premières larmes coulèrent suivies de près par les suivantes. Tu ne pleurais pas souvent, c'était même très rare, cette carapace installée autour de toi ne s'évaporait que rarement, mais cette fois-ci, elle ne fut pas assez forte pour te protéger. Les jours suivants, tu ne cessas de venir voir ce qu'il se passait sur le port, en espérant qu'il revienne. Que son bateau revienne sur le quai, qu'il ne lui soit rien arrivé, parce que tu t'en voudrais. La culpabilité serait bien capable de te reprocher de ne pas l'avoir protégé. C'est certainement ce qui te faisait peur. Ce ne fut qu'une semaine plus tard, lorsque pour la énième fois, tu vins sur le quai que son navire fut amarré, apparemment sain et sauf. T'avançant d'un pas assuré vers ce dernier, tu étais décidée à lui faire entendre raison.

Jamais tu n'aurais pensé apprécié cet homme. Jamais tu n'aurais pensé qu'il se créerait une place dans ton coeur et ton esprit. Ce jour où tu vins récupérer ton frère, il était là, assis sur un baril, jouant délicatement avec sa lame. « Que puis-je pour vous Milady ... » Susurra-t-il, un son grave, rauque, sur un ton des plus appréciables, mais tu n'étais pas là pour jouer. Autant te servir de tes atouts pour avoir ce que tu veux. Tu décidas de t'approcher de lui, alors qu'il fit de même. S'emparant de ta douce main, il vint y déposer un léger baiser. « Je suis à la recherche d'Hansel. » Ne pas passer par quatre chemins. « Qui le demande ? » Etait-ce une approche pour obtenir des informations sur toi ? Ou était-ce simplement une mesure de sécurité pour protéger ton frère ? N'avait-il même pas osé dire qu'il laissait une soeur derrière lui ? « Quelqu'un qui risque de s'énerver si elle n'obtient pas ce qu'elle veut, maintenant, matelot, excusez-moi, mais j'ai plus important à faire que partager quelques banalités avec un homme des mers. » S'ensuit alors d'autres apparitions de ce cher Potté. Il te comprenait, c'était un des rares qui prenait le temps de venir te voir lorsqu'il le pouvait, qui venait prendre de tes nouvelles, et c'est ainsi qu'une certaine histoire s'engouffra dans ta confiserie. Ce qui vous rapprocha le plus fut certainement ce jour, où il te suivit sans que tu ne le saches.

Une fois de plus, tu t'isolas dans la forêt à la recherche de tes cibles préférées. C'est toi qui les avais placé à cet endroit, chaque soir, alors que le soleil commençait à tomber, tu venais t'entraîner dans ce lieu magique. Tu respirais le grand air, retrouvais tes origines dans le secret, ton secret à toi. Sauf que ce jour là, Potté décida que tu n'avais plus de place pour ton jardin secret. Tu ne sus pas réellement s'il t'avait suivi depuis le début, ou alors s'il passait par là, par hasard, en tout cas, il comprit que tu n'étais pas une petite chose fragile. Après avoir lancé et réussi chacun de tes tirs, il se décida à sortir de l'ombre pour apprécier tes capacités. Petit à petit, il était plus que le bienvenue. Une belle histoire d'amitié naquit entre vous. Il était là, tu étais là. Il te racontait tout, n'avait pas peur de te faire peur. Il te contait les dires de ton frère, ses actions et autres petites choses que tu avais besoin de savoir. Cependant, il ne cessait de te pousser vers l'avant. Alors que ton frère partait pour que tu le suives, Potté venait te voir pour te convaincre. A eux deux, ils devenaient tes pires ennemis et en même temps, ta plus secrète envie.