Nemo est né dans une famille quelconque, une famille qui n’aspirait à aucune richesse et qui n’avait aucune ambition. Ils se contentaient de vivre, de regarder passer les années, de nourrir leur enfant de regrets qu’il gardera toute sa vie. Habitant près d’un port, Nemo se levait tous les matins et assistait au départ des bateaux. La rancune dans le coeur et l’envie dans le regard, il regardait les marins partir tout en se promettant qu’un jour, il partirait, lui aussi. Il haïssait ses parents, qui n’étaient que de simples gens, sans intelligence aucune. Il haïssait ces journées passées à regarder les autres gens vivre, coincé dans sa routine et dans sa colère. Il haïssait plus que tout cet ennui qui le réveillait, qui l’accompagnait dans sa journée et qui, le soir encore, le bordait. Nemo avait besoin de partir.

C’était un 27 mai. Le soleil venait à peine de se lever, le brouillard de disparaître, quand Nemo arriva au port, ses affaires rassemblées dans un baluchon qu’il tenait à la main. Il était temps. Enfin, il pouvait quitter cette vie qu’il détestait et aller voir d’autres contrées. Il voulait voir si ailleurs, l’eau était plus bleue, l’air plus frais, le sable plus blanc. Nemo avait ce besoin vital au fond de lui d’embarquer sur un navire, ces navires qu’il avait vu partir tant de fois et de s’enfuir.
Un capitaine accepta de le prendre sur sa flotte. Il s’appelait Colin. Nemo ne lui était pas très utile, son manque d’expérience faisait de lui un poids que l’on traînait. Cependant, il se découvrit vite des talents cachés.
Là où Nemo n’avait aucune force pour hisser les voiles, il avait la voix pour donner les ordres.
Là où il n’avait aucun courage pour affronter les pirates, il avait le cerveau pour diriger les attaques.
Là où il n’avait aucun talent pour converser avec ses camarades, il manipulait à merveille les plus hauts gradés.
Rapidement, Nemo apprit à ne compter que sur lui-même. Bêtement, dans ses premières années à bord du White Fog, il avait réussi à se faire trahir plus d’une fois. La première fois par un de ses camarades à qui il avait confié un paquet de joints d’herbe à chat ramené illégalement à bord. Les coups qu’il reçu ensuite lui apprit que son ami l’avait dénoncé à peine l’avait-il quitté.
La deuxième fois, Nemo avait confié à un homme avoir vu une belle jeune femme, un soir où ils étaient accostés dans un port et où l’envie leur avait prit d’aller boire une pinte sur la terre ferme. Le lendemain, il reçu une convocation de son capitaine qui refusait que ses hommes aient une relation avec une femelle lors des heures d’escale. Les coups de fouet dont il avait alors été victime résonnent encore dans ses oreilles.
Enfin, Nemo fut trahi par son propre capitaine. Il avait acquis une certaine réputation au sein des marins. Il était devenu un homme fort, respecté, qui savait parler aux gens et trouver des solutions à leurs problèmes. Colin le haïssait pour cela. Après quatre années de loyaux services, il l’avait lâchement abandonné dans une contrée appelée Afshin. Ses affaires étaient toujours sur le bateau, mais sa colère, elle, ne le quittait jamais.

Il passa ses journées à démarcher les capitaines et ses nuits à boire sa perte de liberté. Rapidement, il se fit quelques amis, et trouva un autre bateau. Sinbad, un marin, accepta de l’emmener en mer. Le voyage se présentait sous les meilleures hospices et bientôt, Nemo trouva sa place dans ce nouvel équipage. Cependant, tout ne se passa pas comme prévu. Arrivés sur une île par erreur, par accident - vu les compétences du capitaine, cela ne l’étonnait guère - ils se réunirent sur la plage pour aviser de la suite. Mais l’air était chargé de tension et le sable encore chaud de précédents passages.
« Capitaine… Êtes-vous certain qu’il est sûr pour nous de rester ici ? » avait-il demandé. Sinbad l’avait regardé de haut, comme s’il n’était qu’un vulgaire poisson et que son avis n’avait aucun poids. « Je te demanderais ton avis, Nemo, quand tu me prouveras enfin que ce n’était pas une erreur de t’accepter sur mon navire. »
Si erreur il y avait, ce fut celle de Sinbad. Ils se firent prendre en otage, comme des bleus, comme s’ils ignoraient le danger en pensant que le danger, c’était eux. Sinbad et sa suffisance, Sinbad et sa putain de fierté. Ce chien n’avait même pas flairé le danger. Et ils étaient tenus, comme des bêtes, voyaient leurs camarades mourir un à un. Un soir pourtant, Nemo réussit à attraper un garde et à discuter avec lui. Il avait l’art et la manière de promettre ciel et terre pour au final les traîner dans la boue. Le vieux fou, hypnotisé par ses récits, laissa tomber sa garde. Grave erreur. Au moment où il s’y attendait le moins, Nemo prit son arme et la retourna contre son propriétaire. Son ennemi abattu, Nemo en profita pour prendre la fuite. Dans sa course, il rencontra Sinbad et Kale, toujours tenu en otage.
Qu’ils aillent au diable.

Aujourd’hui, à force de rencontres, de manipulation et d’influence, Nemo a réussi à trouver une place de choix dans l’équipage de Marraine la Bonne Fée. S’il n’a au début pu qu’accéder au rang de capitaine, son implication dans la cause de la Reine l’a amené directement devant un membre de la garde royale. De confidences en confidences, de bière en bière et au bout de quelques services rendus, Nemo s’est vu offrir une opportunité de travail qu’il ne pouvait refuser.
Il est aujourd’hui chef en titre de la marine marchande royale. Si son rôle est d’amener à bon port les biens dont le Royaume a besoin, il est aussi de détruire à petit feu ceux qui font du trafic illégal de marchandises et ruinent son travail. Son allégeance à la Reine est totale - si Shrek et Fiona daignent revenir un jour, Nemo sera sans aucun doute le premier à les faire changer d’avis.

Méfiez-vous, pauvres gens, de la fureur d’un enfant, devenue fureur d’un adulte. C’est là la plus dangereuse, puisqu’elle a évolué, grandit mais jamais changé. Si la fureur était à la taille de celui qui la portait, elle dépasse aujourd’hui ce corps devenu trop petit pour la contenir. Sa fureur est rage, sa rage est vengeance et sa vengeance, enfin, est arrivée chez vous.