Avant de vivre près de son lac, Viviane avait déjà vécu à l’aube de ce qui serait le Far Far Lointain que nous connaissons. Peu de temps dans une vie, mais assez pour faire ses études ; elle était en classe avec un certain Merlin, qu’elle admirait. Elle voyait bien que son charme féérique fonctionnait sur lui, car le sang-mêlé semblait avoir un certain penchant pour elle – ce qui ne la dérangeait absolument pas. Il lui apprit quelques sorts, pour son plus grand bonheur, alors qu’elle-même le désirait, désirait se rapprocher de lui. Ils vécurent une longue histoire, tous les deux ; et Viviane ne rentra pas tout de suite chez ses parents après avoir terminé ses études, mais resta à Far Far Lointain quelques temps, vendant des potions, tandis que Merlin enseignait la magie. C’est peut-être ce lui éloigna, a moins que Viviane, jeune et belle, n’eut plus pour lui tout l’attachement qu’elle aurait dû avoir. Ce fut cette raison, plus la disparition de ses parents et l’héritage de la maisonnette au bord du lac, qui la poussèrent à retourner vivre près de son lac.

Elle était encore jeune, et si elle mis d’abord un peu de temps à s’adapter à cette isolation, elle apprit rapidement à l’apprécier. Viviane avait la vie devant elle, et se prenait, lors de longues balades en forêt, à espérer tomber sur LE prince, le sien, celui qu’elle aimerait jusqu’à son dernier souffle. Elle ne tomba jamais dessus et, même, alla chercher son petit « prince ». A la mort du roi Ban de Bénoïc, que la tristesse de voir sa ville de Trèbes en flamme emporta, la Dame du Lac enleva son jeune fils, Lancelot. Oh, cela ne la faisait pas rire d’enlever à sa mère l’enfant, seul famille qu’il lui restait, mais le jeunot devait être mis sur la bonne voie, celle de sa destinée.

Viviane l’éleva comme s’il s’agissait de son fils, l’aima comme s’il avait été son propre fils. C’était son petit Lancelot. Elle lui enseigna les arts et les lettres, insuffla dans son âme la bravoure, le courage, le respect, la sagesse. Elle avait pensé à tout, tout prévu, sauf peut-être l’amour. La Dame du Lac aurait-elle pu deviner que son petit protégé allait rencontrer celle qui deviendrait la femme de son roi, Arthur, et qu’ils éprouveraient l’un pour l’autre des sentiments fort et réciproques ? La fée finit bien par se douter que son cher fils – oui, son fils, puisqu’elle le considérait comme tel – n’était pas ‘‘comme d’habitude’’, et lorsqu’il lui avoua être amoureux, elle ne put qu’encourager ses sentiments. L’amour courtois n’était-il pas le fidèle compagnon des preux chevaliers ? Sans doute Viviane n’aurait-elle pas encouragé ce doux amour si son lac avait pu lui montrer de qui il s’agissait… Car jamais Lancelot ne lui révéla l’identité de la demoiselle. Compréhensive – et un peu gaga de son protégé – elle n’insista pas et compris la pudeur qui le poussait à ne pas lui donner de prénom.

Et vint le jour, le triste jour où l’enfant quitte la maison. Oui c’était elle qui le poussait vers sa destinée depuis toujours, elle qui le poussait à rejoindre la cours d’Arthur, elle qui lui accordait une ultime journée pour préparer ses bagages et profiter du lac et de la forêt, alors même que son cœur éploré ne désirait que le garder auprès d’elle. Viviane lui offrit une chevalière qui devait lui porter chance, et il partit le lendemain, avec sa bénédiction. Jamais elle ne sut rien de son histoire avec « Gwen », et elle pleura deux jours durant… Mais personne ne devait jamais le savoir.

Les jours filèrent, les années aussi. Souvent, la Dame du Lac pensait à son petit Lancelot, et s’émerveillait de ce que l’on racontait à son sujet. Ses exploits, sa bravoure, elle était fière de lui – et fière d’elle. Jusqu’à ce jour où elle apprit le départ du chevalier, la rumeur de sa relation avec Guenièvre… Il était temps pour Viviane de retourner dans « le monde », comme qui dirait. Retrouvant la maison en ville qu’elle n’avait jamais vendu, elle passa plusieurs jours à tout nettoyer et à transformer cet endroit où, bien des années plus tôt, elle confectionnait et vendait des potions en un magasin de lingerie féminin… La fée, réputée comme étant la plus calme, eu du mal à contenir sa joie lorsque tout fut terminée et qu’elle put ouvrir, mais elle se calma néanmoins rapidement ; ce qu’elle désirait plus que vendre sa lingeries de luxe, c’était mettre la main sur ce cher Lancelot.