Je n'ai aucun souvenir de ma naissance et je ne connais personne qui en ai, aussi cela doit-il être normal. Mon premier souvenir se passe dans les poubelles d'une ville comme une autre, les poubelles y regorgent de bien des choses, certes pas tous appétissantes mais au moins, c'est une cafétéria gratuite. Toutefois, dans les ténèbres de la nuit, une porte s'ouvrit sur une pièce éclairée mais surtout sur un jeune couple qui avait entendu un miaulement et voulait voir de quoi il s'agissait. Le chaton que j'étais, au pelage  noir et blanc, poussiéreux et dans lequel grouillaient les puces vint se frotter à leur cheville en miaulant et ronronnant tout à la fois en espérant qu’ils lui donneraient un petit quelque chose. Ce qu’ils firent. Ce soir-là, j’eus un petit morceau de poisson sortant de leur propre assiette et une coupelle de lait. Il n'en fallait pas moins pour que je reste toute la nuit sur leur seuil et le lendemain matin en plus de me faire partager leur petit déjeuner, ils me donnèrent un nom : Kitty. Nommer quelqu'un est une lourde responsabilité, ça engage à prendre soin de la personne que l'on nomme et ils prirent soin de moi. Ils avaient pris la décision de m'adopter, tombés sous le charme du bleu ciel de mes yeux. Toutefois, comme tout chaton, quand je ne mangeais pas ou ne dormais pas, je cherchais à jouer.
Les rideaux voletaient sous l'effet du vent qu'il filtrait pour aérer souplement la pièce. Les rubans qui étaient attachés à leur cime et au bout desquels flottaient des pompons semblaient m'envoûter et il est vrai que du coup il m'est souvent arrivé de vouloir les atteindre. Mes jeunes griffes échappant encore trop souvent à mon contrôle, il est vrai que je déchirais souvent le tissu laissant rentrer les bouillants rayons du soleil dans les pièces. Aussi, ce jeune couple avait un hamster, une boule de poils sur laquelle j'adorais bondir et qui répondait à mon jeu d'après moi puisqu'elle fuyait dès qu'elle m'apercevait. J'étais gentille avec elle quoi qu'il me soit arrivé de la griffer par mégarde mais ce n'était jamais volontaire et cette petite bête me faisait souvent plus mal que je ne le lui rendais. C'était un jeu pour moi, je ne comprenais alors pas que cette pauvre bête était traumatisée à ma seule vue. Et puis, il y avait le tapis se trouvant à l'entrée et sur lequel je faisais régulièrement mes griffes et qui était pour le moins abîmé mais cela était toujours mieux que les traces de mes griffes dans le plâtre du mur non ?
Toujours est-il que le charmant couple qui m'avait si généreusement recueillie finit par prendre une décision radicale face à ce qu'on pourrait nommer mes enfantillages : Ils me retirèrent mes griffes. Je me souviens encore de ce matin-là ou j'avais terriblement mal aux pattes, la tête me tournait et je ne parvenais plus à me lever. Sans doute face à ma détresse regrettèrent-ils leur méfait mais je ne pouvais pas leur pardonner. Les coupelles de lait et les friandises n'y firent rien. Je mis du temps à retrouver mon équilibre mais quand j'y parvins, ils ne me revirent plus jamais.

Il me fallut du temps pour vraiment m'habituer à me passer de mes griffes mais à force d’entraînement, j'y parvint et je découvrit même à mon état un avantage sans précédent : Mes pattes sans leurs griffes me permettaient de voler ce que je voulais sans que personne ne le sente et c'est ainsi que je commença à gagner ma croûte, me forgeant une réputation qui attira un œil ambitieux : celui d'Humpty Alexandre Dumpty, un œuf parlant qui me promit des quantités d'or plus folles que je ne pouvais en espérer si je l'aider dans ses sombres dessins. Le plan était clair, attirer le Chat Potté, célèbre criminel recherché à travers tout Afshin, jusqu'à lui et l'entraîner dans une quête qui nous mènerait au sommet du haricot magique où nous trouverions l'oie aux œufs d'or. Je lui avais demandé pourquoi il ne pouvait pas faire ça tout seul mais il m'avait répondu que le Chat Potté n'aurait pas confiance en lui et qu'étant donné qu'il était un fin coureur de jupons, cela serait un atout précieux. Toutefois, ce n'était pas le but d'Humpty de seulement s'emparer de l'oie aux œufs d'or, il voulait se venger du Chat Potté. Mais se venger de quoi ? C'est quand je posai cette question qu'il me raconta qu'enfant lui et celui qui était aujourd'hui son ennemi étaient comme des frères, sauf que celui-ci l'avait trahi suite à quoi il avait croupi des années en prison. Un lieu où il avait mijoté son plan.
C'est ainsi qu'un soir de fête, alors que Jack et Jill, terribles criminels craint de tous, arrivaient dans un hôtel en y faisant grand bruit que je le vis pour la première fois, son pelage roux duquel il tenait bien des noms. Le piège se referma rapidement sur lui et il nous suivit donc. Seulement, rien ne se passa comme prévu, malgré notre rencontre peu agréable qui s'était clôturée par un coup de guitare sur mon crâne -même si sans doute je ne l'avais pas volé pour le coup, sans jeu de mots-, j'appris à lui faire confiance et ce fut ma première erreur. En effet, loin de celui que m'avait décrit Humpty j'ai découvert quelqu'un de bon et qui avait sans doute plus de valeur à mes yeux que l'or. Toutefois, notre quête arriva à sa fin et la chute commença. Potté fut emprisonné et si je lu la blessure dans son cœur ou tout au moins son âme, je sentis surtout le mien se briser en mille morceaux dans ma poitrine. Oui, pour la première fois de ma vie, j'aimais et je le réalisais de la plus cruelle des façons.
C'est donc déterminée à sauver celui que j'aimais que j'ai décidé d'aller le délivrer ce qu'il tentait plus ou moins bien de faire en tentant vainement d'hypnotiser le garde comme il savait le faire, mais je fus plus efficace sur ce coup-là, il fallait le dire. Le garde s'effondra, asphyxié et je lui rendis ses effets personnels avant de lui permettre de s'évader alors que j'affrontais les gardes seule, lui permettant de sauver San Ricardo. Nous étions quittes. Mais nous suivirent malgré notre amour naissant des chemins différents, lui devint un héros, moi je restai la voleuse que j'étais à l'affût de trésors merveilleux.

Quelques années passèrent et j'entendis toujours plus de légendes entourer le seul être que j'avais aimé. Pour ma part, je continuais de forger ma réputation, une réputation qui me précédait souvent après un temps. Mais la babiole dont je m’enrichissais m'ennuyaient après la quête qui avait été la mienne, je rêvais d'une nouvelle quête emplie de magie et qui soit tout aussi enrichissante. Il y avait des murmures qui me chatouillaient les oreilles au sujet du chapeau d'un chapelier toqué qui serait magique. Je finis par y prêter une oreille plus attentive, il se trouvait dans la ville de Fort Fort Lointain. Et bien je m'y rendrais. Toutefois, je ne saurais vous dire si je me suis lancé dans cette quête pour ce chapeau ou pour Potté. Quoi qu'il en soit mon voyage fut long mais finit par me conduire dans la ville où je me fis discrète, il y régnait une atmosphère étrange.
Arrivée devant la boutique du chapelier, je ne tardai pas à voir le chapeau dont parlaient les légendes, toutefois, après l'avoir volé, je me rendis très vite compte qu'il n'avait rien de magique, il était juste vieux, moche et puant. Aussi je le rapportai, priant le chapelier de me pardonner, ce qu'il fit et j'avoue que sans lui je serais sûrement dans de sales draps aujourd'hui car c'est lui qui m'expliqua la situation de la vile qui me plaisait pour son abondance. Alors, je décidai de voler un Charnel 5 dans la poche d'un étranger avant de m'enfuir avec. Le fabriquant de chapeaux me sermonna longuement sur mon acte mais sans parvenir à m'émouvoir.
J'avais pris l'apparence d'une jeune femme, une apparence qui me répugnais mais à laquelle pour vivre ici, il me faudrait m'habituer.