Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Comme tout le monde, j’avais des jours avec et des jours sans. Aujourd’hui était un jour sans. J’avais passé toute la matinée et une partie du début d’après-midi à parcourir toutes les boutiques devant lesquelles je passais pour proposer mes services (et pas seulement mes compétences de cirque hein) ; mais rien. Si encore c’était au format : « Je rentre, je demande, je fais rembarrer », ça irait vite. Mais noooooon, mon bon monsieur (ou madame, égalité des sexes vous voyez), il a fallu que les trois/quart me posent trente-six milles questions sur ce que j’avais fait avant, comment je me sentais avec des clients, comment j’envisageais l’accueil client…Mais bordel, mettez-moi à l’essai, ça ira plus vite ! Ah oui, il y a aussi eu le combo : questions PUIS essai de trente minutes (minimum). Tout ça pour, au final, m’entendre dire des « vous ne correspondez pas à nos critères » et des « On vous recontactera ». Comment morue, je t’ai pas donné d’adresse vu que j’en ai pas encore ! On respire, on reste zen. Voilà, ça va mieux.

Bref, en gros, j’ai passé ma matinée à me vendre (pas d’idées tordues, je ne suis pas comme ça enfin !), sans me faire acheter. Il faut croire que les gens dans cette ville sont un peu trop snobs pour pouvoir apprécier l’authenticité d’un gars comme moi. Parce que je suis un vrai fils du voyage. Originaire de Yasen j’ai voyagé à travers tout le royaume, passant plusieurs fois par Fort Fort Lointain, qui porte bien son nom, mazette ! Jamais je n’ai autant eu de plaisir à faire une halte dans une ville qu’ici. On avait passé tant de temps sur la route rien que pour atteindre la ville, qu’on a beau avoir l’habitude de voyager, on commençait à avoir le mal des transports. Et puis, il fallait bien le dire, la capitale était un bon profit. Les gens s’y sentaient en général bien et donc plus enclin à se laisser charmer par nos numéros et notre charme un poil rustique que dans les campagnes ou les contrées lointaines.

C’est pourquoi j’avais décidé de m’aventurer sur Roméo Drive cette après-midi pour quelques tours. C’était une avenue commerçante (la seule que je n’ai pas encore faite à dire vrai…), bien fréquentée, avec beauuuucoup de gros portefeuilles qui n’hésiteraient probablement pas à lâcher une petite pièce pour mon travail. D’accord, je l’admets, c’était du positivisme aigu couplé avec des pronostics à sources douteuses. Que voulez-vous, je suis un grand rêveur (ou pas…) et l’espoir fait vivre. A défaut d’avoir de quoi me faire de vrais repas tous les jours, j’ai beaucoup d’espoir à revendre, alors autant qu’il serve à quelque chose.

Je venais d’entamer un numéro d’acrobatie. Je commençais par attirer l’œil des gens, un petit pas de danse (très basique, je ne sais pas franchement danser autrement), un petit déhanché par-là, puis je me mettais en place pour des équilibres…Quand je me pris un truc à l’arrière du crâne. Bon sang ! C’était quoi ça ?! Je me tournais, ramassais l’objet du délit…Une sandale ?! C’est une blague là…C’était une foutue blague, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Ou pas, donc. Je regardais autour de moi dans l’espoir de trouver le coupable (quand je vous dis que j’ai de l’espoir à revendre). Je fini par apercevoir quelqu’un, à une fenêtre. Un type. Je ne le voyais pas très bien, mais peu importais.

"Hey ! C’est toi qui m’a balancé ce truc informe ?!"

Comment je cherche la bouse ? Mais noooooon. Où allez-vous chercher ça…

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Enfin rentré. C'est fou comme un lit à l'air confortable quand on passe la journée à courir dans tous les sens pour glaner des informations. Personne n'a idée de l'énergie que ça demande, qui plus est quand on revient bredouille ! C'est pas de savoir qu'Elis Cailloublanc a été vu rejoignant son frère dans les coulisses du tournoi des champions qui va m'aider à me faire connaître. Épuisant, vraiment.
Pourtant, je ne sais pas si m'affaler là est une si bonne idée. Je suis de scène ce soir, tard certes, mais si je ne me réveille pas, je risque de le regretter et puis...

Et puis quoi ? De toute façon, que je sois sur scène ou pas n'a pas vraiment d'importance ! C'est pas comme si la bande d'ivrognes habituelle se souciait de ce qui se passe au-delà du bar. Et pour ceux qui viennent me voir spécialement – plus nombreux depuis quelques temps, d'ailleurs – je pourrais toujours trouver le moyen de me faire pardonner, il me suffira de sourire un peu plus demain soir, et de m'attarder à la sortie pour satisfaire le besoin de conversation des jeunes filles venues sans demander l'autorisation de Papa et Maman.

Oui, j'ai bien besoin de repos, et ça ne fera de mal à personne si je manque le travail pour une fois. Avant de m'allonger, je retire les sandales que je portes quand je suis ici pour ne pas salir les draps et déboutonne à la hâte ma chemise en soie, et la pose sur le dossier d'un des deux fauteuils : il ne faudrait pas que je ruine une chemise si raffinée. En revanche, le pantalon peut bien supporter une sieste improvisée, et je n'ai de toute façon pas la force ni l'envie de le retirer.

Me voilà donc, étendu de tout mon long sur mon lit, une main pendant d'un côté, l'autre reposant sur mon ventre pour sentir ma respiration. C'est la seule position que j'ai trouvé pour dormir convenablement en tant qu'humain : les yeux fermés, allongé sur le dos, concentré sur le le mouvement régulier de mon ventre, entouré par le silence...

…Silence qui n'est pas au rendez-vous aujourd'hui, de toute évidence. Je sais pertinemment que Roméo Drive n'est pas l'endroit le plus calme de Fort Fort Lointain, et qu'habiter là est synonyme de bruit de fond quasi constant, mais là c'est tout de même un peu exagéré à mon goût. J'ouvre un œil et tourne la tête vers la fenêtre la plus proche du lit. Qu'est-ce qu'il peut bien se passer pour que le volume sonore soit si élevé ?

Je m'agenouille sans trop de conviction et parcoure mollement la distance qui me sépare de la fenêtre, sans toutefois quitter mon lit. Il y a effectivement un attroupement de badauds sous ma fenêtre, mais de là où je suis, je ne distingue pas la cause de ce rassemblement. Avec un soupire, j'ouvre la fenêtre histoire de jeter un coup d’œil : quitte à être venu jusqu'ici, autant aller jusqu'au bout !

La vision qui s'offre à moi me fait l'effet d'un électrochoc et je me lève d'un bond de mon lit. Les deux pieds campés sur le sol, je me penche pour être sûr d'avoir bien vu : Oui, il y a effectivement un homme en train de danser sous ma fenêtre ! Pour de l'argent, de toute évidence ! J'ai évidemment déjà croisé d'autres artistes à Fort Fort Lointain, le contraire aurait été étonnant, mais jamais aucun ne s'était produit sur Roméo Drive, sous MA fenêtre ! Et surtout, aucun n'avait jamais montré une telle confiance en soi. Ce type savait comment s'y prendre en matière de spectacle, et si j'avais été assez naïf et stupide pour le nier, la petite foule qui lui faisait face me l'aurait de toute façon prouvé.

La rage me monte sans que je tente de la contenir : je peux supporter de vivre dans ce petit appartement et de travailler pour des ivrognes incultes dans un quartier malfamé le temps de me faire connaître du grand public, mais qu'un jeune coq – au déhanché d'ailleurs médiocre et aux pas de danse plus que simplistes – vienne jusque sous ma fenêtre en plein milieu d'après-midi pour me voler une possible clientèle ? Ça jamais !

Je fais volte-face et d'un geste rageur, m'empare du premier objet qui me tombe sous la main pour l'envoyer sur le crâne de cet abruti. Touché ! Regardez moi cet idiot qui essaie de trouver le coupable, c'est pathétique ! Il ramasse ce que je lui ai lancé et je découvre en même temps que lui qu'il s'agit d'une de mes sandales. Un ricanement mesquin se fait entendre alors qu'il pose ses yeux sur moi pour me demander si je suis l'auteur de ce délit.

« On appelle ce 'truc informe' une sandale, déjà. Je te suggère de réviser ton vocabulaire avant de tenter d'impressionner les gens avec ta performance de danse plus que médiocre, si je peux me permettre. Et oui, c'est bien moi qui te l'ai lancé. J'ai un vrai spectacle à donner, ce soir, et je n'ai pas de temps à perdre en bavardage, alors maintenant que ta petite gesticulation est terminée, tu seras gentil d'aller jouer ailleurs, et de me laisser dormir »

Je me suis appuyé sur le rebord de la fenêtre, les bras croisé et un immense sourire aux lèvres. Mon regard se plante dans le sien, et je hausse un sourcil.

Bin alors, gamin, t'es fâché ? Tu vas faire quoi, maintenant, hein ?

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Ce type était sérieux? Me balancer une sandale pour me faire arrêter? J'avais croisé les bras sur mon torse, le temps qu'il finisse de parler, et bon sang il aime s'entendre parler, c'est un fait. Ou alors j'étais moi-même trop expéditif. Pour quelqu'un qui, je cite: "n'a pas de temps à perdre en bavardage", il parlait beaucoup. Surtout pour se fourvoyer complètement. Moi? Danser? Allons, il fallait arrêter de boire. Oui j'avais fait deux pauvres pas de danse, mais je n'étais en rien un danseur. Ce n'était que pour attirer l'attention du passant. Cependant, l'autre type n'en savait rien et j'eu une irrépressible envie de rire qui me vint devant le ridicule de la situation. Je tentai de me retenir, tant bien que mal, en plissant les lèvres. Sauf que je n'ai jamais été très bon à retenir mes réactions spontanées alors il y a un moment où...eh bien j'ai explosé de rire. Surtout avec sa dernière phrase, nom d'une licorne à deux têtes, s'il voulait me voir déguerpir, il avait utilisé la méthode la moins efficace qui soit avec moi. Je finis de rire et reprit contenance pour me tourner à nouveau vers mon public improvisé qui attendait la suite de notre joute verbale avec impatience. Ils n'allaient pas être déçus.

"Mesdames et messieurs! Il semblerait que nous ayons un petit désagrément avec les voisins." une plainte générale retentit de la petite foule, s'attendant sûrement à ce que je leur dise que je partais, que nenni "Rassurez-vous, ce que je vous ai promis tiens toujours braves gens de Fort Fort Lointain. La forme cependant va être très légèrement modifiée, vous allez donc, Messieurs dames, assister à un tout nouveau genre de divertissement!"

Quelques applaudissements retentirent et je fis une rapide révérence, amusé, avant de me tourner vers le bâtiment me faisant face. C'était bien beau de dire ça, mais sans entrainement ce que j'allais tenter était du quitte ou double. Soit j'y arrivais, soit j'allais droit dans le mur...ou sur le sol plus exactement. Je fis une grimace de douleur en y pensant et pris une bonne minute pour relaxer ma nuque et mes épaules. Je mis du talc sur mes mains et je me lançais.

Je ne pouvais pas simplement escalader la façade; premièrement c'est loin de valoir l'attention que ces gens m’accordaient et deuxièmement, je n'aurais de toute façon pas eu assez d'appuis. Alors je pris le partit de grimper sur un petit rebord, puis sur le haut du porche. De là, je sautai et m'agrippai des deux mains à un balcon voisin du sien mais un étage en dessous, sur lequel je tins en équilibre sur les mains, me retournant pour faire face au public. Je fis un clin d'œil à une jeune femme dans le public avec un sourire et je fis descendre un pied, puis l'autre, me retrouvant les deux pieds sur le rebord du balcon. De là j'allais devoir faire preuve d'ingéniosité. Monter directement sur le balcon de mon adversaire de joute verbale serait beaucoup trop dangereux. Il pourrait tout faire foirer voire me pousser en me faire perdre l'équilibre, m'envoyant m'écraser au sol. Alors on allait prendre la deuxième solution. Monter encore deux étages et me pendre la tête en bas vers lui. Oui j'allais faire ça.

Je montais encore deux étages de la même manière, toujours en jouant à la foi sur la praticité de la chose et sur mes appuis afin de créer un numéro qui valait le coup. Une fois sur le balcon juste au-dessus de lui, je me sécurisai comme je pu avant de descendre, précautionneusement vers lui. On ne serait pas face à face, mais ça irait.

"Salut. Donc, comme ça je ne sais pas danser? C'est pas faux. Maintenant je pense que tu auras deviné que la danse est le dernier de mes atouts..." un sourire insolent para mon visage "désolé pour ta sieste, hein mec. Vraiment. Mais t'as pas choisi le bon artiste à faire chier. Sérieux..."

Je haussai les épaules pour mettre l'emphase sur mes paroles. On allait bien voir ce qu'il allait faire.

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Il me rit au nez. Je ne rêve pas là ? Il me rit carrément au nez, devant une foule entière. Je n'ai pas vraiment trouvé ma réplique très drôle, alors de deux choses l'une : soit ce type est complètement idiot, soit je viens de trouver un type aussi téméraire et joueur que moi. Je penche pour la deuxième option. Couplée avec la première, évidemment. Je ne sais pas qui il est, mais lui ne sait pas non plus à qui il a affaire. « Assister à un tout nouveau genre de divertissement » ? Vraiment ? J'aimerais bien voir ça. Quoi que tu tentes, petit, je serais ravi de me joindre à toi, et de t'écraser, au passage.

Je le regarde traîner au milieu de la foule pendant une minute qui me semble durer une éternité, puis le perd de vue un instant. Il a décidé d'escalader la façade de mon immeuble, pour venir me rejoindre sur le balcon, de toute évidence. Même si je déteste cet avorton, je dois admettre qu'il connaît le métier : son ascension dure assez longtemps pour que le public soit émerveillé mais ne s'ennuie pas, et son petit clin d’œil à une des jeunes femmes de l'assistance lui assure quelques ragots à son propos quoi qu'il advienne. Mais ça reste tout à fait basique, n'importe quel crétin doué de ses bras avec une tête pas trop difforme pourrait se permettre la même chose.

Alors que je m'attendais à ce qu'il passe du balcon d'en-dessous au mien, il continue de monter jusqu'au balcon au-dessus du mien, et se pend la tête en bas pour venir me parler. C'est ridicule, je ne vois pas pourquoi il aurait besoin de faire ça ! Bien entendu, les gens sont impressionnés, mais s'il compte rester là un moment, ce n'est pas la position la plus confortable, et tout le monde va finir par se lasser, moi le premier.

Je me retiens de lui envoyer mon poing dans sa figure quand il me décoche un sourire provoquant tout en me servant des excuses lamentables, que nous savons tous les deux parfaitement fausses. Et puis, « mec » ? Je ne sais pas d'où vient cet énergumène, mais la façon dont il me parle m'irrite au plus haut point. C'est vulgaire, et je sais qu'il en joue, probablement pour m'intimider et passer pour un mauvais garçon auprès de son audience féminine. Tout le monde aime les rebelles, même ceux qui ne veulent pas l'admettre. Je ne compte cependant pas le laisser s'en sortir comme ça. S'il est le mauvais artiste à faire chier, je ne suis pas non plus du genre à me laisser faire.

Tout en haussant un sourcil l'air amusé, je m'approche de lui, toujours suspendu à son balcon, et ne m'arrête que lorsque mon visage est à quelques centimètres du sien, avant de lâcher juste assez fort pour que l'audience entende :

« Pas le bon artiste, hein ? Si tu es autant un dur à cuire, pourquoi est-ce que tu ne m'as pas rejoint sur ce balcon ? Trop lâche pour s'aventurer plus près, ou pas assez doué pour atterrir sans dommage sur une surface déjà occupée ? » Je baisser le ton de ma voix pour que lui seul puisse entendre cette fois-ci « Faut pas avoir peur, tu sais , je ne mords pas. Enfin, pas tout le temps. »

Je me recule, les yeux brillants de malice et un sourire toujours plus grand. Sans attendre de réponse, je rentre à l'intérieur, m'empare vivement de mon fouet et dévale les marches quatre à quatre. S'il veut jouer, on va jouer et on verra bien qui celui qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.

Arrivé en bas, j'avance dans la foule, qui s'écarte et forme un cercle autour de moi. Je me tourne pour lui faire face, et lui crie – plus pour attirer d'autres gens que pour être sûr qu'il m'entende :

« Aller, descends de là, et vient me rejoindre. Tu ne peux pas laisser ton public sans un numéro à regarder, et je suis d'humeur à bouger un peu. A moins que tu ne sois finalement qu'un beau parleur effrayé par un peu d'action ? »

Je laisse échapper un ricanement et fais une petite courbette comme pour l'inviter à venir. Ma jambe fait un arc de cercle et je pivote, me trouvant désormais face au public auquel je fais mon plus bon sourire. J'agite soudainement mon fouet pour qu'il fasse des ronds gracieux à côté de moi tandis que je commence à bouger. C'est de la danse, sauf si l'autre imbécile décide qu'une lutte serait plus appropriée, naturellement.

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Je le regardais les yeux grands ouverts. Etant dos au public, ces derniers ne voient pas mon visage et pour cette brève seconde ce n'est pas plus mal. C'est qu'en plus il tenterait de me faire passer pour un couard avec ce qu'il dit (et que le public n'en rate pas une miette bien évidemment)! Mon regard le fusille une seconde, alors que mon cerveau passe en revue toutes les crasses que je pourrais lui faire pour lui pourrir la vie. Lui barricader sa fenêtre d'une manière ou d'une autre. L'appeler d'en bas et se cacher ensuite jusqu'à le rendre dingue. Oooh, le nombre d'idées qui me venaient! Comment ça elles étaient gamines mes idées? Mais pas du tout! Bon, j'admets, un peu quand même. Maintenant, je n'allais pas non plus comploter pour lui casser une jambe ou un bras ou que savais-je encore. Je suis un emmerdeur de première classe, ceci est un fait. Je ne suis pas un caïd ou un bourreau pour autant. J'ennuie, je titille, j'enrage, mais je ne blesse jamais (intentionnellement du moins) quelqu'un qui ne l'a pas mérité. Et aussi provocateur et enquiquinant puisse être ce type, il ne rentrait définitivement pas dans la catégorie des gens méritant que je mette mon intégrité physique en danger en les corrigeant comme j'ai pu le faire avec Damian.

Je m'apprêtai à lui donner une réplique bien douce-acide quand je le vois détaler comme un lapin. Haussant un sourcil, je penchai la tête en arrière afin de voir le sol et l'entendis avant de le voir. Oh, il osait remettre en question mon intégrité professionnelle? On allait rire. Je fis porter ma voix. Il n'était pas le seul à pouvoir envoyer des piques ce type.

"En attendant mon pote, c'est toi qui déguerpis avant que je n'ai eu le temps de mettre un pied sur ton balcon!"

J'amorçai la descente d'une manière similaire à la montée, n'utilisant cependant pas le même chemin qu'à l'aller. Cela serait ennuyeux. J'ai hésité à glisser un sous-entendu graveleux à la fin de me phrase, mais le public était là, de un, et de deux je ne doutais pas une seconde que ce type ait la répartie pour enchaîner dessus et alors là on aurait été mal barré. Surtout qu'on risquait de se faire arrêter pout indécence verbale et merci mais non merci, je tenais à ma liberté. Arrivé en bas, je sortis quelque chose d'un sac trainant pas loin de nous. Mon sac d'accessoires. Eh oui, j'avais besoin d'accessoire. Pas comme l'autre. Autre qui dansait diablement bien par ailleurs. Je comprenais mieux son commentaire sur mes pas de danses. Après comme je le lui ai dit, je ne suis pas danseur, maintenant s'il ne veut pas me croire il va le comprendre assez vite je pense.

Je venais de sortir quatre objets. Une balle, un genre de quille en bois, une de mes torches (éteinte) et une orange. D'accord, ça c'était censé être mon goûter, mais je me suis dit que quatre au lieu de trois serait mieux. Je donnais la balle et la quille à deux personnes au hasard du public, et leur annonçai.

"Bien, quand vous le souhaiterez messieurs dames, lancer moi l'objet que je viens de vous confier. N'importe quand."

Je fis rouler mes épaules et commença à jongler. Je m'attendais toujours à un spectateur qui voudrait essayer de me prendre par surprise en me l'envoyant à peine le jonglage débuté, toujours à l'affût. Ce qui n'arriva cependant pas. Tant mieux. Je savais les rattraper mais c'était toujours mieux d'avoir le temps de vraiment prendre un rythme avant de faire un truc pareil. M’enfin, l’autre voulait jouer, il allait jouer.

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Être un danseur, ou bien un artiste en général, ça demande bien plus de compétences que ce que la majorité des gens pense : il ne suffit pas d'être doué dans ce qu'on fait et d'avoir une belle gueule. Il faut aussi avoir une capacité d'adaptation exceptionnelle, être capable d'encaisser n'importe quel imprévu. Sur scène, un rien peut changer la donne : un cri du public qui surprend, un problème avec la musique, un objet lancé volontairement ou non vers l'artiste, autant de choses qui peuvent vous déconcentrer et vous faire tomber la tête la première alors que vous étiez sur le point d'accomplir une magnifique figure. Eh bien aujourd'hui, cette capacité d'adaptation m'a une fois de plus évité un grand moment de ridicule.

Tout se passait plutôt bien, M. Sandale était descendu de son perchoir pour se joindre à moi dans ce que je pensais être un concours de danse. J'ai élevé le niveau, accomplissant des pas de plus en plus osés, pour subjuguer le public, m'attendant à une riposte imminente de mon adversaire. Quelle ne fut pas ma surprise quand il se décida à sortir de son sac une balle, une quille, une orange et une torche et commença à jongler.

Si je n'avais pas été plus concentré sur mes pas, la surprise – non, le choc ! - m'aurait probablement perturbé au point de me faire tomber. Il se fiche de moi, n'est-ce pas ? Ce n'est pas possible, je dois rêver. Moi qui pensais avoir affaire à un danseur comme moi, je me retrouve en face de ce... de ce clown, vraiment, je ne trouve pas d'autre mot ! Pourquoi est-ce que je me retrouve toujours dans ce genre de situation ? Si j'aurais été ravi de me frotter à un danseur expérimenté, je n'ai strictement rien à tirer d'une confrontation avec quelqu'un comme lui. Il ne faut pas se méprendre, je ne dénigre absolument pas l'art du jonglage, ou tout autre art, mais il me semble clair que le niveau de professionnalisme et de sérieux entre nos deux performances est très différent. Je veux dire, je gagne ma vie en donnant un spectacle quotidien, sur une vraie scène, dans un endroit attitré – certes, pas le plus classe des endroits mais tout de même - et il donne des spectacles n'importe où contre quelques piécettes.

Il est encore tant de faire marche arrière, ceci dit. Je peux toujours lui lancer une ou deux piques sur notre évidente différence de performance artistique. Le public attendant une compétition entre deux personnes avec les mêmes compétences, pas une confrontation entre deux arts qui ne sont que très peu rapprochés.

Je m'apprête donc à lui lancer une remarque bien placée quand je me rends compte de ce qui est en train de se passer : le public est tout émerveillé par ce qu'il voit. Le petit numéro de mon adversaire semble faire son effet, et je sens une pointe de jalousie en m'apercevant que jongler avec des balles attire autant l'attention que mes pas de danse. Mon regard passe en revue la foule, qui a bien augmenté depuis tout à l'heure, puis s'arrête sur le jongleur.

Je n'ai pas souvent ressenti de bouffée de colère envers un autre de mes camarades artistes, mais lui a décidément un don pour me mettre en furie : il est là, un sourire provocateur collé au visage, jonglant avec sa balle, sa quille, son orange et sa...

Son orange ? Une idée me vient sans que j'y fasse vraiment attention. Une idée pour épicer un peu cette confrontation. Peu m'importe maintenant si nous ne pratiquons pas le même art. Et puis, j'ai voulu ce petit duel, autant aller jusqu'au bout.

Je commence à tournoyer sur moi-même, mon fouet toujours déployé. Puis, un instant avant que l'orange atteigne la main du jongleur, j'envoie mon fouet, qui s'étend jusqu'à ce que la pointe en argent se plante dans l'orange. D'un mouvement gracieux de la main, je rétracte mon fouet, et attrape l'orange de ma main libre, en goûtant le jus qui coule sur la pointe de mon fouet du bout des lèvres.

« Je te prends ça, merci ! »

Je souris au public, bien que c'est plus une provocation envers l'autre type qu'une marque de sympathie pour les spectateurs. Voyons s'il est aussi capable de s'adapter à toutes les situations.

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Bon sang! Ça m'avait manqué ce genre de défi. On s'en lançait souvent entre nous au cirque et si là-bas je rechignai toujours à y participer, je finissais inexorablement à y prendre un plaisir certain. Car malgré tout, j'aime les défis. C'est ce qui m'a conduit à mettre en colère une sorcière que je n'aurais pas dû, mais hey, ce sont les risques de la vie et on ne vit qu'une fois. Autant faire le plus de choses possibles dans ce court moment que l'on passe sur cette terre. Même si ce sont des erreurs. On s'ennuierait si on ne faisait jamais d'erreurs! Ou si on avait pas de type comme l'autre danseur de mes deux pour vous taper sur les nerfs et vous défier sans même se poser la question de savoir si vous étiez de la même discipline ou non. Ah pour le coup il a été surpris notre danseur. Je l'ai vu, la surprise sur son visage quand j'ai commencé à jongler et non pas à danser comme lui. Mon sourire s'agrandit. Prends ça dans les dents mec! Fallait proposer un défi à un type sans savoir sa discipline. Règle de base...

Bon, je devais lui reconnaître qu'en danse il surpassait tous ceux du cirque, sauf peut-être la funambuliste qui aimait la danse autant que de se balader sur une corde à plusieurs mètres de hauteur. Et encore. Mais j'avais plus d'un tour dans mon sac, littéralement. Les gens ajoutaient des objets au fur et à mesure. J'y étais habitué. En revanche, voir partir mon orange sans raison, ça je ne m'y attendais pas! Mon rythme mis à mal, je rattrapais d'un coup de genoux la quille, qui aurait échoué au sol autrement, et la replaça dans le cercle d'objets volant entre mes mains. Il s'en était fallut de peu. Et l'autre là, qui souriait comme un imbécile...ah il allait voir lui.

"Ah mais si vous aviez faim, il suffisait de demander! Je n'aurais pas hésiter à vous la donner cette orange. J'en ai d'autres dans mon sacs si vous voulez. Ou même des pêches. Tenez, jeune homme, passez moi la pêche que vous tenez." le garçon s'executa et je la fis tourner deux fois dans le reste du jonglage avant de l'envoyer d'un coup de main habile vers le danseur au fouet (sérieusement, un fouet?! Il était maso ou quoi...je commençai à me demander quel genre de spectacle il offre...) "Vous voyez?

Sur ces quelques mots, je rattrapai les différents objets volants entre mes mains, dont un dans le creux de ma cheville. Oh mais je n'allais pas m'arrêter là. Et mon adversaire allait m'aider à lancer mon prochain tour. Ah il ne le savait pas encore, bien évidemment, et ne s'attendait sûrement pas à ce que j'allais dire et faire ensuite. Surtout aux vues de nos echnages jusqu'à présent. Nous qui ne faisions que nous défier et nous lancer des piques l'un sur l'autre, là...Autant dire qu'il n'allait pas être déçu du voyage.

"Pfiou. Vous ne trouvez pas qu'il fait un peu chaud? Il faut dire qu'avec mon partenaire, il y a de quoi! Mesdames, soyez honnêtes avec moi, est-ce que j'ai la moindre chance de rivaliser avec ce canon à la grecque?"

Non, non, je ne deviens pas fou je vous rassure tout de suite. Je sais juste voir quand un homme a, concrètement, plus d'atouts que moi et ce type en était un exemple flagrant. J'avais de toute façon bien vu que les regards des dames et jeune femmes en fleur se tournaient bien plus vers mon adversaire que moi. À mes paroles, certaines rougirent, comprenant que je les avait démasquées. Elle jetèrent un rapide regard, visiblement embarrassés de s'être faites découvrir, vers le brun puis revinrent vers moi. Puis j'eu des réponses. Tout le long j'avais pris de moqueuses poses soi disant attirantes, tirant des soupirs exaspérés des quelques hommes présents, mais je ne cherchais pas à charmer ces dames. Juste à amener mon numéro suivant. D'accord, là, à moins un effeuillage comme les femmes savent le faire, on ne voyait pas trop où je voulais en venir. Ca allait venir, promis. Les dames firent leur choix et je jouais le jeu, le rôle du mâle dévaster par la nouvelle qu'un homme plus beau que lui ne récolte les faveurs des dames.

"Oh! Mesdames vous me brisez le coeur. Mais je me suis douté que je n'avais aucune chance contre lui...enfin, si mon physique n'y peut rien, je sais ce qui peut vous réchauffer quand même!"

Il y en avait parmi vous qui commencaient à comprendre? Je retirai ma veste a manche longue, laissant apparaître un gilet de cuir sans manche. Je sortis une autre torche en rangeant le reste de mes accessoires et puis une bouteille. Je mis le feu à ma torche, reculai de quelques pas et vérifiai que personne ne se trouvait trop près. Prenant une gorgée de ma bouteille, je plantai mon regard dans celui du danseur, haussa mes sourcils de défiance vers lui et souffla. La flamme s'éleva dans les airs, réchauffant littéralement l'atmosphère. L'alcool faisait son travail en élevant la flamme, maintenant c'était à moi de faire jouer cette dernière pour la faire danser...

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Ma tentative pour le perturber avait fonctionné, mais pas de la manière que j'avais espéré : une de ses quilles était bien tombée, mais il l'avait rattrapée in extremis d'un coup de genoux. Artistiquement très fort, ça c'est certain, mais tout de même décevant de mon point de vue. S'il l'avait laissé tomber, le public se serait immédiatement désintéressé, et ma vengeance aurait été parfaite. Là, il venait de se sauver la mise, et peut-être même d'attirer un peu plus de monde. Vraiment, je sens qu'il va m'énerver jusqu'au bout, celui-là.

Et puis, vraiment, quelle insolence ! Mon vol d'orange aurait dû le mettre dans une colère noire, au lieu de quoi il se contente de me regarder avec son air niais, et de me proposer une pêche. De me lancer une pêche dessus, même ! D'un coup de main rapide, j'envoie le fruit valser un peu plus loin, et me dirige vers lui. Cette fois-ci, s'en est trop, il va voir de quel bois je me chauffe. Je me prépare à enrouler mon fouet autour de ses jambes – pas pour le blesser, non, mais juste pour le dérouler d'un coup sec, histoire de le faire tomber et de le rattraper au passage, comme un partenaire de danse que l'on renverse soudainement. Ça aurait pu être mon mouvement final. Aurait pu, en effet.

Alors que je m'apprête à m'exécuter, ce qu'il dit me laisse littéralement sans voix : comment ça un canon à la grecque ? Mais qu'est-ce qu'il lui prend, à celui là ? Je réalise que je suis en effet torse nu, et un coup d’œil dans le public me confirme ce qu'il vient de dire : plusieurs des femmes présentes ont le regard posé sur moi, et certainement pas pour ma performance artistique. Bon, d'accord, il a raison sur ce point là, mais je ne vois absolument pas comment soulever ce point peut l'aider.

Sans me laisser le temps de faire quoi que ce soit, il enchaîne avec un air offensé sur le visage :

« Oh Mesdames vous me brisez le cœur. Mais je me suis douté que je n'avais aucune chance contre lui...enfin, si mon physique n'y peut rien, je sais ce qui peut vous réchauffer quand même ! »

Mais... Mais qu'est-ce qu'il dit ? Je le vois qui enlève sa veste et commence à saisir quelque chose de son sac. Bon, je l'ai laissé parler assez longtemps, inutile d'écouter ses fanfaronnades sans queue ni tête, il est temps de mettre un terme à...

L'assistance recule comme un seul homme, et j'avoue reculer en même temps qu'elle : l'autre fana du jonglage vient de cracher un jet de flamme de sa bouche. Je le regarde, abasourdi, Il prend une autre gorgée de ce qui se trouve dans sa bouteille, et souffla son contenu sur la torche enflammée. Bon sang, déjà qu'il s'est pas prêté au concours de danse pour aller faire mumuse avec des quilles, si en plus il commence à jouer avec le feu, on ne va jamais s'en sortir !

...Jouer avec le feu... En voilà une bonne idée. Je me tourne vers le public, ignorant la chaleur dans mon dos, et après avoir momentanément capté l'attention de la majorité :

« Regardez bien, messieurs dames, comment mon camarade et moi-même sommes aimons jouer parmi les flammes ! »

Sur ce, je m'élance et saute en tourbillonnant gracieusement au-dessus d'un nouveau jet. Je retombe sans lourdeur en face de mon adversaire, et mes yeux rivés dans les siens, recommence à danser. D'un hochement de tête, je lui fais signe de souffler un nouveau jet. Je ne sais pas s'il a compris mon message, mais si c'est le cas, je vais pour la première fois de ma vie danser avec du feu pour partenaire. J'espère seulement que nous serons bien synchronisés...

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Ahahah ! La tête qu’il tire l’autre…Il faudrait que j’apprenne son nom à un moment d’ailleurs, ça pourrait toujours servir. Il ne l’a pas volé celle-là. Je l’ai certes complimenté sur son physique (hey, il faut bien dire ce qui est et puis je ne suis pas mauvais joueur à ce point, pas tout à fait), mais ça ne veut pas dire qu’on va devenir les meilleurs amis du monde pour autant. Il m’a tout de même balancé une sandale sur la tronche et presque insulté sur mes talents sans savoir la moindre chose sur moi, se basant sur trois minutes qu’il a pu apercevoir, du haut de sa fenêtre alors qu’il n’a pas encore assez dormi. Ça lui avait suffi à croire que j’étais un danseur aguerri, ce qui n’était absolument pas le cas. Mais là, je venais de raviver la flamme de la foule pour mes numéros (oui je sais, cette vanne est pourrie et promis m’sieur le chevalier-flic de l’humour, je ne la ferais plus) et je comptais bien en profiter…

Sauf si l’autre s’incruste dans l’histoire. Bon, je ne venais pas lui pourrir sa danse alors qu’il ne vienne pas me pourrir mes num–
Ah ouais. Quand même. Je dois bien avouer que je restais bouche bée devant son saut vrillé. J’en avais déjà vu, au cirque, par les acrobates, certaines bêtes parlantes, et même des funambules ; mais ils étaient toujours travaillés, répétés et re-répétés à l’infini pour être sûr qu’ils soient parfaits. Là, il venait de le faire, alors que je n’ai pas ajusté la hauteur de mon jet pour l’aider ou quoi que ce soit. Bon, je l’admets, il est hors compétition par rapport à moi. J’ai beau avoir certains talents, je n’étais pourtant qu’un couteau-suisse : j’ai beaucoup d’utilités, mais aucunes qui ne soient d’excellente qualité. Alors que lui était un danseur expérimenté, avec cette seule discipline dans son horizon artistique et il s’engageait à fond pour cela. Je ne pouvais que l’admirer. Et le jalouser aussi, un peu. Il avait une classe folle quand on réalisait cela.

Pendant que nos regards étaient rivés l’un dans l’autre, je le laissais danser en jouant avec mes torches. Les cracheurs de feu ne font pas que cracher du feu justement, ils jouent de leurs torches pour hypnotiser, en quelque sorte, leur public et les forcer à les regarder. Sauf que le public avait déjà les yeux rivés sur nous. Son regard était clair comme de l’eau de roche et je compris son idée. Audacieuse…Et dangereuse si nous n’étions pas synchronisés. Mais s’il me donnait un sign– eh bah voilà, il suffisait de demander. Je crachais ce qu’il me restait dans la bouche et le regardai faire son propre numéro.

Nous continuions ainsi quelques minutes encore, avant que je jongle quelques secondes avec mes torches, pour finalement les rattraper et tirer ma révérence à la foule qui applaudit.

"Merci messieurs, dames pour votre attention et votre générosité. Je vous souhaite une excellente journée en notre belle ville de Fort Fort Lointain !"

Après mes quelques mots, les gens commencèrent à se disperser, laissant parfois quelques piécettes dans la poche en cuir que j’avais posé à terre au début de ma représentation de rue et j’espérais avoir au moins de quoi acheter un peu de pain pour me nourrir. C’était ce que je mangeais majoritairement, parce que ça calait vite et bien, et ça ne coûtait pas trop cher. Ou alors du riz, quand j’avais accès à de l’eau chaude pour autre chose que ma douche. Je me dirigeais vers la poche et mon sac, plus imposant, où j’entrepris de ranger mes accessoires, hormis mon orange, cette dernière ayant fini je ne sais trop où et je préfère ne pas le savoir honnêtement. Puis je me tournais vers l’autre homme.

"Je m’incline. Magnifique performance. Mais la prochaine fois, renseignez-vous sur ce que fais votre adversaire avant de lui lancer un défi." Fini-je avec un clin d’œil en sa direction. Je lui tendis ensuite ma main droite avec un grand sourire sincère "Moi c’est Alexei. Et ton petit nom, c’est quoi ?"

J’espérais au moins qu’il me donnerait un nom…Sinon, c’est que franchement on n’avait pas les mêmes valeurs.

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

J'ai vraiment des idées stupides, des fois ! Non mais qu'est-ce qui m'a prit d'aller me jeter au milieu de torches enflammées ? Déjà, ça attire l'attention sur l'autre abruti, et surtout, c'est chaud de danser dans ces conditions. Je veux dire c'est littéralement chaud ! Je ne suis pas passé loin de perdre un sourcil lors de mon saut, j'ai vraiment eu de la chance, sur ce coup là.

Maintenant, reste à savoir si mon collègue jongleur de feu va jouer le jeu et continuer son numéro avec moi, où s'il va se dégonfler. Même si une grosse part de moi – la plus insensée, celle qui m'a poussé à me jeter la tête la première dans cette situation délicate – voudrait qu'il joue le jeu, parce qu'il faut bien l'admettre, danser en synchronisation avec des torches enflammées, c'est vraiment la classe, une toute petite voix dans ma tête me susurre qu'il vaudrait mieux mon mon intégrité physique qu'il refuse à se joindre à moi.

Bon, tant pis pour mon intégrité physique, alors, on dirait qu'il a décidé de tenter l'expérience. Je me remets à danser, mais sans rien tenter de trop extravaguant : je risque à tout moment de me faire enflammer, alors si le public trouve mes pas trop simple, il peut bien aller voir ailleurs si on y est.

Enfin, si j'y suis. Il n'y a pas de « on » qui tienne. Qu'est-ce qui me prend ? Enfin, bref, je me concentre pendant ce qui me semble être une éternité jusqu'à ce que mon partenaire mette fin au numéro. C'est fou comme le temps paraît long lorsqu'on manque de se prendre un jet de feu dans la tête toutes les deux secondes !

Éreinté par la performance, je regarde le public se disperser en reprenant mon souffle. L'autre est occupé à ramasser ce qui semble être une bourse où quelques spectateurs ont déposé de l'argent. D'après ce que j'ai pu voir, il n'a pas dû récolter une somme astronomique. Et pourtant, quel spectacle ! Les gens de cette ville sont vraiment des radins, on méritait au moins que tout le monde laisse quelque chose !

Non, non et non pas « on », il méritait ! Enfin, non, je méritais aussi quelque chose, mais c'est lui qui est payé pour se donner en spectacle, donc c'est lui qui le méritait!Même si on a travaillé ensemble et que...

Oh et puis zut, ça m'énerve, cette histoire. Je m'apprête à rejoindre mon appartement quand l'autre homme m'interpelle. Outre sa petite pique et sa familiarité qui, je suppose, est là pour me titiller un peu, son sourire a vraiment l'air sincère, tout comme la poignée de main qu'il m'offre.

Je lui serre fermement la main, histoire de quand même lui faire comprendre que je ne compte pas m'adoucir si facilement. "Kaa. Et pour ta gouverne, que tu sois un danseur ou autre chose n'a pas d'importance pour moi. La prochaine fois, tu feras attention à l'endroit où tu décides de montrer tes talents !" Je n'ai pas dit ça sur un ton agressif, parce que bon, il n'a pas l'air méchant. Sûr de lui et provocateur, mais pas méchant.

Je lui tourne le dos avec un petit rire amusé, et remonte dans mon appartement. Au passage, j'attrape une orange dans ma corbeille de fruit et la bourse où je range mes pourboires. De ma fenêtre, je vois qu'il est toujours occupé à ranger ses affaires.

"Eh ! Alexei, lui dis-je en lui lançant l'orange, je te devais une orange. Et ça, c'est pour le divertissement. Je lui lance la bourse et le regarde en haussant les sourcils. Hésite pas à repasser, si t'as encore besoin que quelqu'un te prouve que tu ne sais pas danser !"

Je ferme ma fenêtre sans attendre sa réponse, et me laisse tomber sur mon lit. Bon sang, j'espère qu'il ne va pas y avoir beaucoup de clients ce soir, je suis épuisé !

Kaa & Alexei

Casses-toi, tu pues...et marches à l'ombre!

Eh bien voilà. Ce n’était pas si compliqué, non ? Une bonne poignée de main et tout était réglé. Ou presque. Je dois bien admettre que sa poignée de main ne me fit guère l’effet d’une belle amitié naissante, mais je sentais le respect entre artiste. Pas dit qu’il m’apprécie ou reconnaisse vraiment mes talents, mais au moins il me respectait. Tout comme je le respectais grandement. Il était un artiste avec un vrai spectacle, une vraie compétence…Moi je suis un couteau-suisse, j’ai une connaissance approximative de tout. C’était pratique sur le court terme, impossible à utiliser pour ne carrière solo. C’est bien ce qui me chagrinait dans le cas présent. Mais passons. J’avais réussi à gagner quelques shillings avec toute cette histoire et je n’allais pas être un saligaud et avoir une rancune mal placée. D’où ma réponse joyeuse, avec les bras grands ouverts en invitation.

"Et me priver d’un tel partenaire de jeu ? Ça serait du gâchis !"

Puis il part, me tournant le dos et ne répondant pas à ma provocation, qui n’en n’était pas vraiment une et ça s’était senti dans mon ton. Je le laissais repartir alors que je ramassais mes affaires et comptais l’argent que j’avais récolté. Pas beaucoup plus que d’habitude, mais c’était déjà d’une grande aide. Grâce à Vassilissa, j’avais un toit, mais je ne pouvais pas dépendre totalement d’elle. Alors en attendant de trouver un travail plus stable me permettant de me trouver un logement à moi, je gagnais quelques shillings pour aider aux dépenses de nourritures etc…C’était bien le minimum que je puisse faire. Les repas et le ménage, c’est pour au moins me sentir utile. Quoi ? Je suis peut-être un sale gosse provocateur et incapable de fermer sa bouche quand il fallait, mais je n’étais pas un fainéant.

Je finissais de compter, rangeant au passage deux ou trois trucs dans mon sac, quand j’entendis mon nom être appelé. Je relevai prestement la tête et vit…Une orange me foncer dessus. Ce ne furent que mes réflexes qui me sauvèrent de me retrouver assommer par une orange. Pendant de longues secondes, je regardais l’orange, perplexe. Pourquoi il m’envoyait une orange l’autre là ? Pour se fiche de moi ? J’allais revoir mon jugement si ça continuait ! Ah non. En fait. Il est un homme que je considérais de digne. Puis je rattrapais autre chose…UNE BOURSE ? Je l’ouvris avec hâte. Je ne le croyais pas. Il venait de me filer presque autant que ce que je venais de récolter en une matinée entière. Alors là, je pourrais même acheter une bonne viande pour le repas de ce soir avec tout ça et avoir encore de la monnaie à utiliser. Je restais bouche bée un instant avant de relever la tête pour le remercier, mais il était déjà parti. Bon bah…Les remerciements, ça sera pour une autre fois. En attendant, il valait mieux que je continue ma route pour essayer, malgré ce joli pourboire qu’il venait de me donner, de gagner quelques shillings en plus ? Ca ne faisait pas de mal et puis si je pouvais alléger un peu les factures de cette chère Vassilissa, je ne voyais rien à y perdre et tout à y gagner. Alors enfilant de nouveau ma veste, je pris mon sac et repartis vers d’autres horizons…Ou d’autres rues plutôt.