Mowgli & Cheshire

You'll be my puppet without even knowing

Ca faisait déjà plusieurs jours que j’avais eu cette…altercation, dirons-nous, avec Kaa. J’avais fini, sous la rage, par émettre des menaces. Oh, ne croyez pas que parce qu’elles ont été prononcées sous le coup de la rage que je ne les mettrais pas à exécution…Oh non. Kaa mérite amplement ce qu’il va lui arriver, chaque coup, chaque douleur, chaque instant d’anxiété. Il le mérite cent fois après ce qu’il m’a fait. Ce n’était peut-être qu’un joli tour de passe-passe pour lui, avec ses illusions, cependant, il a dépassé des limites qu’il n’aurait pas dû ; il a fouillé dans mon passé, il m’a fait ressentir un sentiment que je ne voulais plus ressentir de ma vie : la peur de l’abandon, la solitude, pure et simple. La douleur de la trahison. Jamais il n’aurait dû réveiller cela chez moi, jamais. C’était une très mauvaise idée. Il va bientôt comprendre cette douleur, ce rejet qui fait si mal quand il vient de gens que l’on a appris à aimer…

Cependant, je pris le temps de me calmer ; jusqu’à ce que repenser à cette altercation ne réveille qu’un vague dégoût en moi et non une rage intense. Sinon je serais capable de faire de grosses erreur et de mettre fin à cette entreprise avant même qu’elle ne commence. Ce qui serait franchement fâcheux. Si je savais à quoi ressemble ce charmant petit blond dont le serpent était si épris, je ne savais en revanche rien de plus, pas de nom, pas de métier, rien. Or, Fort Fort Lointain était une grande ville et j’avais autre chose à faire que de chercher toute la ville à la recherche de ce type ou bien de suivre Kaa jusqu’à ce qu’il se rende chez son blond pour une visite de courtoisie…Surtout qu’il risquerait de me voir…Non, il fallait trouver autre chose afin de trouver des informations. Car si j’y allais moi-même, il serait fort probable que Kaa ne le découvre. Je ne voulais pas lui donner la moindre idée de quand et où j’allais frapper, il me fallait donc garder pour moi la recherche d’information…

Effectivement, je n’ai pas cherché d’infos sur le jeune homme pendant plusieurs jours, mais au final, la chance me sourit. Je ne savais toujours rien du mystérieux blond, en revanche, je venais de découvrir par des sources sûres, qu’un certain Mowgli Messua, chevalier-flic de son état, avait connu Kaa avant. Ce qui s’avérait être quelque chose de très intéressant. Mais surtout, je me disais qu’en discutant avec lui, je saurais s’il était possible de l’utiliser afin de récupérer des informations…Ainsi, même en parlant avec son petit blond, jamais ma description ne viendra aux oreilles de Kaa, seulement celle de cette vieille connaissance…oh oui, je voyais très bien comment je pouvais faire. Alors je me mis à suivre ce Mowgli, à essayer de savoir comment m’approcher et faire en sorte qu’il me parle. Je fini par avoir une opportunité. Il apparaissait qu’il finissait son travail vers les sept heures du soir en ce jour de la semaine. Alors je vins l’attendre près de la sortie de la Tour d’Argent, puis le suivi jusqu’à Romeo Drive où je savais qu’il vivait (être invisible avait ses avantages parfois). Quel numéro exactement, cela était une excellente question, mais je m’en fichais un peu pour tout dire. Ensuite, le truc le plus simple du monde, une bousculade, ni plus, ni moins. Je lui rentrais dedans comme sans avoir fait attention, et là commençait le jeu…

"Oh, pardon monsieur ! Je suis désolé, je ne regardais pas où j’allais." Je lui offris un sourire qui se voulait aussi innocent que possible, avec, en texte subliminal, une touche de séduction. Oh, j’avais entendu qu’il était bien un amateur de ces dames, je doutais très fortement qu’il en soit de même pour son genre mais une légère touche, quasi invisible ne pouvait pas faire de mal. Je roulais mon épaule, puis repris la parole "Ca va ? Je ne vous ai pas fait mal au moins ?" j’en doutais vu la carrure du type. Puis je baissais les yeux durant mon inspection rapide pour un éventuel signe de blessure factice, et je les posais sur l’épée à sa ceinture "Oh, vous êtes chevalier-flic ? J’espère ne pas vous déranger durant votre service !"

Mon ton avait la bonne combinaison d’embarrassement et de légère panique, tout pour passer pour le parfait petit citoyen un peu tête en l’air…Allez, viens petits, tombe entre mes griffes.

Mowgli & Cheshire

You'll be my puppet without even knowing

Je suis épuisé. Entre les émeutes, Lance qui me gueule dessus et mes nuits courtes (que ce soit à faire des recherches ou en compagnie de filles rencontrées ici et là dont je me souviens même pas du nom le lendemain pour la plupart), je crois que j'suis à deux doigts de péter un plomb. En sortant du boulot ce soir, j'hésite vraiment à passer à la boutique de fleurs de Clémence, histoire de me détendre au milieu de ses plantes de la jungle. Mais je me rappelle qu'aujourd'hui c'est fermé. Putain. En plus, j'ai vraiment pas le courage de me trainer jusqu'au parc. A cette heure de toute façon il y aura surement beaucoup de monde et là ce que je veux, c'est du calme. Résigné, je prends la direction de mon appartement en soupirant. Les muscles de mes épaules sont tendus comme un string, à tel point que j'ai peur qu'ils craquent d'une seconde à l'autre. Je les fais rouler en grimaçant. Pour me mettre au niveau des autres chevaliers-flics, je dois passer deux fois plus de temps dans la salle d'entrainement pour améliorer mes coups d'épée. Mais l'escrime, c'est vraiment pas pour moi. Je préfère nettement utiliser mes poings, à l'ancienne. Y'a pas d'épée dans la jungle, quand on se fait attaquer par un tigre, on a que sa tête et ses muscles pour s'en sortir. Lance m'a expliqué que l'épée doit devenir une extension de mon bras. Lui c'est un boss, il peut pas comprendre comment je galère. Pour moi, c'est une extension de rien du tout, juste un truc encombrant que je sais pas utiliser et qui me défonce la cuisse à force de la battre dès que je fais un pas. Wah. Faut que je calme sinon je crois que je vais tout péter là.

Je prends une grande inspiration. Allez, je suis bientôt à la maison. Ça veut dire que je pourrai bientôt bazarder toutes mes fringues, prendre une douche et pioncer jusqu'à... jusqu'à demain, 6 heures 30. Putain, rien que de penser à mon réveil je suis déprimé. Ils peuvent pas nous filer des horaires vivables bordel ? J'te foutrais tout ça dans un sac moi et j'l'enverrai...

BAM ! Bordel c'est qui le con qui vient de me foncer dedans !? C'est vraiment pas le bon jour pour m'emmerder ! Je jette un regard noir au type devant moi, un blond foutu comme un coton tige avec des yeux d'un bleu très saisissant. La vache, c'est une vraie brindille, j'suis surpris qu'il soit encore en un seul morceau et debout. Il a l'air un peu sonné mais s'excuse et me sourit. Putain, son sourire me met super mal à l'aise. Il y a quelque chose d'animal en lui, j'le sens. Je suis prêt à parier mon salaire qu'il porte le Charnel. Je jette un rapide coup d’œil histoire de repérer le bijou mais il doit le porter quelque part où je peux pas le voir. Pendant qu'il continue de parler, je me demande quel animal il peut être en réalité. Pas un loup en tout cas, c'est sur. Il n'a absolument rien d'un canidé. La façon qu'il a de me faire froid dans le dos, l'aura qu'il dégage, ça se rapproche plus de ce que je pouvais ressentir quand Shere Kan se trouvait dans les parages. Je ne pense pas que ce soit un tigre. Ni un autre animal de la jungle. Il y a quelque chose de trop distingué, éduqué en lui qui ne se trouve pas chez les animaux comme ceux que j'ai eu l'occasion de côtoyer toute ma vie. Peut être plus un lynx. Ou même une hyène. En tout cas, il ne m'inspire pas confiance. Il me regarde d'une façon vraiment bizarre, comme si j'allais le bouffer sous prétexte qu'il m'a bousculé (ou peut être parce que je suis flic). Mais son jeu sonne faux, il y a quelque chose de louche chez lui. Par mesure de précaution, je passe mes mains discrètement sur mes poches pour m'assurer que ma bourse est toujours à sa place. Apparemment il m'a pas détroussé c'est déjà ça. Je reste quand même sur mes gardes et réponds :

« Y'a pas d'mal. Fais gaffe la prochaine fois, c'est tout. Et non, je suis pas en service donc si tu as une plainte ou un problème, va à la Tour et demande le chevalier Lance, il se fera un plaisir de t'aider, j'en suis sûr. Bon, là dessus, au revoir et bonne nuit. »

Voilà, deux bonnes choses de faites : je me suis débarrassé du petit citoyen curieux, et en plus je l'ai refilé à Lance. Me dire que je fais chier indirectement mon collègue comme ça me remonte un peu le moral et je m'autorise un petit sourire en coin de satisfaction. Finalement la journée n'est pas si pourrie que ça. Quand je tourne les talons, je suis persuadé d'être tranquille pour le reste de la soirée. En plus, je l'ai tutoyé et ça, je sais qu'ici ça rend les gens cinglés. Mais moi, je comprends pas leur délire de dire "vous" à tout bout de champs. J'ai l'impression que ça met une distance entre les gens, ce qui est assez ironique venant des gens de la ville puisqu'ils passent leur temps à se malaxer les uns contre les autres où à se lécher la poire pour se dire bonjour et au revoir. Là d'où je viens, on se renifle deux secondes mais on se touche pas. Par contre quand on se parle, on vouvoie pas. Je commence à m'avancer vers mon appart', mais petit-citoyen-curieux n'a pas l'air de vouloir lâcher le morceaux.

Mowgli & Cheshire

You'll be my puppet without even knowing

Ce chevalier allait être plus difficile à ferré que je ne le pensais initialement…Je ne sais pas pourquoi, j’avais imaginé quelqu’un d’un peu plus…Chaleureux travaillant dans les chevalier-flic. Vous me direz, c’était idiot comme raisonnement, mais ce qui était sûr : je ne m’attendais pas à ça d’après les quelques informations sur Mowgli. En même temps, à quoi pouvais-je réellement m’attendre ? Ce type a vécu dans la jungle une bonne partie de sa vie, alors comment deviner la moindre de ses réactions ? Non, ce n’était pas comme avec Kaa, qu’il était facile de lire parce que bien qu’il soit un animal, il était fait pour la vie civilisée, tout comme moi, qui n’ai jamais supporté la vie hors d’une maison, à la belle étoile (il faut dire que cela me ramène à des souvenirs peu plaisants, mais passons). Non, avec ce jeune homme, j’allais devoir être plus…ingénieux et surtout plus prompte à de l’improvisation. Il était une force de la nature (et pas seulement de manière métaphorique, mon épaule me lance encore de mon choc involontaire-volontaire avec lui…) et il était plutôt du genre cash, si les quelques paroles que nous avions échangées étaient d’une quelconque indication, alors autant y aller franchement et laisser tomber la subtilité, mais pas les mensonges.

D’autant plus qu’il me plaisait bien ce type d’un côté. Il avait du répondant, de l’attitude qui ne laissait pas les gens l’oublier et en plus, il ne s’embarrassait pas de faire des ronds de jambes. Oh oui, je l’aimais bien. Alors je tombai le masque, ou presque, et afficha un sourire plus grand encore, mais moins candide, bien plus amusé qu’auparavant. Ma proie reprend son chemin, mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Oh non mon petit, quand j’ai décidé que je voulais quelque chose, je l’obtiens. Aussi le suivis-je après les quelques pas qu’il a fait et arrive à sa hauteur.

"Je vois qu’on ne te la fait pas. Bien, parlons franchement alors." Je me replaçais devant lui, mon sourire toujours ne place, mais mon attitude avait bien changée. Là où je semblais presque paniqué et à la limite de la timidité, j’exaltais maintenant confiance, assurance et une insolence certaine "Cheshire Beausourire, reporter à Medievalentertainement. Je cherche à faire un papier sur l’intégration massive de nouvelle recrue durant ces temps de crise. J’ai quelques indics qui trainent pas loin de la Tour d’Argent et qui m’ont dit que tu faisais partie des derniers arrivés." Il laissa une seconde de battement si jamais il voulait démentir, ce qu’il ne ferait probablement pas "Donc voilà ce que je te propose : tu me parles un peu de comment ça se passe en terme d’intégration et moi je t’offre un repas et à boire dans l’auberge la plus proche…ou pas, elle est miteuse, celle juste après, on est bon. Alors, deal ?" J’avais quand même de grandes chances de me faire recaler, mais en général, l’offre d’un repas gratuit n’était pas négligeable "Et non, je ne veux rien savoir de vos plans pour capturer les rebelles ou quoi que ce soit qui ait attrait à l’aspect stratégique des Chevaliers-Flics, je veux de l’humain, du concret, pas des plans sur la comète. Et désolé pour la collision, celle-là n'était pas prévue, promis juré."

J’avais préféré rajouter ce léger détail, de façon à tenter de lui forcer un peu la main. Maintenant, il ne restait plus qu’à attendre de voir ce qu’il se passait. Mais pour le coup, je me demandais si je n’aurais pas mieux fait d’envoyer Suzy sur le coup…Avec son joli minois, peut-être que…

Mowgli & Cheshire

You'll be my puppet without even knowing

Franchement, je suis tellement fatigué là que c'est vraiment pas l'envie qui me manque d'envoyer bouler ce monsieur Beausourire. Surtout que je sais pas si j'aurai la patience de répondre aux questions d'un journaliste. Quand je suis arrivé en ville, j'ai assez vite compris qu'il valait mieux se méfier des gens bossant dans les médias. Ah, ça c'est sur qu'ils sont sympas et tout, y'a pas de problème là dessus, mais après c'est les pros pour répéter de façon déformer tous les propos qu'on a pu tenir. Et ils ont le don de poser des questions de façon super détournée, pour pas qu'on percute direct vers où ils veulent en venir, jusqu'au moment où on lâche l'info qui fallait surtout pas révéler. Parler avec un journaliste, c'est s'assurer que le lendemain toute la capitale est au courant des vos pires secrets et ça, c'est vraiment flippant. Quand je vivais dans la jungle, il y a avait pas ce principe de ragot. Par exemple, si un loup veut s'approprier une femelle, il laisse pas le temps à tous les autres de se demander si la femelle en question lui plaît : il dit directement qu'elle est à lui et l'affaire est faite. Mais ici, tout marche sur les non-dits. Les gens ne sont pas honnêtes entre eux, moi le premier. Je n'aime pas mentir, et je ne le fais que quand la situation l'exige. Donc si quelqu'un me fait chier et que je veux qu'il se barre, je lui dis et c'est tout.

Je suis d'ailleurs à deux doigts d'envoyer paître Cheshire parce que je sais que ce serait pas hyper prudent de le laisser m'embobiner avec ses questions. Il m'a dit qu'il ne voulait rien savoir des plans des flics contre les rebelles mais j'y crois qu'à moitié. Tout comme le fait qu'il m'ait bousculé sans le faire exprès. Mais mon estomac lui est vachement chaud à la perspective d'un repas gratos, d'autant plus que je crois que j'ai rien à bouffer pour ce soir. Je réfléchis deux secondes, mesurant le pour et le contre et opte finalement pour la solution proposée par mon bide : suivre Cheshire Beausourire, le laisser payer un bon casse-dalle et répondre vaguement à ses questions, comme ça, tout le monde est content. Plus pour la forme qu'autre chose, je pousse un long soupire, m'immobilise et me tourne vers le journaliste.

« Bon si c'est juste pour quelques questions, ça va, je te suis. Mais je reste juste le temps du repas, après j'ai un rendez-vous. »

Rendez-vous avec mon plumard mais ça il est pas obligé de le savoir. Du coup je le suis jusqu'au resto, les mains dans les poches. Je commence déjà à réfléchir à ce que je vais pouvoir lui répondre, histoire de pas trop me laisser surprendre. Un reportage sur les nouvelles recrues chez les flics hein ? Bon. Je vais lui parler vite fait des émeutes, lui dire que tout le monde est sympa même si je pense que la plupart de mes collègues sont des glands, lâcher deux trois trucs sur les autres recrues qui sont un peu larguées par les événements et hop ! L’addition, merci au revoir à bientôt et direction mon lit. Au moins, il se sera pas foutu de moi parce que le resto où il m'emmène est plutôt réputé dans le coin à ce que j'ai entendu. Il va devoir casser la tirelire le petit citoyen curieux... Boarf, après tout c'est lui qui a proposé hein ! Tant mieux pour moi, j'vais m'en mettre plein la panse, ça va être chouette. Et comme je suis quand même sympa, je prendrai juste un verre d'eau pour pas qu'il ait à hypothéquer sa maison. Je souris à cette idée et une fois devant l'entrée du resto, je lui tiens la porte en lâchant, amusé :

« Je t'en prie, ceux qui invitent d'abord. »