- Nika... Tu sais que j'ai aimé ta mère, mais j'aime plus que tout cette femme...
- Non vas-t-en je veux rien savoir ! Je veux rien savoir ! Je veux pas d'autre maman, laisse moi tranquille !

C'était recroquevillée dans sa petite bicoque dans la campagne fantastique de far far lointain qu'une petite fille pleurait toute les larmes de son corps. Elle avait mouillé son petit pull de laine, et donnait des petits coups de pieds impuissant pour faire partir son grand homme de père. Elle se sentait misérable, mais il fallu l'accepter : son papa allait épouser une autre femme. Elle ne voulait pas être au mariage, elle se disputait constamment avec son papa. Mais qu'importe un beau jour en se levant, elle se dit "moi aussi je peux le faire." Sa maman était morte de la fièvre. Un beau jour en allant la réveiller pour lui rapporter de l'eau, elle comprit qu'elle ne respirait plus. Son papa l'a inhumé le jour même, mais Nika avait toujours essayé de garder le sourire. Jusqu'à ce qu'elle rencontre cette odieuse femme. Elle allait épouser son père, mais cette femme ne l'aimait pas, et Nika non plus. Pourtant Nika était une enfant, une petite fille adorable aux cheveux d'ébène, aux yeux d'un vert émeraude. Elle était petite, mais qu'importe. Même mariée à son papa, la femme ne la traitait pas comme une enfant.

- Vas me chercher mon repas Nika, j'ai faim !
- Moi je n'ai pas mangé, Madame. Et moi j'ai faim aussi. Mais ce n'est pas à moi de chercher le repas.
- Nika écoute ta mère.
- Ce n'est pas ma mère, c'est ta femme papa. Moi je n'ai qu'une seule mère.

Nika était une petite fille étrange et rancunière, et malgré son jeune âge, elle comprenait rapidement les choses. La femme ne l'aimait guère, sa maturité et son impulsivité la rendait acariâtre, déjà qu'elle le fut auparavant... Nika se rebellait très souvent quand les deux se retrouvaient face à face, mais jamais devant son papa. Nika ne voulait pas que son papa se sente triste de son malheur. Alors un beau jour en se levant, la vieille femme se demanda "Comment puis-je me débarrasser d'elle ?" Et l'idée lui vint.

Le papa partit acheter du blé pour le pain de cet après-midi, la marâtre en profita aussitôt pour aller voir la petite fille au puis : "Ma chérie, va chez ma soeur, ta gentille tante et demande lui une aiguille plus du fil à coudre pour te faire une chemise." Nika la petite sortit son petit sceau de l'eau et regarda la marâtre et son sourire au dents jaunes. Elle sourit aussi. Peut-être finalement qu'elle commençait à l'adopter. Mais Nika avait l'air innocente, mais Nika n'était pas aussi bête et naïve.

Elle rentra dans la maison, prit son petit foulard rouge et partit dans la direction de la gentille tante. Mais pas celle de la marâtre, celle de sa vraie maman. Elle savait que cette femme là, elle, cette gentille tante était celle à qui il fallait demander conseil. Elle traversa le petit village, poussa délicatement le petit portail de chez sa tatie et se jeta dans les bras de sa tante en l'apercevant. Elle cria "Tataaaaaa !" Depuis que la méchante femme vivait avec elle et son père, elle n'avait plus le droit de voir sa vraie tante, cette si gentille femme qui lui donnait toujours envie de sourire. La gentille tante lui proposa un petit repas, lui offrit des gâteaux et lui demanda la raison de sa venue. La petite Nika courba ses petits sourcils "tatie, la nouvelle femme de papa m'a envoyé chez sa soeur lui demander une aiguille et du fil à coudre pour me faire une chemise... Même si elle avait l'air sincère, je ne pensais pas qu'elle pouvait être gentille et j'ai un mauvais pressentiment, alors je suis venue te demander un bon conseil..." L'enfant regardait sa tante avec des yeux pleins d'étoiles. C'était celle en qui elle avait le plus confiance !

Alors la tante lui répondit doucement : "Tu as eu bien fait de me voir, mon enfant. La soeur de cette femme n'est autre que Baba-Yaga ! La vilaine ogresse ! Elle mange les enfants et les humains, et en fait du ragoût... Mais tu sais comment tu vas faire mon enfant ? Dans son jardin, il y a un boulot qui voudra te faire du mal avec ses branches, met lui un petit ruban autour de son tronc, ensuite ce sera une grosse barrière menaçante qui voudra se refermer tout seule, met lui quelques gouttes d'huile et tu verras. Pour ce qui est des chiens donne leur du pain, et le chat donne lui du jambon. Tu verras, tout ce passera bien mon enfant. Tu as ma benediction." La tante lui embrassa le front et lui prit les mains. Nika eut un large sourire "Merci ma tante." "Tu es brave pour une si petite fille."

Nika partit donc de la maison de sa tante et repartit dans le sentier de Baba-Yaga. Une fois arrivée, elle vit l'ogresse en train de coudre. Elle était immonde. Mais Nika s'efforça de sourire niaisement : "Bonjour ma tante !" "Ohh bonjour ma nièce." Nika s'approcha doucement. "C'est votre soeur qui m'envoie pour avoir une aiguille et du fil à coudre pour une chemise. "ohh reste là alors mon enfant, tisse à ma place. Je vais te chercher cette aiguille bien droite et ce fil bien blanc." Nika prit le début de tissu et se mit à tisser, faisant attention de ne pas se faire mal aux doigts. Elle sourit : finalement ce n'était pas si dur !

Mais en tendant l'oreille, elle entendit sa tante commander à sa servante "Chauffe le bain et lave ma nièce. Je veux la manger, ce soir." Nika se figea d'un coup, et eut un grand frisson à tel point que l'aiguille s'enfonça dans son doigt. Elle mit son petit doigt dans la bouche et courba ses sourcils. Ainsi donc baba-Yaga était belle et bien une ogresse méchante. Elle commença à trembler de stupeur en voyant la servante sortir et ramener du bois, puis des sceaux d'eau venant du puis remplis à ras bord. Nika la regardait avec frayeur avant de sourire doucement et de se forcer un peu : "Madame, fendez moins de bois et servez vous plutôt de passoires pour ramener l'eau ! La bonne la regarda avec de grands yeux avant de faire tomber quelque buche et de jeter l'eau par terre, allant chercher une passoire pour continuer son oeuvre. Mais avant qu'elle parte, Nika lui attrapa la main et lui donna son joli petit foulard rouge avec un beau sourire. La bonne la regarda dans les yeux, puis eut un sourire reconnaissant.

La petite fille regarda autour d'elle. Elle entendait la chanson de l'eau s'impatienter dans la marmite. Puis la voix de l'horrible ogresse se fit entendre : "Tu tisse ma nièce, ma petite chérie ? Nika failli pleurer de stupeur "Oui ma tante, oui je tisse." Sa voix ne tremblait pas, elle faisait tout pour ne pas qu'elle tremble. Mais la peur se sentait. Elle commençait à lui attaquer le corps. Mais il fallait bouger. Alors sans un bruit, elle alla vers la porte, mais le chat était là. Elle sourit doucement au chat menaçant, noire et vilain, plein de méchanceté dans les yeux. Le chat commença à sortir les griffes, observant de ses yeux verts ceux de la petite fille. Nika chercha alors dans son petit pannier à côté de la chaise à tisser et lui donna un morceau de jambon. Elle regarda le chat : "S'il te plaît, je t'en pris... Dis moi comment échapper à Baba Yaga ?" Le chat mangea le morceau tout entier, puis regarda l'enfant, se lissant les moustaches d'envie : "Baba Yaga va te poursuivre. Elle voudra te manger. Mais si tu veux vivre prend ce peigne et cette serviette. Après t'être enfuie, écoute les bruits de la terre. Si tu entends l'ogresse se rapprocher jette la serviette. Si tu l'entends encore après cela, jette le peigne. Et tu verras." La petite fille caressa la petite tête du chat qui se laissa moyennement faire, prit la serviette et le peigne et s'enfuit en courant de la maison.

Elle vit les chiens, et prit le pain tendre dans son petit panier et leur jeta. Ils ne lui firent pas de mal. Nika leur sourit et les chiens se régalèrent. Ensuite se fut le tour de la grosse barrière de vouloir l'empêcher de sortir, mais à peine eut-elle le temps de le faire que la petite s'arrêta nette devant et sortit l'huile de son petit panier. Elle lui offrit un bain d'huile sur les gonds et la barrière s'ouvrit doucement pour la laisser passer. Nika la remercia. Elle arriva au boulot qui tenta de lui fouetter les yeux, mais la petite fille parvint à lui mettre un petit ruban autour du tronc. Ce dernier sembla s'apaiser, ses branches lui montra le chemin. La petite aux grands yeux verts, sourit doucement et continua sa route. Et elle se mit à courir aussi vite qu'elle pu, la peur au ventre et des étoiles pleins les yeux, sa seule petite lueur de courage au fond de ses pupilles.

Pendant ce temps, le chat s'empara du fil à coudre et de l'aiguille, et continua de tisser ce que Baba-Yaga avait donné à Nika. L'ogresse demanda d'une grosse voix, malgré son envie de la rendre plus douce : "Tu tisse ma nièce, tu tisse ?" Le chat se racla la gorge et prit une petite voix "Oui, ma tante, je tisse." Furieuse, et consciente que quelque chose n'allait pas, l'ogresse sortit de sa maison en courant et rossa soudainement le chat. Nika avait disparu. Elle hurla à l'animal : "Traitre ! Pourquoi tu ne lui as pas crevé les yeux !" Le chat siffla et montra les dents, agacé par sa maîtresse : "HÉ ! Voila longtemps que je suis à ton service, et jamais tu ne m'as nourri comme elle ne l'a fait !" Baba-Yaga ravala sa rage, et continua son chemin. Elle rossa de la même manière les chiens qui aboyèrent, confus : "Hé ! Ça fait bien longtemps qu'on te sert, mais à part du pain moisi que nous as-tu donné ! Elle au moins, elle sait ce qui est bon ! Baba-Yaga pesta et secoua la barrière dans tout les sens. La barrière s'ouvrit d'un coup sur le ventre de l'ogresse en couinant "Hé oh ! C'est facile de te plaindre, mais quand est-ce la dernière fois que tu m'as huilé ? Elle m'a offert un bain d'huile !" Baba-Yaga devenait folle, jusqu'à arriver au bouleau qui tenta de lui fouetter les yeux : "tiens tiens ! Quand est-ce que tu m'as fait un cadeau sur mon tronc pour me rendre beau ? Regarde ce que t'as nièce m'a offert." La servante s'approcha de l'ogresse, entre courage et rage et lança l'eau de son sceau par terre, au pied de Baba-Yaga "Et moi ? Depuis combien de temps suis-je à ton service à cuire des enfants pour ton bon plaisir ? Regarde ce que cette petite m'a offerte : un beau foulard rouge en soie." La légende ne stipule pas que la servante à fait un doigt, mais... Si elle l'a fait.

Baba-Yaga, folle de rage, siffla pour son mortier qui arriva en frappant la terre. Elle posa ses horribles pieds dessus, prit son balais et s'élança à la poursuite de la petite Nika, effaçant les traces de sa course folle. Elle était tellement haineuse et en colère, que tout son visage répugnant était encore plus déformais. Ses traits d'ogres ressortaient avec horreur, elle terrifiait dans cet état, encore plus qu'elle n'avait jamais terrifié qui que ce soit.

La petite fille posa finalement son oreille contre le sol... Elle entendit Baba Yaga arriver. Elle eut tellement peur qu'elle n'attendit pas pour jeter la serviette. D'un coup, elle se transforma en torrent, et dans son sillage se forma une large rivière tumultueuse. La petite fille eut un large sourire, un sourire de joie et de satisfaction avant de continuer sa folle course, d'ores et déjà essoufflée. Baba-Yaga s'arrêta d'un coup, son mortier effleurant le torrent de la rivière. Elle grinça des dents, encore plus furieuse. Elle retourna à sa demeure, prit trois boeufs qui burent l'eau de la rivière jusqu'à ce qu'il ne reste que de la poussière... Puis elle poursuivit sa route, encore plus déterminée à attraper la petite Nika...

Cette dernière d'ores et déjà loin, posa une fois encore sa petite oreille contre le sol de la campagne. Le vent faisait bouger ses cheveux. Mais le sol tremblait sous le coup du mortier, alors l'enfant prit le peigne et le jeta derrière elle. Une large et longue forêt se créa d'un coup, dense et majestueuse. Baba-Yaga se cogna contre un arbre, son mortier fuyant dans les fougères. Impossible pour l'ogresse d'avancer plus, tandis que la petite fille s'émerveillait des miracles dont elle était témoin. La vieille folle voulut ronger les arbres avec les dents, mais qu'importe... Cela ne marchait pas. Nika remit alors sa petite tête contre le sol et ce fut le silence le plus apaisant qu'elle n'eut jamais entendu... Elle ferma ses petits yeux verts de soulagement, avant de sursauter à l'entente d'un cri de rage sorti de la forêt. Nika eut tellement peur qu'elle prit les jambes à son coup.

Durant tout ce temps là, cette folle course, le papa de Nika était revenu, mais il s'étonna de l'absence de sa fille. Alors il observa sa grande femme, inquiet : "Où est ma petite Nika ?" La nuit commença à tomber... La marâtre le regarda de ses grands airs et arqua jusqu'au ciel son sourcil : "Ta fille est vraiment une incompétente, voila des heures que j'attends ce fil et cette aiguille que je lui ai demandé de ramener de chez ma soeur..." Si seulement secrètement, le papa pouvait se douter de ce plan cruel et sordide. Mais c'est à ce moment là que la petite brune sortit du bois, et s'écrasa d'un coup contre l'herbe. Le père se précipita vers sa fille, la prit dans ses bras. La petite avait couru tellement vite et tellement longtemps, qu'elle ne pouvait plus bouger ses jambes... "Nika ! Mais d'où viens-tu enfin ?" D'un coup, l'enfant se mit à éclater en sanglot : "Papa ! Papa elle m'a envoyé chez une ogresse ! Elle m'a demandé du fil et une aiguille, mais Baba-Yaga mangeait les enfants... C'est Baba-Yaga elle a voulu me manger !!!" Nika était en pleurs, rien ne semblait pouvoir l'arrêter...

Après quelques heures de sanglot, la petite finit par tout raconter. Le père, furieux, jeta la bonne femme dehors la maison. Il hurla qu'elle ne revienne jamais, sous peine de la frapper. Elle ne vint plus jamais.

Un hiver, quand Nika eut bien grandi, qu'elle commença à être belle et pimpante, dans la fleur de l'adolescente, elle chercha de l'eau pour son bain. La jeune fille approcha son sceau du puis et le plongea dans l'eau glacée. Tellement glacée que le sceau se heurta contre une couche épaisse. La jeune fille commença à chercher un caillou. Elle posa sa main sur quelque chose de dur, elle se dit que ce n'était pas plus mal, ça allait casser la couche. Elle tira et elle n'oublia jamais. Ce n'était pas un caillou qu'elle avait sortit de la neige : c'était une main. Après un long cri d'horreur, elle comprit : la femme qui l'envoya se faire manger par Baba-Yaga, cette femme qui la torturait tant petite... C'était ce grand corps gelé qu'elle venait de retrouver.

Nika n'oublia jamais, et Nika maintenant, cherche à oublier, par des moyens imparfaits...