La souris & la samouraï

Tu veux mon portrait ou quoi ?

« Bon et si on finissait cette journée bien moisie par une pinte ? »   demanda Tokoyo en s’étirant.

Journée moisie était encore un terme trop tendre pour désignée leur périple. Accompagnée de deux compagnons de lutte, elle avait entreprit de placer des affiches anti-Marraine dans la ville. Leur intervention avait provoquer peu de vagues dans le quartier populaire de la ville mais lorsqu’ils avaient eu l’audace de pénétrer dans les beaux quartiers les chevaliers-flics n’avaient jamais été aussi rapides. Le trio s’étaient alors lancé dans une course effrénée pour semer les poursuivants. Finalement Tokoyo en avait eu plus qu’assez de courir comme une folle et elle avait fait demi-tour pour se frotter aux forces de l’ordre ce qui avait forcer ses camarades à la suivre, même si elle ne leur avait rien demander. Ce n’était pas une poignée de flics qui allait lui faire peur non plus ! Sauf que après quelques échanges virulents et un entraperçu de victoire les renforts arrivèrent et pas du bon côté, du côté des chevaliers-flics. Les compères n’eurent d’autres choix que de battre en retraite pour son plus grand mécontentement et c’est en vociférant des insultes que la tueuse de dragons – c’était un gros serpent, un très gros, ça compte comme un petit dragon – s’enfuit à toutes jambes à travers les rues crasseuses, les champs boueux, les sous-bois encore plus boueux pour finalement se laisser tomber contre un arbre de la forêt. Autant dire qu’elle était d’une humeur exécrable et qu’elle avait besoin de se changer les idées.

« Naaa, mauvaise idée. Il est tard, si on part maintenant pour la Pomme Empoisonnée il fera nuit avant qu’on soient arrivés. »

« Et alors, tu ne vas pas me dire que tu as peur du noir. »

« Non mais on verra que dale. »

« On fera une torche. »

« Chui crevé... »

« On ne va pas dormir ici de toute façon. »  

« Bah pourquoi pas ? Et si on attendait demain plutôt ? »  

« Demain j’ai shampoing. »  

L’autre écarquilla les yeux avec une expression qui voulait dire « Sérieux ? Elle se moque de moi. C’est quoi cette excuse bidon ? Et tu dis rien toi ? » en se tournant vers le troisième compagnon. Mais ce dernier hocha la tête avec un air on ne peut plus sérieux qui pourrait se traduire par « Si mon gars c’est sérieux. Regarde ses cheveux, ils sont vraiment longs, ça prend du temps ces choses là » et il croisa les bras sur sa poitrine.

« En gros j’ai pas le choix, c’est ça ? Bon allons-y alors. Mais tu me paieras une pinte alors. »  

« Marché conclu. »   répondit Tokoyo en se mettant en marche.

Les trois compères se frayèrent un chemin à travers la forêt. Après quelques pas, le soir commença à tomber et ils s’arrêtèrent brièvement pour fabrique des torches. Les routes et les chemins de campagne n’étaient pas éclairés et s’il vous prenait l’envie de vous y aventurer sans la moindre source de lumière vous pouviez être certains de tomber dans un fossé ou pire encore. Vraiment pas une bonne idée. Un peu d’audace d’accord, s’exposer au danger pourquoi pas mais il ne fallait pas être stupide non plus et sauter à pieds joints dans la plus ridicule des situations. Le groupe poussa un soupir de soulagement lorsqu’ils poussèrent la porte de l’auberge et s’effondrèrent sur leur chaise.
 
« Holà damoiselle Doris. Nous désirerions trois pintes de bière, je vous prie. »  
Toujours être courtois avec les dames, surtout celles de la même trempe que Doris. Tokoyo remercia chaudement l’aubergiste et vida sa pinte en quelques gorgées. Puis elle sentit un coude la titiller à son bras. Elle se retourna vivement vers le trouble-fête qui lui chuchota :

« Y a un type bizarre qui te regarde avec des yeux de merlans frit depuis tout à l’heure. J’crois que t’as un ticket avec lui. T’auras peut-être un verre ou deux offerts qui sait ? »  

Tokoyo soupira et essaya de l’ignorer mais maintenant qu’on lui avait dit qu’on la regardait fixement elle se sentait irritée. Elle se leva et vint se poster devant un bonhomme aux bonnes joues en croisant les bras sur sa poitrine, prête à en venir aux mains s’il le fallait.

« Là d’où je viens c’est très malvenu de fixer les gens de la sorte. Tu veux mon portrait ou quoi ?  »