Pousse, Anne, pousse plus fort ! Les gouttes de sueur perlaient sur le front de la jeune femme et coulaient le long de ses tempes. La sage-femme la connaissait et lui prodiguait des conseils plutôt superflus. La femme qui s’apprêtait à donner la vie l’avait déjà donné à quatre autres enfants, autant dire qu’elle avait l’habitude. L’arrivée de ce dernier enfant aurait dû être un événement heureux mais ce n’était pas le cas. Du moins pas tout à fait. Les cris commençaient à s’espacer. La sage-femme finit par sourire tandis qu’un cri retentissait dans la pièce. James, le père, lorsqu’il entendit ce bruit caractéristique, entra à toute volée dans la chambre. Les yeux plein d’inquiétude, il observa le visage épuisé de sa femme. Elle semblait si faible… Si faible… Elle lui avait déjà donné quatre enfants. Deux garçons et deux filles. Les garçons étaient forts et capables tandis que les deux filles, quant à elles, n’étaient que des gamines superficielles qui ne parlaient que de robes et de coiffures. Lorsque la mère prit sa fille dans ses bras, un faible sourire illumina ses traits. La petite était belle… Tellement belle… La mère sentit son cœur se serrer. Elle savait, elle le sentait, elle ne serait pas là pour la voir grandir et devenir encore plus belle. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux mais s’interdit de présenter un visage triste à sa fille. Elle sourit à James qui se tenait près d’elle. Leurs deux garçons étaient également entrés dans la pièce. La mère sourit et murmura : Bonjour… Belle… Ce fut la seule et unique fois que Belle vit sa mère. Elle mourut des suites de son accouchement.  

Belle avait parfaitement mérité son prénom. Elle était aussi fraiche et jolie qu’une rose. Le bébé se transforma lentement, jour après jour, en une enfant d’une grande beauté. Belle était également dotée d’un fort caractère. James, son père, l’aimait bien plus que ses autres filles. Les sœurs de la jeune fille avaient commencé de la détester dès qu’elle avait ouvert les yeux. C’était elle que l’on regardait, elle qu’on admirait, qu’on choyait. Et pourtant, Belle semblait bien loin de tout ça. Enfant, elle jouait avec quelques amies mais très vite, elle se passionna pour les livres, les romans. On la voyait toujours dans les rues avec un livre à la main, elle marchait même parfois avec, au risque de se cogner quelque part. Si Belle ne s’était jamais sentie proche de ses sœurs, il n’en était pas de même pour ses frères.  Il la considérait comme leur petite protégée. Mais cela marchait dans les deux sens. La jeune enfant devint une adolescente. Une adolescente avec son caractère. Les jeunes garçons de son âge commencèrent très vite à lui tourner autour mais Belle n’en avait cure. Elle ne s’intéressait pas davantage à ce que pensaient les gens du village.

Les sœurs de Belle passaient leur temps à acheter robes, maquillages et bijoux. Frivoles, elles tentaient par tous les moyens d’attirer l’attention des jeunes hommes sur elles, mais peine perdue. Belle les éclipsaient sans même paraître le vouloir. Elle avait eu bon nombre de demandes en mariage qu’elle avait toutes poliment déclinées. N’allez pas imaginer Belle comme une jeune fille froide et distante. Elle était toujours souriante et douce avec tous ceux qui tentaient de l’approcher. Mais le seul amour qu’elle connaissait était celui des grands romans d’aventure qu’elle lisait. Le reste ne l’intéressait pas. Très vite, Belle prit le rôle que sa mère avait laissé vacant. Elle s’occupait de son père, le protégeait, ainsi que ses frères.  



Tout bascula en une fraction de seconde. Leur monde s’écroula sans bruit, sans même un cri. Seulement le ronflement des flammes. L’entrepôt qui contenait toute la marchandise de son père prit feu. On ne sut jamais l’origine du sinistre. Des jaloux qui avaient décidé de lui nuire ? Un simple accident ? Toujours est-il que ce soir-là, James revint avec une mine sombre à la maison. Père ? Qu’avez-vous ?! L’aînée des filles lui avait posé la question d’un air intrigué. James s’installa sur une chaise, l’air abattu et leur expliqua la situation. Aussitôt, les deux filles aînées se répandirent en lamentations, assurant qu’elles n’avaient jamais eu de chance, qu’allaient-elle devenir à présent ? Les deux frères restèrent en retrait, l’air abasourdi, sous le choc. Belle se rapprocha doucement de son père, posant sa main sur son épaule. Ne vous en faites pas, père. Nous nous en sortirons. Nous travaillerons. Travailler ?!! Mais ma pauvre fille, tu as perdu la tête ! Il n’était bien sûr par question pour ses sœurs de gâter leurs précieuses mains sur un quelconque ouvrage. Elles avaient eu dans les premiers temps la présomption de penser que leurs amants les épouseraient et les mettraient ainsi à l’abri du besoin. Elles s’étaient trompées lourdement. A partir du moment leur père perdit sa fortune, elles ne représentèrent plus aucun intérêt pour leurs amants qui mirent les voiles. La famille Yeuxdevelours déménagea donc, bon gré mal gré. Ils s’installèrent dans une maison plus petite, les frères se mirent à travailler comme main d’œuvre tandis que Belle commença à confectionner des chapeaux de toute sorte. Au début, seuls ses admirateurs venaient lui en acheter dans l’espoir de décrocher un rendez-vous avec elle. Espoirs déçus mais qui lui permettaient de vendre un  nombre conséquent de chapeaux. Et puis, les femmes vinrent également et cela permit à la famille de passer quelques mois chichement.

Père, voyons, vous n’êtes pas raisonnable ! Vous ne devriez pas monter à cheval, surtout pour un voyage aussi long ! Ne t’en fais pas, Belle, je serai de retour pour la St-Jean. James se tenait sur le cheval de bât de la famille, l’air décidé, malgré son âge qui le trahissait parfois. Il y avait une grande braderie organisée dans un village assez éloigné du leur. Avec le peu d’argent qu’ils avaient réussi tant bien que mal à mettre de côté, plus quelques prêts d’amis, leur père avait décidé de tenter de remonter son négoce. Mais pour cela, il avait besoin de marchandises à moindre prix. Il était donc décidé à se rendre à cette braderie dans laquelle il pourrait acheter bon nombre d’objets à moindre coût pour les revendre avec une marge conséquente. Rien de ce qu’avait pu dire sa fille préférée ne l’avait convaincu. Vous nous rapporterez des cadeaux, père ? L’aînée des filles semblait bien peu émue par le voyage éprouvant qu’allait subir leur paternel. Le père s’engagea à leur ramener les cadeaux qu’elles demandaient, naturellement des nouveaux atours et de somptueux bijoux. Et toi, Belle, ma fille, que désires-tu ? Il ne sera pas dit que tu seras la seule sans présent. Je ne désire rien, mon père. Mais si vous tenez à me faire un présent, revenez à la maison en bonne santé. Et si vous trouvez une rose à me rapporter, j’en serai ravie. Ainsi donc, elle resta à contempler la silhouette de son père montée sur le grand cheval disparaître à l’horizon, le cœur serré d’inquiétudes.

Les jours défilèrent, deux jours, quatre, huit. Aucune nouvelle. Il aurait dû être rentré depuis déjà trois jours. Belle se laissait dépérir. Folle d’angoisse, elle ne dormait plus la nuit, faisait cauchemar sur cauchemar. Elle était prête à partir à sa recherche, à pied si nécessaire lorsqu’un bruit se fit entendre dans le chemin. Le bruit de sabots. Le cœur battant, elle sortit dans la cour et observa au loin la vague silhouette qui avançait vers leur demeure. Lorsqu’elle le reconnut, elle poussa un cri et courut à sa rencontre. Père ! Nous étions morts d’inquiétude !! Comment se fait-il que vous ayez mis tout ce temps ? Vous allez bien ? Son père semblait terrorisé. Il ne lui répondit rien mais fit seulement un signe de la main. Elle se tut et l’accompagna à l’intérieur. Les deux sœurs ne s’inquiétèrent nullement de l’attitude étrange de leur père. Alors, Père ? Nos cadeaux, où sont-ils ? L’homme sortit de sa cape une rose rouge qu’il offrit à Belle. Et nos robes ? Nos bijoux ? Où sont-ils ?! Nous savions que Belle était votre préférée mais là c’en est trop ! Elles allaient se lever pour quitter la pièce, sous l’œil désapprobateur de leurs frères lorsque James les interrompit. Il leur raconta une histoire incroyable à propos d’un château désert dans lequel, exténué, il s’était arrêté et où il avait profité du gîte et du couvert sans rencontrer âme qui vive. Jusqu’à ce qu’il voit ces magnifiques rosiers rouge vif. Se rappelant de la demande de Belle, il avait coupé une rose mais immédiatement, une bête monstrueuse avait surgit et, grondante, lui avait expliqué qu’il devrait payer de sa vie cette fleur. Les sœurs, immédiatement, s’en prirent à Belle. Tu vois ! Tu n’apportes que le malheur sur cette maison depuis que tu es arrivée ! C’est de ta faute si notre père est dans le pétrin ! Mais James continua son histoire. Lorsque la bête avait appris qu’il était père de trois filles, il lui avait laissé le choix. Soit il revenait pour payer sa dette soit il lui ramenait l’une de ses filles. Le silence tomba sur la maisonnée. Les deux aînées baissèrent les yeux, évitant du regard celui de leur père. Ce fut Belle qui rompit le silence. J’irai. Naturellement, James tempêta, refusa catégoriquement tandis que les deux sœurs grommelèrent qu’elles seraient bien débarrassées. Finalement, à la longue, le père finit par céder.

Quelques semaines après ces événements, Belle monta sur le cheval de son père, derrière lui, pour un voyage qui devait être son dernier. Se cramponnant à son père, elle tentait de cacher la peur panique qui s’était emparée d’elle. Elle ne regrettait pas son choix, non. Elle devait être forte. Elle s’était jurée et fait un devoir de protéger celui qui lui avait donné la vie. Arrivée au château, elle descendit de cheval et rejoignit son père. La Bête était là. Elle était monstrueuse, d’une laideur qui n’avait d’égale que sa propre beauté. Réprimant un frisson, elle se laissa guider à l’intérieur où un repas avait été servi. Elle fut autorisée à dire adieu à son père. Un moment déchirant au possible. Elle sentit des larmes brûlantes lui couler le long des joues et sur les yeux. Finalement, elle s’arracha à ses bras pour le voir disparaître. Elle était seule avec cette Bête…



Si les premières heures et journées la remplirent d’effroi, sa captivité n’avait pas que des désavantages. Elle avait, pour la première fois de sa vie, des appartements à elle. Belle craignait le monstre qui lui servait d’hôte mais ce n’était pas dans son caractère de se laisser faire. Au premier dîner qu’elle partagea avec son ravisseur, elle lui cracha la nourriture au visage. Bien sûr, la Bête s’entendait parfaitement pour lui faire vivre un cauchemar, allant même jusqu’à lui faire peur dans son sommeil. Mais petit à petit, Belle dû bien se rendre compte qu’il y avait un léger mieux. Les premiers temps, il l’avait interrogé sur sa laideur. Je vous fais peur, n’est-ce pas ? Vous me trouvez laid ? Elle s’était contenté d’un hochement de tête vigoureux en signe d’affirmation. C’était peut-être cruel, mais c’était simplement la vérité. De la même manière, son chagrin diminua lentement, même s’il restait toujours présent dans un coin de son cœur, mélodie entêtante de sa peine. Elle pleura beaucoup les premières semaines mais la découverte du château lui changeait les idées. Les lieux étaient délabrés et sombres mais gigantesques. Elle en aurait pour une vie entière à tout explorer mais, étant de nature curieuse, cela ne la dérangeait pas de passer des heures à cavaler dans les différentes parties du domaine. Elle voyait à présent les buissons de rose avec un regard douloureux, maudissant sa bêtise et sa demande qui avait conduit son père dans ce piège, cette cage dorée dont elle ne l’avait tiré que de justesse.

La Bête lui proposa de partager son dîner tous les soirs. Une sorte de rituel s’installa bien vite. Le monstre lui demanda rapidement sa main, ce qui scandalisa la jeune femme, refusant par un non catégorique. Et chaque soir, le même scénario se reproduisait invariablement, encore et encore. Belle ne comprenait pas pourquoi la Bête s’obstinait ainsi. On aurait cru qu’elle avait un but connu d’elle seule. A part le fait qu’elle était en captivité, son quotidien n’était pas si terrible que cela. Il s’adoucissait même avec le temps.

Ne trichez pas où je vous dévore vivante !! Je voudrais bien voir ça ! Ca y est, je peux les ouvrir maintenant ? Non, pas encore. La Bête était venue la chercher un matin, ce qui était inhabituel. Elle lui avait annoncé qu’elle avait un cadeau à lui faire. Malgré la multitude de questions dont Belle l’avait assaillit, la Bête n’avait rien dévoilé et la jeune femme s’était donc retrouvée contrainte de le suivre, les yeux fermés. Le contact avec les pattes griffues du monstre l’avait fait frémir au début et puis, elle s’y était fait. Elle était impatiente de découvrir quelle surprise il lui avait concocté. Elle parcourut des couloirs et des corridors sans fin. Mais où pouvait-il bien l’emmener ?! Soudain, il lui lâcha la main et elle entendit un bruit de porte grincer. Il lui demanda d’avancer tout droit. Elle sentit la lumière d’une pièce qui semblait grande lui lécher la peau. Allez-y, ouvrez les. Elle ouvrit les yeux et sa bouche s’arrondit en une expression de pur émerveillement. Des bibliothèques semblaient monter jusqu’au ciel et chacune était remplie à ras bord de livres de toutes tailles. Elle plaqua ses mains sur sa bouche. Cet endroit est à vous. Ces livres sont à vous. Belle contempla la pièce, incapable de parler. Lorsqu’elle eut repris ses esprits, elle lui adressa un sourire radieux et murmura, les larmes aux yeux : Merci…

Les semaines défilaient et le soir, la Bête lui posait la même question. Mais un soir, la demande en mariage quotidienne n’eut pas lieu. Belle s’en inquiéta, étrangement. Cela ne sert à rien, jamais vous n’y consentirez. J’ai fini par comprendre, nul ne peut aimer quelqu’un comme moi… Quel est votre vœu le plus cher, Belle ? Revoir mon père. La Bête se leva de table et revint avec un miroir. Ce miroir est un miroir magique. Demandez-lui de vous montrer une personne et il vous obéira. Belle demanda immédiatement à voir son père. Mais ce qu’elle vit lui arracha un cri de détresse. Son père était souffrant, mourant peut-être. Je vous en supplie, laissez-moi partir ! Je sais que vous êtes bon, au fond de vous. Laissez moi le voir une dernière fois… Le regard douloureux, la Bête l’autorisa à partir, lui confiant une bague enchantée  qui la transporterait immédiatement chez elle. Il lui donna huit jours pour revenir. Elle lui en fit la promesse.



La Bête l’avait prévenu que si elle restait plus de huit jours, elle ne répondrait plus de sa propre vie. Il lui confia le miroir magique pour pouvoir le voir pendant ces huit jours et elle partit, dans une magnifique robe qu’il lui offrit. Ce fut ainsi qu’elle arriva sur le perron de son père. La maison était dans un état délabré. Ses frères étaient partis travailler mais ses sœurs, oisives, quoiqu’à présent mariées, sursautèrent en la voyant apparaître devant elles. Elles n’en revenaient pas. Belle était morte, avaient-elles pensé avec soulagement et délice. Et la voilà qui réapparaissait et dans des habits princiers qui plus est ! La jalousie les saisit à nouveau. Ah, te voilà !! Pendant que tu te faisais passer pour morte et que visiblement tu t’accordais du bon temps, notre père souffrait milles morts ! Tu es vraiment une fille ingrate ! Belle ne tint nullement compte de leurs jérémiades et récriminations. Elle monta les marches à toute allure et se rua dans la chambre de son père. Il était là, si faible, si blanc dans ce grand lit ! Elle craignit un moment d’être arrivée trop tard mais non, il dormait seulement. Entendant du bruit, il ouvrit les yeux. Belle… Ma fille… Est-ce encore un rêve ? Tu es morte… Non père, ceci est bien réel. La Bête m’a laissé venir vous rendre visite, sachant que vous étiez malade. Impo… ssible, ce n’est qu’une Bête féroce et cruelle… Elle n’est pas si cruelle que vous le pensez… Il y a du bon en elle, je l’ai vu. Le père eut un sourire entendu, ainsi qu’un regard surpris. Mais il était trop faible pour parler.

Les jours défilaient. Belle était ravie de retrouver sa famille, notamment ses frères qui se firent une joie de l’accueillir. Les seuls qui semblaient tout sauf ravies, c’était les sœurs aînées de la jeune femme. Car à nouveau, Belle centralisait toutes les attentions. D’autant que depuis son retour, leur père avait repris des forces, comme si le seul fait de revoir sa fille cadette l’avait soigné. Les deux sœurs retorses décidèrent d’exploiter cette faiblesse pour nuire à leur ennemie de toujours. Elles avaient bien compris que Belle n’avait que huit jours, pas un de plus. Aussi, le septième jour, elles prétextèrent devoir aller chercher des plantes guérisseuses pour leur père dans la forêt. Belle, ravie que ses sœurs témoignent enfin un peu de générosité envers James, les accompagna. Mais elle ne connaissait pas les coins de la forêt où ses sœurs l’emmenèrent. Quand elles furent sûres que Belle ne pourrait trouver rapidement le chemin par elle-même, elles l’abandonnèrent à son sort. La jeune femme les appela, courut dans tous les sens, hurlant les prénoms des jeunes femmes mais peine perdue…

Elle vit se lever l’aube du neuvième jour avec angoisse. Le temps qu’elle retrouve son chemin, elle rentra chez elle le soir. Ses sœurs lui assurèrent qu’elles l’avaient cherché, qu’elles ne comprenaient pas ce qui avait bien pu se produire. Elles avaient, paraît-il, hurlé son nom et arpenter la forêt pendant des heures sans la trouver. Et puis, si la Bête est si gentille avec toi, quel mal y a-t-il à trouver quelques herbes pour notre cher père ? Mais Belle n’était pas rassurée. Elle sortit le miroir magique qu’elle avait laissé chez son père et lui demanda de lui montrer la Bête. Son cœur rata un battement lorsqu’elle vit son ami étendu au sol, au milieu des roses rouges. Aussitôt, elle se saisit de la bague qui l’emmena auprès de la Bête. Les cheveux en désordre sur ses épaules, le regard embué de larmes, elle courut en direction du corps monstrueux. La Bête ! Je suis tellement désolée… Je ne veux pas que vous mourriez… Restez avec moi, je vous en prie ! Belle… Sans vous, ce monde ne vaut guère la peine qu’on s’y attarde. Vous avez manqué à votre parole. Je n’ai pu attendre sans raison de vivre… N’ayez pas de regret. Vous m’avez réveillé. Vous m’avez appris à aimer. Et pour cela, grâce à vous, je meurs heureux. Les larmes barbouillaient à présent le visage de Belle. Je ne connais rien à l’amour mais je vous en prie, restez et permettez moi d’essayer d’apprendre à vous aimer ! Mais le corps de la Bête qu’elle serrait dans ses bras se relâcha soudainement. Belle était hagarde, elle regardait le monde autour d’elle, ce monde qui s’effondrait et qui lui semblait à présent tellement fade. Alors qu’elle se relevait, elle contempla un instant les bosquets de roses rouges qui semblaient se moquer d’elle. Elle poussa un cri de rage et arracha les fleurs, les piétinant dans sa colère. Elle avait tout perdu. Soudain elle se calma tandis que des larmes silencieuses dévalaient en cascade ses joues. Elle cueillit la dernière rose qui était encore dans le bosquet saccagé et se retourna pour le déposer sur le corps de son ami. Mais ce n’était plus la Bête qui se trouvait devant elle. C’était un homme, d’une beauté certaine, qui ouvrait lentement les yeux et qui lui sourit. Belle... Comment ne m'aimez-vous point alors que vous avez brisé le charme qui m'enfermait ? Votre chagrin était une preuve d'amour, parce qu'il était sincère. Je vous suis redevable à jamais. Devenez la maîtresse de cette maison. Restez avec moi pour toujours. Laissez-moi une chance de connaître l'homme meilleur que vous avez fait de moi." L’étreinte qui les lia l’un à l’autre était tendre et chaude. Belle l’observa un long moment en s’écartant de lui. Je vous laisse cette chance…