Les flammes vacillèrent, reflétant leurs voiles enflammés dans les miroirs de son âme. Ces petits éclats de cœur qui fendaient sa peau stellaire. Ces larmes lui arrachant tantôt des cris de douleur, tantôt des soupirs d'allégresse. Elle avait voulu tant de fois briser cet organe, par des pleurs, par des rugissements de désespoir, mais à chaque fois, à chacun de ses pas, on l'observait. Frappant d'un air délibéré les joues de l'enfant blond, de l'innocence qu'elle cultivait...dans laquelle elle baignait son corps et son esprit. Cette candeur fabuleuse parfois factice rayonnant dans une famille en perdition. Enfance fabulé dans des rêveries qu'on s'empressait d'effacer, la jeune sorcière ne sut jamais vivre. Jamais exister. Elle n'était qu'une proie de plus, parmi ses sœurs qu'on avait modelé. Qu'on aimait rectifier. Sorcière noire était-elle, noire comme la nuit, sombre et mystérieuse comme un félin...mais qu'avec des constellations était-elle faite...cachant son visage derrière une couronne d'étoiles, ses mains n'étant plus assez pures pour voiler ses pupilles de l'infamie. Elle avait été régit par les méandres dans les paroles cruelles, par les silence lorsque n'importe quelle créature aurait pleuré, par un vide immense déchirant ses membres...Il y avait de ces regards d'acier à pourfendre un héros, de ces mots douteux à faire tomber un roi, de ces touchers à glacer un phœnix. Aujourd'hui, l'océan tumultueux, brisant les navires de ses espoirs, déversait son sel marin sur ses pommettes rougies par l'émotion. Bientôt elle le savait, il se briserait contre les parois rocheuses que deviendront ses yeux vides. Ils avaient tué celle qui a seulement osé porter une quelconque attention à ses humeurs désolantes. Celle qui l'a protégé, la froissant un peu contre le satin de ses robes, l'aimant un peu plus que les autres...du moins l'aimant tout court quand les autres ne la voyaient plus. Ils avaient osé la réduire en cendres comme une simple poupée. Cette tante bien-aimée, ce sourire sur ses lèvres écarlates, ce souvenir mielleux et brumeux à la fois. Oh qu'elle n'avait jamais sut l'adorer comme il se devait, toujours idiote rêveuse chevauchant des songes lucides. Elle aurait voulut remonter le temps, déchirer le temps présent de ses griffes, hurler au visage du Destin. D'une Fatalité beaucoup trop honteuse. Et puis ça brûlait aussi...sur sa chair, ces rivières de cendres...comme elle, son grain de peau s'envolait...Comme elle, elle se consumait petit à petit. Comme elle, elle finirait morte. Décédée de l'intérieur, ses organes partant en lambeaux. Elle n'était qu'une enfant, une simple enfant souhaitant des jours meilleurs pour son avenir brumeux. Elle n'était plus qu'une sorcière, fille de sa race ombrageuse. Condamnée par la nature à errer sans jouissance totale, une soif pour l'impossible, pour la damnation. Une attirance pour les démons, un amour pour la souffrance. La sienne venait de cultiver en elle le reflet de cette lune noire que toute sa famille attendait. Cette haine profonde...se monstre se développant en elle comme un nourrisson...se nourrissant de ses entrailles, de sa raison, d'une quelconque pitié. Elle n'en avait plus, de la compassion ou de l'amour. Elle n'avait plus rien, juste la poussière qu'ils laissèrent derrière eux...et le fantôme d'une gamine partit trop tôt.

Ses doigts filaient, dérobant à leur pulpe la délicatesse d'un toucher en soie. Fuyaient l'écorchure d'un arbre, la dureté d'un tronc, caressant, léchant, sa peau d'albâtre tranchait avec l'obscurité d'une nuit. L'obscurité de ses nuits. Ces nuits de chasses, de traques, comme un animal se mouvait elle dans une forêt, dans une ruelle, une bâtisse. Une bête lascive, cambrant ses reins, glissant contre le mur, faisant bruisser les étoffes précieuses de ses robes hors de prix...de ses déguisements. Tantôt belliqueuse beauté, tantôt innocente enfant, elle changeait de rôle, apprenait d'autres vers, plus candides, plus sensuels. Ses pupilles se dilataient, comme un chat s'étirant, son poil noir avalant la douceur d'une couverture, la couleur bleue de ses yeux éperdument perdus. Elle rôdait, sentait la biche se mouvoir, son odeur marine ou forestière, un parfum de gâteries aussi, embaumant le drapée d'air venant jusqu'à elle. Ils dansaient les deux mignons, se régalaient d'instants auxquels elle n'a jamais eut droit de gouter. Les amourettes d'un regard furtif, la langueur des lèvres rosées, la beauté d'une peau étoilée aux lueurs ensoleillées. Tant de choses qu'elle n'avait pas connue. Tant de choses qu'elles n'avaient pas connue. Une rivière de sang découlant de leurs mains, un don volé...criminelle se sentait-elle. Criminels étaient-ils tous ! Plus qu'elle, pauvre exécutrice des damnés. Ces démons lumineux se pavanant sous la protection d'un ciel bien trop favorable à leurs jeux dangereux. Enfant de la nuit en éternelle contemplation des époux du Soleil. Elle rêvait de se glisser tout près contre leur chair, de croquer dans le cadavre, de jouir sous une fontaine de vin, un banquet pour le monstre qu'elle était...pour ses fantasmes délirants. Désœuvrée demeurée, femme d'une folie profonde, elle se riait de leur bonheur exécrable, de leur vie. De la vie. Oh elle pouvait bien mourir demain, pourvu qu'une fois, oui une seule fois, elle ait put dévorer leurs lèvres enivrées des baisers des autres, leurs yeux ayant vu les merveilles d'un corps, d'un paysage, d'une contrée lointaine, et puis leurs mains aussi, celles qui ont tant caressés, tant aimés ! Elle en perdait le fil d'une sainteté quelconque. Névrosée en perdition, elle tentait de se rattraper sur un ultime sacrifice. Leur sacrifice. Celui de ces deux traitres, ces deux humains : Hansel et Gretel. L'humanité n'était que pourriture grandissante dans leur âme, qu'un poison découlant de leurs veines qu'elle rendrait arides. Une valse effrénée avec le crime. Un appel de pouvoir, de vengeance !
Ses paupières battirent, avec la furtivité d'ailes de papillons de nuit, ses cils charbonneux valsant avec le vide, sa bouche s'entrouvrant de malice...de gourmandise. On lui avait bien dit que le mal donnait des frissons : que ça vous parcourait comme les baisers d'un amant secret, picotant la nuque, dérobant un sourire en coin, descendant le long de la colonne vertébrale avec la délicatesse d'une maitresse, vous faisant frémir de plaisir. Elle savait bien que l'unique époux qu'elle aurait à jamais ne serait que le châtiment dernier infligé à cet homme, à cette femme. Un amour platonique avec un démon enfoui en son cœur. Cependant, le mâle souriait, et la louve se retrouvait biche craintive. Elle détournait le regard, fuyant l'ombre d'un cœur rebattant à nouveau...se relançant dans une course qu'elle avait arrêtée bien tôt. Elle sentait le sang déverser ses flots de vie en elle. Cette existence qu'elle vécut en haïssant ceux qui dansaient alors qu'elle se trainait, à présent, elle tentait de faire quelques pas en leur présence. Elle tentait de leur tenir la main, suivre le rythme effréné de cette valse furieuse, enthousiaste d'un destin surement malchanceux. Mais elle trébuchait, tombait, et parfois, ne se relevait plus. L'instant second elle irait le revoir. Ce Hansel beaucoup trop lumineux pour être bon, beaucoup trop naïf pour être malsain. Et parfois, se surprenait-elle à jouer l'humaine.