Eleazar & Claude
Rapidement, Claude passa une main dans ses cheveux et lissa sa chemise d'un revers de la main. Il n'avait jamais perdu de temps en coquetterie, et ça ne commencerait pas aujourd'hui. D'un pas raide, il se dirigea vers l'escalier de la petite maison qu'on lui avait attribué depuis quelques années, maintenant, et descendit les marches qui menaient jusqu'au petit salon. Assit sur le sol, Quasimodo était en train de déchiffrer un livre. Un roman, sans aucun doute, ce garçon avait la tête pleine de fantaisies... Mais aujourd'hui, Claude n'avait ni le temps, ni l'envie de faire la leçon à son jeune protégé. Qu'il se laisse donc distraire, il était encore jeune après tout, et, dans sa jeunesse, on ne pouvait pas toujours tout contrôler...
Voyant approcher son tuteur, Quasimodo referma le livre et s'empressa de le ranger à sa place dans l'étagère. Claude n'avait jamais été vraiment partisan de ce genre de lectures, pourtant, quelques ouvrages complétaient sa collection. Des ouvrages de capes et d'épées. Il se souvenait en avoir délecté quelques pages, jadis, mais, désormais, cela lui semblait être un temps lointain et révolu. Il se sentait vieux. Ses yeux se posèrent sur le garçon qu'il avait adopté, presque vingt ans plus tôt. Il était devenu vif, intelligent, mais par trop naïf, et cela inquiétait l'alchimiste... Sous son regard austère, Quasimodo baissa humblement les yeux. Claude ne fit aucun commentaire et attrapa sa veste, bien qu'il n'en eut pas vraiment besoin étant donné la chaleur au dehors. L'été battait son plein, et le soleil rayonnait sur Fort-Fort lointain. Avant de sortir, Claude tourna la tête en direction de son protégé.
« Je vais au domaine de Monsieur Coeurfané, ne sors pas en mon absence et n'acceptes la visite de personne, je n'attends aucun visiteurs, de toute façon, ils n'auraient été qu'indésirables. »Claude faillit ajouter une parole gentille mais aucun son ne franchit ses lèvres. Sottises que tout cela ! Aussi tourna-t-il le dos à Quasimodo et sortit en claquant la porte. Aujourd'hui, il ne travaillait que le soir, à la fabrique du bonheur, il avait donc prit rendez-vous avec Eleazar Coeurfané, l'illustre propriétaire d'une magnifique roserai aux multiples bienfaits. Ils avaient instauré un petit « commerce » entre eux ; Eleazar le laissait utiliser quelques unes de ses plantes, en échange d'argent, évidemment (l'argent, il n'y avait que ça, en ce monde, visiblement), mais il s'avérait être curieux, également. Il ne connaissait visiblement pas toutes les ressources que possédaient ses roses, et Claude s'était attelé à en faire une liste précise, ainsi qu'une liste de toutes les potions qu'il pouvait créer à l'aide d'un seul pétale.
Le manoir d'Eleazar se situait un peu à l'écart du centre de la ville ; peu familier de l'usage des chevaux, des diligences ou des carrosses pour se déplacer, Claude avait décidé d'entamer le trajet à pied. Après tout, cela ne pouvait pas faire de mal, et Notre-Dame préconisait l'exercice régulier pour garder un corps sain et en bonne santé. La route ne fut en rien désagréable, mais il ne s'y passa rien de marquant qui puisse être ici relaté. Ce fut donc en début d'après midi que Frollo arriva au-devant de la demeure de Monsieur Coeurfané. Claude savait qu'il vivait dans cette immense bâtisse en compagnie d'une jeune femme... Les mœurs, ici, à Fort Fort Lointain, étaient bien autres que du royaume duquel il venait, mais vivre avec une femme, en concubinage, sans être marié... Claude n'arrivait pas à trouver cela moralement correct. Bien entendu, il gardait ses sermons, car la culture n'était pas la même ici, ni même la religion... Mais il y avait un côté malsain, à toute cette affaire, selon Claude, voir même de pervers. L'amour, il le comprenait, mais les relations charnelles et intimes ne devaient être partagées qu'en même temps que les liens sacrés du mariage.
Bref. Là n'était pas le centre des propos... Pourtant, ces pensées rejoignirent parfaitement la scène qu'aperçut Claude alors qu'il s'apprêtait à frapper à la porte d'entrée. Un peu plus loin dans la cours, l'alchimiste aperçut nettement Eleazar embrasser une demoiselle. Mais il ne s'agissait nullement de Belle, la jeune femme avec laquelle il habitait. Frollo pinça les lèvres et ses épaules se raidirent. C'en était décidément trop pour ses yeux... Ce garçon n'avait aucune limite à sa débauche !
Claude émit un raclement de gorge distinct avant de frapper à la porte du manoir.