Alexei & Perceval

Retrouvailles autour d'une bonne pinte

La salle était bondée en cette soirée d'automne. Les premières fraîcheurs hivernales commençaient à se faire ressentir, et il y avait plus de monde que de coutume à La Table Ronde.
Ça faisait longtemps que Perceval n'avait pas passé une soirée dans une taverne (entendre une semaine dans "longtemps") et il comptait bien remédier à cette erreur. Il était de retour à Fort Fort Lointain depuis deux, trois jours à peine et entre sa recherche de logement - il avait réussi à trouver une chambre pas trop cher dans un hôtel pas trop loin - et sa recherche de travail, il n'avait pas eu le temps d'aller se prendre un bon verre. Peut-être retrouverait-il de vieilles connaissances. Depuis que Marraine la Bonne Fée était au pouvoir, tout le monde semblait s'être rassemblé à Fort Fort Lointain. Ce qui n'était pas pour déplaire à Perceval : plus il connaissait de monde, plus il aurait de chance de trouver quelqu'un prêt à lui donner du boulot. Pas que Perceval était pauvre... Mais bon, entretenir ses armes et son cheval, ça coûte des sous ! Avec le peu de sous qui lui restaient dans sa bourse, il ne pourrait pas rester plus de deux semaines à l'hôtel.
D'un pas décidé, Perceval se dirigea vers le comptoir, se faufilant entre un groupe de femmes qui gloussaient entre elle et des chevaliers de la Garde royale, reconnut Perceval grâce à leur uniforme. Il héla le barman et commanda un jus de citrouille - sans commentaire, Perceval tient très peu l'alcool, c'est pas de sa faute ! - et s'accouda au comptoir pour regarder la salle en attendant que son verre arrive.
Il y avait foule à la taverne, mais personne que Perceval ne connaissait. Même les chevaliers de la Garde royale lui étaient inconnus.
Il donna deux pièces au barman en échange de son verre et traversa la salle, espérant trouver une table où il y aurait encore une place de libre. C’est alors que quelqu’un le bouscula, et la moitié de son jus de citrouille se retrouva sur le sol ou sa veste.
« Nom d’un troll ! Tu peux faire attention, non ! s’exclama-t-il en regardant son verre goutter. »
Il se retourna, les sourcils froncés, prêt à convaincre le fautif de le rembourser, quand il reconnut la personne qui venait de le bousculer.
« Alexei ! fit-il d’une voix incrédule. »
Son expression changea du tout au tout. D’un coup, la colère le quitta et il se laissa à sourire et prit un instant Alexei dans ses bras, lui donnant une grande claque dans le dos, avant de le relâcher.
« Qu’est-ce que tu fais-là ? J’ai rien entendu à propos du cirque dans le coin, tout le monde va bien ? »
Perceval n’avait pas vu Alexei, ou les autres gens du cirque depuis plusieurs années. Il était resté plusieurs mois auprès d’eux, tandis que la troupe voyageait à travers les contrées de Fort Fort Lointain. Ça avait été une de ses meilleures missions, du moins c’était une de celles dont il gardait le plus de bons souvenirs. Il avait adoré regarder les différents artistes du cirque répéter leurs numéros et partager pendant un temps leurs vies.

Perceval & Alexei

une petite citation trop mimi qui roxe

Aller boire un verre, ce n’était pas une habitude, il n’empêchait que j’aimais bien de temps en temps. Une bière, ou un truc un peu plus fort quand j’avais eu une journée pourrie. J’évitais cependant deux bars : La Pomme Empoisonnée, car Selma ma petite sorcière bien-aimée (oui, sentez l’ironie) y travaille et que je n’ai pas spécialement envie de la croiser sans y être obligé. Ensuite venait la Sirène Amputée. L’autre hurluberlu de lanceur de sandale y bossait et pareil, si je peux éviter de me faire sortir d’un bar pour indécence en lieu public et agression d’un type qui bossait là. Le truc bien, malgré les interdictions de moi à moi, c’était que je me trouvais dans la capitale du royaume. Fort Fort Lointain. Les bars, ce n’est pas ce qu’il manquait. Alors j’ai fait un petit tour et j’ai, au final, atterri au bar La Table Ronde.

Je n’y étais jamais passé (je vous l’ai dit, ce n’est pas une habitude pour moi de trainer dans les bars), mais il semblait y avoir une bonne ambiance. Quoi qu’un peu trop de monde peut-être. Ha ! Au goût de certains peut-être. Personnellement, j’adore me mêler à la foule. On s’y sent entouré et seul à la foi. On ne peut pas nier qu’on est entouré de gens. Mais en même temps, il est impossible de parler ou même de regarder tout le monde, alors chacun prend le parti de rester avec son petit groupe d’amis, ou simplement de jouer avec leur boisson jusqu’à la finir puis repartir comme ils sont venus. Ou bien on peut être comme moi et aller parler à de sinistres inconnus, juste pour la joie de nouer des liens avec des gens. C’était ce que j’avais toujours fait durant ma vie au cirque, ce que je savais et aimais faire. Je n’allais pas m’arrêter parce que je changeais de ville…et de style de vie.

Ce fut justement en parlant avec un des types se trouvant là, ma chope de bière à moitié vide à la main, que j’en ai bousculé un autre. Enfin, ce n’était pas un type, mais une montagne ! Deux têtes de plus que moi, large comme une maison, une voix à faire trembler les rochers et visiblement pas cont-

OH BAH TIENS.

Si j’avais cru un jour retrouvé Perceval. Ce bon vieux Percy ! J’ouvris des yeux ronds comme des soucoupes et n’eus pas le temps de dire un mot que je me retrouvais avec une claque dans le dos à m’en décoller les poumons et qui me fait faire deux bons pas en avant. Je faillis faire tomber ma propre chope dans le processus, mais elle a survécu à ce terrible sort et je me tournais de nouveau vers Perceval, un sourire immense sur le visage. Sourire qui s’affadit un poil quand il me posa des questions sur le cirque. Ah bah oui, forcément. Etant donné que l’on s’était rencontré quand Percy a servis de garde d’escorte au cirque pendant quelques mois, le temps que l’on traverse des contrées quelque peu hostiles. Je pris quelques secondes de réflexion avant de lui annoncer, d’un ton des plus sincèrement jovial.

"Eh bien je viens prendre une bière et participer à la connexion humaine qui n’existe que dans ce genre d’endroit. Quant au cirque…" j’hésitais à le lui dire mais bon, il allait bien le savoir à un moment donné "Je n’en fais plus partie. C’est pour ça que tu n’as pas entendu parler du Cirque étant en ville, il n’y est pas. Ils doivent être en plein milieu de Yasen à l’heure qu’il est et oui, aux dernières nouvelles, tout le monde va bien. Vaillant va être papa. Pour la seconde fois. Et toi, quoi neuf Percy ?"

Je ne lui mentais pas. Je ne lui disais pas exactement la vérité non plus. Les dernières nouvelles datent en réalité d’il y a environ trois mois…

Alexei & Perceval

Retrouvailles autour d'une bonne pinte

Perceval eut un sourire en entendant que Vaillant allait avoir un deuxième enfant. Le chevalier avait beaucoup apprécié le forain et il était certain qu'il devait être un père génialissime. Mais sa joie fut de courte de durée. Alexei ne faisait plus partie du cirque, et Perceval avait énormément de mal à imaginer cela. Sa curiosité en fut fortement piquée, mais le chevalier n'osa pas aborder tout de suite le sujet, ne sachant pas si c'était quelque chose dont Alexei voudrait parler ou non. Au contraire, il répondit de bon cœur à sa question.
" Oh, tu sais, pas grand-chose. J'ai voyagé pas mal depuis la dernière fois qu'on s'est vu. Je reviens de l'île de Graaoul, avoua-t-il en baissant légèrement la voix. Bien plus amusant qu'ici, ajouta-t-il en se penchant vers Alexei comme s'il lui disait un secret. "
Il se redressa et s'esclaffa, s'attirant quelques regards.
Perceval devait reconnaître que depuis que Marraine la Bonne fée était au pouvoir, Fort Fort Lointain était beaucoup moins intéressant sans toutes ses bêtes parlantes. Tous ceux qui ne voulaient ou ne pouvait pas prendre le Channel n°5 avaient trouvé refuge dans l'île et Perceval avait pris énormément de plaisir à passer du temps avec ces exilés. Hélas, il n'avait pas pu y rester indéfiniment et était revenu à Fort Fort Lointain. Là où tout le monde était humain, ou paraissait l'être du moins. Perceval ne s'occupait pas trop de la politique et se fichait pas mal de Marraine la Bonne fée, mais il regrettait quand même les bêtes parlantes et autres créatures qui avaient fait le charme de ce pays, selon Perceval.
" T'es là depuis longtemps ? demanda-t-il à Alexei, curieux de savoir si le jeune homme avait quitté le cirque depuis longtemps ou non. "
Du coin de l’œil il repéra une table qui se vidait et Perceval la montra à Alexei de la main, manquant de frapper une femme à côté de lui, lui proposant implicitement de s'y installer.

Perceval & Alexei

une petite citation trop mimi qui roxe

Je fus surpris de la réponse quasi instantanée de Perceval suite à ma petite bombe personnelle. Je m’était attendue à des questions sur le pourquoi, comment, « tu vas devenir quoiiiiiiiiiiii », mais rien ne vint. Ce n’était pas plus mal, ça m’évitait d’avoir à lui mentir et à repenser à la réelle raison de mon départ du cirque. Je l’écoutai attentivement, lui jetant un regard entendu et un sourire amusé à ses paroles.

Je ne doutais pas une seule seconde que l’Île de Graaoul était plus fun qu’ici. Toute partie du monde non sous le joug de Marraine la Fée était plus fun qu’ici. Mais il fallait bien que je me trouve un travail pour gagner un peu d’argent pour, possiblement, partir autre part. Ce que je faisais depuis plusieurs mois maintenant. Sans grand succès, je devais bien le reconnaître. Mais c’était ça aussi la vie, devoir faire face à des coups durs et des imprévus. Je ne regrette rien cependant, à part peut-être l’ambiance du Cirque. Enfin, avec les nouvelles lois qui obligent les gens à porter le Charnel, même le Cirque ne devait pas avoir la même atmosphère…Il serait peut-être temps que je sorte du silence et que j’envoie une lettre…La question me sortit de mes pensées et je haussais les épaules.

"Quelques mois. Je me suis dit que ça serait plus simple de commencer par la capitale. Maintenant, je n’ai toujours pas de travail fixe. Je fais quelques tours dans la rue pour gagner un peu d’argent."

Une table se libérant, je suivis Perceval vers cette dernière et s’assit, amusé par les grands gestes de Percy. Il n’avait pas changé lui, toujours aussi brute de décoffrage avec un cœur de nounours en guimauve. Même si je ne l’avouerais probablement jamais, revoir quelqu’un comme Perceval, en lien avec mes souvenirs du Cirque sans être du Cirque, me faisait du bien, je ne pouvais le nier. Je finis ma bière et en recommandai une d’un geste à la serveuse alors que mon ami s’installait à son tour.

"Alors Percy, racontes-moi un peu tout tes voyages. Je veux tout savoir." Je remerciai la serveuse pour la bière qu’elle venait d’apporter avant de reprendre "Et après si tu veux, on pourra se faire une partie de carte, comme au bon vieux temps." Terminai-je avec un clin d’œil.

Les parties de cartes où Hibernius nous plumaient tous, si bien qu’on ne le laissait jouer avec nous que si on jouait pour rien. Hors de question de perdre de l’argent, même contre votre patron et ami, presque père. Les même parties de cartes où les trois jeunes que nous étions, Vaillant, Betsy et moi, avions déplumé Percy au moins trois fois.

Alexei & Perceval

Retrouvailles autour d'une bonne pinte

Perceval hocha la tête d'un air entendu, comprenant ce qu'Alexei voulait dire. Ils étaient tous les deux dans la même galère, deux nomades sans le sous qui trouvaient difficilement du travail.
Le chevalier n'eut pas à répondre tandis que les deux hommes se dirigeaient vers la table repérée. Ils s'y installèrent et Alexei demanda une nouvelle bière. Perceval baissa les yeux vers son verre à moitié rempli de jus de citrouille et y trempa les lèvres. Peut-être commanderait-il quelque chose d'alcoolisé un peu plus tard, mais il aimerait bien ne pas s'attirer trop rapidement une réputation d'ivrogne (ce qu'il n'était absolument pas !) alors qu'il venait à peine de revenir à la capitale.
Lorsque son ami eut sa boisson, le chevalier trinqua avec lui et but une ou deux gorgées avant de reposer son verre sur la table avec un sourire.
" Tout seul contre toi, j'aurais peut-être une chance de gagner enfin ! répondit-il avant d'éclater de rire. "
Perceval se rappelait que trop bien les trois jeunes qui avaient pris un malin plaisir à lui vider les poches aux cartes. Heureusement pour eux, le chevalier n'était ni mauvais perdant, ni rancunier.
Gardant sa main gauche sur son verre, traçant le contour de son index, Perceval étira son bras droit et le posa sur le dossier de la chaise voisine, heureusement vide. Il se laissa légèrement aller dans sa propre chaise, les jambes écartées, comme s'il était chez lui.
" Avant Graaoul, j'étais à Yasen, commença le chevalier, ravi de pouvoir partager ses explorations avec quelqu'un d'autre que Dendure, son cheval. J'y ai pas vu grand-chose par contre, j'étais malade comme un chien. Première fois de ma vie que j'ai pas pu me lever pendant des jours, c'était horrible. "
Perceval s'arrêta un moment et regarda dans le vague, comme s'il revivait son pire cauchemar - ce qui était un peu le cas d'ailleurs. Pour cet homme qui ne cessait jamais de bouger, de voyager, rester alité pendant presque une semaine avait été une torture. Presque aussi pire que ce qu'il avait vécu chez la sorcière verte là-bas, dans l'est. Le chevalier espérait ne jamais avoir à revivre ça !
" Je me suis aussi perdu dans une forêt, mais c'était la faute de Dendure, je devrais jamais écouter ce maudit canasson, reprit Perceval en levant les yeux au ciel. Y avait rien plus, à part une bicoque abandonnée à côté d'un marais. J'ai mis trois jours à retrouver mon chemin, moi ! s'exclama Perceval d'un air indigné. "
Pour le chevalier qui avait grandi dans la forêt, l'idée de se perdre ainsi était tout aussi inconcevable que tomber malade comme un chien. Et pourtant... Mais pour la forêt, c'était la faute de son cheval ! Personne ne lui ferait dire le contraire !

Perceval & Alexei

une petite citation trop mimi qui roxe

Je suivis Perceval dans son éclat de rire. Oui, peut-être que sans mes deux inséparables, il aurait une chance de gagner, mais je ne lui faciliterais pas la tâche. Bon, peut-être pour la première partie, histoire de ne pas le décourager tout de suite, mais après...pas de quartiers! Comment ça sadique? Mais non! En plus on jouerait pour rien, il ne semble pas avoir plus d'argent que moi et je ne suis pas du genre à dépouillé mes amis. Sauf s'ils le méritent. Ce qui est rare; je fais attention de qui je m'entoure merci bien. En attendant je pris place à la table et le regardait s'installer confortablement. C'était toujours amusant de constater le contraste qu'il existe dans cet homme: comme ça, il a l'air nonchalant, un peu gauche et certainement pas un fin stratège. Si ce dernier point n'était pas niable, pour le reste ce n'est bien qu'une apparence. Je l'avais vu à l'œuvre alors que lui, Vaillant (hey il ne tire pas son nom de nulle part) et Hibernius ainsi que d'autres du cirque chassaient des indésirables. Il sait se battre et se montrer miséricordieux à égale mesure. Pour tout ce que j'ai pu le taquiner, j'ai énormément de respect pour Perceval.

"On verra ce qu'il en est dans ce cas"

Et je ponctuai cette phrase par une nouvelle gorgée de bière et m'adossai aussi plus confortablement dans ma chaise, bien que ma jambe tressaute régulièrement. Une vieille manie qui restait, malgré les heures passées par ma mère à tenter de me guérir de cette manie. D'où elle venait, je ne pourrais pas le dire; certains disaient que c'était mon côté hyperactif qui se faisait ressentir. D'autres que je stressais souvent pour pas grand-chose. Hey, moi je m’en fichais du pourquoi, tant qu’on me fichait la paix.

Perceval commença son récit et je faillis l’interrompre pour lui demander à quoi ressemblais mon pays natal (même si au final je n’y ai pas passé autant de temps que je l’aurais voulu), mais en l’entendant continuer je ravalai mes questions et fit une grimace douloureuse. Ah oui, être malade comme un chien, c’est pas rien, surtout quand on était aussi massif que Perceval. Avec son style de vie, on a, en général, un système immunitaire assez performant, comme moi par exemple ; je dois tomber malade deux fois par an à tout casser, alors je sais ce que j’avance en annonçant la chose suivante : Quand quelqu’un comme Percy ou moi tombons malade, on ne fait pas semblant et ce n’est pas beau à voir.

"Ah bouse…" puis haussant les épaules sur une nouvelle gorgée de bière "Bah, les paysages ont pas dû trop changer depuis dix ans. Donc ce que tu as vu en voyageant avec le Cirque ne doit pas être trop éloigné de ce qu’est Yasen maintenant. T’as pas du rater grand-chose."

Puis je manquai de m’étouffer sur sa bière, quand le blond ma décrit une nouvelle mésaventure. Celle-là, j’en avais entendu parler et rien que de parler de ce marais…un frisson glacé me parcouru l’échine. Si durant nos voyages on avait le droit d’aller découvrir les alentours quand on s’arrêtait, quand on passait par Yasen, on devait rester très loin des forêts. La légende de Baba Yaga était bien trop vive dans l’esprit de toute personne originaire de Yasen pour ne pas respecter cette règle.

"ET TU TE PLAINS ?" je me rendis compte du volume sonore utilisé et me calmai avant de mepencher vers Perceval, l’incitant à faire de même "Tu peux t’estimer heureux de n’avoir fait que te perdre. Tu es passé près du territoire de Baba Yaga, une terrible sorcière résidant à Yasen. Peu en sont ressorti indemne sans avoir passé un marché avec elle. Alors soit tu as un ange gardien, soit tu es cocufié et si tu as une petite-amie, je te conseillerais de faire gaffe, mais t’as eu une chance monstrueuse que Baba Yage ne t’ai attrapé sur son territoire !"