« Vous voulez savoir comment je me suis retrouvé ici ? C'est une longue histoire, vous savez... Enfin, on a du temps devant nous avant d'arriver, autant ne pas se regarder dans le blanc des yeux en silence, hein ? Et puis, j'ai cru comprendre que vous aimiez ça, les histoires...

Je m'appelle Taran. Taran Longvoyage, et si vous m'aviez dit, il y a cinq ans, que je deviendrais cocher à Fort Fort Lointain sous le règne d'une fée aux mœurs assez louches, je vous aurais probablement ri au nez. Il faut comprendre, il y a cinq ans, ma vie se résumait à deux choses : faire les tâches que me confiaient mes tuteurs, et rêver de grandes aventures.


L'été 1418, donc, je n'étais rien d'autre qu'un habitant de Yasen parmi tant d'autres. Je menais une existence paisible – un peu trop paisible à mon goût, d'ailleurs – dans une chaumière à l'orée de la Forêt Sucrée. Les seules personnes que je connaissais étaient le vieux Dallben, un sorcier blanc ronchon, un soldat à la retraite, Coll et, croyez le ou non, un porcelet devin du nom de Hen Wen. Oui oui, vous m'avez bien compris, un porcelet devin. C'est d'ailleurs grâce à elle – car Hen Wen est une fille – que je me suis retrouvé là-bas : avant mes 18 ans, je vivais une vie d'orphelin vagabond à Rocheblanche, et c'est Dallben qui est venu me sortir de cette misère, suivant une des visions d'Hen Wen : selon elle, j'étais destiné à mettre fin à au règne d'un tyran.

Ce n'est pas là peine de faire cette tête, voyons, je vous assure que tout ce que je vous raconte là est vrai ! Nous vivons dans un monde avec des ânes qui parlent et qui flirtent avec des dragons pendant que des fées font la guerre aux ogres, alors excusez-moi, mais dans tout ce foutoir, un cochon qui a des visions, c'est parfaitement normal ! Enfin, passons.

A partir de là, Dallben et Coll ont fait de leur mieux pour m'aider, et je leur en serais toujours très reconnaissant ! J'avoue que je n'ai pas fait beaucoup d'efforts avec Dallben durant ces quelques mois que j'ai passé avec eux : il s'est efforcé de me donner une bonne éducation, mais je n'ai pas apprit grand-chose, si ce n'est à compter. Coll, en revanche, avait mon attention dès qu'il le souhaitait ! Il racontait toujours ses histoires de batailles, les ennemis qu'il avait rencontré, la gloire de la victoire, l'amertume de la défaite ! Pour un gamin qui avait passé sa vie à être sans cesse confronté à la dure réalité, ces histoires avaient quelque chose de magique, d’ensorcelant, et c'est Coll qui m'a donné ce goût du combat et de l'aventure. Je ne rêvais que de ça, jour et nuit : devenir un vaillant héros, un chevalier comme Gwydion, le fils d'un des ducs de Yasen, dont la réputation avait voyagé jusqu'à notre chaumière. Il me lisait même mon livre préféré, le Chevalier des Brumes, en attendant que je puisse le lire de moi-même, un jour.

Cependant, si le vieux soldat partageait mon enthousiasme et avait même accepté de me donné quelques leçons de combat, Dallben ne voyait pas du tout ma soif d'aventure d'un bon œil. Il ne cessait de me mettre en garde contre les dangers du monde, répétant sans cesse que la vie n'était pas une épopée où tout se termine bien, que je risquais de me faire tuer à la moindre occasion. Ses avertissements se portaient presque tout le temps sur le même sujet : Arawn, un nouveau tyran qui avait fait son apparition à Yasen quelques mois auparavant. Les rumeurs disaient qu'il comptait renverser Alexandr Lerat, avec l'aide d'une armée et d'un puissant sorcier noir, surnommé le « Roi Cornu », à cause de la forme particulière de son casque.

Devant mon évidente réticence à prendre ses propos au sérieux, le sorcier blanc avait même tenté une autre approche pour me garder en place, avec la complicité de Coll : Ils m'avaient confié la tâche de veiller sur Hen Wen au péril de ma vie. Être le gardien d'un cochon devin aurait pu se révéler très excitant, si seulement nous avions vécu dans une partie de Yasen un peu plus dangereuse, mais il ne se passait pas grand-chose, près de notre chaumière, et le plus grand danger que courrait Hen Wen, s'était de rater son repas parce qu'elle dormait trop longtemps...

Enfin, vous vous doutez bien que les choses ont changé, sinon je ne serais pas là en train de vous parler, assis dans cette calèche. Non, madame Fildor ! Je serais toujours dans ma chaumière, à rêver d'aventure en surveillant Hen Wen. Je ne suis pas mécontent de la vie que j'ai maintenant, mais il m'arrive souvent de penser que ma vie d'avant n'était pas si mal, finalement. Mais on ne choisit pas son destin, comme on dit, et mon aventure à commencé sans prévenir un jour tout à fait banal, où j'étais occupé à laver Hen Wen dans la cour.

Alors que tout ce passait bien, elle s'est mise à hurler qu'un danger approchait, et que nous devions fuir. Tous les animaux se sont mis à s'exciter en même temps, et dans toute cette agitation, Hen Wen s'est enfuie dans la Forêt Sucrée. Je l'ai suivi, sans trop comprendre la raison du tumulte, et sur le sentier, je suis tombé nez à nez avec ce que devait être le danger dont Hen Wen avait parlé : le Roi Cornu en personne, et ses soldats.

Vous ne vous imaginez pas la panique qui m'a envahi à ce moment là ! Je me suis enfoncé dans la forêt sans réfléchir à ce que je faisais, mais une chose était certaine, il fallait que je retrouve mon amie pour la mettre en sûreté, et que je me débarrasse des soldats qui étaient à mes trousses. Seulement deux d'entre eux me suivaient, probablement parce que le Roi Cornu ne s'intéressait pas à un pauvre gamin comme moi. C'était sa première erreur : à force de courir, j'ai fini par arriver sur la route qui menait à Rocheblanche, et j'y ai croisé un soldat, non pas du Roi Cornu, mais bien un allié.


Dès qu'il s'est aperçu de ma situation plutôt fâcheuse, il s'est élancé sur son cheval, et me lança au passage une épée. La saisissant au vol, je fis volte-face, et alors que le jeune homme s'occupait d'un des soldats, je me mettais en position pour combattre le second.

Les leçons de Coll étaient bien ancrées dans ma mémoire, et profitant de l'étonnement du soldat de se voir défié par un simple garçon de ferme, j'ai plongé mon épée dans ses entrailles à la première occasion, après avoir une série de parade qui m'a d'ailleurs valut une cicatrice à l'épaule. C'était la première fois que je tuais quelqu'un. Je ne sais pas si vous avez déjà eut à faire ça, mais croyez moi : prendre une vie, ça vous change du tout au tout. Je ne me sens pas coupable de ce que j'ai fait - c'était soit lui soit moi – mais j'ai passé de nombreuses nuits sans sommeil, après ça.

Bref, passons mes états d'âme : l'autre soldat n'eut pas plus de chance que le mien, mon acolyte ayant de toute évidence un niveau bien supérieur comparé à moi. Il s'en sortit sans une éraflure, alors que mon épaule ruisselait de sang. Il prit le temps de bander ma plaie, et c'est au moment où il a enlevé son casque que j'ai comprit à qui j'avais affaire : devant moi se trouvait le chevalier Gwydion, fils d'un des ducs de Yasen. Passée la stupeur de cette découverte, il m'expliqua qu'il était en route pour voir Dallben et consulter Hen Wen à propos du tyran Arawn, qui causait apparemment de plus en plus de problèmes à travers Yasen.

Après une brève concertation, nous avons décidé de nous lancer à la poursuite de Hen Wen, puisqu'elle était celle que Gwydion voulait voir de toute façon. J'ai longtemps regretté de ne pas avoir prévenu Dallben et Coll de mon départ, ce jour. Je ne pouvais pas le savoir sur le moment, mais cinq ans allaient s'écouler avant que je puisse retourner chez moi.

Toujours est il que nous nous sommes enfoncés une nouvelle fois dans la forêt, sur la piste du porcelet. Il faut avouer que je n'avais pas la plus petite idée de ce qui se passait : je ne savais pas suivre une piste, à l'époque, et mon nouvel ami n'avait pas l'air plus efficace que moi. Pourtant, nous avons finalement réussi à trouver la piste, grâce à une aide tant inattendue qu'inespérée ! Alors que nous allions faire demi-tour pour rejoindre la chaumière de Dallben et demander de l'aide, un ourson est sorti d'un buisson. Cet ourson, c'est Gurgi, mon meilleur ami. Il nous suivait depuis un bon moment, déjà, et savait exactement où était patie Hen Wen. Il était très mignon, et probablement perdu. Je pense qu'il cherchait seulement quelqu'un avec qui rester, et je pense que dans toute cette histoire, il est la meilleure chose qui me soit arrivé.

Grâce à lui, nous aurions put la retrouver en un rien de temps, mais après seulement quelques minutes à suivre Gurgi, nous avons repéré un groupe de soldat d'Arawn, qui se dirigeait vers Rocheblanche. C'est à ce moment là que nous avons dû prendre une lourde décision : Gwydion voulait dépasser la troupe par la forêt pour aller prévenir les habitants de Rocheblanche, et de ce fait abandonner Hen Wen. J'étais parfaitement conscient que la mission de garder le porcelet n'avait rien de sérieux, mais je n'aimais pas trop l'idée du jeune chevalier. Pourtant, il fallait me rendre à l'évidence : Hen Wen pouvait déjà être très loin, et le danger sur la ville était imminent.

Nous avons donc décidé de dépasser la troupe, mais avons été repérés, et attaqués. Dans le tumulte de la bataille, Gurgi s'est enfui, effrayé par les soldats, que nous arrivions pourtant à maîtriser facilement, jusqu'à l'arrivée des Enfants du Chaudron. Je parie que vous n'avez jamais entendu parler de ces guerriers, n'est-ce pas ? Ça ne m'étonne pas. Il s'agit d'un groupe de guerrier renforcés par une potion, directement sous les ordres d'Arawn. Pourquoi Enfants du Chaudron ? Tout simplement parce que pour fonctionner, la potion a besoin d'être préparée dans un chaudron enchanté. Face à ses brutes épaisses, nous n'avons pas put faire grand-chose. Je me souviens vaguement avoir pris un coup sur la tête, puis plus rien.

Lorsque je me suis réveillé plus tard, j'étais chez la sorcière noire Achren, près de Neigéternelle. Enfin, dans une des cellules de son manoir, pour être plus précis ! Je vous dit manoir, mais à vrai dire, je ne sais toujours pas de quel genre d'habitation il s'agissait. Tout ce que je sais, c'est qu'elle était située dans un endroit à risque, et vous allez comprendre pourquoi.

Avant cela, il me faut vous dire pourquoi je ne suis pas mort éventré par les soldats :  Gwydion m'a rapidement expliqué qu'elle nous avait sauvé des soldats, uniquement pour nous traîner jusqu'ici et faire subir un ignoble chantage à Gwydion : soit il l'aidait à renverser Arawn et à devenir la sorcière la plus influente de Yasen. Bien évidemment, il avait refusé catégoriquement, et c'est pour cette raison que je me retrouvais dans cette cellule.

Je ne me rappelle plus combien de temps nous sommes restés enfermés, mais je peux vous dire que ça a durer longtemps. Des semaines, peut-être même des mois, avec pour seule subsistance un morceau de pain et un verre d'eau chaque jour. Je commençais à perdre tout espoir lorsqu'elle est arrivée. Pas Achren, non, mais oui jeune fille de mon âge, que je n'avais jamais vu avant. Elle se nommait Eilonwy, et était l'une des servantes d'Achren. Je n'est même pas eu le temps de lui demander ce qu'elle me voulait qu'elle me pressait pour que je sorte de ma cellule et que je la suive.

En chemin, elle m'expliqua qu'elle attendait longtemps une occasion de se sauver de cet endroit, parce qu'elle détestait Achren, et qu'elle devrait être à l'Académie de Worcestershire sur l'ïle de Graaoul, pour étudier la magie.

Je la suivais donc dans le dédale de couloirs puis dans des passages cachés qu'elle avait découvert, et nous étions en chemin pour libérer Gwydion, dans une autre cellule, lorsque le passage dans lequel nous étions s'est effondré. Tout aussi surprise que moi, elle examina la salle dans laquelle nous nous trouvions maintenant, et affirma ne pas la reconnaître. Elle supposé qu'il s'agissait d'une salle qui se trouvait bien en dessous du niveau du sol, et à en juger par son état, elle était abandonnée depuis longtemps.

Vue la chute, nous ne pouvions pas repartir par là où nous étions descendu, donc nous avons emprunté le seul et unique corridor de la salle, qui débouchait sur ce qui était un tombeau, de toute évidence ! Au milieu de la pièce se trouvait un gros cercueil de pierre, avec l'inscription suivante :

"Ci-gît Rhitta, Guerrier, Héros, Père"

Sous l'inscription étaient posées une épée dans son fourreau, ainsi qu'une broche avec ce qui semblait être le blason de Rhitta. Je ne sais pas pourquoi, mais ces objets m'attirèrent irrésistiblement, et, après avoir examiné la broche, j'ai sorti l'épée de son fourreau : elle était magnifique, d'un acier brillant et tranchant. Sur la lame était gravée "Dyrnwyn", qui devait tout simplement être le nom de l'épée.


Alors que j'allais reposer l'épée, une violente secousse ébranla le bâtiment, me forçant, ainsi qu'Eilonwy à courir en suivant l'unique corridor, sans voir où nous mettions les pieds. Nous avons fini par déboucher sur une cascade et nous nous sommes jetés la tête la première, avant que le manoir ne s'écroule sur nous.

L'eau était gelée, et nous avons eu de la chance de ne pas nous faire écraser par les débris du manoir, qui s'écroulait, victime du séisme. Sur la berge, un homme nous attendait, avec un cheval à ses côtés. Il s'agissait de Fflewddur Fflam, un duc de Yasen, et de Melyngar, le cheval de Gwydion. Apparemment, le duc était un ami d'Eilonwy, et elle avait déjà prévu de s'évader depuis un bon moment, d'où sa présence ici. Enfin, du moins, c'est ce que j'ai compris. Sur le coup, tout ce qui comptait, c'était Gwydion, toujours dans le manoir.

Nous sommes remontés sur la colline, et vu les décombres, il était évident que mon ami n'avait pas survécu. Confus et déprimé, j'ai suivi mes nouveaux alliés qui avaient décidé de se rendre à Rocheblanche, là où l'armée de Arawn se dirigeait, pour achever la mission de ce pauvre Gwydion. Seulement, Neigéternelle et Rocheblanche ne sont pas à côté l'une de l'autre, et un long voyage s'annonçait.

Le problème le plus important, c'était qu'aucun d'entre nous n'avait de carte, et même si nous connaissions la direction générale de Rocheblanche, marcher sous le couvert de la forêt pour ne pas être repérés ne rendait pas la tâche aisée. Fort heureusement, nous avons reçu l'aide de quelqu'un. Maintenant que j'y pense, Gurgi a toujours été là au moment où j'avais le plus besoin de lui ! C'est en effet lui qui nous a guidé sur ce chemin : il avait suivi Achren lorsque nous avions été faits prisonniers, et avait attendu aux alentours du manoir, en espérant nous retrouver. Maintenant qu'il était avec nous, je me sentais mieux. Bien évidemment, ça ne suffisait pas à me faire oublier Gwydion...

Sur la route, nous avons rencontrés de nombreux groupes armés au service d'Arawn, sans nous faire détecter : j'étais le seul qui pouvait se battre, et je n'avais que peu d'espoir de gagner à un contre trois ou quatre. Cependant, alors que nous avions monté notre camp pour la nuit, nous avons été forcés à nous battre, tout simplement parce que quelqu'un était en danger. Un homme, ou plutôt une fée nommé Doli, était poursuivi par trois soldats, et ses cris de détresse nous ont poussé à lui porter secours. Nos chances de gagner était très mince, mais je refuse de laisser quelqu'un mourir sous prétexte que je pourrais être blessé si je l'aide !

Dyrnwyn au point, je me suis jeté dans la bataille, directement sur l'un des soldats, profitant de l'effet de surprise pour lui enfoncer ma lame dans la gorge. Il n'en restait plus que deux, mais j'étais seul à pouvoir me défendre. Enfin, c'est ce que je pensais ! Il s'est avéré que Doli n'était pas sans défense, loin de là ! Ne jamais sous-estimer les fées ! Ainsi, grâce à la force de sa magie et au tranchant de ma lame, nous nous sommes sorti sans trop de mal de ce mauvais pas. Après ça, le nouveau combattant a rallié notre groupe, nous renforçant et s'assurant un trajet plus sûr jusqu'à Rocheblanche, par la même occasion !

Et justement, nous avions bien besoin d'un allié supplémentaire : plus nous approchions de Rocheblanche, plus les soldats d'Arawn se multipliaient. A notre arrivée dans la ville, nous avons été directement attaqué et nous sommes vaillamment battus. Pourtant, nous ne pouvions pas grand-chose, le Roi Cornu faisant parti de la bataille. J'ai bien essayé de le tuer, mais que peut faire un simple garçon de ferme contre un sorcier ? J'ai failli perdre la vie, après un combat de longue haleine contre le faux souverain. Si Gwydion n'avait pas été là, je serais mort et enterré.

Oui, oui, vous m'avez bien compris, Gwydion ! Il se trouve qu'il n'était plus dans le manoir depuis longtemps lorsque ce dernier s'est écroulé : Achren l'avait emmené de force pour affronter le sorcier noir, et il avait passé ces dernières semaines à élaborer une stratégie pour prendre lancer l'assaut. Il avait profité de notre diversion pour mettre son plan à exécution, fort heureusement pour moi, d'ailleurs...

Mais l'heure n'était pas à la réjouissance : nous venions de vaincre un ennemi, mais un autre bien plus sournois nous faisait face, désormais : Achren était bien décidée à nous utiliser pour tuer Arawn, son rival. Elle menaça de tuer Gurgi, dont elle s'était emparé pendant la bataille si nous ne coopérions pas. Elle riait à gorge déployée devant nos visage déconfis. Enfin elle ria jusqu'à ce qu'une dague vienne lui transpercer la gorge.

Qui venait de poignarder la sorcière par derrière ? Personne d'autre qu'Eilowy ! La jeune fille avait pris son courage à deux mains, et avait mis un terme à la tyrannie de cette monstrueuse femme. Après ce combat, il me fallut rester longtemps alité, le temps que les blessures que m'avait infligé le Roi Cornu cicatrisent. Pendant ce temps, Gwydion était parti avec Melyngar pour chercher l'aide de son frère, Ellidyr, un garçon aussi arrogant que doué avec un arc. Ensemble, ils avaient décidé que cette victoire sur Arawn devait être suivi par une autre frappe, plus violente encore : ils voulaient trouver le chaudron qui permettait de créer les soldats surpuissant, et le détruite, privant ainsi Arawn d'une de ses armes principales.

Le temps que mes blessures se referment totalement, mes camarades étaient parti chercher des informations sur l'endroit où se trouvait le chaudron. Tous, sauf Gurgi, qui refusait catégoriquement de me quitter. C'est à l'été de 1420 qu'ils sont revenus à Rocheblanche, soit deux ans après le début de cette longue aventure. Et la nouvelle qu'ils apportaient me fit le plus grand plaisir : Hen Wen !


Ils l'avaient trouvé vagabondant dans les bois, bien loin d'ici, vers Sucre-en-poudre. Je n'ai jamais été aussi heureux de la revoir, saine et sauve, après tout ce temps ! Mais la fête de retrouvailles devait attendre : nous avions besoin des dons d'Hen Wen pour localiser le chaudron, et mis à part Dallben, j'étais le mieux placé pour interpréter ses visions.

C'est ainsi que nous nous sommes tous mis en route pour Glaglaval, où le chaudron été apparemment gardé par trois sorcières : Orddu, Orwen et Orgoch. Arrivés là-bas, repérer leur maison n'était pas bien compliqué : c'était une vieille bâtisse crasseuse, sans le moindre attrait. Il nous a fallut un bon moment avant de convaincre les sorcières de nous parler du chaudron, mais finalement, elles ont fini par accepter de nous dire ce qu'elles savaient : Arawn avait passé un pacte avec elle pour avoir le chaudron ainsi que la recette de la potion pour créer les Enfants du Chaudron mais avait brisé ce pacte, de ce fait, elles l'avaient récupéré.

C'est Fflewddur qui eut l'idée de passer un pacte en échange du chaudron : un objet contre le chaudron. Les sorcières, cupides jusqu'à l'os, s'étaient empressées d'accepter la proposition. Le seul problème concernait l'objet que nous allions leur donner : elles refusaient tout catégoriquement, de mon épée à l'or de Fflewdurr. Nous allions partir lorsque je me suis soudain rappelé d'un dernier objet : la broche de Rhitta. Pour une raison qui m'échappe encore, elles se sont jetées dessus sans la moindre hésitation et nous ont jeté dehors, avec le chaudron. Avant de refermer la porte de leur maison, Orgoch, la plus vieille des trois nous fit une ultime révélation : à moins du sacrifice volontaire d'une vie dans le chaudron, l'enchantement qui l'entourait ne prendrait jamais fin.

Abasourdis par la nouvelle, aucun d'entre nous ne prêta attention au ricanement mauvais de la sorcière. Nous avions voyagé pendant si longtemps, pour rien... Les connaissances en magie d'Eilonwy étaient trop faibles pour briser l'enchantement, et la magie de Doli était parfaitement inefficace. Il n'y avait qu'une seule personne à ma connaissance qui pourrait trouver une solution : Dallben, qui se trouvait maintenant à l'autre bout du pays. Cela voulait donc dire que nous devions retraverser Yasen en sens inverse, en plein hiver.

Puisqu'il n'y avait pas d'autres solutions, nous sommes repartis vers la Forêt Sucrée, démoralisés et fatigués, malgré le fait que nous avions le chaudron avec nous. Le voyage s'avéra en plus de ça très mouvementé : les intempéries se succédaient, et les soldats d'Arawn étaient désormais très présents vers cette partie là de la région.

Nous étions épuisés, au terme du voyage, et c'est peut-être à cause de cet épuisement que la tragédie est arrivée... Alors que nous approchions de Rocheblanche, un groupe de soldat nous est tombé dessus, et après un court moment, ils gisaient tous à terre, comme beaucoup avant eux. Seulement, cette fois, nous ne nous en sommes pas tous sorti indemnes : Ellidyr avait prit un coup d'épée dans la poitrine, et gisait dans la neige, son sang formant une tâche rougeâtre sur le sol immaculé.


Je n'aimais pas beaucoup le frère de Gwydion, mais ce qu'il a fait à ce moment là mérite le plus grand respect : avant de rendre son dernier souffle, il a demandé à ce qu'on lui donne le chaudron, et après un adieu déchirant à son frère, il s'est laissé tomber dedans, mettant ainsi un terme à l'enchantement. Notre mission était accomplie, mais aucun d'entre nous n'avait le cœur à la fête.

Au milieu du blizzard, nous avons décidé de nous séparer, d'un commun accord : Gwydion est parti les larmes aux yeux, sur Melyngar, pour prévenir ses parents de la mort de leur fils, Eilonwy s'est rendu à Rocheblanche, puis sur l'île de Graaoul, pour enfin intégrer l'Académie et continuer sa formation, Doli et Flewddur ont reprit leur route également. Il ne restait plus que Gurgi, Hen Wen et moi.

La tentation de rejoindre la chaumière de Dallben et de mettre fin à mon aventure a été très forte, à ce moment là, mais avec l'accord de mes deux compagnons, j'ai décidé de partir sur les routes pour avoir la réponse à une question que je me posais depuis longtemps : qui suis-je ?

Ça peut vous paraître idiot, comme question, mais pour un gamin qui a passait sa vie à voler pour survivre, sans famille, ni véritable ami, savoir d'où il vient quand il en a l'occasion, c'est très important. Aussi ai-je profité de cette chance et du pouvoir d'Hen Wen pour trouver un moyen d'apprendre la vérité.

La vision du porcelet nous a cependant démoralisé au plus haut point : elle montrait la porte de la maison d'Orddu, Orwen et Orgoch, et nous devions donc retourner à Glaglaval pour trouver la réponse que nous cherchions. Après un voyage pénible, cette fois agrémenté de halte dans des villages sur notre route, nous sommes arrivés devant la maison des sorcières. Sans m'annoncer, je suis entré dans la maison, et Orwen m'a reconnu, et m'a demandé ce que je leur voulais d'un ton mauvais. Sa grimace se changea en sourire lorsqu'elle me répondit qu'elles ne pouvaient strictement rien pour moi, mais qu'elles savaient où trouver ma réponse.

Elles me confièrent qu'un miroir enchanté capable de me dévoiler mon identité se trouvait en possession d'une autre sorcière, Morda, qui habitait à l'égard de la ville. Sans attendre, nous sommes parti vers la demeure de cette sorcière. En chemin, nous avons eu la surprise de tomber sur Fflewddur, qui bien qu'heureux de nous revoir était très attristé : il transportait avec lui une petite grenouille, qui s'avérait être notre ami Doli.

Ils nous expliquèrent qu'ils avaient été attaqués par une sorcière, et que Doli avait été changé en grenouille par cette dernière. La confusion n'était pas possible, il devait s'agir de Morda. Ainsi donc, nous sommes tous partis vers son antre, et arrivés là bas, je suis entré sans m'annoncer, enfonçant la porte d'un coup de pied. La vieille se trouvait là, au milieu d'un bric-à-brac inimaginable. Si les sœurs de Glaglaval sont enclines à négocier, Morda était bien différente, et je n'ai pas eu le temps de lui proposer un marché contre le miroir et la re-transformation de Doli qu'elle m'attaquait déjà.

Je l'ai abattu sans trop d'effort : elle était vieille, et probablement folle, et ne représentait pas vraiment une grande menace. A la seconde où elle a cessé de vivre, Doli a reprit une apparence normale, et j'ai pu chercher le mirroir.




Le miroir se trouvait au milieu de tous les objets entassés dans la maison. Fébrile, j'ai plongé mon regard dans le miroir, espérant enfin découvrir la vérité. Mais la seule chose que j'ai vu, c'est mon propre reflet, ni plus ni moins. Fou de rage, je suis sorti de la demeure et mes amis me suivirent, sans trop savoir quoi faire. Tout espoir m'avait déserté, et je n'avais plus qu'une seule envie : rentrer chez Dallbern, et en finir avec toute cette aventure. Nous étions maintenant au printemps de 1421, et j'étais fatigué par cette quête vaine.

Il nous fallut un long moment pour atteindre Rocheblanche. Ma résolution n'avait pas failli pendant le voyage, et je comptais seulement m'arrêter quelques minutes, pour dire adieu à Fflewddur et Doli, qui nous avaient accompagné.

Une fois encore, le destin avait décidé de mettre quelqu'un en travers de route. A ma grande surprise, ce ne fut pas une, ni deux, mais bien trois personnes qui me firent changer d'avis : en effet, à Rocheblanche, nous avons été stoppés net par Gwydion, accompagné d'Eilonwy qui avait mit sa formation entre parenthèses à la demande du chevalier, et de Rhun, son fiancé, également élève de l'Académie. Ils étaient tous rassemblés car un assaut allait être lancé pour en finir une bonne fois pour toute avec Arawn, dont les troupes, désormais faibles et éparpillées à cause de la destruction du chaudron, s'étaient rassemblées vers Flocombe.

D'un commun accord, nous nous sommes tous mis en route ensemble vers notre ennemi, pour ce qui devait être le chapitre final de notre aventure. Tous, sauf Gurgi et Hen Wen : je ne voulais pas qu'ils soient mêlés à une autre bataille sanglante, alors je leur ai demandé de ne pas nous accompagner. Hen Wen a accepté, et a promit de nous attendre avec Gurgi chez Dallben.

Après tant d'obstacles, nous allions finalement en finir. La peur de ce qui se passerait ensuite pour moi se fit soudain sentir. Probablement le retour à ma vie d'avant, avec mes vieux amis, à garder un porcelet devin.

Mais le temps n'était pas à la rêverie : alors que nous arrivions à une dizaine de kilomètres de Flocombe, nous sommes tombés dans une embuscade :apparemment, Arawn avait été prévenu de notre arrivée, et il s'était déplacé en personne pour nous affronter. A partir de là, les choses sont devenues aussi chaotiques et sauvages que ce que vous pouvez imaginer. Une bataille n'a rien de beau, et celle-ci ne faisait pas exception.

Gwydion et moi faisions face à Arawn, Doli s'occupait de deux soldats, épaulé par Fflewddur, et Rhun et Eilonwy affrontaient les quatre derniers. Le combat fut de courte durée, mais très intense ! Démoralisés, les soldats n'opposaient pas une résistance particulière, mais Arawn, lui, se battait comme un forcené. A plusieurs reprises, ses lames sont passées près de mon visage, ou du corps de Gwydion, mais après une dure lutte, nous avons finalement réussi à le maîtriser. Dans un excès de générosité, Gwydion a refusé de le tuer, et a décidé de le faire prisonnier pour qu'il puisse répondre de ses actes devant la justice.

Ce fut sa seule et unique erreur, et pourtant, elle lui coûta la vie.

Arawn, profitant de l'occasion, plongea une dague qu'il était parvenu à dissimuler dans le dos de mon ami, au niveau du cœur. Gwydion était mort avant d'avoir touché le sol. D'un geste purement instinctif, j'ai laissé Dyrnwyn séparer la tête d'Arawn de son corps, et au milieu des cadavres, nous avons pleuré notre ami, pendant un long moment.


Accablés, nous avons ramené son corps avec nous, aussi soigneusement que possible, à sa famille. Puis, nous sommes finalement rentré chez Dallbern, où un dernier coup du sort nous attendait : durant notre absence, une certaine Marraine la Bonne Fée avait mit en place la règle du Charnel et Gurgi avait était capturé et emprisonné alors qu'il vagabondait dans les bois en attendant notre retour.

L'été 1422 était arrivé, et je venais de perdre mes deux meilleurs amis.

J'ai seulement prit le temps de reprendre des forces, c'est à dire pas plus d'une semaine, et j'ai décidé de me mettre en route pour Fort Fort Lointain. Seul Melyngar, le cheval de Gwydion, a décidé de m'accompagner : Eilonwy et Rhun devaient retourner à l'Académie, Fflewddur avait ses responsabilités en tant que duc, et Doli préférait rester loin de Marraine, le temps d'éclaircir la situation pour les fées.

Ainsi, seul Melyngar et moi sommes partis. Le matin de mon départ, Dallben et Coll m'ont enlacé, et Hen Wen m'a fait jurer de revenir. J'étais triste de les quitter une fois de plus, mais je n'étais plus un enfant, désormais, et il était temps que je me trouve une maison à moi, et cette mission était l'occasion qu'il me fallait. Juste avant de partir, le petit cochon m'a dit quelques mots, que je suis le seul à avoir comprit : elle m'a dit que je n'avais pas besoin de savoir d'où je venais pour savoir qui j'étais, et j'ai compris qu'elle faisait référence au miroir. Un dernier sourire, un remerciement, et je suis finalement parti, sur le dos de Melyngar, pour retrouver Gurgi.

Voilà, c'est à peu près toute mon histoire. Maintenant, je travaille comme cocher, ce qui me permet de revenir régulièrement à Yasen, et de gagner ma vie, en attendant de trouver un moyen de libérer Gurgi. J'ai également prit part à la rébellion contre Marraine, en faisant passer des ressources, armes et autre, de rebelle en rebelle, grâce à ma calèche et à mes voyages.

En parlant de voyage, le votre s'achève ici, madame Fildor ! Nous voici arrivés à Mar-à-Calèche ! Je vous remercie d'avoir écouté mon histoire jusqu'au bout, j'espère ne pas vous avoir trop ennuyé ! En tout cas, si vous avez de nouveau besoin d'un cocher, faîtes moi signe, et n'oubliez pas : je compte sur votre discrétion, concernant le côté humanitaire de mon travail ! »