Je suis né dans la famille Fiersbras - oui, vraiment, d’où mon nom de famille. Je suis le dernier d’une fratrie… D’une seule soeur, en fait. Olga, ma soeur adorée qui, bien que plus âgée que moi, est sûrement la plus débile de nous deux. Me tape pas, je t’aime. Plus petit, j’étais un ogre dans la moyenne - 2 mètres, 250 kilos. Rien ne me différenciait des autres. Je n’ai jamais excellé dans l’art des pets, des rots ou des greuh, même si je m’amusais tout de même à en faire. Par contre, j’étais très doué de mes mains ! Un jour, j’ai réussi à coincer Olga dans son armoire par un système que j’avais installé pendant qu’elle jouait avec une mouche dehors. Elle a mis deux jours à en sortir et ensuite, j’ai mis trois semaines avant de pouvoir marcher à nouveau.

Bref, tout allait bien, tout était beau, Olga s’était mariée, avait eu un mioche, et moi je vivais ma vie tranquillement, taillant du bois et me prélassant dans des bains de boue. Mais un jour, alors que j’étais avec Olga, une chasse à l’ogre s’est déclarée. J’ai lu la panique dans les yeux de ma soeur pendant que j’hyper-ventilais. Soudain, elle s’est mise à courir vers sa chaumière, sa chaumière où son mari et son enfant étaient. Trop tard. La chaumière était en feu et une odeur horrible s’en dégageait - plus horrible encore que les pets d’Olga.
Je voulais lui laisser un instant de deuil mais j’entendais des cris au loin. Alors, sans réfléchir, je lui ai pris la main et nous avons couru. Olga n’était plus elle-même à ce moment-là ; elle est tombée et j’ai bien cru qu’elle ne se relèverait plus. Mais je l’ai prise avec moi et nous avons continué notre course effrénée à travers la forêt, sans savoir vraiment où nous allions, tant que c’était loin, loin d’ici. Finalement, un arbre ensorcelé nous aura sauvé la vie, tandis qu’à l’intérieur de cette cachette de fortune, nos coeurs se calmaient et notre vie changeait.

Bref. C’est pas tout ça mais j’ai des arbres à couper et des meubles à faire. Il va falloir que j’installe quelques pièges devant la maison aussi, sait-on jamais… Et s’ils ne marchent pas, je peux toujours compter sur Olga pour qu’elle se prenne les pieds dedans. Elle va devenir verte !
Je rigole en me trimballant avec ma hache, examinant les arbres malades afin de les couper. Je veux pas tout couper non plus, puis de toute façon je dois ramener un tronc seulement. Mon patron aime bien les arbres malades, il dit qu’il y a une odeur de prestige qui se dégage de ce bois. Tu parles.
Je croise quelques bêtes sur mon passage mais mes pets les éloignent rapidement. Ah, cette vie, sous ce charnel… Ce n’est pas que des inconvénients - ah ça non, mais ça me manque d’être un ogre. Un bon, vrai, vert ogre. Un ogre qui fait greuh. Avec la voix d’ogre. Et la peau d’ogre. LA PEAU VERTE. Ça me manque, la peau verte.

Tiens, je pourrais peut-être inventer une crème de jour peau verte. Je la testerais sur Olga. Enfin, pendant qu’elle dort, sinon je vais de nouveau perdre une dent. Je décide de faire un détour par notre maison, cachée au milieu des arbres et regarde par la fenêtre. Ma soeur est affalée devant son feuilleton pourri. Je toque à la fenêtre et crie :

« HÉ OLGA ! T’ES VERTE ? »

Puis je pars en courant. Ah, elle ne vieillit jamais, cette blague. Contrairement à Olga.