Ariel et Kaa

Ready ? Follow me...

Rousse. Probablement aux alentours des vingt-cinq ans. Un regard à se damner. Et surtout, le rythme dans la peau. Elle ne danse pas. Elle ne danse jamais. Mais je peux le voir dans ses yeux : elle en a envie, et pas seulement parce que la musique est entraînante. C'est une connaisseuse, une de celles qui vient me voir pour la danse, et pas uniquement pour le plaisir de voir un beau garçon.

Ça fait un petit moment que je l'ai repérée, déjà. J'ai acquis une clientèle assez fidèle, depuis que j'ai commencé ce travail, et elle n'est pas la seule qui a attiré mon attention, loin de là ! Il y a déjà eu Nerissa, et Nina, et un tas d'autres personnes qui sont devenues des clients réguliers. Mais cette fille s'est démarqué parce qu'elle fait tout ce que les autres ne font pas : elle n'est jamais venue me trouver après une performance pour avoir un autographe, et ne s'est jamais approchée de la scène pour goûter à mes sourires exquis. Non, elle est toujours assise au fond de la salle, concentrée sur mes pas, sur ma performance, pas sur mon petit jeu de séducteur.

Du coup, c'est aussi sur elle que je me concentre, depuis plusieurs soirs. J'ai tenté de l'attirer par des sourires insistants, des gestes dans sa direction, une fois j'ai même décidé d'aller la voir après le show, mais elle était déjà partie. En résumé, elle demeurait parfaitement insaisissable. Eh bien elle n'allait pas le rester bien longtemps.

S'il y a bien une chose que je ne supporte pas, c'est de ne pas avoir ce que je veux. Et en ce moment même, alors que je me déhanchais sur scène, c'était elle que je voulais. J'avais conclu un marché plus tôt dans la soirée avec le fût de bière ambulant qui me servait de patron : il ne me payait que la moitié de mon salaire ce soir, et en échange, il devait s'assurer qu'à la fin de mon passage sur scène, la demoiselle soit envoyée directement dans les vestiaires de l'établissement, sans qu'on vienne nous déranger. Je sais, la moitié d'un salaire, ça fait un coût, mais j'avais mes économies, et surtout, ça en valait la peine.

Curieusement, faire plus ample connaissance avec elle n'avait rien à voir avec le fait d'avoir des connexions pour avoir une place plus avantageuse à Fort Fort Lointain. Preuve à l'appui, je ne connais pas ce qu'elle fait dans la vie, ni même son prénom ! C'est bien la première fois que je vais parler à un de mes clients sans avoir un quelconque avantage sur la personne. C'est très perturbant. Et excitant !

J'attends juste de voir comment elle va réagir, et comment je vais me comporter, en conséquence. Totale improvisation, ça aussi, c'est nouveau. Mais encore une fois, c'est pour la bonne cause. Je suis très impatient de voir ce qu'elle pense de moi, ou de mon spectacle. Je ne sais pas pourquoi j'ai cette petite voix dans ma tête qui n'arrête pas de me dire que je vais enfin rencontrer quelqu'un qui s'intéresse à ce que je fais, mais je préfère ne pas trop l'écouter, on ne sait jamais, rien ne dit que ce n'est pas encore une de mes groupies...

Après une performance que j'ai voulu rendre plus spectaculaire que d'habitude, je rejoins les vestiaires, sans toutefois me changer. Un petit coup d'eau sur le visage, histoire de se rafraîchir, puis je m'assois nonchalamment sur un des bancs de la pièce, et j'attends.

J'espère qu'elle va venir. Je ne sais pas si je serais moi-même venu, pour être honnête : un danseur vous invite à le rejoindre dans les vestiaires de son bar miteux en plein Ragtown, comme c'est engageant... Enfin, je serais bientôt fixé : je ne vais pas me geler pendant plus de dix minutes dans ces vestiaires. Ce que j'espère surtout, c'est que mon andouille de patron n'a pas oublié sa promesse. Sinon, je tiens à récupérer mon salaire !

Kaa & Ariel

il était une fois, deux pieds gauches qui ne l'ont pas toujours été

Cela devait faire deux semaines qu'elle venait régulièrement. Le quartier n'était pas des plus chaleureux, et le bar était miteux, mais ce n'étaient pas les raisons qui la poussaient à revenir. Le première fois qu'elle était entrée, c'était simplement pour se mettre à l’abri de l'averse qui avait surgi à ce moment-là. Et elle ne serait probablement jamais revenue si elle ne l'avait pas vu danser ce soir-là. Une pure coïncidence, certes, mais une coïncidence qui l'a ramenée dans cet endroit à de nombreuses reprises.

Fascinée par ses mouvements, impressionnée par sa danse, elle s'était toujours contentée de s'asseoir à une table du fond, proche de la porte de sortie qu'elle prenait une fois le spectacle fini. Ça aurait très bien pu tomber sur un autre danseur, mais le hasard en avait décidé ainsi. Elle ne s'était même pas renseignée sur son identité, sur qui il était. Ce n'était pas ce qui l'avait marquée. Non. Ce qui l'avait retenue et qui la retenait en cet instant même, c'était sa danse. Hypnotique, légère, gracieuse, parfaite. Des mouvements semblant simples et qui pourtant demeuraient complexes, qui lui avaient remémoré des souvenirs perdus, datant d'une toute autre vie.

Nostalgie et mélancolie. Voilà les deux seules raisons qui la poussaient à revenir. Des souvenirs lointains et heureux qui la faisaient sourire doucement tandis qu'elle détaillait les moindres mouvements de l'artiste, voyant littéralement à travers lui, concentrée sur la beauté du spectacle. Comme si le bar tout entier n'était qu'une porte vers un autre monde, une bulle de verre dans laquelle les souvenirs lui réchauffaient le cœur au lieu de le déchirer, plutôt sucrés qu'amers, qui la rendaient légère plutôt que l'enfoncer dans le sol, un poids plume plutôt qu'une enclume.

Jamais elle n'était restée plus que nécessaire dans ce bar. Après tout, elle prenait déjà la peine de commander une boisson, qu'elle ne buvait pas, afin d'être tranquille durant le peu de temps qu'elle restait. Une fois la danse finit, elle se dirigeait sans faute vers la sortie et le monde réel, consciente qu'il ne servait à rien de se morfondre plus longtemps qu'elle ne le devait dans un passé révolu.

Ce soir-là, encore, après que le danseur se soit reclus dans les coulisses, Ariel s'apprêta à sortir, quand elle fut interpellée par le patron en personne. « Hey mam'zelle, vous voudriez pas me faire une fleur et aller dans les vestiaires ? On vous y demande, ce serait royal de votre part de vous y rendre ! » Et il continua comme ça pendant cinq bonnes minutes, lui assurant qu'il allait gagner un demi-salaire si elle acceptait, qu'elle devait à tout prix y aller, parce que ça lui ferait toujours un demi-salaire de moins à payer, et nombre d'élucubrations à l'odeur de bière du même genre.

En premier lieu pour échapper à l'haleine alcoolisée de l'insistant patron, Ariel était également curieuse de savoir ce qui l'attendait dans ces vestiaires. Elle n'avait jamais parlé à personne dans ce bar, ni même du bar. Même ses sœurs ignoraient tout de ses escapades dans le temps. C'était comme un jardin secret, un jardin qu'elle prenait soin de cacher, autant aux autres qu'à elle-même. Comme si elle pouvait se permettre d'avoir des instants de paix après tout ce qu'elle avait commis. Non. Personne ne savait, et personne n'avait besoin de savoir.

Alors pourquoi demander à la voir ? Et qui l'avait fait ? Sa curiosité l'emportait toujours sur le reste, voilà bien une chose qui n'avait pas changé à son propos. Frappant doucement à la porte des fameux vestiaires, Ariel ne se fit pas priée pour ouvrir et entrer. Face à un jeune homme en costume, la rouquine mit quelques instants à reconnaître le danseur qui faisait ressurgir ses souvenirs. Elle l'observa comme si c'était la première fois qu'elle le voyait, et c'était le cas, en quelque sorte. Jusqu'alors, jamais elle ne l'avait regardé comme ce qu'il était, une personne ; elle s'était toujours concentrée sur ses mouvements, et sur rien d'autre. « C'est vous qui avez demandé à me voir ? » Le ton calme et posé, Ariel se montrait toujours directe. Elle n'aimait pas tourner autour du pot, autant dire ce qui est sans faire de simagrée, et elle était trop curieuse de connaître la raison de sa venue ici pour faire des manières.

Ariel et Kaa

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Il faut croire que Madame Je-Suis-Rousse-Et-Mystérieuse n'a pas envie d'accorder cinq petites minutes de son temps au danseur d'exception qu'elle vient voir dès qu'elle peut lorsqu'il l'invite personnellement à venir dans les coulisses après un spectacle magnifique. Très bien, parfait, la prochaine fois qu'elle viendra me voir, je m'arrangerai pour qu'elle rate la moitié du spectacle, et je demanderai à une des serveuses de renverser un pichet de bière dans ses cheveux aussi flamboyant qu'un coquelicot fané !

Ah génial, ça ne fait même pas cinq minutes que j'attends dans les vestiaires que je commence déjà à m'enflammer pour un rien. Ça fait un petit moment que je n'avais pas fait de crise incontrôlée de ce genre. En fait, la dernière fois, c'était lors de mon arrivée ici. Mon patron actuel devait m'auditionner pour ce poste, et il était arrivé en retard, ce qui m'avait mis dans une rage folle. Bien entendu, je ne pique pas une crise à chaque fois que quelque chose ne va pas... En fait, c'est uniquement lorsque j'attends avec une trop grande impatience la venue de quelqu'un. Et bon sang, on peut vraiment dire que j'attends ma rencontre avec cette jeune femme trop impatiemment...

Je sens la colère qui monte de nouveau en moi, et me lève pour faire les cent pas dans les vestiaires. Il ne faut pas que j'accorde trop d'importance à cette histoire. Après tout, je ne sais même pas pourquoi elle n'est pas venue ! Peut-être a-t-elle prit peur devant mon offre qui, je dois bien l'admettre encore une fois, n'a strictement rien de rassurant. Peut-être était-elle déjà partie lorsque mon patron a voulu lui faire passer mon message. Peut-être même que cet ivrogne pathétique s'est évanoui ivre mort derrière son bar et qu'il n'a jamais eu l'intention d'aller la chercher ! Oui, c'est probablement ce qu'il s'est passé ! J'aurais dû le savoir, on ne peut pas avoir confiance en cet homme rustre. Je vais récupérer ma moitié de salaire, et me tirer de ce bar miteux, juste après avoir lui avoir jeté un verre à la figure.

Alors que je fulmine dans un coin du vestiaire, prêt à sortir pour régler mes compte avec l’ignare, quelqu'un pénètre dans la pièce et me dévisage. C'est la jeune femme qui n'est finalement pas partie, et je n'ai pas l'air de bien l'impressionné, ou en tout cas c'est ce que je peux déduire de sa question, directe et claire.

Je n'ai pas rencontré beaucoup d'autres serpents, dans ma vie, mais tous ceux que j'ai eu l'occasion de côtoyer ont en commun une capacité que les autres espèces s'accordent à nous reconnaître : la vivacité. Si je n'avais pas été vif, je doute que j'aurais été capable de me calmer si rapidement et d'enchaîner la conversation comme si de rien n'était. Je réponds aussi directement qu'elle :

« Je suis Kaa, le danseur de ce bar. J'ai remarqué que vous veniez souvent me voir danser, mais je n'ai jamais eu l'occasion de vous approcher, et je dois avouer que vous m'intriguez, alors j'ai décidé de prendre les devants et de vous inviter à cette petite discussion improvisée, pour savoir ce qu'une jeune fille comme vous vient faire dans ce genre d'endroit. J'espère, en tout cas, que mon patron s'est montré... aussi gentleman que possible. Il peut être assez rustique, si vous voyez ce que je veux dire, mademoiselle hum... Comment dois-je vous appeler ? »

Oui, ce n'est pas très fin, comme approche. Mais elle n'a pas l'air de vouloir prendre mille détours, et ça me va. Et puis, me permet aussi de me défouler concernant mon patron. Certes, je me suis remis de ma crise assez vite, mais cette vivacité ne fait pas tout disparaître d'un coup, et depuis le temps que je veux m'en prendre à cet imbécile...

Kaa & Ariel

il était une fois, deux pieds gauches qui ne l'ont pas toujours été

Beaucoup disent que la curiosité est un vilain défaut. Dans le cas d'Ariel, ça se vérifie assez bien. Après tout, c'était bien à cause de cela qu'elle s'était retrouvée dans nombre de situations dangereuses ou compromettantes. C'était bien par curiosité qu'elle s'était autant intéressée au monde des humains, pour finir par en devenir ce qu'ils avaient imaginé de son peuple : une créature marine qui amène la Mort sur son passage.

Pourtant, il y a des fois où la curiosité apporte de bonnes choses. Si elle n'en avait pas fait preuve, jamais elle n'aurait approché Merlin, et jamais elle n'aurait récupéré sa langue. Sans sa manie de mettre son nez partout, elle ne serait pas tombée amoureuse il y a des années. Certes, cela s'était mal terminé, mais elle ne pouvait nier qu'elle en gardait des souvenirs magnifiques malgré tout.

Et ce jour-là, alors qu'elle avait accepté de se rendre dans les vestiaires d'un bar miteux, c'était bel et bien sa curiosité qui avait pris le dessus. Pourquoi la demander, elle ? Qui avait bien pu le faire ? Et que voulait cette personne ? Son intuition lui dictait d'y aller et de voir par elle-même, lui soufflant dans les oreilles qu'elle ne le regretterait pas. Comment un sentiment pouvait vous communiquer une telle excitation ? Cela faisait des années qu'elle ne s'était pas sentie comme ça. Pas vraiment nerveuse, pas vraiment euphorique non plus, disons plutôt un savant mélange des deux.

Et quand elle se retrouva face à ce danseur, celui-là même qu'elle observait pratiquer son art chaque soir depuis deux semaines, la curiosité monta d'un cran. L'avait-il repérée ? Elle qui n'était venue jusqu'alors que pour sa danse, n'avait pas remarqué le danseur lui-même. « Je suis Kaa, le danseur de ce bar. » Kaa. Voilà donc son nom. Il était vrai qu'elle ne s'était absolument pas questionnée sur son identité, à chaque fois trop concentrée par ses pas et ses mouvements. Ce n'était pas l'artiste en lui-même qu'elle admirait, c'était son art.

« J'ai remarqué que vous veniez souvent me voir danser, mais je n'ai jamais eu l'occasion de vous approcher, et je dois avouer que vous m'intriguez, alors j'ai décidé de prendre les devants et de vous inviter à cette petite discussion improvisée, pour savoir ce qu'une jeune fille comme vous vient faire dans ce genre d'endroit. » Voilà donc le fin mot de l'histoire. Il voulait "parler", "faire connaissance". Elle qui s'imaginait cet endroit comme un jardin secret dont elle seule avait la clef, la voilà qui allait devoir ouvrir la porte et rendre cette nostalgie concrète.

« J'espère, en tout cas, que mon patron s'est montré... aussi gentleman que possible. Il peut être assez rustique, si vous voyez ce que je veux dire, mademoiselle hum... Comment dois-je vous appeler ? » Elle l'observa un instant, déterminant si elle souhaitait vraiment faire en sorte que toutes ses soirées passées dans une bulle temporelle, une bulle dorée où les souvenirs les plus doux couraient dans sa mémoire, devaient à présent s'ancrer dans la réalité ou non. Ou bien préférait-elle rester dans ses illusions, et garder ce trésor pour elle ?

Un vague soupire s'échappa de sa poitrine, et un léger sourire s'installa sur son visage. « Ariel. Je m'appelle Ariel. » Pourquoi pas ? Ce n'était pas comme s'il la connaissait, mis à part ce qu'elle allait lui révéler, il ignorait tout d'elle, si ce n'était qu'elle appréciait la danse, alors ce n'était pas prendre un si grand risque en révélant son prénom. Et puis, s'il se révélait psychopathe, elle lui présenterait ses cinq sœurs, de quoi le calmer pour de bon.

Se moquant d'elle-même et de la paranoïa contagieuse d'une de ses sœurs, la rouquine se laissa aller à sourire plus sincèrement, comme si, au final, la bulle n'avait pas éclaté. Comme si elle se trouvait toujours à l'intérieur, protégée du monde extérieur et de la réalité. « Pour ce qui est de votre patron, je pense qu'il a assez bien fait sa part du marché, étant donné que je suis ici. » Légèrement moqueuse, Ariel s'appuya nonchalamment dans l'encadrement de la porte, bras croisés sur sa poitrine, curieuse de voir comment tout ça allait bien pouvoir évoluer.

Sur le coup, j'ai bien cru que la jeune fille allait tourner les talons sans un mot, mais finalement, elle s'est décidée à parler, après un soupire qui laisse à penser qu'elle n'est pas franchement convaincue par mon petit discours, et ce n'est pas le maigre sourire qu'elle arbore qui prouve le contraire.

Son prénom, bien que très beau, ne me rappelle strictement rien. Quoi qu'il se passe, je ne pourrais donc pas me servir d'elle que quelque manière que ce soit. A moins bien entendu qu'elle ait un atout caché, mais même si je ne me suis pas tenu très informé des potins sur les célébrités du royaume ces derniers temps, je suis quasiment certain de pouvoir affirmer que cette Ariel ne fait pas partie du cercle des gens influents de la capitale. Je secoue la tête, me remémorant que non, cette fois-ci, je n'agis pas pour gagner en notoriété mais bien par amour de la danse.

Je ne sais pas à quoi pense la jeune femme, mais elle a finalement l'air de se détendre un peu, à en juger par son sourire plus chaud que tout à l'heure. Pourtant, je n'ai rien fait pour ça... Décidément, le mystère qui plane autour de ma cliente est de plus en plus épais. Je suis sur le point de lui demander ce qui l'amuse lorsqu'elle revient sur le sujet de mon patron, en insistant bien sur le mot "marché". Bon sang, il y a des jours où je taperais volontiers sur l'énorme crâne de cet empaffé, si seulement j'avais une solution de secours pour payer mon loyer. Donc pour la discrétion et surtout la finesse, on repassera. Tant pis. De toute façon j'ai bien l'impression qu'Ariel est loin d'être une idiote, et qu'elle n'est pas du genre à se laisser embobiner facilement par quelques petits tours. Autant donc y aller franchement.

Je me relève et me dirige vers elle, un sourire espiègle barrant volontairement mon visage et appuie un bras tendu sur le mur à quelque centimètre seulement de l'embrasure de la porte. Mon visage n'est désormais plus très loin du sien, même si je maintiens une distance raisonnable et politiquement correcte : je ne connais pas suffisamment le personnage pour prévoir ses réactions si je la joue un peu trop provocateur. Si elle est joueuse, tout pourrait bien se passer, mais si elle le prend de travers, elle pourrait tout aussi bien ressortir d'ici et ne plus jamais remettre les pieds à la Sirène Amputée, me laissant seul avec une immense trace de gifle sur le visage, par la même occasion... Néanmoins, je n'hésite pas à laisser paraître un peu de malice dans mon regard. Après tout, la vie ne vaut la peine d'être vécue que lorsqu'on prend des risques.

"Oui, effectivement, j'ai passé un marché avec lui pour arriver enfin à vous approcher. Vous avez tendance à disparaître assez rapidement après mes prestations, et j'aimerais bien savoir pourquoi, si ce n'est pas trop demander. Je sais que l'endroit n'est pas charmant, mais je pensais que quelqu'un d'aussi assidu à mes représentations prendrait son temps avant de partir."

Voilà, cette fois encore, ça passe ou ça casse, et j'espère que ça ne cassera pas, parce que je commence à bien m'amuser.