Sa vie avait véritablement commencé lorsque cette main inconnue s'était emparée de son poignet alors qu'elle s'apprêtait à ramasser un champignon au cours d'une promenade en forêt. Enfin, en réalité elle avait commencé depuis bientôt quinze ans, mais jusqu'à ce jour rien de ce que l'on pourrait qualifier de palpitant ne lui était arrivé. Jusqu'à cette main brûlante et cette paire d'yeux clairs qui l'avaient surprise dans sa cueillette. Elle avait vraiment failli prendre peur. Mais il était surtout déstabilisant. Pourtant, quelques mots échangés plus tard, et sa méfiance s'était envolée en moins de temps qu'il n'en faut pour réciter l'alphabet.

Lancelot. Au cours des deux années qui suivirent leur rencontre, les deux adolescents se retrouvèrent régulièrement au cours de promenades. Au départ, Guenièvre ne s'était pas réjouie d'avoir été envoyée au couvent. Mais finalement, elle devait bien admettre qu'elle s'y plaisait. Du moins depuis qu'elle avait rencontré Lancelot. Elle finit par en tomber amoureuse, et plus rien d'autre n'eut d'intérêt pour elle. Son cœur battait aussi vite que les ailes d'un dragonneau à chaque fois qu'elle le retrouvait, et se serrait de manque à chaque nouvelle séparation. Ces deux années furent probablement les plus heureuses de sa vie...

Car toutes les bonnes ont une fin, et ces rencontres amoureuses devaient bien se finir à leur tour. Elle le comprit lorsqu'elle remarqua l'expression totalement fermée de Lancelot la dernière fois qu'elle se rendit dans « leur » clairière pour le voir. Il devait partir, et son cœur se déchira. Elle aurait peut-être du le supplier. Les choses auraient pu prendre une tournure tout à fait différente, mais entre son futur mariage, dont Lancelot n'avait pas la moindre idée, et son départ à lui... La vie n'aurait pas pu leur faire mieux comprendre qu'ils étaient destinés à se séparer et Guenièvre se résigna à accepter cette fatalité. Avant qu'il ne parte, elle lui offrit un collier qu'elle avait reçu de sa mère. Des myosotis. Ils exprimaient d'eux mêmes tout ce qu'elle désirait, et elle n'avait pas besoin de recevoir quoi que ce soit de sa part.

Le changement fut quelque peu brutal. A peine Lancelot parti, elle fut envoyée à Camelot où elle rencontra Arthur. Il était bon avec elle, et sa situation ne fut pas à plaindre. Tout allait pour le mieux pour elle, et elle réussit à se convaincre qu'il était préférable d'oublier Lancelot pour se consacrer à son nouveau statut de Duchesse et Arthur. C'était sans compter sur l'arrivée d'un nouveau chevalier à la Cour, qui n'était autre que Lancelot. Décidément, le destin aimait se jouer d'elle, de ses sentiments et la plonger dans l'incertitude. Ils décidèrent tout les deux d'opter pour la solution la plus simple et la plus facile à gérer, et faire comme s'ils ne se connaissaient pas. Pourtant, la Duchesse devait bien admettre que le voir, même de loin, lui arrachait le cœur à chaque fois.

Ses capacités à assurer son rôle et s'affirmer sont indéniables, mais tout le monde n'est pas de cet avis. C'était surtout le cas de Méléagant, qui l'enleva sans scrupules et tenta de la discréditer non seulement auprès d'Arthur, mais également d'elle même. Elle réussit tant bien que mal à conserver son sang froid même si au fond, elle était terrorisée et espérait qu'il l'épargna.

Grande fut sa surprise lorsqu'elle découvrit que Lancelot était venu la chercher et s'était retrouvé dans la cellule voisine. Il réussit à entrer dans la sienne, et c'est probablement grâce, ou à cause de la peur et l'incertitude, mais leur relation prit un nouveau tournant. Même si Lancelot et elle auraient préféré garder tout cela secret, Méléagant ne resta pas dupe et sut par un moyen inconnu à Guenièvre qu'il s'était passé quelque chose. La suite des événements lui fit perdre le sommeil. Entre le duel et le départ de Lancelot, le cours de la vie ne fut pas tendre avec la Duchesse qui se dit que décidément, le Destin devait avoir une dent contre elle. Elle avait pourtant réellement pensé que Lancelot resterait à ses côtés à Camelot. Même s'ils ne pouvaient pas s'aimer comme elle l'aurait voulu, le savoir là lui apportait un peu de bonheur.

Le départ de Lancelot eut plus de répercussions sur son état moral qu'elle n'aurait bien voulu l'admettre, et afin de contrer les pensées qui la rendaient triste et en prévention d'une quelconque autre agression, Guenièvre demanda à Arthur de lui apprendre à se battre. Le Duché lui apprit donc les bases du combat à l'épée et au corps à corps afin de lui permettre de se défendre lorsque et si la situation le lui demandait. Cet enseignement lui permit de récupérer l'assurance qu'elle avait un peu perdue après son enlèvement, et en gagna même un peu plus. C'est sûrement ce gain de confiance qui lui permit de prendre la décision de partir à Fort Fort Lointain dans le dos de son mari afin de retrouver les Denougatine et tenter d'en finir avec Morgane.