Rose-Rouge Lafleur, c’est moi. Enfin, Lafleur, c'est mon ancien nom de famille, vous saurez après pourquoi, parce que c'est compliqué et que je vais vous expliquer plus tard, sinon on va s'emmêler les pinceaux et ça va être un massacre dans nos têtes. Donc, je suis la sœur cadette de Neige-Blanche. Elle et moi avons toujours été très différentes. Pendant que je gambadais dehors, à chercher des aventures et rire avec mes amis, Neige-Blanche restait à la maison pour aider notre mère. J’étais celle qui rentrait sales, pleines d'égratignures et les cheveux en batailles, je n'hésitais pas à aider maman lorsqu'il s'agissait de travailler dehors, surtout pour rentrer le bois, après qu'elle l’ait coupé. Maman a toujours dit que j’étais comme papa, que nous aurions pu être une grande famille tous les quatre. Hors, il est mort après ma naissance, d’une grave maladie et mes parents n’avaient pas l’argent pour le soigner. Depuis, maman nous a élevée toute seule. Je me souviens, lorsqu’elle coupait le bois, je prenais les rondelles, les plus légères, pendant que ma sœur tricotait des pulls ou faisait le ménage. Neige préférait être à la maison, aider maman dans la maison où faire à la rigueur le jardin, pendant que je courais dans les bois. C’était notre vie quotidienne, nous avons toujours vécu ainsi et en grandissant, ça n’a pas changé. Du moins, j’ai commencé à couper le bois, à aller en ville au marché et m’amuser. Ce qui était le plus énervant, c’était lors des bals de notre village avec ma sœur. Elle était blonde et tellement jolie, que j’étais rapidement évincée. Oui bon, j’ai toujours été un peu folle et garçon manqué et on ne me remarquait rien en moi, même lorsque je m’appliquais à être une  jeune fille. Neige était douce, raffinée et adorable, si bien que tout le monde l’adorait. Ça se remarquait même lorsque nous étions au marché, pour vendre des bouquets de fleurs. Nous étions grandes toutes les deux et maman avait besoin de nous pour rapporter un peu d’argent, afin de pouvoir manger et vivre. Je confectionnais les bouquets de fleurs avec attention,  alors qu’elle, souriait, faisait vendre grâce à sa beauté et ses sourires. Personne ne pouvait résister à ses minauderies, il n’y a qu’une seule personne qui fait exception à ses yeux doux cependant : c’est moi. Je n’ai jamais cédé à cela et je ne le ferais certainement jamais, d’ailleurs, je ne le supporte pas et elle le sait, sinon elle se prend un œuf sur la tête et ça, c’est très drôle ! Malgré tout, même si nous réussissons à faire des affaires, ce n’était parfois pas assez pour tenir la semaine avant le jour du marché.

Et puis, un soir d’hiver, quelque chose, ou plutôt quelqu’un, bouleversa nos habitudes et notre vie quotidienne. En effet, un ours décida de venir frapper de frapper à notre porte. J’ai ouvert et je peux vous dire que j’ai sacrement eu peur. Ma sœur est arrivée à son tour, se demandant pourquoi j’avais hurlé et elle a hurlé à son tour. L’ours nous a cependant rassurées, il était gentil, aimable et nous l’avons laissé entrer. Il était rempli de neige et avait très froid, malgré ses poils. Nous l’avons réchauffé près du feu, pris soin de lui et avons même joué avec lui, avant qu’il ne se repose. Le lendemain, il s’en alla et durant tout l’hiver, il venait à la maison pour dormir au coin du feu. L’ours et moi sommes devenus très bons amis, il était adorable et compréhensif. Je me confiais souvent à lui et j’avais cette impression qu’il voyait la femme, derrière la rebelle qui était en moi, je me sentais bien à ses côtés et j’appréciais ses conseils. Devenant l’ami de la famille, il s’était aussi rapproché de ma sœur et moi, mais j’avais cette impression qu’il était plus proche de moi que de Neige. Je m’étais trompée.

Le printemps arriva ensuite et notre ami l’ours s’en alla, nous promettant de revenir. Sa présence nous manquait tellement que ma sœur et moi sommes parties dans la forêt pour le chercher. C’est en cherchant notre ami, que nous avons rencontré un lutin, le pauvre avait sa barbe piégé dans un arbre. Ma sœur et moi avons tenté de le libérer, mais nous avons été obligées de couper sa barbe et au lieu d’être reconnaissant, il nous a hurlées dessus ! J’étais tellement choquée, que je n’ai pas réussi à nous défendre ! C’était insensé ce genre de réaction. J’ai cependant pris sur moi, me disant qu’il était certainement furieux de ne plus avoir sa longue et belle barbe blanche et qu’au lieu de nous remercier, il était triste, mais ce manège a duré plusieurs jours, en effet, lorsque nous étions en train de chercher notre ami, nous tombions sur cet énergumène, souvent dans de beaux draps. Notre gentillesse nous perdra ! Plus nous l’aidions, plus il nous hurlait dessus. Je détestais de plus en plus ce nain et en discutant un après-midi avec Neige, j’avais décidé de dire ce que je pensais à ce nain désagréable, quitte même à le laisser dans de beaux draps ! Au moment même, nous arrivons à une clairière et nous le retrouvons en danger et face à lui : notre ami l’ours qui allait le tuer. Au moment où Neige allait s’interposer, l’ours abattit sa grosse patte sur le lutin. Non seulement il l’a tué d’un coup, mais il est devenu un humain ! Il nous alors raconté qu’il était un prince et que le lutin l’a transformé en ours pour voler son or.

Mon cœur explosa dans ma poitrine. Mon ami l’ours était un prince, un prince d’une beauté incontestable que j’en suis tombée rapidement amoureuse. J’ai cru que nous allons nous rapprocher une fois encore, car nous avons été très bons ami. J’avais attendu tellement de choses, sauf que je m’étais trompée. Le prince ne m’aimait pas, il m’appréciait en tant qu’amie et ça, ça m’a explosé le cœur. J’avais mis tellement d’espoir, j’avais cru en tellement de choses, que lorsqu’il demanda à ma mère la permission d’avoir la main de ma sœur et qu’elle accepta, j’ai cru que j’allais prendre la hache et les tuer tous les deux, mais j’ai pris sur moi. Maman et moi avons été invitées pour les fiançailles de ma sœur. Le prince est allé jusqu’à me faire rencontrer son jeune frère et c’est là que j’ai laissé échapper ma colère : il a décidé, sans me le dire, de parler de MES fiançailles avec SON frère !! J’ai hurlé. Je me suis levée d’un bon, les nerfs à vif et j’ai crié. J’en avais tellement assez d’être l’ombre de la sœur, je ne me marierais pas par pitié  et ça c’était hors de question. Je suis donc partie sans demander mon reste de cet endroit qui me donnait envie de rendre mon repas.

Ma mère et ma sœur ont été invitées à vivre dans le château, du coup, j’ai gardé la maison et c’est là que j’ai commencé à boire. D’abord dans la maison, puis à la taverne et comme j’étais une habituée, j’ai eu le travail de serveuse, ce qui m’a aidé à réduire ma consommation d’alcool. J’ai commencé à affirmer un peu plus mon caractère et surtout, à affirmer que j’étais belle et bien une femme et je peux vous dire que ça fait une différence entre avant et aujourd’hui. J’étais devenue une femme de caractère et surtout une femme appréciable. De fil en aiguille, j’ai jusqu’à même développé une passion pour l’alcool, pour le vin surtout et j’en suis devenue experte, reconnaissant certains vins. Et un jour, j’ai eu un déclic, en effet, j’ai commencé à prendre les vertus des fleurs et des plantes pour rajouter de l’arôme aux vins et je peux vous dire que ça a plu, d’abord à mes premiers gouteurs de vins, puis à mes clients. Si bien que j’ai jusqu’à même développé une sorte de laboratoire dans ma cuisine pour concocter du bon vin à l’arôme exceptionnelle. De serveuse à la taverne, je suis celle qui créé du vin aux arômes de fleurs et j’ai du succès ! Je peux dire que j’aime ce que je suis devenue. Finalement, tant mieux que je me sois pas mariée, restée dans l’ombre de la frangine, ça va 5 minutes hein.