Alexei & Mulan

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Les Lames de Cendre. Une bien belle cause, il est vrai, mais ce n'était plus la sienne. Fini était le temps où Mulan pensait encore pouvoir faire une différence, fini le temps où elle pensait que la guerre était nécessaire pour guérir les maux du royaume. Dans une ambiance presque solennelle, elle avait rangé ses armes dans son armoire, fermant la porte sur la plus grande période de sa vie. Elle n'avait connu que cela, la guerre. Elle n'avait vécu que pour cela et maintenant... Maintenant, elle n'y croyait plus. Mulan ne croyait plus en cette beauté du geste, cet instant où les adversaires s'affrontent, ce magnifique bruit des épées qui se cognent, des corps qui tombent à terre. Elle s'était simplement rendue compte qu'il n'y avait rien de beau, là-dedans. Une mort n'était pas belle, une victoire gagnée par la force n'avait rien de glorieux. Se battre pour une cause était un geste admirable. Tuer pour une cause, en revanche...
Elle n'était pas vraiment sûre d'avoir tué quelqu'un. Oh, des blessures, elle en avait infligé mais... Avait-elle tué des hommes ? Elle n'en avait jamais eu l'intention. Mais est-ce l'intention ou le geste qui compte ? Est-ce cet instant où l'épée s'abat dans la chair, où l'homme tombe dans un râle de souffrance ? Ou cette envie de voir des yeux s'éteindre, dénués d'expression ?

Elle n'y croyait plus. Ce n'était pas arrivé comme cela, d'un claquement de doigt. Graduellement, sa culpabilité avait pris le pas sur son sens de la justice et sa définition s'était modifiée. La justice n'était pas arbitraire. La justice, c'était la bataille du bien contre le mal, du moral contre l'immoral. Et ce qu'elle avait fait, ici, à Fort Fort Lointain, était immoral. Lâche. Inconscient.
Peut-être avait-elle eu envie de s'intégrer, ou de retrouver cette adrénaline qui avait rythmé sa vie durant des années. Mais c'était fini. C'était trop tard.

Mulan avait aussi réfléchi à la discussion qu'elle avait eu avec Gretel. Cela lui paraissait toujours inconcevable d'être capable de tuer un enfant au berceau, un innocent. Mais n'était-ce pas ce qu'elle avait fait, elle aussi ? S'en prendre à des innocents ? Elle n'était pas mieux qu'elle.
Et maintenant, elle avait besoin d'elle. Il lui fallait un travail, quelque chose à faire, n'importe quoi pour ne pas penser à cette épée rangée dans son armoire, à ces années passées à se battre, à ces convictions qu'elle avait abandonné. Miel&Epices lui semblait être le parfait endroit pour cela.
Déterminée, sans un regard pour son armoire, elle quitta sa chambre miteuse qu'elle parvenait tout juste à payer et emprunta le chemin qu'elle connaissait bien, désormais. Devant la boutique, elle s'autorisa quelques instants pour se ressaisir. Elle imaginait ce qu'elle pourrait dire à Gretel.
Mais elle ne lui dirait rien. Gretel n'était pas là. En entrant dans la boutique, elle le remarqua immédiatement. Il manquait quelque chose, cette odeur fruitée qu'elle portait sur elle, cette touche joyeuse qui régnait habituellement. Ce n'est pas qu'elle n'était pas là, cette touche... Elle était... Moindre.

Alexei était là. Ils s'étaient croisés, avaient travaillé quelques jours ensemble, avant qu'elle ne parte pour l'attentat. « Alexei... Je ne pensais pas te voir ici. » Elle avait entendu que sa cavalière avait été tuée, lors du bal. C'était sa faute. « Comment vas-tu ? » Non, elle n'en parlerait pas. Pas directement. Certains penseront qu'elle ne veut pas admettre la vérité. Mulan pense seulement que cela fait encore trop mal, d'en parler à voix haute.
Elle avança vers le comptoir, empruntant une guimauve au passage, se laissant emporter dans les souvenirs que cette petite friandise faisait remonter. Tout était tellement plus simple, avant tout ça. « Je me demandais... Est-ce que tu aurais besoin d'aide, ici ? Je... Je n'ai presque plus d'économies et j'ai besoin de travailler pour... pour me changer les idées, tu sais ? » Bien sûr, qu'il savait.

Il était là, le soir du Bal.

Alexei & Mulan

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Quand Gretel fut en état de repartir vadrouiller sur les routes sans risquer de s’évanouir de douleur, elle suivit Potté. Ca ne me plaisait pas, je ne le nierais jamais, cependant, je la laissais faire ses choix. Tant qu’elle revenait me voir de temps en temps, me prouver qu’elle allait bien, tout irait bien. « Tout irait bien » une phrase que j’utilisais peut-être trop à la légère vu les circonstances, mais je me devais de rester optimiste, afin de me cacher de cette douleur qui se creusait un peu plus en moi quand je repensais au bal et tout ce qu’il a pu se passer avant. Ah ! Tout cela, c’était fini maintenant, ça avait disparu. Pendant un moment, je me suis demandé ce que deviendrait Miel&Epices, ainsi que moi, qui travaillait là…Cette question fut répondu par Gretel elle-même, qui me laissait les rênes de la boutique. Je fus tenté de refuser, un moment, puis je jetai un regard autour de moi, pour me rappeler ce que cette boutique représentait. Bien plus qu’un simple emploi. Bien plus qu’une simple découverte de la pâtisserie et de la confiserie. C’était un autre style de vie, une seconde chance. Une chance de pouvoir tout reprendre de zéro et de, peut-être, faire les bons choix cette fois-ci. Est-ce que je parlais encore de mon départ du Cirque ? Non, probablement pas.

Alors j’ai accepté. J’ai repris la boutique, avec tout ce que m’a appris Gretel sur la façon de faire des pâtisseries et des bonbons et autres douceurs. Je commençais même à avoir des idées pour de nouveaux produits, mais avant tout, je lui dis que cette boutique resterait toujours la sienne, quoi qu’il arrive. Je ne faisais de continuer son idée, en fidèle apprenti que j’avais été et étais encore en un sens. Je lui avais fait la promesse de ne pas changer, moi, de rester fidèle à moi-même. Je ne détruirais pas cette promesse et je ne détruirais certainement pas ce qu’elle a voulu construire avec cette boutique. Donc je l’ai repris et j’ai repris le travail tout de suite, refusant de chômer. Ce n’était pas facile tous les jours, tout seul ici, mais je me démenais, pour apporter aux gens cette touche de douceur et de bonheur dont ils avaient terriblement besoin après de tels évènements. Pourtant je savais que je n’y étais pas encore, tout simplement parce que je n’étais moi-même pas dans un état d’esprit à être heureux, ou même pleinement joyeux. Je mettais mon masque dès qu’un client entrait, y mettait tout mon cœur mal en point quand je voyais un enfant entrer dans la boutique. Il fallait préserver les enfants, coûte que coûte, ils étaient notre avenir, ceux qui avait encore cette innocence si pure et belle…Oui je faisais tout pour les enfants. Bien plus que pour les adultes.

Je relevais la tête des petits sachets de caramels et autres douceurs « ratées » quand la clochette de l’entrée retentit. Je mis en place mon masque, mais il se figea sur mon visage en reconnaissant la personne qui venait de passer la porte ; Mulan. Depuis combien de temps ne l’avais-je pas vue ? Depuis avant le bal. Elle était là, elle aussi, au bal. Faisant partie de ceux qui avaient lancé l’offensive. Je savais qu’elle n’était pas réellement responsable de ce qu’il s’était passé ce soir-là, mais je ne pus empêcher mon cerveau de lui en vouloir, un peu, pour ce qui était arrivé à ma logeuse. Pourtant, je ne dirais rien, simplement à cause du regard qu’elle jeta sur moi ; culpabilité, douleur…Le même regard que j’avais vu dans le miroir le lendemain de la découverte du corps de la blonde. On se ressemblait bien plus qu’on ne le croyait et je commençais à m’en rendre compte en cet instant. Je poussai un soupir puis lui répondit, reprenant ma tâche.

"Ca va. Je fais vivre la boutique du mieux que je peux."

Qu’est-ce qu’elle voulait que je lui réponde d’autre ? Elle n’avait pas à savoir ce qui n’allait pas, elle devait déjà le savoir, en plus, vu comment l’information circule dans cette ville. Je m’en voulu presque du ton un peu sec que j’avais utilisé, mais ce n’était pas totalement contre elle, c’était une sécheresse que j’éprouvais depuis le bal, que j’avais du mal à laisser partir, comme une défense. Sa question me prit un peu de court et je relevai de nouveau la tête, les yeux grands ouverts. Je ne m’y attendais pas. Je pensais qu’elle venait voir Gretel, avant de partir pour fuir, se cacher. Mais ce n’était pas elle qui était recherchée, après tout. Alors il semblait normal qu’elle revienne chercher du travail. L’espace d’une demi seconde, j’eu envie de lui dire non, mon cerveau et mon cœur ayant encore du mal à faire la part des choses, puis elle finit de parler et je n’eus aucune hésitation. Cet endroit m’avait offert une seconde chance. Je ne pouvais pas salir la volonté de Gretel en la refusant à Mulan aujourd’hui. Surtout pas quand je la vois ici, semblant si faible et perdue, elle qui avait toujours été cette femme forte et décidée avec qui je m’étais une fois ou deux pris la tête sans grand sérieux, juste parce qu’on aimait se taquiner. Aujourd’hui, elle avait besoin d’aide. Je fis le tour du comptoir, m’arrêta devant elle une seconde, mon visage ne trahissant rien, puis je la pris dans mes bras, la serrant contre moi.

"Un peu d’aide ne serait pas de refus…"

Je n’avais pas besoin de grands discours pour cela. Elle voulait simplement savoir si elle avait encore sa place quelque part. Oui, elle avait sa place ici. Parmi ceux qui ne savaient plus trop où ils en étaient après ce bal catastrophique.

Alexei & Mulan

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Il y avait cette atmosphère chargée, empreinte de regrets, de deuil, de souvenirs, qui flottait dans chaque rue du Royaume. Il y avait ces regardes fuyants, ces pas pressés... Et il manquait les rires des enfants qui, autrefois, trouvaient en la rue un lieu sûr pour dépenser leur énergie. Maintenant, il n'y avait plus rien. Pas même cette note d'espoir, d'attente de changement. Il était arrivé, le changement. Il avait tout détruit.
Miel&Epices était un des seuls facteurs constants de cette ville. La vitrine était toujours aussi colorée, l'air toujours embaumé des délicieux parfums de multiples douceurs. Alexei, lui, était éteint. Il n'y avait pas réellement d'autres mots pour le décrire : c'était cette étincelle qu'il avait, cette bonne humeur qui était sa fidèle compagne qui manquaient. Le ton sec qu'il employa fit quelque peu vaciller Mulan, mais elle ne le blâmait pas. En réalité, elle méritait bien pire que cela. Il avait tout perdu, à cause d'elle. Instinctivement, sa tête se baissa, toute son assurance laissée sur le pas de la porte. Un signe d'excuse, de regret... Mais cela ne suffirait pas.

Mais elle était là, maintenant. Prête à changer de vie, à se repentir certainement, à s'absoudre de ses pêchés. Là, vivante et coupable. Il fallait que cela change. Mulan ne pouvait plus vivre avec ses regrets. Elle avait cette volonté d'égayer un peu la vie des gens qu'elle avait gâché, teinté d'une tâche noire, et cela ne pourrait se faire que si elle prenait son courage à deux mains. Mais il y avait toujours quelque chose qui la retenait, qui lui disait que c'était impossible, après tout, de défaire ce qui avait été fait, de revenir sur ses gestes. Elle les croyait, toutes ces choses.
Mais il y avait l'étreinte dans laquelle Alexei l'enveloppait. Ses bras qui faisaient le tour de sa taille, cette chaleur et cette affection humaine qui lui avaient tant manqué. Elle se sentit étouffée, étouffée d'une amitié qu'elle ne méritait plus, d'un pardon qu'elle espérait tant. Elle voulut pleurer, lui crier qu'elle était désolée, qu'on ne l'y reprendrait plus... Elle voulut faire tant de choses, en cet instant, qui n'auraient eu aucun sens, aucune issue, aucun aboutissement. Et pourtant, elle se contenta de passer ses bras autour de la taille du jeune homme et de fermer les yeux, de sentir cette chaleur se mêler à la sienne, ses regrets communiquer avec les siens, et cet espoir, qu'un jour peut-être... Tout irait mieux.

Avec une motivation toute nouvelle, elle mit fin à l'étreinte, un sourire sur le visage. Elle était certaine que si quelqu'un pouvait rendre le quotidien meilleur, ce serait Alexei. « Merci. Et... Je tenais à m'excuser, tu sais. Pour ce soir-là, et tout ce qui en a découlé. C'était la décision la plus stupide de ma vie. » Elle n'avait pas pleuré mais sentit pourtant le besoin de passer ses mains sur ses yeux, de frotter ses paupières, pour croire enfin qu'elle avait fait le premier pas dans la bonne direction.
La journée était encore jeune et Mulan ne voulait pas perdre de temps. D'un accord tacite, elle attrapa un tablier derrière le comptoir et l'enfila. Son sourire s'agrandit un peu plus lorsqu'elle remarqua que ces gestes lui étaient encore familiers, que ses mains connaissaient encore la texture du tissu, les courbes particulières du tablier usé par le temps. Il était bon de retrouver des repères, aussi infimes soient-ils.

Mais elle ne pouvait pas s'atteler à la tâche tout de suite. Après tout, Miel&Epices, c'était surtout Gretel&Alexei, n'est-ce pas ? Où était-elle ? Mulan eut un petit frisson d'effroi en pensant à leur dernière conversation, aux aveux de Gretel... Peut-être la jeune femme était-elle retournée à sa chasse, son génocide ? Ou... Peut-être était-elle simplement en cavale avec Potté. C'était une possibilité. Mais elle devait en avoir le coeur net. « Dis, tu sais où est Gretel ? »

Pas en chasse. Pas en chasse. Par pitié, faites qu'elle ne soit pas en chasse.

Alexei & Mulan

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Pour être honnête, je n'aurais jamais pensé posseder une telle capacité de pardon. J'ai toujours été plutôt un sanguin, quelqu'un qui n'aime pas qu'on le prenne pour un imbécile sans raison et surtout pas qu'on lui fasse du mal ainsi; or là, on m'avait retiré quelqu'un qui m'était très précieux. Pourtant je pardonnais à Mulan, devant moi. Pourquoi? Parce que perdre quelqu'un peut provoquer deux réactions: soit vous vous laisser emporter par le chagrin, et vous vous laisser dépérir, égoïstement, sans penser aux autres personnes qui vous aiment. Soit vous réalisez à quel point la vie est fragile, facile à retirer, et vous vous retourner vers ceux qui sont encore là, vous les chérissez d'autant plus qu'ils sont fragiles. Et vous pardonnez, parce que la vie est trop courte pour vouloir passer la moitié de sa, voire plus, vie à se venger. C'est parce que j'ai pris conscience que j'ai failli perdre non pas une, mais deux personnes le soir du bal, que je ne veux pas rejeter Mulan. Elle a fait des erreurs, comme nous tous, mais elle regrette et cherche la redemption alors qui suis-je pour lui refuser mon aide? Voilà pourquoi je lui offre cette étreinte, ce boulot. Que je lui rend son sourire et hausse les épaules à ses paroles. Je n'ai pas besoin d'entendre des excuses. Je veux juste voir sa bonne volonté.

"On fait tous des erreurs, certaines plus lourdes en consequences que les autres. Mais toi Mulan, tu fais aussi partie des victimes, malgré ce que tu peux penser. Tu suivais les ordres, comme beaucoup le font tous les jours."

J'espérais que mes mots, alliés à mon sourire, l'aideraient à aller vers le mieux. Je la regardai passer derrière le comptoir et enfiler un des tabliers qui se trouvaient là. Mon sourire s'agrandit. Voilà la Mulan que je voulais voir. Celle qui ne se laissait pas abattre et qui voulait aider les autres. Je croisai les bras sur mon torse, fier d'elle, et je la rejoignis alors qu'elle termine sa question.

Mon sourire se figea et mes yeux affichérent une douleur sourde. Gretel...moi aussi j'aimerais bien savoir où elle était et si elle allait bien. Je savais, quand elle m'a dit me laisser la boutique, que je ne la verrais plus autant qu'avant; ça ne voulait pas dure que je l'acceptais avec facilité. Au contraire. Après être passé si près de la perdre elle aussi, je ne voulais pas la laisser hors de ma vue trop longtemps mais je n'avais pas le choix. On avait beau s'aimer de cet amour fraternel si fort, je ne pouvais la contraindre à rien, encore moins l'empêcher de retourner auprès de celui qu'elle aimait vraiment...Mulan attendait une réponse et j'allais lui donner la seule que j'avais.

"Je ne sais pas. J'aimerais pouvoir te dire qu'elle se repose chez elle, tranquillement, un bon bouquin dans les mains et chouinant qu'elle veut reprendre le travail à la boutique, mais ça serait pas vrai." Je poussais un soupire en rangeant les sucreries "défectueuses" sur lesquelles je travaillais, et repris la parole "Mon avis est qu'elle est avec Potté, je ne sais trop où. Elle devrait passer par la boutique dans les prochains jours si tout va bien. Elle passe régulièrement." J'espérais que mes pares la rassuraient sur le sort de notre patronne et amie commune. Autant penser à autre chose "Bon, c'est pas tout ça mais les guimauves ne vont pas se faire toutes seules et si on a pas de guimauve quand Ulrich passe...c'est le drame national!"

J'avais ajouté cela avec entrain et humour, bien décidé à oublier les pensées noires qui me suivaient partout depuis le bal. Je ne pouvais plus me permettre de trainer une tristesse sans fin avec moi. Certains me diront qu'on efface pas la douleur ainsi et ils auraient raison. Mais on peut s'en distraire, la repousser au fond de soi et, petit à petit, l'atténuer (voire dans le meilleur des cas la faire disparaître). J'allais chercher la plaque où se trouvait les bandes de guimauve et le bac de sucre glace dans lequel on trempait les guimauve pour les rendre moins collantes et toujours plus sucrée. Je laissais le soin à Mulan de les découper en cube, elle était bien plus douée que moi pour ce qui était de découper...et moins je les passais dans le sucre glace avant de les mettre dans le bocal correspondant.

On avait trouvé un rythme, tranquille et dans un silence léger, quand le sucre glace et la compagnie me donnèrent une idée...Mulan, concentrée sur sa tâche, ne verrait rien venir. Délaissant les cubes qu'elle rajoutais dans le sucre glace, je pris une petite poignée de se dernier et le lança en l'air, observant ses grains si fins retomber doucement.

"Hey, Mulan; il neige...En mai c'est pas banal!" Dis-je avec un immense sourire.

Eh oui...le grand gamin qui sommeillait en moi venait de se réveiller une nouvelle fois.

Alexei & Mulan

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Il semblait que tout le monde essayait de la réconforter, de prendre un peu de sa culpabilité et de la lui retirer. Mulan avait cette impression que personne ne la pensait réellement coupable, comme si elle avait été victime, elle aussi, de cet attentat. Ce n'était pas faux, en un sens - mais elle avait choisi d'y être, de suivre aveuglément une personne qu'elle n'avait jamais rencontré. Les ordres qu'elle suivait, elle les avait choisi, personne ne lui avait imposé. Elle se contenta de lui sourire, comme pour montrer que cela lui réchauffait le coeur, même si elle savait, et Alexei le savait certainement aussi, que cela était faux. Elle était coupable, voilà tout. Et désormais, elle essayait de se repentir.

Ce qui l'inquiéta un peu plus était qu'Alexei ne savait pas réellement où était Gretel. Il supposait qu'elle était avec Potté... Que pouvait-elle faire avec lui ? Qu'avait-il apporté de bon, au royaume ? Que lui avait-il apporté de bon ? Rien. Elle se bornait à voir en lui un homme bon, un sauveur, alors qu'il semblait apporter tous les malheurs du monde. Elle se contenta alors d'acquiescer, gardant son avis pour elle. Qui était-elle pour juger, après tout ?
« Bon, c'est pas tout ça mais les guimauves ne vont pas se faire toutes seules et si on a pas de guimauve quand Ulrich passe...c'est le drame national! » La jeune femme s'autorisa un rire - cela faisait si longtemps - et se prépara à travailler. Attrapant la pâte à guimauves, elle la découpa en cubes, comme elle l'avait si souvent fait auparavant.

C'était étrange, cette sensation agréable de retrouver un terrain connu, des gestes appris. Elle travaillait en silence avec Alexei, comme si elle n'était jamais partie, dans une osmose presque parfaite. Ils avaient adopté le même rythme, presque la même respiration. Mulan se laissa aller dans cette sensation confortable et baissa ses gardes.
Quelques secondes plus tard, elle put apercevoir les pointes de ses cheveux devenir blanches, ainsi que le bout de son nez. « Hey, Mulan; il neige...En mai c'est pas banal! » Une sensation fit son chemin à travers son corps, partant de son estomac, remontant jusqu'à la gorge... Et la pièce fut remplie par le son de son rire. Il était certainement grossier, son rire, peut-être trop grave, mais cela faisait longtemps qu'il était enfermé. Ses yeux s'embuèrent, des larmes de rire, de joie, peut-être, de retrouver un semblant de normalité.

Et à son tour, elle prit une poignée de sucre glace et l'envoya sur son collègue, qui se retrouva avec le visage blanc. « Encore un peu, et on te confondrait presque avec un bonhomme de neige ! » Joignant les gestes à sa parole, elle prit une autre poignée et termina son travail. Elle ne pouvait tout de même pas laisser un bonhomme de neige inachevé dans la boutique, que diraient les clients ?
« Je dois travailler comme ça, maintenant ? On aura l'air fin, devant les clients ! » Comme si elle se souciait réellement de ce que les clients penseraient, en cet instant. Attrapant un chiffon, elle tenta d'enlever le plus gros du sucre glace, avant d'envoyer le torchon dans les mains d'Alexei. Elle accompagna son geste d'un « Merci », qui était certainement le plus sincère qu'elle ait prononcé depuis un moment.

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Entendre Mulan rire me fit chaud au cœur. Je n’en n’espérais pas tant pour être honnête, vu l’état dans lequel on était tous les deux. Peut-être un sourire amusé un peu plus grand, avec certitude, mais pas un rire. Cependant, comme on disait, il n’y a pas de petite victoire ! Surtout quand elle était venue dans la boutique avec l’air si coupable, dépitée…Rien à voir avec celle que j’avais connue en somme. Enfin, en même temps, elle ne devait pas me reconnaître beaucoup non plus. Ce bal m’avait transformé, à un point que je n’imaginais même pas. Pourtant je ne pouvais pas le nier : j’avais perdu cet entrain qui me caractérisait tant et qui mettait un peu plus de couleurs métaphoriques dans cette boutique déjà très colorées normalement. Un entrain qui m’avait permis d’obtenir ce travail en premier lieu. Mon entrain et mon audace naturelle. J’avais beau me le répéter tous les jours, essayer de le retrouver, pour ne pas dénaturer cet espace de paix et de joie, seul havre sauf dans une ville dévastée par la mocheté humaine, j’avais du mal…Et ça me déchirait de l’intérieur de ne plus être en mesure d’apporter aux gens ce dont j’avais besoin en ce moment.

Pourtant, quand je me retrouvais en cet instant avec Mulan, j’avais l’impression de le voir revivre, cet entrain. Peut-être le fait d’aider quelqu’un, peut-être l’alliance de retrouver des gestes que l’on connaît par cœur, ainsi que quelqu’un qui avait connu les mêmes choses…Et qui, visiblement, avait le même sens de l’humour. Je me retrouvais bientôt avec le visage couvert de sucre glace. Je fermai les yeux pour éviter d’en avoir qui entrait dans les yeux (ce qui pourrait être fort désagréable) et, quand elle eut fini de me transformer en bonhomme de neige made in Candyland, je soupirai, envoyant du sucre glace voler un peu partout en face de moi, ne voyant absolument pas où il pouvait atterrir avec mes yeux fermés…J’eus un rire léger en l’entendant pester gentiment contre le fait qu’on allait ressembler à rien devant les clients.

"Boarf, ils ont eu le droit à pire les clients, tu le sais aussi bien que moi !"

Je pris le torchon des mains de Mulan et finis de me débarbouiller (grossièrement), avant d’observer la boutique. Oui, les couleurs étaient toujours là. L’ambiance ne devrait pas avoir changé si drastiquement, or, ça me chagrinait vraiment de voir cette joie s’évaporer doucement depuis que Gretel était partie…Soudain, une idée me vint. Quand je voyais la boutique, je retrouvais tout ce que Gretel avait construit. C’était ce qui m’avait très vite plu et qui m’a permis d’avancer dans cette nouvelle vie. Seulement, maintenant qu’elle n’était plus là…Activement je veux dire, tout ce qu’on faisait, c’était copier ce qu’elle avait créé. Mais ce n’était pas nous, ce que l’on voulait faire passer par cette boutique n’avait pas la même signification que pour Gretel. Evidemment que l’on n’avait pas la même chose. On ne croyait plus dans les mêmes choses à présent…Le regard décidé, je fis le tour du comptoir, alla chercher la pancarte « fermé pour inventaire », en laissant un sachet de guimauve pour Ulrich dans la boîte aux lettres, et je me tournais vers Mulan.

"Bien ! Mulan, va falloir qu’on fasse un bon gros brainstorming. Dis-moi, quand tu vois cette boutique, tu penses à quoi ? Hormis que tu vas finir diabétique tant tu as envie de manger tout ce qu’il se trouve ici ?" il lui laissa quelques secondes de réflexion avant de reprendre "Moi, j’y vois des bonbons et des confiseries, certes, mais, pas que ! J’y vois aussi de la joie, de la gaité…Sauf que nous, on a plus trop ces trucs-là en ce moment. Pourtant, il en faut en ce moment et c’est à nous d’en donner à la ville. Sauf que ce qu’on fait là, c’est ce que faisait Gretel, du temps où tout allait bien, où tout était beau ou presque. Ces produits sont géniaux, magiques, mais il faut qu’on y mette du nôtre, pas seulement qu’on copie, il faut qu’on en invente de nouveaux !" mon visage s’illuminait à mesure que je parlais et je finis par aller vers le centre de la pièce, je déplaçai la table et m’installa sur le tapis, assis en tailleur "Sauf que pour faire un truc comme ça, il faut qu’on aille chercher des trucs qui nous parle. Alors viens, on va discuter, on va se raconter des trucs et tu vas voir, y a tout plein d’idées qui vont surgir. Allez, allez, on va faire des trucs du tonnerre !"

J'ai l'impression d'avoir le feu sacré qui revenaient.

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Petit à petit, tout semblait aller mieux. Les choix qu'elle faisait semblaient justes, elle n'avait plus ce pincement au coeur, ou cette boule au ventre. Se retrouver à Miel&Epices lui permettait de se sentir à l'aise, de retrouver des repères qu'elle avait oublié après toute cette histoire. Cela la rassurait de voir qu'il y avait toujours des constantes dans sa vie, des points auxquels elle pouvait se rattacher. Alexei et la boutique en faisaient partie. Elle ne contrôlait toujours pas certaines de ses réactions, mais elle y travaillait. Ca prendrait du temps, de la patience - mais c'était tout ce qu'elle avait, désormais, n'est-ce pas ?
Un autre sourire se dessina sur son visage lorsqu'Alexei lui avoua que les clients avaient eu droit à pire. Ca... C'était certain ! C'est ce qui faisait le charme de Miel&Epices, les employés n'étaient pas que de simples employés, ils étaient à la fois médiateurs, créateurs, amis - leur journée de travail était bien remplie. Alexei se dirigea vers la porte et ferma la boutique, laissant la jeune femme un peu perplexe. Elle venait d'arriver, après tout ! Il se tourna vers elle, l'air décidé. Alexei avait une idée en tête.

« Bien ! Mulan, va falloir qu’on fasse un bon gros brainstorming. Dis-moi, quand tu vois cette boutique, tu penses à quoi ? Hormis que tu vas finir diabétique tant tu as envie de manger tout ce qu’il se trouve ici ? » Elle rigola un peu et se mit à réfléchir, alimentée par les pensées d'Alexei. Elle alla le rejoindre, assis sur le sol, complètement d'accord avec sa proposition. Ils avaient tous besoin de quelque chose de neuf, de frais. « Quand j'entre dans la boutique, j'y vois beaucoup de chaleur. J'y vois aussi de la convivialité, de la gaieté oui... Il y a aussi la tradition, la pérennité de Miel&Epices. C'est la seule échoppe qui a su rester comme si rien ne s'était passé. » Mulan prit le temps d'y réfléchir un peu plus, en essayant cette fois d'y associer saveurs, couleurs.
« Le chocolat... Ca représente l'habitude, la sûreté. Tout le monde aime ça. Quand tu n'es pas sûr de vouloir goûter quelque chose de nouveau, tu prends quelque chose au chocolat. Parce que tu es certain que ce sera bon. Ce ne sera peut-être pas le meilleur gâteau de ta vie, mais tu auras passé un bon moment ! » Travailler le chocolat serait une autre histoire ; en attendant, le but n'était pas de faire des recettes, mais de chercher des idées.

« Il faudrait pouvoir créer la surprise, aussi. Pour ceux qui ne se contentent pas de chocolat. Créer une recette, la nôtre, sans la divulguer ; vendre les produits sans indiquer ce qu'ils contiennent. Tout devrait surprendre : la texture, la couleur, le goût... Manger quelque chose auquel on ne s'attendait pas. » C'était revigorant, de parler du futur, des possibilités, d'une création de projet.

Elle pouvait s'en sortir. Elle le savait.

Hors RP

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Le fait que déjà elle ne me prenne pas pour un fou (ou bien elle le faisait mais elle en avait tellement l’habitude qu’elle ne relevait plus ? allez savoir !) était une bonne chose. Ensuite, qu’elle me rejoigne sur le tapis était encore mieux. On allait avancer, on allait pouvoir sortir de cette torpeur qui nous a prise depuis l’incident du bal. C’était tout ce dont on avait besoin : une option, un projet pour le futur, qui nous permettait de voir les choses dans une perspective bien plus optimiste que ce qu’on avait pu vivre dernièrement. Ca ne semblait pas grand-chose, parler du futur comme ça, mais pour nous, c’était une guerre de tous les instants. Mulan avait perdu le feu sacré de la bataille, s’était sentie corrompue et dans l’erreur dernièrement. Moi j’avais perdue celle avec qui je pensais créer un nouveau futur. Un futur qui aurait pu être si beau, si…Etincelant. Pour nous, le futur était plus une ombre menaçante à l’heure actuelle qu’une voie ouverte de possibilités et d’opportunités. Il fallait que l’on change ça, pour croire en une rédemption et une rémission.

Je l’écoutais parler, mon sourire ne me quittant pas, au contraire, il s’agrandit, se fit plus radieux, au point qu’il atteignit enfin mes yeux, chose qui n’était pas arrivée depuis des semaines maintenant. Elle avait de très bonnes idées, elle en rejoignait même certaines que j’avais eu un peu plus tôt et je le savais, je le sentais, on allait s’en sortir et faire de cette boutique le havre de paix et la sauvegarde de ce que l’on aimait et que l’on chérissait tant. On allait être une oasis de bonheur et de soulagement des peines dans un monde qui devient de plus en plus sombre à mesure que le temps passait.

"Le chocolat c’est une bonne base, mais même avec du chocolat on peut faire de nouvelles choses, innover, faire deux idées en une." Je reprenais, mes mains s’agitant en rythme avec mes paroles, comme au bon vieux temps. L’ancien Alexei revenait, par touche, s’infusait dans celui que j’étais aujourd’hui et je ne pouvais m’empêcher d’en être heureux. Je ne serais jamais exactement le même ; je ne pouvais pas, mais si je pouvais être…un mélange des deux, ne pas être que l’un ou l’autre, ce serait déjà pas mal "Ensuite, on peut partir sur des saveurs exotiques, des recettes exotiques même. Tu viens de Saay, tu dois bien connaître quelques sucreries de ta contrée ? Moi je viens de Yasen et j’ai pas mal vadrouillé, je suis sûr que je pourrais demander à ma mère ou Hibernius pour quelques recettes si on le voulait. C’est sûr que ça demandera de nouveaux partenariats pour obtenir tous les produits dont on a besoin, mais je pense qu’on peut y arriver. Pourquoi on ne pourrait pas, hein ?"

Et aussi simplement que cela, je sentais mon être se remettre sur les rails du futur, de ce futur que je pensais avoir perdu, alors que je l’avais simplement perdu de vue, trop obnubilé par la perte d’autre chose. Rien que de penser qu’il y avait une issue à tout cela me donnait l’impression de pouvoir accomplir l’impossible. C’est donc un immense sourire que j’offris à Mulan, certain que l’on pourrait faire de grandes choses pour cette boutique et par ce biais, pour nous.

Alexei & Mulan

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Mulan voyait que le monde pouvait tourner sans elle, sans son intervention. Cela ne la gênait plus. Elle ne se sentait plus obligée de veiller au bon fonctionnement de tout, de se mettre en danger pour protéger son peuple. C'était fini. Le matin, elle ne cherchait plus une cause pour laquelle se battre. Le soir, sa tête était vide de souvenirs, vide d'envie, prête à se reposer. Evidemment, cette situation ne durera qu'un temps. Viendra ensuite le temps des regrets, accompagné par ses cauchemars, ses frustrations ; mais Mulan était prête à l'affronter. Elle se sentait prête à affronter tous les démons qu'elle combattait depuis des années. Et pendant qu'elle parlait, que ses idées défilaient, elle se sentit soudain plus légère. Après tout, qu'avait-elle à faire, aujourd'hui ? Penser à de nouvelles confiseries. Parler chocolat avec Alexei. Et, pour cela, c'était une journée extraordinaire.

« C’est sûr que ça demandera de nouveaux partenariats pour obtenir tous les produits dont on a besoin, mais je pense qu’on peut y arriver. Pourquoi on ne pourrait pas, hein ? » Un sourire se dessinait sur les lèvres de Mulan, pour qui cette phrase signifiait bien plus que l'invention d'une nouvelle confiserie. Pourquoi on ne pourrait pas ? Toutes les options se présentaient désormais à elle. Elle n'était plus confinée dans un rôle, dans une vie. Et, qui sait, peut-être que Miel&Epices ne durerait qu'un temps, ou le restant de sa vie ? Le plus important était qu'elle avait le choix, désormais. Elle voyait un avenir, des possibilités. Elle ne risquait plus de mourir dans la journée, ayant dévoué toute sa vie à une cause particulière.

Et si elle voulait retourner à la guerre ? Pourquoi pas. Si elle voulait ouvrir son propre magasin ? C'était possible. Pourquoi on ne pourrait pas, hein ? Mulan secoua la tête et revint à l'instant présent, dans Miel&Epices, face à Alexei, enveloppée dans la douce chaleur des confiseries de Gretel. « On y arrivera », répondit-elle.