C’est par un soir froid d’octobre et pluvieux qu’Adélaïde a vu le jour dans le petit village avoisinant de Fort Fort lointain de Valloup. Un orage se préparait à l’extérieur de la maison de ses parents. Le vent soufflait à en faire trembler vos maisons, un mélange d’éclairs éclairait le ciel et le tonnerre grondait. Il fallait avoir des chandelles qui tenaient le coup, sinon on se retrouvait facilement plongé dans le noir en une fraction de secondes. Tout prédisposait la petite à être au goût du jour de sa naissance. Dès son plus jeune âge, on lui reconnaissait de grandes capacités à réciter les incantations et elle maîtrisait parfaitement son balai. Adélaïde aimait lire des livres sur les potions toute la journée et elle se contentait de faire comme toutes les autres sorcières de son âge : apprendre à maîtriser ses pouvoirs. Tout ce que la sorcière sait aujourd’hui, c’est grâce à sa capacité à mémoriser les informations qu’elle lisait lorsqu’elle était gamine. La petite n’est jamais réellement allée à l’école, ses parents ayant privilégié un apprentissage traditionnel. D’aussi loin qu’Adélaïde se souvienne, le mot « ami » ne faisait pas parti de son vocabulaire et elle ne fréquentait pas beaucoup d’enfants de son âge. Aller plus loin que la grande propriété des Delaverrue lui était interdit, de même que de sortir à un autre moment que le soir tombé à l’extérieur. Elle passa donc le plus clair de son enfance à l’intérieur de la maison familiale et dans les limites du terrain. La chose ne lui déplaisait pas; en réalité, elle préférait largement prendre ce temps pour apprendre à être une sorcière digne de ce nom. Sa peau verte ne l’a jamais complexée et elle a toujours pris cela comme un avantage. C’est ce que sa mère lui répétait souvent : c’est un cadeau, ce qui fait de toi ce que tu es, ne le prends pas pour un mal. Adélaïde a toujours été très fière d’être une sorcière.


À l’adolescence, les choses commencèrent à changer. Bien qu’elle gardait sa naïveté, la jeune sorcière commençait à comprendre l’étendu de ses pouvoirs et ce qu’elle était capable de faire ou non. Cette période marque également un grand questionnement et une époque difficile pour la race en générale. À l’époque, l’Hex Hoax n’avait pas encore été inventé et voir un sorcier noir se pavaner avec la peau verte n’était pas inhabituel. Bien sûr, Adélaïde avait peur. Comme n’importe quelle adolescente, elle voulait voir le monde, elle désirait être quelqu’un de puissant et ses besoins étaient les mêmes qu’un humain normal de son âge. Toutefois, toute cette période de noirceur, de peur et de terreur ne lui permirent malheureusement pas de réaliser tout ce qu’elle voulait faire. Des rumeurs circulaient aussi sur l’existence et la gravité des sorciers noirs. Le soir, il arrivait qu’il y ait des chasses à toutes ces créatures qui pratiquait des activités peu recommandées. Les gens partaient, leurs torches et leurs fourches en main, et ils se donnaient à coeur joie de tuer toutes ces innocentes créatures. Bien que ses parents aient tout fait pour la protéger, rien n’a empêcher cette tragédie qui rendit Adélaïde orpheline. Alors qu’elle pratiquait des incantations dans la cuisine, ses parents lui ont supplié de s’enfuir de la maison. Ils ont pris toutes ses affaires, des bouquins et des effets personnels dans une valise. Adélaïde a écouté, comme une bonne fille qui écoute son père et sa mère, avant de disparaître dans la forêt. Il faisait noir, c’était un soir de demi-lune. Sa valise à la main, la sorcière a couru le plus vite possible avant d’entendre des cris lui percer le coeur, ayant compris ce qui se passait. Elle n’était âgée que de seize ans à l’époque et la plaie est encore ouverte. Jamais les cris qui l’avaient fait retourner ne partiraient de sa mémoire.


À partir de ce moment de son histoire, Adélaïde s’est débrouillé toute seule. Gamine, elle était débrouillarde, qualité qu’elle garde encore aujourd’hui. Alors, elle a revêti une cape noire, s’est cachée le visage d’un chapeau pointu sur la tête et les bras de gants, histoire de mettre le moins de vert à découvert. Elle commença à mettre au point quelques potions de façon complètement amateur. Les incantations n’étant pas sa tasse de thé, il fallait bien qu’elle trouve un autre moyen de se faire un peu de schillings si elle voulait survivre. La sorcière a réussi à faire quelques petits miracles, bien qu’ils ne soient pas parfaits, mais c’était largement assez pour se nourrir et survivre temporairement. Puis, en atteignant la capitale de Fort Fort Lointain, Adélaïde essayait désespérément de se trouver un autre boulot un peu plus classe et c’est à ce moment là qu’on l’a engagé à la Pomme empoisonnée. On la trouvait encore jeune, mais ce qui l’a réellement sauvé, c’est sa voix. Un timbre unique et sombre qui attira bien des foules. Bien sûr, elle restait toujours cachée derrière ses vêtements noirs et son chapeau pointu, histoire qu’on ne la dénonce pas, la chasse aux sorciers étant encore à la mode à l’époque. C’est ainsi qu’elle a pu commencer à avoir un salaire un peu plus décent.
Plus les années avancèrent, plus ses pouvoirs s’élargirent et devinrent plus grands. Au fil des années, Adélaïde devenait de plus en plus puissante et ses potions étaient loin de celle qu’elle faisait alors qu’elle était adolescente. Avec ses savoirs et ses compétences, elle décida de s’aventurer dans le commerce un peu plus… illégal. Ses besoins grandissant de plus en plus et avec la popularité qu’elle avait à la Pomme empoisonnée, il fallait qu’elle se débrouille pour que ces derniers soient comblés correctement. Comme les grands sorts n’avaient jamais été son fort, les potions semblaient la bonne solution pour se faire un peu de profit. Depuis, Adélaïde est capable de vivre grâce à ses potions revendues sur le marché noir et de son emploi de serveuse.


De nos jours, Adélaïde n’a plus besoin de cacher sa peau verte grâce à l’invention de l’Hex Hoax. Bien qu’elle trouve qu’elle va magnifiquement bien avec le noir et que cela va bien avec le reste de son physique, le fait de se faire dénoncer la fait toujours frémir de peur. On ne parle plus beaucoup de chasse aux sorcières aujourd’hui, mais il reste que les sorciers noirs ne sont pas encore dans les bonnes grâces du peuple. Cependant, il faut tout de même voir le côté positif de la chose : avoir une peau d’apparence normale pour les autres lui a permis de dévoiler son physique pendant ses performances et ne plus cacher ce qu’elle craignait depuis des années. Cela lui a également donné accès à beaucoup d’accessoires de scènes et de vêtements qu’elle ne se serait jamais permis d’acheter, lors de son arrivée en ville ou il y a encore de cela quelques années. Adélaïde garde toujours la valise que ses parents lui ont donné avant leur mort et la plaie de cette nuit là est encore vive, mais elle se dit que si elle a eu une chance, c’est bien grâce à eux. Depuis deux ou trois ans, elle a également accueilli un chat noir chez elle qui porte le nom de Mistigris, histoire de se faire un peu de compagnie lorsqu’elle rentre d’une longue journée à la Pomme empoisonnée. Il vous est possible d’aller écouter la voix et le talent d’Adélaïde à son lieu de travail; vous n’avez qu’à surveiller les annonces et les dates.