"Non mais j'te jure ! Le Papa Ours était ENORME. Il portait même des lunette et tout, il m'a foutue les jetons."
"Tu m'étonnes."
"Qu'est-ce que je fait là-bas. Franchement, c'était pas méchant. J'ai juste mangé la soupe, mais c'est parce que j'avais la dalle. Je m'étais promenée toute la matinée dans la forêt, puis la maison s'est montrée là. Comme si on m'y invitait. Puis la soupe n'était pas super bonne, juste le petit bol. Les autres, c'était trop sâlé, ou trop sucré. Et j'ai juste pété une chaise, mais ils avaient qu'à la faire plus solides, j'sais pas."
"Et c'est là qu'ils sont arrivés ?"
"Mais nan. Tu m'écoutes pas ou quoi ? Tu sais, parfois, je peux dire des trucs intéressants."
"Ca reste encore à confirmer."
"Tais-toi. BON. Je disais. Ah oui. Nan et tu sais, j'étais dans une période où la digestion me puisait beaucoup d'énergie, donc il fallait que je fasse une sieste. Et je pouvais pas dormir dehors, j'ai ma tante qui m'avait prévenue une semaine avant qu'il y avait un loup dans les parages, et je voulais pas me faire bouffer. Donc je suis allée dans la chambre, et y'avait trois lits. Le premier, crois-moi ou pas, il était dur comme du béton, impossible de pioncer là-dessus. Le deuxième, le matelas, c'était de la guimauve, je m'enfonçais dedans, c'était flippant. Le troisième, il était parfait, juste à la bonne taille, le matelas parfait. Il vendait du rêve quoi. Et j'ai dormi. Et alors là, j'entends des voix. Mais c'était flippant. Alors je me suis levée, et je pouvais pas sortir de ma chambre, parce que je les entendais râler. Alors je vois quoi, une fenêtre. C'était pas trop haut, donc je suis sortie par là. Et j'ai couru, couru, et je me suis cachée derrière un arbre. Et c'est là que je l'ai vu. Le Papa Ours. Mais énorme quoi, et flippant, il me fout les jetons."
"T'as eu de la chance, punaise."
"Mais carrément ! Et bien plus tard, je vois un ours en costard, c'était pas longtemps avant que l'autre imposer son Charnel n°5 là. Il me regarde, et me demande si j'avais pas squatté à tout hasard une baraque avec trois lits. Alors je lui demande comment il savait. Et il m'a dit qu'il était le cousin de Maman Ours, j'étais dans la bouse de dragons, mais GRAVE ! Alors je lui sors "pour qui tu te prends ? Pour le héros de flic-Story ?" et il rigolait. J'étais vexée et tout, et c'est là qu'il me dit que Papa Ours m'avait vu courir, et m'a traitée de choucroute au curry, quoi."
"Et c'est pour ça que t'es allée chez le coiffeur ?"
"Bah ouai quoi ! J'veux dire, c'est trop la honte. Puis l'autre jour, j'ai regardé Royal-Shopping, et il disait que la dernière tendance c'était les cheveux lisses. Et pour une fois, je suis d'accord avec Marraine la Bonne Fée : le changement, c'est maintenant."

____
Enaïs avait grandi dans une maison modeste à la lisière de la forêt. Son père était bûcheron et sa mère couturière, et elle fut leur unique enfant. Elle hérita de la même tignasse que sa mère. La fillette avait une vie simple et se contentait de peu- ce qui faisait d'elle une fille facilement impressionnable. Elle ne rêvait jamais d'aventures ou d'histoires complètement loufoques à vivre. Tout le monde aurait pensé qu'après sa petite mésaventure dans la maison des Ours, mais il n'en était rien. Enaïs n'était pas non plus du type à partir sur un coup de tête, juste avec un sac à dos sur les épaules (quoique ...). Mais elle voulait voir un peu du pays, et bien évidemment, Fort Fort Lointain était la première destination à laquelle elle pensait. Pendant des semaines, elle remuait ciel et terre pour convaincre ses parents d’emménager dans la ville de rêves. Et elle y parvint. Là-bas, Ena décida de se perfectionner dans une activité qu'elle adorait : la couture. Sa mère était aussi couturière, et avait transmis cette passion à sa fille : elle lui avait appris toutes les petites choses qui feraient d'elle une excellente couturière.

Peu de temps après leur aménagement à Fort Fort Lointain, Marraine La Bonne Fée et ensuite son Charnel n°5 fait son apparition. Enaïs n'avait jamais aimé la Marraine, mais depuis qu'elle régnait en maître à imposer ses lois ridicules, elle la détestait plus que tout. Le monde lui semblait bien plus fade sans la véritable apparence de tous les êtres féériques qui vivaient ici. Enaïs voulait vraiment agir, faire quelque chose, mais elle savait qu'elle était impuissante seule. S'il y avait quelque part un leader, quelqu'un avec un plan génial, elle ferait n'importe quoi pour l'aider. Il fallait juste trouver cette personne.