Réunion de crise

Alors en quoi consiste cette mission ? ... Quête ? ... Chose ?

Décidément, plus le temps passe et plus les choses vont en s'empirant. Après l'explosion d'une bombe qui ne devait pas faire de tels dégâts, c'est un véritable rassemblement qui est donné tant du côté des bourgeois que celui des révolutionnaires qui se pensent capable de changer le monde. Dans tout cela, Sinbad est seulement fidèle au maître absolu du marché noir qui dans toute sa splendeur lui a demandé activement de participer à cette petite réunion qu'il présidera. Fort bien, il ne manquait plus que cela à son panel de plaies à réaliser pour maintenir en vie tout ce petit trafic qui lui tient probablement trop à coeur. S'enfonçant petit à petit dans les ruelles miteuses de la griffe marine, les mains dans les poches il presse le pas histoire que les convives ne s'impatientent pas trop et ne lui lancent pas en pleine figure divers objets - ce qu'ils pourraient regretter assez rapidement puisque le capitaine étant accompagné et sachant gérer une équipe pourrait vite leur mander de déguerpir le plancher. Fort heureusement, une fois arrivé il n'y a pas âme qui vive dans cette pièce qu'il est possible de considérer comme gigantesque, en son milieu réside fièrement une table en bois massif et des chaises qui ont fait leur temps. Plus loin quelques bouteilles qui traînent probablement préparées par l'hôte de la maison ou qui sait encore quoi. Inspirant profondément une infâme odeur de vieux livres s'attaque à son nez et il ne lui reste plus qu'à attendre que les rebellés de ce régime arrivent en une masse considérable. Accompagné de Mathilde qui suivait Hansel quelques secondes plus tôt, le flibustier reste muré dans un silence olympien, réfléchissant comment aborder les sujets qui fâchent sans qu'ils ne hurlent pas au bûcher. Potté, tu me revaudras ça qu'il pense le plus naturellement du monde en redoutant avec une amertume presque certaine d'avoir accepté de porter tant sur ses épaules marquées par ses sept voyages.

Enfin, au bout de plusieurs minutes la populace entre sans se faire prier. Parmi les têtes qui se font voir, il reconnaît Olga Fiersbras, une donzelle aussi têtue qu'adorable lorsque elle, et elle seule le souhaite. Entre autre, il discerne la masse impressionnante de muscles qu'est Forgéteinte et enfin une vue plus délicate mais tout aussi mordante incarnée en la personne d'Iseut Sautemouton, la bijoutière à la lame acérée. Certains lui sont plus inconnus que d'autres et c'est les sourcils froncés qu'il essaie de remettre des noms sur leurs visages, sans aucun succès. Aucun problème, les présentations se feront en temps voulus - ou peut-être pas. Une fois les marionnettes disposées sur les chaises, Septmers se décide enfin à se détacher le bas du dos du meuble sur lequel il s'était adossé. Ses bras croisés retombent le long de son corps et il adresse un sourire en coin à l'assemblée curieuse du pourquoi du comment et du contenu de cette entrevue. « Et bien, maintenant que vous semblez tous présents, nous pouvons commencer. Bonsoir et bienvenue dans ce bouge aménagé, mais passons de suite les politesses nous ne sommes pas là pour jouer la carte de l'hypocrisie. » Bien qu'il puisse s'en jouer avec brio, quelques secondes plus tard et après quelques pas il se rapproche de la table imposante, puis se penche en glissant les paumes de ses mains dessus. « Comme vous le savez, les temps sont plutôt bons pour nous et pour les profits que fait le marché noir, les commandes affluent, la populace veut participer, mais surtout tout se complexifie d'un seul coup. Potté se cache actuellement des autorités qui lui courent après, contrairement à d'autres qui visiblement ont eu plus de chance. » Et pour appuyer sa parole, il jette une oeillade complice à Fiersbras qui s'en est avec le plus grand étonnement général chez lui, très bien sortie. « Et si marraine n'est plus, il reste un problème de taille avec son fils qui prépare une riposte digne de ce nom, j'ai ouï-dire qu'il a entre ses mains une arme qui pourrait - en plus de renouveler le monde des armes - faire de bien grands dégâts, beaucoup plus que les arbalètes ou les arcs. » Même que le nom Aurorefauve a fuité dans ses oreilles, cependant est-il vraiment utile de le citer ? Si c'est pour le retrouver une hache en plein milieu des deux yeux, il préfère garder cette information pour lui, pour le moment. Il prend une profonde inspiration, pianote des doigts sur la surface dure puis reprend le fil de ses pensées sans plus de cérémonie. « De fait, je suis là pour vous écouter, si vous avez quelconques plaintes à me faire parvenir ainsi que des idées meilleures que celles du bal de Snowël. Quelque chose a été amorcé, c'est indéniable, cependant nous sommes loin du compte et surtout de cette liberté tant convoitée, ce n'est que le commencement. »

J'avais décidé de me rendre au conseil rebelle pour évaluer la situation. Je n'étais pas recherché dans le royaume, peut-être parce que peu de gens me connaissaient au final, mais je ne voulais pas prendre le risque d'aller à l'assemblée royale. Ou peut-être était-ce que je n'avais pas envie de voir tous ces visages se préparant au pire, craignant pour leur sécurité, guérissant de leurs blessures.
Et me voici, arpentant les rues de Fort Fort Lointain, avec un peu de retard. J'aperçois la horde de gens se précipiter dans la salle et j'accélère mon pas, arrivant juste à temps dans la salle. Je choisis de rester au fond, dans un petit coin d'ombre et d'écouter sagement. Je ne connais pas Sinbad et je ne connais pas grand monde en réalité.

Le discours du marin me rend quelque peu indécise. « Les temps sont plutôt bons pour nous », dit-il. Personne n'éprouve de regret ou de culpabilité ? Enfin, il n'était pas là le soir du bal, mais tout de même... D'ailleurs, où est Potté ? « Potté se cache actuellement des autorités qui lui courent après » Ah. Donc, les autorités ont tout de même trouvé un coupable.

Sinbad ouvre les questions, les plaintes, et je reste dans min coin à réfléchir sur ce qu'il vient de dire. Une nouvelle arme ? Cela risquait de compliquer les choses et, surtout, de les aggraver. Soudain, je me souviens d'un client qui était entré à Miel & Epices, arborant à sa taille un petit objet que je n'avais encore jamais vu. « Cela s'appelle un pistolet », m'avait-il dit, tout en se vantant de sa capacité à atteindre une cible rapidement, de sa précision. Il m'avait laissé le toucher du bout des doigts tout en parlant des "balles", projetées à vive allure d'un seul geste du doigt. Plus besoin de préparer les flèches, de les armer et de sortir son arc. Quelques secondes pour une vie.

Tout cela se dégradait. Bien trop vite. La situation devenait beaucoup trop sérieuse, beaucoup trop critique. De plus, le nouveau roi avait un accès illimité aux ressources du royaume et j'étais certaine qu'il ne se gênerait pas pour utiliser ce qu'il pouvait afin d'asseoir son autorité. Dangereux. Personne ne pouvait savoir ce qui les attendait, mais si cela continuait sur cette voie, il n'y aurait bientôt plus de royaume.
Seulement une mare de sang et des montagnes de corps.

Discrètement, je décidais de m'éloigner du conseil quelques secondes et sortais dans la rue, afin de reprendre l'air. M'adossant contre la façade miteuse, je soufflais un coup et fermais les yeux. Que voulais-je vraiment ? Mais surtout, dans quoi avions-nous embarqué Fort Fort Lointain ?

Conseil rebelle

La nuit avait été courte et la journée longue; Cúchulainn n'avait pas quitté la Griffe Marine depuis l'aube. Partout s'était propagée la rumeur de réunions, tant à la cour que dans les bas-fonds de la société. Dans la poussière où ils traînaient toute la sainte journée. L'air était aussi puant qu'à l'accoutumée, mais les gens étaient plus agressifs encore. Il en voyait jouer des coudes, piller les bourses, certains se battaient sans même que les paris soient pris. Quel gâchis, pensa-t-il en un soupir, avançant vivement sur les pavés dégueulasses. Il évitait tant qu'il pouvait les flaques de boue, les tâches de sang, les gens, même. Sa capuche était haute sur sa tête, descendant sur son buste en une cape qui dissimulait ses habits en bien mauvais état. Ça n'était pas le moment de s'en préoccuper, ça n'était plus le moment. « Ce soir, mes amis, nous préparons la Révolution ! » avait-il entendu un petit homme cracher devant la salle; ça n'arrachait qu'un demi sourire à l'homme-loup. La révolution. S'il avait suffi d'ôter le cul de Marraine de son trône, y a bien longtemps qu'elle serait là, la révolution. Ça n'était qu'un début. Ils ne se battaient pas seulement contre Marraine mais contre la Royauté toute entière. Contre les beaux parleurs dans leurs habits de bonne facture qui se pavanaient de rue en rue, se plaignant même des enfants qui n'avaient rien pour manger. Les plus pourris, c'étaient eux.
Cúchulainn passa la porte pour s'avancer jusqu'à prendre une des chaises poussiéreuses. Vu leur état, il n'était pas certain que quelques uns n'allaient pas se retrouver le cul à terre, mais il jubilait déjà à l'idée de voir une bergère tomber sous ses yeux encore une fois. La salle se remplissait doucement, alors qu'il imaginait déjà les nobles au château se rouler dans la soie et boire dans le cristal et l'argent, ne faire le point que sur qui a plus de schillings que qui. C'était absurde, cette situation, mais ils n'avaient pas d'autre choix. Son regard suivait l'arrivée de chacun des rebelles, des plus influents aux illustres inconnus. Sa capuche tomba grossièrement sur ses épaules, et il pesta contre Camil de ne pas avoir été réveillé assez tôt ce matin pour l'aider à tresser ses épis de blé en bordel. Il n'avait qu'un semblant de natte dont s'échappaient quelques mèches à gauche et à droite. Un signe de tête était tout de même adressé à chaque arrivant qui prenait place autour de la table, jusqu'à ce que Sinbad lui-même arrive. Potté qui se cache, de nouvelles armes révolutionnaires, la réunion du château. Ils étaient encore plus loin de leur objectif que Cúchulainn ne l'imaginait jusque là. Il se permettait de jeter un œil aux mines béates des autres présents, en quelque sorte rassuré de ne pas être le plus chamboulé. Y a-t-il seulement quelque chose à faire ? Il s'y risquait d'une voix grave, loin d'être le plus calé au niveau politique. Ils sont plus que nous, avec la garde royale et la flicaille, et possèdent donc de nouvelles armes. Certains pensaient que Marraine serait notre plus grand obstacle, mais en sont-ils toujours aussi sûrs ? Si nous voulons agir, faisons-le au moins dans la discrétion, c'est tout ce qu'ils n'attendent pas de nous. Prenons-les un par un, quitte à ce que ce combat soit long. La peur de débiter une connerie allumait une flammèche en lui, mais il était certain que ça n'allait pas être la pire des choses, ni aujourd'hui ni pour les jours à venir. Il n'était en vérité sûr que d'une chose; le prix de la liberté sera bien lourd sur leurs épaules.

Les silhouettes se faufilent à travers les passants. Ou plutôt, on a tendance à s'écarter sur leur chemin. La blonde en tête, bien que son regard retient la plupart de l'envie de s'y frotter, n'impressionne guère, mais en ce qui concerne la masse aux cheveux de jais qui la talonne, la donne change. Beowulf est en ça - et en d'autres choses à n'en pas douter - bien pratique, la bergère ne pouvait le nier. Sa présence lui épargne un certain nombre de bousculades ou de coups d'épaule malheureux. Etant donné ses nerfs déjà malmenés par la perspective de la réunion qui s'annonce, l'initiative ne peut être que bienvenue.

Enfin arrivés à destination, ils sont parmi les derniers à pénétrer dans la chaumière aux relents de poussière et de moisissure. Certains visages sont à peine connus de la bijoutière, constate-t-elle alors que son regard embrasse les lieux. Néanmoins, d'autres le sont davantage et un sourire éclaire son visage lorsqu'elle aperçoit Olga non loin d'elle. Si leur leader manque à l'appel, son second n'a pas hésité à braver les risques pour se joindre à eux. Rien que pour ça, elle mérite l'accolade qu'Iseut s'empresse d'aller lui donner, sans hésitation aucune et sans se préoccuper de l'assemblée fébrile dont elle faisait elle-même partie une seconde plus tôt. Un clin d'oeil plutôt que des mots pour accompagner son geste, l'heure n'est pas aux retrouvailles, ils ont mieux à faire.

Et quoi, au juste ? Là est toute la question. La rumeur a enflé dans Fort Fort Lointain, n'a pas tardé à revenir à ses oreilles toujours aux aguets. Elle est allée trouver Guerrierné, lequel n'en savait pas davantage et à en voir les visages circonspects, ils ne sont pas les seuls. Heureusement que Sinbad ne tarde pas à déclarer la séance ouverte. Le fait que le marin préside l'interroge tout autant, habituée qu'elle est à voir Potté endosser ce rôle, pour autant, elle est aussi attentive à ses paroles qu'elle l'aurait été à celles du chat. N'ayant pas participé au Bal, elle n'en a vu que les retombées, elle n'en a qu'écouté les conséquences sous la forme d'un peuple réveillé, d'une semi-anarchie mise en branle par la dernière initiative bruyante des Rebelles. Elle regrette son absence lors de l'événement autant qu'elle reste sceptique sur ce qui commence tout juste - commence oui, Setpmers lui-même en a conscience. Parce que le nouveau régent n'a pas déposé les armes. Au contraire, il paraîtrait qu'il s'en soit fourni d'autres, beaucoup plus dangereuses, imparables ... Et toujours selon la rumeur, il les devrait à un inventeur, un inventeur qu'Iseut connait bien. Trop pour y croire.

Adossée contre un mur, la bergère secoue légèrement la tête, en pleine réflexion. Le cas de Jeiran est déjà relégué loin de ses pensées, elle se concentre sur cette suite qui les interroge tous. Elle proposerait bien d'y aller de front, de se lancer un bon coup histoire de déloger Charmant de ce trône qui ne lui appartient pas, sauf qu'au vu de leur dernière tentative, chacun aura compris que ce n'était pas en fonçant dans le tas qu'ils obtiendraient la justice voulue. Bien que la tentation soit drôlement forte, soit dit en passant.

Son attention est attirée par Lainn, lequel vient de prendre la parole. Comme d'habitude, ses sourcils se froncent au simple son de sa voix et elle ne peut que lever les yeux au plafond face à son discours.


" Parce que tu t'imagines que nous pourrions les avoir à l'usure ? " Le sarcasme pointe dans son ton. La stratégie n'est pas mauvaise, en soi. Ce sont eux qui le sont. " Tu le dis toi-même, ils sont bien plus nombreux et, apparemment, bien mieux armés. Mais surtout, ne l'oublions pas, beaucoup mieux organisés. Si un tombe, un autre prendra aussitôt sa place. Je n'y vois là que des efforts et du temps perdus. Non, ce qu'il nous faut, c'est une coalition, une réelle collaboration réfléchie, entendue et acceptée par tous ceux qui souhaiteraient y prendre part. Que chacun sache d'où il part et où il va. Il nous faut également de réelles informations. Les rumeurs qui courent ne font pas de preuves, elles ne nous aident en rien si ce n'est à contribuer à l'excitation générale et à nous faire nous perdre en suppositions. N'avons-nous donc personne à l'intérieur de ce fichu palais pour nous faire passer des informations fiables ? Que sait-on de ces 'pistolets' ? Sur l'identité du fabricant ? "


Les questions, enflammées, à l'image du reste de sa tirade, sont posées à la ronde, sans réel destinataire, même si ses prunelles s'attardent davantage sur Sinbad. D'après Jeiran lui-même, les deux hommes ne seraient pas étrangers l'un à l'autre. A-t-il ouï dire les mêmes bruits qu'elle a préféré ignorer ? Puisqu'il préside, est-il davantage au fait de ce qui se joue dans le Royaume ? Et si lui ne peut éclairer l'assemblée, quelqu'un d'autre le pourra-t-il ? Une chose seulement est certaine aux yeux de la bergère : si le temps de l'action est venu, celui de l'organisation l'est d'autant plus.

Quand on l'avait prévenu qu'un conseil rebelle allait se tenir, Beowulf s'était d'abord méfié. Ce genre de réunion organisée était le meilleur endroit qui puisse exister pour un attentat. A en coire sa légère paranoïa, il était tout à fait concevable qu'un traite se cache parmi eux et qu'il avait déjà prévenu la garde royale et que celle-ci était prête à les cueillir tranquillement ou pire encore. Mais l'homme avait pris le temps de se raviser ; dans le pire des cas, autant y aller. Parce qu'une paire de bras tels que les siens ne sera jamais de trop. Et puis, tant qu'à faire, à part sa propre existence qu'il avait du mal à estimer, il n'avait plus grand-chose à perdre.

Le guerrier a donc accepté quand Iseut lui a demandé de l'accompagner. Elle était celle qui l'avait recruté, bien qu'en vérité c'était plutôt lui qui s'était ramené avec la délicatesse d'un bœuf pour en savoir un peu plus à propos des Lames de Cendres. Dans tous les cas, les voilà tous les deux, traversant les rues les plus mal fréquentées de la ville ; celle abritant la Griffe Marine. Quel autre endroit pour accueillir une réunion de rebelles ?

Arrivé sur les lieux, l'homme prend conscience qu'il ne connaît que très peu de personnes ici. Il en a bien croisées quelques unes, à la forge mais du reste, ce ne sont que des visages inconnus. Beowulf s'est prostré aux côtés de la bijoutière, les bras croisés, le regard dur. C'est qu'il surveille chaque personne présente ici, gardant un œil sur l'assemblée. Quand celui présidant cette dernière prend la parole, le guerrier l'identifie directement comme Sinbad Septmers. Il a entendu parler de lui, pour les quelques fois où il a rencontré d'autres membres des Lames. Il l'écoute attentivement, analysant le moindre de ses mots. En venant ici, Beowulf ne s'attendait pas à grand-chose ; à vrai dire, il est venu avec l'idée de prendre la température. S'il avait été un jour un seigneur remarquable, les derniers événements ont eu le don de lui faire perdre confiance en lui. L'homme préfère observer dans un premier temps avant de réagir concrètement.

Cette histoire de nouvelle arme intrigue fortement Guerrierné qui, comme plusieurs ici, a déjà entendu parlé de cette innovation. Malheureusement – ou fort heureusement – il n'en a jamais vue. Cette information est-elle seulement de source sûre ? Beowulf le suppose ; pour oser la donner à toute l'assemblée, il aurait fallu être fou pour ne pas être certain de ses sources. A cette pensée, les sourcils du maréchal-ferrant se froncent. Où est-ce que Septmers a pu avoir la certitude d'une telle chose ? Levant le menton vers le principal intéressé tout en plissant les yeux, il l'écoute encore plus attentivement. Enregistrant les mots suivant avec autant de concentration, Beowulf acquiesce aux dires de la bijoutière. Le seul moyen de vaincre le pouvoir, c'est de l'affaiblir. « Si nous n'avons personne dans leurs rangs, cela peut s'arranger » Il ne se propose pas comme volontaire mais c'est tout comme. Arrivé depuis peu, son visage n'est pas connu, personne ne se méfie encore de lui – quoique, avec la carrure qu'il se paye, personne n'a jamais eu l’inconscience d'aller lui chercher concrètement des noises. « Je suis sûr que certains soi-disant alliés de la reine sont prêts à retourner leur veste pour peu qu'on les y encourage. Je ne crois pas me tromper en disant que beaucoup se sentent opprimés et attendent seulement l'occasion de se libérer. » Il lui semble qu'une rébellion, cela se travaille, inutile de le préciser. Pas qu'il ait déjà essayé mais il regretterait presque d'avoir tué son frère ; après tout, Alric semblait fort propice à les aider, traite qu'il était. Soupirant presque imperceptiblement, Beowulf lance un regard à toute l'assemblée. Ce n'est pas en une réunion qui s'annonce mouvementé qu'ils vont arranger le problème ; ils s'engagent sur une pente bien raide et sont loin d'en voir la fin.

 

réunion rebelle

je sens venir le petit tas de cendres.

Trois. C'était le nombre d'heure qu'Olga avait mis à rejoindre le point de rendez-vous, sois le triple de temps nécessaire. Deux. C'était le nombre de fois qu'elle avait failli se faire repérer par des gardes sur le chemin. Un. C'était le nombre d'apparition de Monsieur Papillon qui avait manqué de faire criser la fugitive. Autant dire que toute cette histoire avait merveilleusement bien commencé ! Mais Olga était restée déterminée. Elle devait aller à cette réunion, coûte que coûte. Bien entendu, elle avait risqué de se faire attraper à tout instant, surtout qu'elle n'était pas la personne la plus discrète au monde, mais ça n'avait pas été un obstacle insurmontable pour la Fiersbras. Il lui avait suffi - la plupart du temps - de garder la tête baissée sous l'ombre de son capuchon, de longer les murs, passer son chemin et ne pas faire de vague. Si on oublie ce stupide insecte qui lui avait fait faire un faut mouvement en ôtant son capuchon, ainsi que la pile de caisse à pommes qu'elle avait malencontreusement renversée, la brune s'en était plutôt bien sortie ! Aucune alerte à la garde n'avait été faite sur son passage, un exploit assez remarquable la connaissant.

Notre fugitive avait donc fini par arriver à la Griffe Marine, lieu-dit du rendez-vous pour la réunion de crise. Visage à découvert, la brune ne fit pas prier pour entrer et constater les mines plus ou moins soucieuses des personnes déjà présentes. Déçue ne pas trouver Potté sur place, elle ne pouvait cependant pas nier sa surprise de découvrir Sinbad en personne présider le conseil. Non pas qu'il n'en avait pas l'étoffe ou le droit, disons plutôt qu'elle le voyait mal se mêler de "politique". Enfin, elle n'était pas non plus dans les critères pour faire de même, si ce n'était moins apte que lui, en fin de compte. Elle reconnut un des membres de l'équipage du capitaine, celui-là même qui était présent lors de la visite surprise des Trolls à Fort Fort Lointain, et nota également la présence d'une des jeunes femmes présentent avec elle lors de l'attaque au bal. Mais la personne qui lui arracha un sourire malgré les temps sombres, ce fut Iseut. Olga se sentit même confortée de la trouver ici, rassurée de la voir participer à cette réunion pseudo-secrète. C'était donc sans gêne aucune qu'elle répondit à son accolade, un brin de joie dans le regard tandis qu'elle la rejoignait à la table. Pour ce qui était des autres, leur visage lui restait inconnu, mais qu'importe. Personne n'était là pour faire connaissance.

Le maître de cérémonie n'attendit pas bien longtemps pour entamer la discussion, faisait un bref résumé de la situation. S'il annonçait que les temps étaient bons pour le marché, Olga ne put s'empêcher de froncer les sourcils, sceptique, observant silencieusement la jeune femme venue de Saay sortir prendre l'air. Elle devait plus penser à la catastrophe du bal qu'aux bénéfices du marché noir, chose que l'Ogresse ne pouvait lui reprocher, elle-même ne se voyait pas tant concernée par leurs affaires que par le sort de Fort Fort Lointain en elle-même. Vint le sujet de leur leader recherché de tous côtés, leader caché et introuvable, autant pour la garde royale que pour les rebelles, quoique Sinbad semblait bien plus au fait que n'importe qui ici présent. Celui-ci semblait d'ailleurs assez surpris de voir la Fiersbras présente, à croire qu'elle n'était pas la seule à s'étonner d'avoir échapper à la garde jusqu'à présent.

Bras croisés, regard sombre rivé sur le bois de la table, Olga écoutait. Elle ne pouvait faire que cela, écouter. Toutes ces histoires de riposte, de nouvelles armes, d'infiltré, que pouvait-elle dire ? Elle ne savait plus quoi faire. Ils avaient engrangé quelque chose de beaucoup plus gros qu'eux. Olga était perdue. Sa vengeance avait disparu sans laisser de trace, c'était presque impossible à croire, et c'était ce qui la préoccupait le plus. Elle se sentait égoïste d'avoir ses pensées rivées sur Marraine, mais cette maudite fée était son but premier, son seul but, comment penser à autre chose ? Tout le reste, elle ne parvenait pas à l'envisager. Elle savait qu'elle devait se sentir concernée, comment ne pas l'être ? Pourtant, la seule chose qui l'inquiétait, c'était cette disparition. Comment pouvait-elle encore prétendre faire partie des rebelles, prétendre vouloir le bien de Fort Fort Lointain, alors que son seul souhait était de retrouver Marraine et lui faire payer ses méfaits. de quel droit pouvait-elle prendre la parole ? Non. Olga faisait simplement acte de présence. Le seul à qui elle avait des choses à dire, c'était Potté, manque de chance ...

Malgré les circonstances, le cœur de Mathilde battait avec un calme étonnant dans sa poitrine. Lorsque Hansel était venu la prévenir que les choses s’accéléraient et que Sinbad allait avoir besoin d’eux, elle n’avait pas réfléchi deux fois, avant enfilé le premier manteau qui lui était tombé sous la main et avait dissimulé ses cheveux sous sa casquette, méconnaissable dans ses froques d’adolescent des rues, costume bien pratique quand la petite fleuriste voulait éviter de se faire pincer lorsqu’elle s’échappait à la Griffe Marine. Sans un mot, elle avait suivi Hansel jusqu’au port où ils avaient retrouvé leur capitaine, et tous ensemble, ils s’étaient rendus jusque dans cette taverne planquée et miteuse et avaient attendu. Quoi exactement, Mathilde l’ignorait, ils n’avaient pas eu le temps de lui faire un dessin avant de venir, mais la demoiselle gardait les yeux et les oreilles suffisamment ouverts pour comprendre de quoi il s’agissait quand les visiteurs avaient commencé à entrer. Des gens de la rue, des commerçants, des habitants du coin, des brutes épaisses, des femmes, des timides, dont le seul point commun à tous était d’avoir cette lueur de colère au fond des yeux. Cette lueur qui lui avait fait comprendre qu’ils avaient affaire aux rebelles et à leurs sympathisants. Elle avait senti un frisson remonter le long de son échine. Flattée d’un côté que Sinbad lui fasse assez confiance pour lui permettre d’assister à une telle réunion, elle ignorait d’un autre côté si elle se montrerait à la hauteur de ce lourd secret. Et en même temps, l’excitation du danger lui démangeait le bout des doigts. Quelque chose, au fond d’elle, vibrait avec la colère de ces partisans, et ce n’était pas pour lui déplaire. Adossée au mur aux côtés d’Hansel qui lui aussi observait avec attention, elle regardait entrer les ‘invités’, un par un, essayant d’en reconnaître quelques uns. Elle haussa un sourcil en apercevant Mulan, et rabattit quelque peu sa casquette sur ses yeux. Tant qu’à faire, autant éviter de se faire griller tout de suite, même si quelque chose lui disait que personne ne pourrait garder son identité secrète bien longtemps, ce soir. Cette réunion était placée sous le signe de la confiance et de la loyauté. Ce n’était pas le moment de faire des cachotteries.

Le brouahaha s’éteignit lorsque Sinbad prit la parole. Mathilde hocha machinalement la tête lorsqu’il mentionna les nouvelles armes dont disposait la garde. Elle aussi en avait entendu parler, elle avait entendu les rumeurs, et elle pensait même avoir vu ses soupçons se dissiper lorsqu’un jour, en passant à côté de l’atelier de cet inventeur, elle avait entendu une détonation et des éclats de rires. Elle n’avait aucune idée de ce qui s’était mijoté là-dedans, mais ce qui était sûr, c’était que Jeiran Aurorefauve ne travaillait pas que sur des armures et sur des épées. Mais ça, elle allait le garder pour elle pour le moment. Les bras croisés sur son ventre, elle écouta attentivement les premières réactions, glissant à Hansel : « Si on m’avait dit qu’on se retrouverait un jour à faire de la résistance ici… » Il fallait bien avouer que Mathilde et Hansel n’avait pas exactement le profil de grands guerriers ou de rebelles en mal de baston. Contrairement au grand type qui venait de suggérer de les prendre un à un, ou la femme qui lui avait rappelé que ça ne les mènerait qu’au désastre. Les infiltrer de l’intérieur ? Voilà qui semblait déjà plus judicieux, mais pas moins dangereux. Elle reconnut ensuite le maréchal-ferrant, qui semblait suivre la blonde et même se proposer comme volontaire. Avec sa carrure pourtant, pas sûr que les gardes du nouveau roi le laissent approcher sans se méfier un minimum. Sauf si le roi cherchait un nouveau garde du corps, dans ce cas-là, il pourrait effectivement y trouver son compte.

« Même si certains de ses partisans sont à ses côtés par terreur, la menace de ces nouvelles armes pèsera plus lourd que nos arguments dans la balance. » se surprit-elle elle-même à dire, d’une voix qui sonnait bien juvénile à côté de ces hommes à la carrure de grizzlis ou même de cette femme plus déterminée qu’un soldat. Mais puisqu’on était là pour échanger, elle pouvait au moins apporter une chose au débat : sa tête froide. Elle n’avait pas assisté à l’attentat, elle n’avait rien perdu, juste gagné une bonne frayeur au passage. Mathilde faisait partie de cette majorité silencieuse qui se demandait de quoi demain serait fait, et elle entendait bien amener ce point de vue sur la table pour calmer un peu les esprits échauffés. « Qu’est-ce qu’on a à leur offrir ? Quelques guerriers, c’est vrai, mais nous ne sommes pas une armée. Nous n’avons ni l’équipement ni l’entraînement. Il va nous falloir un peu plus que la promesse de lendemains heureux pour convaincre ces gens de surpasser leur peur de ces ‘pistolets’, d’autant qu’eux ont sûrement déjà eu l’occasion de constater les dégâts qu’ils faisaient… contrairement à nous. »

Pour Mathilde, une solution serait d’aller trouver cet inventeur et lui régler son compte, ou bien le faire basculer lui du leur côté… mais c’était plus facile à dire qu’à faire.

Le conseil rebelle

enfin, de toute manière, dit-il, ce n'est pas parce que vous êtes ennemis jurés que ça vous empêche d'être amis, pas vrai ?

Aux côtés de Sinbad, Hansel. Et aux côtés d'Hansel, Mathilde. Cette proximité rassurait l'ancien confiseur, comme elle lui faisait un peu plus peur encore. Lorsque sa jeune amie lui avait glissé à l'oreille qu'ils n'avaient, tous les deux, rien à faire ici - ce fut du moins ce qu'il comprit de ses paroles - il avait hoché la tête. Jamais il n'avait été autant d'accord avec quelqu'un sur un point, et depuis le début du conseil, qui semblait avoir débuté bien avant que tous les rebelles se soient regroupés ici, il se demandait pour quelles sinistres raisons il avait accepté de venir. Tandis qu'un homme d'une musculature impressionnante - mais moindre comparé à cela qui répondit à ses mots - parlait de combats discrets - parce qu'un massacre pouvait être discret maintenant ? - Hansel jeta un coup d’œil vers celui qui présidait le conseil. Derechef il se renfrogna en se traitant d'idiot, et s'il continua à observer les personnes présentes, il ne fit aucun commentaire, se faisant le plus discret possible. Il aurait dû rester loin de tout cela, à n'en pas douter. Pourtant il se trouvait bien dans ce cercle fermé qu'était celui des rebelles - des rebelles qui n'avaient plus de chef, et qui devaient donc faire sans, ce qui semblait les perdre un peu. Oh, certes, à bien y réfléchir, leurs idées n'étaient pas si mauvaises que cela. Mais elles ne plaisaient pas à Hansel, qui voyait la violence là où elle n'aurait jamais du se trouver. Ces personnes en avaient pourtant fait leur propre responsabilité, tandis que celui qui aurait du en payer le prix se terrait encore il ne savait où. Un peu à l'écart de cette table où étaient jetés à bout portant des mots tous différents les uns des autres, l'ancien confiseur se prit à regarder les personnes présentes, et à son plus grand damne n'en reconnut aucune, hormis la dénommée Olga, qui demeurait silencieuse contrairement à d'habitude. Pourtant, il savait de source sûre, et l'ayant expérimenté lui-même, que la jeune femme était l'une des créatures les plus bruyantes qu'il connaissait. La peine avait une manière ironique de s'occuper des états d'âmes d'autrui.

Les pistolets de Jeiran firent rapidement apparition dans la discussion, et la nouvelle vint attraper Hansel à la gorge. A n'en pas douter, son ami risquait très gros lorsqu'on entendait les paroles de certains, et peut-être qu'il ne se montrait pas objectif en réagissant ainsi, mais cela n'y faisait rien : même si les créations de l'inventeur étaient des machines de mort, ce n'était pas à lui d'en être responsable, mais à tout ceux qui les utilisait, en bien comme en mal. Les dernières paroles de Mathilde prononcées - Hansel fut assez surpris qu'elle prenne la parole, et avec autant de prestance - il baissa les yeux sur le sol crasseux, les bras croisés sur son torse, le regard enfoui dans ses chaussures alors qu'auparavant il regardait la jeune femme. Elle avait raison. Et pourtant. Se pinçant la lèvre inférieure, les yeux toujours rivés dans l'ombre afin d'éviter ceux qui auraient été en mesure de l'incendier, le matelot se décida enfin à prendre la parole, sachant qu'il regretterait peut-être. Sûrement. "Seulement, vous n'arriverez pas à gagner." commença-t-il calmement, avant de rajouter précipitamment. "Pas comme ça, je veux dire. Hm, former des soldats est, comme déjà dit, complètement inutile, et tuer ceux de Marraine l'est tout autant. Infiltrer leur rang est une bonne idée... Mais, les informations récoltées serviraient à toujours avoir un coup d'avance sur eux. C'est ainsi qu'on prépare une guerre, pas vrai ? On en revient toujours au même point. S'il y a une guerre, et même si par chance vous réussissez à vous procurer les mêmes armes que le camp adverse, ce sera un massacre, d'un côté comme de l'autre. Fort fort lointain ne peut pas se le permettre." Il fit une pause, et releva les yeux vers l'assemblée, toujours adossé à son gentil mur qui le préservait d'une chute qui lui aurait été ici fatale. "Et quand je parle de Fort fort lointain, je veux parler de vous." rajouta-t-il, l'esquisse d'un petit sourire sur le visage, histoire d'adoucir ses paroles qui différaient bien de celles prononcées jusque là. "Nous ne savons pas où est Marraine, mais cela n'y fait rien. Son fils est monté sur le trône, et c'est un enfant. Il n'a pour l'instant aucune aptitude à la régence, cela se voit, c'était sa mère qui tirait les ficelles. Maintenant qu'elle n'est plus là, il est démuni. Pourquoi ne pas essayer de le raisonner lui, plutôt que tous les autres ? Il pourrait revoir les réformes... Avec un peu d'aide." Avec un peu d'aide, il pourrait même être un bon roi, sans finir la tête sur une pique, même.

Réunion de crise

Alors en quoi consiste cette mission ? ... Quête ? ... Chose ?

Une chose est sûre : au moins cette bande de joyeux lurons ne manque pas d'idées. Plus les secondes avancent et plus les paroles fusent autant que la pointe sarcastique qui fait du bien par là où elle passe. Gardant un semblant de sourire dans le creux de ses lèvres, il écoute attentivement chaque parole qui est prononcée parce que de toute façon et c'est indéniable : toute proposition est bonne à prendre. Et cela va de tout vers n'importe quoi, tant une possibilité de faire changer de camp quelqu'un qui est chez la reine que de faire un véritable massacre. Paraît-il que l'on connaît un bon dirigeant quand on voit sa manière de préparer une guerre, concernant les rebelles ils seraient bien plus aptes à faire un carnage qu'à un pourparler dans toute sa splendeur. De toute façon, le bal ayant laissé derrière lui bien trop de dégâts ne présage aucun moyen d'arriver à un accord, ce n'est pas ce qu'ils veulent à les écouter et certains gigotent dans leurs chaises tant par gêne que par dégoût. Ce qui l'étonne en revanche, c'est qu'Olga n'ait toujours rien dit. Elle qui incarne pourtant la seconde main de Potté dans cette révolution qui part véritablement en vrille, elle qui sait remettre quiconque en place. Rien, le vide, le néant. Pianotant délicatement des doigts sur la surface en bois, il se redresse d'un seul coup puis passant ses mains dans son dos fait quelques pas en arrière tout en trouvant brusquement les pavés au sol très intéressants. Paupières closes il fronce les sourcils en cherchant une initiative qui serait la bonne. Or, le souci qui s'impose c'est qu'il n'y en a pas une et la vérité universelle quant à elle vient d'une logique plus que d'une proposition imposée. Une voix pourtant le sort de sa réflexion, c'est Tibiscuit qui très bien assis dans une chaise en bois ose enfin se dresser contre tout ceci. « Se débarrasser de Charmant est une chose, mais qui gouvernera dans ce cas ? Nous peut-être ? Nous devrions retrouver ceux à qui revient de droit le trône. » Shrek et Fiona. Mais, personne ne sait où ils sont, qui sait, peut-être sont-ils même morts à l'heure qu'il est. Ne le lâchant pas du regard une seule seconde, le marin inspire profondément en pinçant sa lèvre inférieure, encore une fois ce n'est pas tant mauvais, c'est juste que le résultat risque d'être parfaitement aléatoire. Et s'ils étaient ici, parmi eux ? Et s'ils avaient eu le charnel et qu'ils préparaient une offensive dans leur coin ? Il a du mal à y croire, le chat roux en serait le premier informé ou même son fidèle acolyte, L'Âne Fierdestrier. « En effet, cependant nous n'avons aucune information les concernant et nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la situation s'empirer pour faire des recherches qui ne mèneront à rien. » « Dans ce cas faisons des groupes ! » Secouant négativement la tête, l'écumeur se sent soudain transpercé morceaux par morceaux. Et puis ? Qu'ils les ramènent et puis quoi ? Le pâtissier semble campé sur ses positions alors que son interlocuteur peine à s'imaginer le futur qui leur est réservé. « Les risques sont trop grands pour le moment, nous pourrons aborder le sujet des héritiers légitimes lorsque le temps nous le permettra. Et tu ne peux pas dire le contraire Tibiscuit ; nous avons tout sauf ça. » Le grand brun se rassoit en regrettant presque d'avoir ouvert sa bouche, ou même tout au contraire plutôt fier de son intervention s'avère juste dépité de ne pas avoir gagné la bataille haut la main. Reprenant le fil - ou presque - de la conversation, Sinbad s'attarde cette fois-ci sur Hansel. « Ce que tu proposes n'est pas totalement saugrenu, le souci étant c'est que j'ai bel et bien l'impression que tu ne te rends pas compte de qui nous parlons actuellement. En plus d'être son fils, Charmant est Charmant. » Parce qu'aucun mot ne saurait le définir à la perfection, il joint à ceci une petite grimace compatissante. Encore un peu et son matelot aurait terminé la tête en bouillie contre le sol, ne parlons même pas de Mathilde qui se cache derrière une casquette pour se fondre dans la masse. « Créer une véritable guerre n'est pas non plus la meilleure solution, celle qui me paraît la plus sensée est de trouver une faille dans leur système. En l'occurrence du côté des pistolets qui se propagent peu à peu dans la garde... » Pour faire quoi ? Un massacre ? Non, plutôt être sur un pied d'égalité. Inspirant à nouveau profondément, un soupir lui échappe alors qu'il n'a aucune envie de révéler le nom de l'inventeur. Il n'a pas le choix, maintenant qu'il est dans son élément il va devoir dire la vérité, rien que la vérité à ces bornés de la liberté.  « Jeiran Aurorefauve est le créateur, de ce que j'ai pu voir récemment des soldats campent jour et nuit devant ses appartements. Avant toute chose, je ne pense pas que le kidnapper et le menacer soit très bon pour le forcer à nous livrer ses secrets, il faudrait quelqu'un pour lui soutirer les armes sans qu'il ne se doute vraiment de nos véritables intentions. » Le manipuler, jouer avec ses sentiments pour enfin le trahir. Perdant peu à peu de sa mine réjouie, une certaine tristesse se met à envahir sa vieille carcasse. Lui son ami qui s'est retrouvé dans l'adversité. « Une fois ceci fait, il faudra bien sûr faire tomber cette famille de fées de son paradis. Et là nous en venons à la question de qui pourrait assumer un éventuel règne, qui en serait digne sans tomber dans les folies de la reine. »

Conseil rebelle

Le regard de Cúchulainn passait de tête en tête, à commencer par Iseut et Beowulf qu'il connaissait bien. Il observait les réactions de chacun, bien étonné du calme ambiant. Cette pièce abritait probablement les personnes les plus déterminées si ça n'était pas les plus dangereuses du Royaume, et les esprits ne s'échauffaient pas encore. Lui se voyait surtout surpris de ne pas avoir vu de bergère lui rompre le cou, alors qu'il s'était retenu de peu pour éviter toute remarque désobligeante. Il écoutait calmement chacune des personnes présentes autour de la table, respectant même et à sa propre surprise les inconnus qu'il n'avait jamais vu nulle part. Ceux dont il n'avait jamais entendu parler. Une paire de bras en plus n'était pas négligeable face aux forces ennemies, et surtout à cette nouvelle arme révolutionnaire dont ils ne savaient rien et à laquelle ils n'auraient probablement jamais accès. Les voix prenaient chacune possession de l'espace, jusqu'à ce qu'une qu'il n'avait jamais entendue, féminine – c'était assez rare pour le souligner –, prenne la parole. Il ne retenait pas grand chose de ses paroles bien qu'il ne l'ait pas coupée dans ses élans, mais certaines tournures de phrases lui faisaient serrer les dents. Nous, il n'était plus sûr que ce soit une valeur sûre, vu l'air maigrichon et peu résistant de ceux qui semblaient être fraîchement – fragilement ? – de leur côté. Il se tournait doucement sur sa vieille chaise pour poser son pied sur sa cuisse, comme un gentleman mais en plus sauvage et moins classe. Mais plus viril, il aimait à le penser. Ses mains se croisaient doucement, presque paisiblement alors qu'une nouvelle voix s'emparait de l'espace, et il sentait dès les premières syllabes qu'une telle réunion n'était pas bonne pour ses chakras. Autant qu'un loup l'était pour ceux d'un agneau. Seulement, vous n'arriverez pas à gagner.
Il fallait au guerrier plus de courage encore pour se ressaisir et surtout se retenir, alors qu'il se penchait sans gêne au-dessus de la table, cherchant du coin de l’œil celui à qui appartenait la voix bien sûre d'elle qui lui était parvenue, les sourcils froncés. Lui ne prenait même pas la peine de s'inclure dans le groupe, et il aurait volontiers pris la petite brune sous son bras pour l'éloigner de celui-ci qui semblait être là sans raisons. Machinalement, presque instinctivement, la main droite de Cúchulainn vint recouvrir la gauche, les doigts vissés sur la bague au Charnel. Il se battait intérieurement depuis déjà plusieurs mois pour ne pas craquer, mais c'était trop gros pour être autre chose qu'un test envoyé par les Dieux pour qu'il prouve sa résistance. Et il résistait, malgré tout, même si c'était difficile. Sans enlever sa main du bijou pour autant. Et qui es-tu donc, pour te permettre tant d'assurance ? Il ne le lâchait pas du regard, presque certain que s'il détournait les yeux plus longtemps qu'un battement de cil, le matelot s’enfuirait. Comment te permets-tu d'être là et de nous dire quoi faire, si tu ne prends pas même part aux action ? « Vous » ? Personne n'écoutera quelqu'un qui pense pouvoir nous dicter sans se risquer. Si tu n'es pas prêt à risquer au moins ta vie, tu n'as rien à faire ici. Sa main se crispait et il déglutissait doucement, s'affalant un peu plus dans sa chaise, dévalant le mur du regard, bientôt énervé. Le maître de cérémonie ne semblait pas plus heureux ou malheureux que ça des paroles des autres, et il était plutôt content il fallait l'admettre que ce soit quelqu'un de plus ou moins neutre qui dirige la réunion. Pour sûr, il aurait à sa place déjà planté les crocs dans quelques gorges. Mais plus que son calme, ses paroles attiraient l'attention de Cúchulainn, sans lui ôter pour autant une once de sa colère naissante. Jeiran Aurorefauve, ce nom s'ancrait durablement dans l'esprit du loup, alors qu'il tentait de retrouver son calme. Envoyons-y quelque femme, il cédera bien à un moment. Il adressait un petit sourire à Iseut, bien amusé pour un instant qu'elle puisse être l'appât. Avant de se rappeler de sa classe et sa discrétion sans pareilles. Si ça ne marche pas, elle peut toujours voler les plans et courir vite. Il n'était bien entendu pas sérieux, mais cette proposition l'aurait diverti plus qu'aucune autre, pour sûr. Plus sérieusement, je pense bien que nous sommes capables de prendre d'assaut quelques gardes ? Du coin de l’œil, il jetait un regard à Beowulf, qui aurait, il en était presque sûr, pu en prendre trois ou quatre à lui tout seul. Si nous devons commencer quelque part, il va de soit que cet Aurorefauve sera de la partie. Sans parler de le kidnapper ou le menacer, l'un de vous doit bien le connaître si nous avons son nom ? Allons rendre une visite à ce cher inventeur, je suis sûr que nous trouverons de quoi le faire changer de camp.

La douleur percuta la bergère comme si elle venait de recevoir un boulet propulsé pleins gaz hors de son canon. Elle sentit ses mâchoires se serrer et ses épaules manquer de s'affaisser sous l'impact. Sinbad venait-il bien de confirmer ses pires craintes ? Se pouvait-il qu'elle ait mal compris, obnubilée qu'elle était par les efforts déployés pour ne pas rentrer dans le lard - inexistant, comme son cerveau apparemment - du matelot maigrichon ?

Malheureusement, non.

Ainsi donc, les rumeurs étaient vraies. Jeiran, son ami valeureux, son complice du quotidien, le rayon de soleil de ses journées mornes, celui qui l'aidait à tromper sa solitude ... L'avait trompé elle, également. Prétextant une mauvaise position, elle réaffirma son appui contre le mur derrière elle. Il ne fallait pas qu'on remarque son trouble. Nul ne devait se rendre compte qu'elle peinait à trouver son souffle, à digérer cette vérité toute crue et toute nue assénée par Septmers. Alors que quelques instants auparavant, elle ne rêvait que de faire taire les malvenus, d'attiser les braises de leur trop placide discussion en apportant son soutien à Tibiscuit, voilà qu'Iseut, à l'image d'Olga, se tassait loin dans ses pensées. Elle fut tentée de rejoindre Mulan dehors. Ses doigts se portant machinalement au fourreau de son épée - un cadeau de l'inventeur -, elle cherchait l'air qui lui manquait, de même qu'une pensée cohérente dans tout le bazar de son esprit complètement encombré. Si bien qu'elle faillit rater l'intervention de l'homme loup.

D'ordinaire, cela ne l'aurait pas chiffonné plus que ça - voire pas du tout, à bien y réfléchir - mais pour le coup, la prestation qu'il venait de leur offrir lui aurait certainement manqué. A lui seul, et en seulement quelques phrases bien senties, il avait résumé tout ce que lui avait inspiré l'intervention du freluquet. Il lui semblait que depuis récemment, leurs rencontres étaient propices aux découvertes. Dommage qu'il anéantisse cette image plaisante en retournant vers un discours graveleux. Dont la première phrase lui était destinée, évidemment. La blonde se contenta d'une oeillade meurtrière en retour. Il eut de la chance qu'elle ait saisi son autre manège, cette colère latente qu'il dissimulait mal, à ses yeux tout le moins. Dans le cas contraire, il y avait fort à parier que son majeur se serait dressé fièrement et poliment comme accompagnement au plat principal. Ce n'était pas ce feu-là qu'elle voulait voir s'embraser. Surtout que celui de la joaillère léchait déjà sa peau à vif.


" Pour le faire changer de camp, il faudrait déjà qu'il en ait vraiment choisi un. " lâcha-t-elle d'une voix légèrement enrouée qu'elle s'entreprit d'éclaircir d'un raclement de gorge. L'aveu était difficile, même fait de manière détournée. Oui, elle connaissait le créateur d'un de leurs soucis principaux et non, elle n'avait rien vu venir. Ou plutôt, elle l'avait sciemment occulté. En somme, deux confessions de faiblesse en une. Elle se détacha enfin des pierres froides pour rejoindre le cercle de la table, tout près de Cùchulainn. A présent, elle s'adressait à l'assemblée. " Qu'il soit entendu par tous qu'en ce qui me concerne, je ne pourrais tolérer que le moindre mal lui soit fait. Du reste, je suis d'accord avec Forgéteinte. Bien que la fourberie que tu proposes, Sinbad, serait faire montre d'une certaine intelligence, elle risquerait de nous desservir pour la suite. Imagines-tu sa réaction lorsqu'il réalisera la traîtrise ? Nous n'aurons alors certainement aucune chance de le rallier à notre cause alors que son utilité serait plus qu'évidente. Surtout que, comme je l'ai évoqué, il me paraît plutôt prudent. A l'image de certains autres qui croient bon de commenter l'action des autres sans s'imaginer, eux, y laisser leur chemise. " La pique avait fusé vers Hansel avec une hargne et un mépris qu'elle ne chercha même pas à enrober. " Cependant, d'un autre côté, si ses convictions penchent plutôt vers l'Indésirable - avec une majuscule - peut-on être sûr qu'il ne s'empressera pas d'aller raconter son entrevue avec l'un des nôtres ? Qu'il ne le dénoncera pas ? Pour être honnête, je n'en ai absolument pas la moindre idée. Et toujours en toute sincérité, la seule certitude que je vois se dessiner, c'est que, pour le moment, cette discussion ne mène à rien. Je veux bien que nous ayons tous nos propres réflexions, qu'elles soient nécessaires après le désastre du Bal de Snowël, mais il serait bien qu'elles appellent à des décisions et non à plus d'éparpillement que celui que nous subissons déjà. "


La bergère perdait patience. Le travail auprès de Potté lui avait permis d'apprendre à davantage se contrôler, sauf que le chat n'était pas là pour la remettre à sa place. Et surtout, la colère qu'elle ressentait à l'égard de Jeiran, contre elle-même, n'aidait en rien à lui faire réaliser que ladite discussion était, en vérité, à peine entamée. Néanmoins, durant sa petite tirade, elle avait discrètement posée sa main sur les doigts crispés de Forgéteinte. Le geste n'avait rien de connivent ni d'affectueux, bien qu'il soit empreint d'une certaine délicatesse. Elle voulait simplement éviter qu'il ne cède à la tentation d'enlever la bague qui renfermait son Charnel. L'atmosphère était suffisamment lourde, incertaine, sans y ajouter le glas d'un massacre. Enfin un peu de sagesse dans l'attitude de la jeune femme.

réunion rebelle

je sens venir le petit tas de cendres.

Les choses étaient clairement mal parties. Les idées fusaient de tous côtés, pour finalement être contredites à la minute qui suivait. Certains étaient même prêts à en manger d'autres si on les laissait faire. Et ils étaient censés agir d'un commun accord ? Pour la première fois, Olga réalisa qu'ils n'avaient rien d'un groupe. Des rebelles, indéniablement. Motivés, on ne pouvait pas faire mieux. Soudés, loin de là. Mais après tout, était-ce si étonnant ? Très peu se connaissaient, au final. Même Olga ignorait qui était la moitié des gens présents à ce conseil. C'était là leur principale faiblesse. S'ils continuaient à se confronter les uns aux autres, les Lames de Cendres finiraient par se disloquer d'elles-mêmes. Un regard grave porté sur la totalité de l'assemblée clandestine, Olga vit l'évidence apparaître sous ses yeux. Il fallait les unir, c'était là la première chose à faire, c’en était même vital. Chaque prise de parole finissait en problème non-résolu. Plus les minutes passaient, et plus les chemins qui s'offraient à eux se multipliaient. Iseut appelait à la prise de décisions, pourtant, aucun n’était apte à le faire, pas à cet instant.
Et elle qui ne voyait pas sa place à ce conseil, elle qui se croyait focalisée sur Marraine, elle qui n’avait aucune idée de ce qu’elle devait dire, voilà que tout s’alignait dans sa tête, comme un dessin de pointillés qu’elle reliait petit-à-petit. « Si Potté avait daigné faire une telle réunion où chacun aurait exposé ses propres réflexions, comme tu le dis si bien Iseut, le bal n’aurait pas eu une fin aussi catastrophique. » Une pointe de colère dans la voix, une dureté apparente, Moustaches Rousses avait encore des comptes à rendre. « Ensuite, si nous nous éparpillons autant, c’est bien parce qu’il est nécessaire de le faire. Il n’y a pas qu’un seul problème qui doit être réglé, mais plusieurs, et en faire la liste est primordiale si l’on souhaite y trouver des solutions. » S’appuyant sur la table, la brune planta son regard dans celui de chacun des participants du conseil, qu’elle le connaisse, ou non, s’affirmant et prenant position comme elle n’aurait jamais imaginé le faire. « Et notre principal problème, c’est notre manque de cohésion. Nous sommes censés être un groupe et avoir le même but, et pourtant ce n’est pas l’impression que j’ai. C’est à peine si chacun se connait. Certains ont la chance de reconnaître plus de visages que d’autres, mais le problème reste le même. Nous ne savons pas qui nous sommes. » Un soupir las, un regard vers le maître de cérémonie. « Sinbad, tu as toi-même dit qu’il était inutile de s’ennuyer avec la politesse, et tu es passé au vif du sujet en omettant les présentations, pourtant c’est la base ! Personnellement, c’est à peine si je connais la moitié d’entre vous, et c’est loin d’être négligeable. Nous nous devons de travailler ensemble, unis. Mais comment agir de la sorte si on ignore les faiblesses et les forces des uns et des autres ? Comment avancer ensemble, en ignorant aux côtés de qui nous marchons ? » Elle marqua une pause, autant pour reprendre son souffle et se contenir que pour permettre aux autres d’intégrer ce qu’elle venait de prononcer. Elle-même ne savait pas d’où elle sortait toutes ses phrases, mais elles avaient besoin d’être dites, parce que Potté l’aurait fait s’il avait été là, il avait le pouvoir de tous les réunir, et ils en avaient plus besoin en cet instant qu’à n’importe quel autre. « En ce jour, nous ne représentons qu’un vague mouvement de rébellion. Mais pour parvenir à nos fins, soit renverser Marraine et son fils, nous devons être plus que cela. Nous devons être les Lames de Cendres. Un groupe, soudés, en confiance les uns avec les autres. Nous devons connaître nos points forts et nos points faibles. Voilà, notre priorité. » La brune se détacha du bois de la table, se redressant, marchant tout autour, passant derrière chacun. « Oh bien sûr, nous pouvons bien essayer d’agir dans l’immédiat. Mais ça ne ressemblera pas plus à une opération organisée que le coup d’éclat au bal. Il suffira d’un seul petit imprévu, comme une bombe qui fait plus de dégâts que prévu – par exemple – et nous nous retrouveront éparpillés, dispersés, incapables de réagir et de nous adapter. Je n’aurai jamais imaginé dire ça un jour, mais nous nous devons d’être organisés. » Revenue à sa place initiale, l’Ogresse prit un ton plus posé, un léger sourire aux lèvres, plus ironique qu’autre chose. « Donc, pour ceux qui ne me connaissent pas, je me nomme Olga Fiersbras, multitâches dans la vie courante, et accessoirement recherchée dans tout Fort Fort Lointain. Vous avez d’ailleurs le plaisir de voir ma tête placardée un peu partout ! Oh, ne vous fiez pas à l’air revêche que j’ai dessus, je ne mords pas si fort que ça. » Un regard en coin à l’intention de ce cher capitaine qui avait la chance – ou non – de connaître la brune dans ses humeurs de bougresse. « Et pour ce qui est de tous les sujets abordés, que ce soit une infiltration au château, trouver des alliés à la cour, les fameuses armes et leur créateur – qui, soit-dit en passant, à intérêt à rester intact et sans égratignure, auquel cas je m’occuperais personnellement du ou des coupables – je pense qu’il est évident qu’il faut se répartir les tâches. Que chacun ait un rôle à jouer, une mission à accomplir, voilà un bon début d’organisation. Nous ne pouvons nous permettre de lancer un autre coup d’éclat comme au bal, pas tout de suite. Je pense qu’il est réellement préférable de construire des bases solides, sur de petites actions, discrètes, par petits groupes. C’est là, la façon dont nous aurions commencé, je le réalise maintenant. » Et la culpabilité qui faisait finalement surface, comme ce goût amer qui nous fait nous dire qu’on aurait pas dû mettre autant de sel dans notre soupe.

J'avais décidé de revenir dans l'enceinte de la réunion juste à temps pour entendre Olga faire son discours plein de vérité. Elle a totalement raison ; une cohésion est impossible à l'heure actuelle, simplement parce que nous ne nous connaissons pas. Ayant participé à ce fameux soir, je ne pourrais énoncer un seul nom, si ce n'est celui de la brune qui vient de se présenter. Chacun a des atouts à jouer et nous nous devons de prendre les choses dans l'ordre. « Elle a raison. » Oui, je parle. « Il faut que nous nous établissions comme un réel groupe et non pas comme des individuels qui ont leurs propres intérêts à coeur. Personne n'a jamais gagné de guerre de cette façon. »

Je m'approche un peu du cercle, ayant décidé de me greffer au final à ce petit groupe. J'ai pesé le pour et le contre et j'ai décidé de ne pas m'identifier à l'homme qui présidait cette assemblée. Sinbad n'a aucune crédibilité à mes yeux pour le moment - où était-il, tout ce temps ? Pourquoi est-celui, qui nous parle alors qu'Olga a dix fois plus de raisons de le faire ? « Je m'appelle Mulan, et j'étais là le soir du Bal. Je vous serais utile car j'ai déjà fais la guerre, je sais ce qu'elle requiert, l'organisation et la stratégie qu'elle demande. Nous ne pouvons pas nous voir comme étant en position de dominance, nous ne pouvons dire que "les temps sont bons pour nous". Nous n'avons jamais autant été en danger : l'attentat du bal nous a fait connaître mais il faut assoir nos idéaux désormais. Pour le moment, la population ne nous voit que comme une bande de malfrats qui ont profité d'un grand événement pour semer leur zizanie. Nous n'avons aucune crédibilité. »

Je n'ai rien à proposer, je ne fais qu'appuyer les idées d'Olga. Et j'ai plus confiance en elle qu'en cet homme que je n'ai jamais vu. « Quant à Jeiran, il ne faut pas lui subtiliser ses armes, Iseut a raison. Il faut trouver un moyen de le rallier à notre cause, il faut le convaincre de nous faire confiance. Autrement, nous ferons un pas en avant, deux en arrière. Il faut penser chaque action avec ses conséquences. »

Il nous faut surtout un bon stratège, un homme de guerre. Il faut penser chacun de nos déplacements, penser à chaque conséquence, chaque menace que nous représentons. L'image que nous donnons est à contrôler également - le but n'est pas de mettre la population dans la terreur mais de lui ouvrir les yeux. Il y a tellement de choses à penser !
Et je prie, j'implore quiconque veut bien m'entendre, de ne faire aucun dommage collatéral, n'impliquer aucun civil, aucune personne n'ayant rien demandé. C'est entre nous et les autorités royales.

La Tour d'Argent. L'endroit où Gurgi est retenu prisonnier, et auquel je cherche à accéder depuis que je suis arrivé à Fort Fort Lointain. Quelle ironie... L'unique jour où je ne passe pas ma journée à chercher des informations sur comment y entrer en douce, un groupe de chevaliers-flics me tombe dessus sans prévenir et m'y emmène de force. Juste à la sortie de la Pomme Empoisonnée, en plus... Je me demande si Rose-Rouge ou un de ses clients a entendu le raffut que le groupe armé faisait en m'arrêtant. Faut dire que je leurs ai pas rendu ça très facile : j'ai encore mal si je touche les endroits où j'ai pris les coups, mais il était hors de question que je me laisse faire sans répliquer.

Enfin, à défaut de me sortir de ce mauvais pas, je les aurais bien fait suer. Après ça, j'ai été conduit à la Tour d'Argent, donc, et c'est uniquement une fois dans ce qui allait devenir ma cellule pour un bon moment que j'ai eu le droit à une explication. Je ne sais toujours pas comment ils ont découvert que je suis un rebelle, mais c'est bien pour ça que je me suis retrouvé là-bas...

Le plus drôle, c'était l'interrogatoire qui ressemblait plus à un monologue de la part d'un quelconque dirigeant de ma nouvelle prison qui a suivi. Je sais pas trop ce qui se passait à ce moment là dans la tête de ce type, mais il semblait persuadé que j'allais tout avouer, et pire encore, dénoncer mes camarades rebelles. Il n'arrêtait pas de me hurler dessus en me pointant du doigt diverses affiches, certaines avec une visage dessiné dessus (celui d'Olga, d'ailleurs), et d'autres uniquement écrites. Même si j'avais su lire, je n'aurais pas craché le morceau et il le savait aussi bien que moi, du coup il a juré qu'il allait me faire passer « l'envie de jouer au gros dur », et que je changerais bien vite d'avis.

J'ai donc eu droit a un aller simple pour ma cellule, que je n'ai quitté qu'à trois occasions, pour les séances de torture. Séances de torture, tu parles... La récréation des apprentis tortionnaires, plutôt. Non parce que mis à part le fait d'être énervant, je ne vois pas en quoi le fait de me chatouiller les pieds pendant une heure relève de la torture, même chose pour me forcer à respirer l'odeur d'un troll et me forcer à manger des anchois pas frais. Mis à part ça, j'ai passé mon temps dans ma cellule, à regarder le plafond. C'était sans doute le plus pénible, en fait, ne rien faire de ses journées. Ma seule distraction, c'était de manger mes repas, c'est à dire un quignon rassis avec un peu d'eau. J'oublie le manque d'hygiène, d'ailleurs ! Inutile de préciser que je n'ai pas eu droit de me laver, et que sur le long terme, ça commençait à devenir gênant.

Mais au bout de ce que j'ai calculé être deux semaines, j'ai finalement été libéré. J'étais surpris lorsque le chef qui m'avait interrogé est venu me sortir de ma cellule, m'attendant à une nouvelle séance de torture, mais il m'a amené à la sortie sans rien me dire, et m'a flanqué dehors d'un bon coup de pied. Sur le coup, j'ai pas cherché à comprendre, je me suis éloigné à la hâte de la Tour d'Argent, mais je n'ai pas marché longtemps.

Sous le couvert des arbres, j'entends des bruits de pas, et j'ai la certitude que quelqu'un m'observe. Dégainant mon épée qui m'a été rendue à ma sortie, je m'avance vers la source des pas, mais une fois sur place ne distingue rien. Suspicieux, je m'apprête à faire demi-tour lorsque quelqu'un que je n'ai pas le temps de distinguer se jette sur moi et me fourre un fiole dans la bouche. Le liquide coule sans que je puisse l'en empêcher, et l'individu relâche son emprise. Je me relève, abasourdi, et m'apprête à riposter avant de me rendre compte que je n'en ai absolument pas envie. La seule chose que j'ai envie de faire, c'est de suivre mon agresseur, que je peine à distinguer pour une raison qui m'échappe. Je suis donc une forme noire, comme une ombre, en écoutant les ricanements qui se font entendre de temps à autre.

Nous marchons désormais dans les rues de la capitale, dans un quartier qui me semble vaguement familier. Le nom « Ragtown » se fait un chemin dans mon esprit et fait vite place à un autre : « Griffe Marine ». Je reconnais le marché noir et le visage de Cúchulainn se dessine dans mon esprit. Groggy, je continue de marcher sans m'en rendre compte et manque de rentrer dans mon guide, qui vient de marquer une halte devant un bâtiment. Il me susurre de ne pas bouger et disparaît à l'intérieur. Je me demande ce que je fais ici, et pourquoi la porte à l'air si raide. Je m'apprête à disserter intérieurement de la raideur commune à toute les portes quand ma main décide de saisir la poignée de la porte et de l'ouvrir avec fracas.

Je distingue un rire mauvais, et croît apercevoir une forme noire du coin de l’œil. Puis, je réalise que je suis de nouveau maître de mes mouvements, et que je me trouve désormais devant une assemblée qui est tournée vers moi.

« Euh... Salut ? »

Je fulmine intérieurement, me demandant comment je suis arrivé là et surtout ce que font tous ces gens dans cette pièce, à me regarder comme s'ils venaient de voir un fantôme...

La conversation part dans tous les sens et durant un instant, Beowulf ressent l’envie inévitable de rugir une bonne fois sur cette assemblée décousue. Cependant, il se contente d’observer les orateurs, le regard traversé par un flot disparate d’émotions. Ils sont absolument entrain de patauger et cela ne lui plaît guère. Néanmoins, en tant qu’ancien seigneur, il sait à quel point ce genre de réunion peut paraître inutile et interminable. Elles finiront par payer. Car, c’est une certitude, celle-ci n’est que la première d’une flopée d’autres rendez-vous agités.

Le guerrier se redresse, prêt à prendre la parole à son tour – c’est qu’elle est bien difficile à attraper, au vu des voix partant d’un peu partout, dans un brouhaha quasi insupportable – quand l’étrange apparition entre en scène. A peine l’a-t-il aperçue que Beowulf pose la main sur son arme. Il vaut mieux être prudent. Le discours de l’intrus fronce un peu plus les traits déjà tendus du maréchal ferrant. Est-ce de la sorcellerie ? Assurément. Et depuis quelques temps, l’humain s’en méfie plus que de raison. Se retenant de chasser la silhouette mystérieuse, Beowulf se contente d’écouter ce qu’elle a à dire. La vision qu’elle leur offre le laisse sceptique. Peut-on seulement croire cet être ? Il ne le pense pas. Mais déjà les éclats de voix reprennent tandis que l’étranger disparaît. Ceux-ci sont interrompus par une nouvelle entrée, celle-ci semblant bien mieux accueillie que la précédente. Beowulf ne connaît pas ce jeune homme mais une chose est sûre ; il fait partie des leurs. Cela le réconforte un peu même si cet homme reste un étranger à ses yeux.

Durant la suite du conseil, Beowulf reste bien silencieux. S’il ne dit rien, il n’en pense pas moins. C’est qu’il préfère observer pour le moment, il frappera quand le moment sera venu. L’ancien seigneur ignore avec brio le fait qu’il a perdu une partie de la confiance en lui qui faisait sa force autrefois, préférant mettre son manque de prise de parole sur la sagesse. Les images de la fée captive tournent sans cesse au sein de son esprit. Elles avaient bien l’air réelles. Mais que doivent-ils en faire désormais ?

« Tout ça pour ça », voilà qui résumerait parfaitement le conseil des rebelles. Des paroles lancées à droite, à gauche, sans aucun lien, des esprits de vengeance qui ne peuvent réfléchir à tête froide et une apparition magique qui ramène un rebelle alors emprisonné. Tout ça, pour ça. Des blessés, une anarchie, des villes qui se délabrent, des gardes qui ne se font plus respecter, Olga et Potté recherché et une Marraine qui semble délaissée, torturée au moins psychologiquement. Des heures passées à déchiffrer un message codé, une intention, une envie de changer les choses, pour le mieux. Et un conseil, présidé par un homme qui n'était pas là le soir du bal, où rien n'en ressort. Nous récupérons un homme, voilà tout.

Alors vraiment, tout ça pour ça ? Ma conscience qui était en plein débat depuis le bal, mes nuits agitées, mes longues promenades et mes remises en question ? Eh bien, tout ça pour rien. Voilà maintenant qu'aucun des camps n'avait le pouvoir. Cette apparition magique semblait tout savoir et, surtout, elle détenait Marraine. Ce qui signifiait donc qu'elle nous détenait, nous, et le camp adverse. Nous étions tous à sa merci et, puisqu'il nous avait fait un cadeau, il attendait que nous l'asservissions à notre tour.

Je dévisageais Taran, que je ne connaissais que du soir des attentats. J'éprouvais immédiatement une sympathie pour lui et j'imaginais ce qu'il avait du traverser, pendant son emprisonnement. Je m'avançais alors vers lui et lui tendais la main, dans une poignée que j'espérais amicale. « Bienvenue à nouveau parmi nous, Taran ». Tout le monde le dévisageait et on ne savait plus si nous étions étonné par l'apparition magique ou par la libération d'une lame de cendres.

Le conseil touchait à sa fin, tout le monde le sentait, et tout le monde savait que nous n'avions pas avancé. Certains se réjouiront d'avoir retrouvé un homme, d'autre pleureront le temps perdu.

Tout ça, pour ça.

réunion rebelle

je sens venir le petit tas de cendres.

La frustration. L'incompréhension. L'incapacité de réagir. Puis la frustration, encore. C'était cette dernière qui avait principalement envahi Olga tandis qu'elle observait, impuissante, cette image d'une Marraine en piteux état, prisonnière, à portée de main, et pourtant hors d'atteinte. L'ogresse aurait volontiers sauté sur cette fichue bulle magique si cette vision plus que plaisante ne la captivait pas déjà. Mais tout à une fin, et la bulle éclata, ramenant la brune à la réalité. Marraine était captive, certes, mais pas entre leurs mains. Non. Entre celle de cette silhouette aux yeux jaunes et au sourire vicieux. Ses doutes devinrent des certitudes. Quelqu'un avait bel et bien profité de la catastrophe du bal pour leur piquer la reine sous le nez. Quelqu'un d'autre était bel et bien entré en jeu. Quelqu'un que personne ne connaissait. Quelqu'un de puissant. Les poings d'Olga se serrèrent tandis qu'elle écoutait les paroles de cet invité surprise. Il lui avait volé sa vengeance, et elle en était verte. Son instinct lui soufflait d'être méfiante. Quelqu'un qui ne dévoile pas son visage a toujours quelque chose à cacher. Si elle avait souhaité l'attraper avant qu'il ne s'évapore, la brune n'eut que le temps de voir Taran faire son entrée, pile au bon moment. Bien qu'elle fût heureuse de le voir hors des geôles de la Tour d'Argent, Olga gardait un air grave sur le visage. Si tout allait déjà de travers, les choses étaient loin de s'améliorer avec le temps, bien au contraire. Et maintenant quoi ? Ils allaient attendre bien sagement que monsieur Je-Fonds-Dans-Les-Ténèbres revienne leur dire que faire ? Et puis quoi encore ... Rester là, sans agir, ça faisait déjà trop longtemps qu'elle s'en contentait, et elle en avait assez. Beaucoup trop de choses lui échappaient, et elle n'aimait pas ça. Non, vraiment pas.
Les questions fulminaient dans son esprit, et la colère montait avec elles. Elle n'en pouvait plus. C'était comme si elle s'apprêtait à imploser, et Merlin seul savait qu'il valait mieux ne pas être dans les parages quand ça allait arriver. La seule chose qui pouvait la calmer, c'était parler. Mais à qui ? Elle ne pouvait pas se livrer à n'importe qui, pas sans risque de se compromettre, elle ou son frère. La brune leva alors les yeux sur les membres de cette assemblée hétérogène. Même si elle avait une grande confiance en certains d'entre eux, elle ne pouvait se résoudre à se révéler telle qu'elle était depuis l'arrivée du Charnel : un être qui ne rêve que de vengeance, et à qui le sort du royaume importait si peu en comparaison. Ses yeux dérivèrent sur Iseut. Non. Elle ne pouvait pas briser cette image, pas après le petit discours qu'elle avait fait quelques minutes plus tôt. Au final, elle en revenait toujours au même point. Le seul à qui elle pouvait se permettre de parler aussi librement, c'était Potté. Quand bien même, on devait l'informer de ce qu'il venait de se passer. La question était : comment le trouver ? D'une lenteur qu'elle crut interminable, Olga s'écarta progressivement de la table, avant d'en faire le tour, petit-à-petit, dans une discrétion qu'elle ne se connaissait pas, pour finalement arriver aux côté de sa seule chance de retrouver le chef des rebelles rapidement. Posant une main sur son épaule, Olga se surpris elle-même par son ton calme et ferme. Son regard faisait preuve de toute la détermination du monde. « Sinbad, si tu sais où il se cache, tu as vraiment intérêt à me le dire. » Il savait de qui elle parlait, bien sûr qu'il savait, il était intelligent, il devinerait bien tout seul. Qui plus est, elle ne plaisantait pas : il était dans son intérêt de lui répondre honnêtement, auquel cas, il provoquerait un monstre qui se cache depuis trop longtemps.

Olga Fierbras. Un nom qui venait de se graver pour un bon moment dans la mémoire de Mathilde – un nom qu’elle n’oublierait pas, contrairement au sien. Elle était restée silencieuse, si bien que la fleuriste n’avait pas tellement prêté attention à sa présence, se concentrant sur ceux qui prenaient la parole. Puis elle avait ouvert la bouche, et elle avait cloué le bec à tous ceux qui auraient pu croire qu’il était impossible de mettre d’accord des rebelles, ou des presque rebelles, en un laps de temps aussi court. Brièvement, elle songea que si elle devait suivre quelqu’un dans cette lutte contre Marraine et sa clique, ce serait cette Fierbras. Elle et la jeune femme blonde étaient des guerrières, et si elles ne l’étaient pas, elles en avaient au moins la force et l’esprit. Mathilde sentait une pointe d’admiration et d’envie lui pincer le cœur. Elle, elle n’avait pas grand-chose d’une guerrière. Elle ne manquait pas forcément de caractère, mais elle ne savait pas s’imposer comme elles, elle ne savait pas mener des troupes, elle ne savait pas se jeter la tête la première dans la bataille. C’était un pion, un de ces éléments de l’ombre qu’il valait mieux déployer en secret, un élément tactique au mieux. Qu’avait-elle à leur offrir, à part sa bonne volonté et sa discrétion ? Mathilde baissa les yeux au sol, regardant le bout de ses pieds. Peut-être qu’avant, elle aurait pu leur être utile. Réellement. Mais ça, c’était une question à laquelle elle n’avait pas encore de réponse. Ses poings se serrèrent de frustration dans son dos ; quand soudain, un éclair de lumière lui fit relever la tête, yeux grands ouverts de surprise.

Marraine. Coincée ils ne savaient où, retenus par ils ne savaient qui. Retenant son souffle, Mathilde jeta un regard alentours, attrapant au passage les expressions stupéfaites ou furieuses (ou les deux) de ses compagnons du soir. Personne ne s’y attendait à celle-là. Tout le monde avait oublié l’inventeur Aurorefauve et son invention de mort dont personne ne connaissait la nature : tous les regards et les esprits étaient tournés vers Marraine et son ravisseur, ainsi que son étrange discours. Ami ? Ou ennemi ? Elément perturbateur, ça, c’était sûr et certain ; lorsqu’il disparut dans l’air emportant avec lui l’image de Marraine et les espoirs des rebelles, elle n’aurait pas été surprise d’entendre quelqu’un hurler de frustration. Au lieu de quoi, avant que quiconque n’ait le temps de réagir, un jeune homme blond fit son apparition à son tour. De nulle part. Décidément, rien n’allait plus.

« Euh... Salut ? »

Mathilde fronça les sourcils. Très bien, lui non plus n’avait pas l’air de bien savoir ce qu’il faisait là. Mais au milieu de tout ça, la petite trafiquante ne pouvait pas s’empêcher de sentir une présence, comme une ombre au-dessus de leur tête, qu’elle avait d’abord ressentie quand la forme et Marraine étaient apparus ; et qui venait de disparaître en laissant apparaître Taran, ne laissant derrière elle qu’une traînée de poudre qui piquait salement le nez de la sorcière qui s’ignorait encore. Mathilde soupira et, décidant de ne pas se poser plus de questions, remit la capuche de sa cape sur sa tête, sentant que la réunion touchait à sa fin. Avec cette interruption impromptue, personne ne savait plus que dire, ni que faire. Mathilde ne savait pas non plus, mais elle savait aussi que ce n’était pas à elle d’en décider. Elle savait rester à sa place. Et l’autre chose qu’elle savait, après cette provocation délibérée de cette créature dont tous ignoraient l’identité, c’était qu’elle n’avait pas l’intention de se retirer de la lutte sans rien dire. Au contraire. Qu’il s’agisse d’Olga, d’Iseut, de Forgéteinte ou Guerrierné, de Sinbad ou du grand absent de la soirée, Potté, tous avaient, à leur façon, imprimé leur sceau dans l’esprit de la jeune femme habituellement si effacée et peu désireuse de s’impliquer dans des histoires problématiques. Et puis zut, songeait-elle. Au diable la prudence. Il était plus que temps qu’elle arrête de jouer à cache-cache et qu’elle commence à vivre, un peu. Alors pourquoi ne pas le faire pour une cause qui en valait la peine ?

Voyant qu’Olga accaparait Sinbad, Mathilde comprit qu’elle ferait mieux de ne pas intervenir. C’est pourquoi elle se contenta de lui adresser un mouvement de tête, avant de lâcher à Hansel :

« Tu diras à Sinbad que si vous avez besoin de moi, il sait où me trouver. »

Vous, un vous qui s’adressait à lui et à Olga, à tous les rebelles présents dans la salle, et à ceux qui n’avaient pas pu venir. Elle salua Olga d’une œillade et d’un sourire discret, puis s’éloigna vers la sortie. Sans se presser, sans oublier de laisser traîner une oreille. Au cas où, finalement, la discussion reprenne, ou qu’une autre apparition fantomatique ne décide de venor les enquiquiner.

Le conseil rebelle

enfin, de toute manière, dit-il, ce n'est pas parce que vous êtes ennemis jurés que ça vous empêche d'être amis, pas vrai ?

Ce n'était pas aisé, de prendre la parole dans ce genre de conseil. A première vue, on pouvait peut-être penser que si tous ces gens n'usaient pas du protocole exigé dans les divers salons du château, il serait donc plus simple de faire valoir son point de vue, sans pour autant faire partie de leur association. Mais bien vite Hansel vit que ce ne fut pas le cas - non sans avoir été aidé à en venir à cette conclusion par la demi tonne de muscles qui avait proposée de prendre les gardes un par un. Bien entendu, l'ancien confiseur y était pour beaucoup dans le discours qui suivit, puisqu'il avait usé de mots maladroits qui s'étaient retournés contre lui, et qui avaient finis par heureusement renverser l'ordre. Olga, qu'il connaissait de vue dit à haute voix ce qu'il avait pensé juste après avoir parlé.  Les choses auraient pu avancer ainsi, Hansel en était convaincu. Peut-être même qu'ils auraient pu trouver une solution en agissant ensembles plutôt que les uns contre les autres en croyant que sa propre idée était plus appréciable que celle du voisin. Mais ce ne fut pas le cas. A bien y réfléchir, ce n'était jamais le cas.
Ici, ce fut encore pire. Car personne ne reconnut le fauteur de troubles. Les  personnes présentes ne purent que froncer les sourcils pendant que ça parlait, sans savoir ce qui se passerait par la suite, ni comment ils en étaient arrivés là. Seul l'instant se mit à compter. Un instant qui s'évapora comme il était arrivé, laissant derrière lui un jeune homme qui visiblement ne revenait pas d'une promenade de santé. Hansel resta  immobile pendant tout ce temps, observant Marraine la bonne fée sale et complètement changée, et ce fut seulement lorsque la dénommée Mulan s'avança vers le nouvel arrivant qu'il se reprit. Mathilde sembla faire de même, puisque se redressa et lui adressa la parole. Il cligna des yeux, hocha la tête, pressa doucement son bras en signe d’au revoir, et enfin, à sa suite, il se décolla de leur mur, et s'approcha du revenant. "Au moins une bonne nouvelle pour la soirée." Au moins, ils avaient récupéré un homme, si une telle chose pouvait être amener d'un point à un autre comme une vulgaire marchandise. Il eut un sourire de compassion pour celui que Mulan avait appelé Taran. Un jeune rebelle qui avait passé des semaines dans de mauvaises conditions. "Par merlin, qu'était cette créature qui t'a ramené ?" Personne ne semblait connaître la réponse, mais il fallait essayer tout de même. Le matelot finit par tirer une chaise pour Taran, et poussa à côté de lui une bouteille de whisky, à moitié pleine, après un regard vers Olga. Penchée sur Sinbad, elle attendait une autre réponse, qui ne venait pas. Car personne ne semblait connaître aucune réponse.