Taran & Olga

quand on joue avec le feu, on s'brûle, mais nous, on est déjà cramés

Il y a des jours où on se demande comment on en est arrivé là. Pourquoi rien ne s'est passé comme prévu ? Pourquoi les choses ont aussi mal tournées ? Deux semaines qu'Olga se posait les mêmes questions. Pourquoi Potté avait-il gardé tout le monde à l'écart ? Pourquoi le plan n'avait-il pas fonctionné comme prévu ? Pourquoi avait-il fallut que ça se passe comme cela ? C'était à la rendre folle ! Deux semaines qu'elle ruminait ses doutes et ses pensées. Deux semaines qu'elle cherchait à contacter Potté, le retrouver, en vain. Il fallait qu'elle lui parle, c'était nécessaire, sûrement autant pour elle que pour lui. Mais tous deux étant recherchés, la chose n'était pas aisée. Si Olga passait le plus clair de son temps dans les alentours de Fort Fort Lointain, vagabondant discrètement dans les bois, elle n'avait absolument aucune idée d'où pouvait se cacher l'investigateur de la rébellion. Elle avait bien fouiné à la Pomme Empoisonnée, mais rien. Même Doris n'était pas sûre de savoir où il pourrait bien être. Et elle ne pouvait pas prendre de trop grands risques non plus, quitte à attendre que les choses se tassent, si elles se tassaient un jour. Rester discrète, ne pas faire de vague, devenir invisible, voilà ce que demandait une cavale. Raisons pour lesquelles Olga se contentait de rester dans la forêt, moins de risques de faire une gaffe, chose qui était plus que probable en ville.
Heureusement que la Pomme Empoisonnée était éloignée du reste de Fort Fort Lointain. Doris avait eu la gentillesse de la cacher les premiers jours, et depuis, Olga était souvent repassée à la taverne, presque tous les soirs en fait, guettant un signe de Potté, ou d'autres rebelles. Ce jour-là, elle avait passé une bonne partie de la soirée assise au comptoir, capuchon rabattu et nez planté dans son verre. Même dans ces lieux, il fallait rester prudente. Qui sait combien de personnes se jetteraient sur elle en reconnaissant son visage alors placardé dans toutes les rues de la ville ? Heureusement que la barmaid était de son côté, mais la brune préférait ne pas l'impliquer plus que de raison, il ne faudrait pas la compromettre elle aussi. Ce ne fut qu'après quelques regards insistants dans sa direction que l'Ogresse quitta les lieux, craignant de s'être fait repérée. Elle fila dans les profondeurs de la forêt, s'enfonçant dans les ténèbres de la nuit. Elle aurait pu passer une nuit tranquille dans un arbre, comme depuis deux semaines, mais cette fois, quelqu'un la suivait. Son imagination qui lui jouait des tours ? Manquerait plus qu'elle devienne folle ! Un chasseur de prime qui l'aurait reconnue ? Bien plus probable. Agissant comme si de rien n'était, Olga se faufilait entre les arbres, écoutant attentivement les bruits alentours.
Elle marcha ainsi pendant quelques minutes, et finit par rejoindre la roulotte de Tracassin. L'avantage était qu'elle n'était pas trop éloignée de la Pomme Empoisonnée, et pourtant, il y avait rarement quelqu'un qui traînait dans les parages. Disparaissant derrière le logis d'un des nains les plus redoutés et fuis qui puissent exister, la brune dégaina son poignard avant de réapparaître derrière l'ombre qui la suivait et de plaquer sa lame contre sa gorge. « Ne fais aucun geste ou je te tranche la gorge en moins d'une seconde. » Se forçant à inspirer lentement, l'Ogresse ignorait totalement ce qu'elle allait bien pouvoir faire. D'un côté, elle pourrait simplement l'assommer et s'enfuir en courant, de l'autre, il est curieux qu'il l'ait juste suivie sans rien tenter, et son intuition ne tirait pas la sonnette d'alarme. Soupirant, la rebelle s'avançant lentement afin de faire face à l'inconnu. Au pire, elle pourra toujours l'assommer s'il faut, que ce soit de dos ou de face, ça ne change rien au résultat. La lune éclairant le visage de celui qui la suivait il y a cinq minutes, Olga ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux, éloignant automatiquement la lame du cou du jeune homme. « Qu'est-ce que tu fiches ici toi ? » Elle ignorait son nom, mais elle connaissait son visage. Il avait été là, le soir du bal, dans les catacombes, c'était un rebelle comme elle. Soudainement soulagée, Olga respira comme si elle venait de remonter à la surface. « Tu sais que c'est dangereux de suivre silencieusement une personne recherchée ? »

Taran & Olga

quand on joue avec le feu, on s'brûle, mais nous, on est déjà cramés

Il fallait bien le reconnaître : l'intervention des rebelles au bal de Snowel n'avait pas eu l'effet voulu. Mais alors, vraiment pas du tout ! Je sais très bien que rien de tout ce qui s'est passé n'était voulu, bien sûr, et si je devais recommencer, je n'hésiterais pas. On pourra dire ce qu'on veut, malgré les dégâts collatéraux aussi bien matériels qu'humains, les choses ont bien avancé depuis notre interruption surprise ! Marraine n'est plus au pouvoir, et avec un peu de chance, elle ne reviendra jamais, laissant le royaume à son idiot de fils qui sera bien plus facile à détrôner, et les activités quotidiennes des rebelles sont en pleine expansion. Il n'y a qu'à voir le marché noir ! Jamais il n'y avait eu autant d'activité là bas. Et puis, avec l'anarchie qui semble ne pas vouloir cesser, il est bien plus facile de passer inaperçu, tant qu'on se tient éloigné du château. Cependant, pour le prochain plan monté par les rebelles, il serait peut-être plus judicieux de ne pas y aller tête baissée sans rien savoir de ce qui va ce passer, histoire d'éviter de salir encore notre image en mêlant des innocents à nos complots.

Et c'est justement la raison de ma présence à la Pomme Empoisonnée ce soir : il est plus que temps pour moi de m'investir à fond dans la cause rebelle, et le meilleur moyen d'y parvenir, c'est tout simplement de rentrer avec un des hauts placés de notre hiérarchie, si on peut appeler ça comme ça... Je ne suis pas vraiment calé sur le sujet, mais si je devais désigner nos leaders, je dirais que Moustache Rousse - enfin Potté - et la jeune femme brune qui nous a guidé dans les catacombes sont en pôle position. Sauf qu'il est absolument hors de question que j'aille trouver Potté : je suis plutôt d'accord sur l'action qu'il a voulu mener au bal, certes, mais sa façon de le faire était complètement stupide. Le genre petit chef secret qui confie rien de son plan à personne, tout ça pour se planter en prime, c'est pas du tout ma tasse de thé.

J'ai donc décidé de m'adresser à Olga. Oui, parce qu'entre temps, j'ai aussi apprit son nom. Remarque, avec toutes les affiches d'elle placardées dans les rues, c'était difficile de ne pas le voir... Je me suis donc renseigné sur elle, et j'ai apprit qu'elle venait de temps en temps à la Pomme Empoisonnée. Je m'y suis donc rendu fréquemment, dans l'espoir de tomber sur elle. Et ce soir, la chance me sourit enfin ! Pas vraiment, en fait, puisqu'en l'attendant, j'ai bu une bière de trop et j'ai fini par m'endormir sur le bar, et que c'est dans cet intervalle, apparemment, qu'elle est passé par là.

J'ai été réveillé en sursaut par un type dont le niveau d'alcool était bien plus élevé que le mien, et qui venait de s'affaler de tout son long juste à côté de mon tabouret. Je me frotte les yeux pour me sortir de mon sommeil, avant de scanner la salle du regard. Pas d'Olga en vue... Sur le point de renoncer, je me concentre soudain sur une conversation tenu par deux clients assis non loin de moi.

Bon sang, je l'ai raté, mais de peu, si j'en crois les deux ivrognes ! Je sors en me cognant dans quelques meubles et personnes, et m'enfonce un peu au hasard dans la forêt, râlant à chaque fois que ma cape se coince dans une ronce. C'est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin, chercher quelqu'un la nuit dans la forêt, mais l'alcool aidant, sur le coup, ça me semble une très bonne idée, et puis c'est la seule que j'ai.

Je finis par retrouver sa trace et accélère le pas pour tenter de la rattraper. C'est qu'elle marche vite, dis donc ! Ou alors, je suis un peu trop imbibé pour garder mon rythme habituel. C'est sans importance, puisque j'ai réussi à la traquer jusqu'à une espèce de roulotte miteuse qui ne me dit strictement rien.

Sauf qu'en un éclair, plus d'Olga en vue. C'est pas croyable, ça ! Elle était là, et l'instant d'après, volatilisée ! Je ne suis pas saoul au point de l'imaginer, si ? Je ronchonne un peu plus, comme je fais toujours quand j'ai un coup dans le nez, et poursuis mon chemin vers l'endroit que je juge le plus probable. Avant de dépasser la roulotte, cependant, je me fais agresser par nulle autre que la jeune femme que je suivais.

La dague qu'elle a glissé sous ma gorge me paraît menaçante pendant quelques secondes, mais l'expression d'Olga - et peut-être aussi le fait qu'elle retire sa dague - me donne envie de rire, et je finis pas céder, n'écoutant qu'à moitié ses questions. Je me calme, et essuie d'un revers de la main les larmes qui coulent sur mes joues.

"Pardon, je suis désolé, je voulais pas te faire peur ! Oh, t'aurais dû voir ta tête, c'était vraiment trop drôle ! Mais faut te détendre, quand même ! C'est pas la fin du monde d'être recherchée, tu risques pas non plus la mort à chaque coin de rue !" Je m'interromps un moment, tentant de comprendre pourquoi on utilise cette expression, alors que de toute évidence, nous ne sommes pas dans une rue, ou même dans un coin. Je secoue la tête, réalisant que ça n'a pas vraiment d'importance, la tout de suite, et que je ferais mieux de continuer avant qu'elle s'énerve pour de bon. "Ah euh et sinon, moi c'est Taran ! Je sais pas si tu te souviens de moi, j'étais avec toi le soir du bal, tu sais ? Pour l'attaque ! Bref, et donc, je voulais rencontrer un des chefs rebelles, et je pense que c'est toi et Potté ! Sauf que comme Potté il a foiré son coup en jouant au petit chef avec sa bombe euh..."

Je m'interromps une nouvelle fois, perdant le cours de ma phrase, lâchant à la place un petit "Boom pruuuu" en agitant mes doigts du mieux que je peux pour imiter l'explosion d'une bombe. Oui, j'ai définitivement trop bu...