Lancelot & Taran

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Je marche jusqu'au mendiant qui se trouve un peu plus loin sur l'avenue, toujours très énervé par ma rencontre très déplaisante avec ce client complètement abruti. Le métier de cocher, c'est vraiment une aventure en soi : y'a des hauts, comme par exemple voyager à travers le monde tout en étant payé, et surtout avoir la chance de rencontrer des tas de personnes différentes et le plus souvent très sympathiques ! Mais y'a aussi des bas, et faut pas chercher : aujourd'hui, avec ce client là, c'était un bas. Mais alors, vraiment vraiment très bas. J'espère vraiment ne plus croiser la route de ce type, parce que même s'il a échappé à mon poing dans sa face aujourd'hui, je ne promets pas de me contrôler à chaque fois. Enfin, ce qui est fait est fait, ça ne m'avancera pas de ressasser cette histoire éternellement. Je fais mon œuvre de charité en donnant la paye de ma course au mendiant, plus pour me débarrasser d'un argent que je ne considère pas avoir gagné que par pur altruisme, et retourne en direction de ma calèche.

Je ne me suis pas approché à 10 mètres que j'aperçois un petit homme tourner autour de mon véhicule, un air mauvais sur le visage. Oh, je t'assure, le vieux, c'est pas moment de venir me courir sur le haricot, si t'as un problème, j'ai assez joué le rôle du défouloir pour aujourd'hui. L'air de rien, je m'approche et fais comme si je n'avais pas remarqué l'individu qui me dévisage. Je comptais partir d'ici sans rien dire, mais apparemment, l'homme ne l'entendant pas de cette oreille, et me stoppe en m'attrapant le bras. C'est à ce moment là que je me suis dit que cette journée allait vraiment mal se terminer, et que mes instincts ne sont apparemment pas du tout fiable.

« Et dis donc, jeune blondinet, qu'est-ce qui te prend de garer ta charrette ici ? » La voix grinçante me vrille les oreilles, et je me craque le cou pour faire passer la sensation. C'est une nouvelle mode, d'appeler les gens par leur couleur de cheveux, ou c'est juste qu'ils se sont fait passer le mot pour avoir une insulte commune, aujourd'hui ? Ma patience a ses limites, et elles sont largement dépassées, aussi je réponds avec désinvolture, sans même prendre la peine de cacher mon envie de lui coller un pain dans la figure : « Qu'est-ce qui t'arrive, pépé ? T'as personne d'autre à aller saouler avec tes histoires, non ? Elle est très bien, ma calèche, elle gène personne, alors tu vas baisser d'un ton. »

Loin d'être impressionné par mon ton colérique, le vieux me défie du regard et enchaîne : « Moi, elle me dérange : ça bloque l'entrée de mon magasin, et c'est bien pour ça que tu vas foutre le camp après m'avoir dédommagé ! Tu vois pas le panneau, là ? C'est interdit de se garer ici. C'est écrit là, noir sur blanc. »

Aïe, je suis mal... Même si je sais d'avance que je ne pourrais pas déchiffrer ce qui est écrit, je jette tout de même un regard vers ce que pointe l'homme. En effet, il y a un panneau juste à côté de l'endroit où je suis garé. En règle générale, comme je ne sais pas lire, je fais toujours attention à ne pas me garer à proximité de panneaux, pour éviter tout problème. Mais avec l'agitation créée par mon précédent client, je n'ai pas dû remarquer celui-ci... Je me serais bien excusé, mais l'arrogance de l'autre type me tape sur le système, et je ne vois pas pourquoi je devrais le dédommagé à lui alors que je ne suis là que depuis cinq minutes !

Notre altercation empire, et l'attention finit par se tourner vers nous, lorsque le vieux se met à hurler qu'il va alerter les autorités et nous faire exiler sur l'Île de Graaoul, mon stupide cheval, ma calèche et moi... Je le sens mal, d'autant plus que je viens de remarquer qu'un chevalier-flic s'approche de nous. Je serre les dents, et me dis une énième fois aujourd'hui que j'aurais mieux fait de rester couché...

Lancelot & Taran

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Il ne cherchait même pas à réfléchir lorsqu’il devait en arriver à arrêter des bagarres, altercations et autres disputes en tout genre. C’était assez simple au final, séparer les deux personnes, leur dire de fermer leur gueule gentiment et poliment ou bien les menacer de faire un petit tour à la Tour d’Argent s’ils ne se calmaient pas très vite. Voire en arriver aux mains si jamais la menace de l’emprisonnement ne leur faisait ni chaud, ni froid. Et en venir aux mains ne faisait pas peur à Lancelot. Avec Ali, c’était assez fréquent pour ne pas le laisser rouiller, et en plus, avec la situation actuelle du pays, le chevalier avait bien besoin de lâcher un peu de lest alors si en plus ça pouvait lui faciliter son travail…Il n’allait pas se gêner. Il évitait pourtant de pousser dans cette direction, tout simplement parce que ça pouvait toujours risquer de lui retomber dessus, mais en plus il ne voulait pas non plus faire des blessés bêtement.

Sauf que des fois, il y avait des choses, petites, infimes et minimes, qui passeraient si facilement inaperçues, qui le faisaient flancher vers la diplomatie alors qu’il pourrait continuer dans sa lancée sans broncher. On ne pouvait pas toujours prévoir ce qui le ferait changer d’avis, à moins qu’une demoiselle soit dans l’histoire, car il était un fervent défenseur des demoiselles et ne leur ferait jamais de mal. Cependant, il allait encore une fois revoir son jugement de certaines choses aujourd’hui. Il continuait sa ronde, allant de Ragtown (qu’il traversait en redoublant de prudence étant donné que les chevaliers-flics étaient loin d’être appréciés dans le coin) à Roméo Drive, en passant par les alentours. Ce fut dans ces derniers que Lancelot croisa sa prochaine altercation à résoudre. Un jeune homme et un vieillard, tenant de la boutique devant laquelle ils se disputaient. Le chevalier s’avança vers eux, calmement, et pris la parole, coupant le vieillard dans sa tirade.

"Qu’est-ce qu’il se passe messieurs ?" le petit vieux le regarda de haut en bas, le jaugeant, puis il prit la parole.
"Il se passe que ce jeune freluquet s’est garé devant ma boutique alors qu’il est formellement interdit de le faire, comme dit sur ce panneau ! A croire qu’il ne sait pas lire, ces jeunes je vous jure !"

Le chevalier posa son regard sur le jeune homme et enregistra plusieurs choses. D’abord, que s’il ne mettait pas fin à cette dispute rapidement, il sentait que le plus jeune risquait de faire un malheur, d’accord le vieux Bonsavon était un peu tatillon et très ennuyant sur pas mal de sujets, mais de là à montrer un tel niveau d’exaspération…Jamais le chevalier ne l’aurait imaginé. D’autre part, la façon dont il se cripsa aux paroles du vieillard, particulièrement à la notion de lecture. Un rapide regard au panneau, puis au regard vers le jeune homme et Lancelot eu une suspicion de ce qui clochait dans cette histoire…

"Très bien monsieur, nous allons déplacer la calèche de monsieur et ensu-"
"Il doit me dédommager, qui sait combien de clients ont raté ma boutique à cause de sa maudite calèche !" Lancelot retint à grand peine un soupir exaspéré et il resserra sa poigne sur la garde de son épée pour rester calme.
"Vous avez des preuves ?"
"De quoi ?"
"Qu’il a fait rater votre boutique à des clients ?"
"Eh bien…Ma foi, non."

"Dans ce cas, il n’y a pas eu de faute nécessitant un dédommagement. Un simple déplacement de la calèche sera suffisant."
"QUOI ? C’est une plaisanterie ?!"
"Non Monsieur. C’est une directive d’un chevalier-flic. Sur ce, bonne journée."
"J’en référerais à la Tour d’Argent, gardez en tête que vous pourriez vous retrouver à la rue à cause de cet avorton !"
"Bonne journée monsieur !"

Lancelot n’en avait rien à faire de ce qu’avait encore à dire le vieillard de cette histoire. Il avait pris sa décision et ça valait tout aussi bien. Il ne s’en faisait pas pour son grade, il était un bon élément et vu la situation actuelle, à moins que l’un d’eux ne tuait avec préméditation quelqu’un en se faisant chopper la main dans le sac, il était très, très peu probable qu’il se sépare de leurs effectifs. Ils déplacèrent la calèche, suffisamment du vieillard, et le chevalier se tourna de nouveau vers le blond.

"Bien. Maintenant, avant toute chose : Quel est ton nom ? Je te rassure, je ne vais pas te mettre d’amende, ou même te faire la leçon ; au contraire, je t’invite à boire une bière. Pour être honnête, je ne l’aime pas non plus l’autre petit vieux…"

Ceci dit sur le ton de la confidence, un sourire sur le visage du chevalier. Son but était de mettre en confiance le jeune homme, parce qu’aborder le sujet qu’il voulait aborder de but en blanc…C’était un peu violent et l’autre risquait de se refermer comme une huître. Il laissa donc l’autre répondre, puis lui fit signe de le suivre jusqu’à une taverne des alentours. Il fit signe au barman pour deux bière et avança pour prendre place à une table. Maintenant, don défi était de trouver quelque chose à faire lire au jeune homme sans avoir l’air de le forcer…La chance lui souriait, car il repéra bien vite une petite affiche parlant de la soirée karaoké de la semaine suivante. Il n’y avait que quelques lignes, mais c’était largement suffisant pour ce qu’il voulait vérifier. Les bières arrivèrent, et il prit le temps de boire une ou deux gorgée avant de regarder l’affichette.

"Tiens, c’est sympa comme idée ça…T’en penses quoi ?" il désigna l’affichette d’un mouvement de tête. Maintenant, il n’avait plus qu’à attendre….

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Et pour bien conclure ma journée déjà bien entamée, pourquoi ne pas rajouter « A été réprimandé par les forces de l'ordre » dans la section « Joies diverses » ? Sérieusement, je crois que je vais rentrer chez moi ce soir, et m'enfermer toute la journée de demain en me goinfrant de chocolats et de pâtisseries diverses. Oui, voilà, je vais faire ça. Mais avant, je vais devoir supporter le sermon du vieillard couplé à celui du chevalier-flic, contre lequel je ne peux pas lutter : je suis hors de moi, mais je garde assez de sang-froid pour ne pas me défouler sur quelqu'un qui a le pouvoir de me jeter en prison.

Je n'ai jamais eu de problème avec les chevaliers-flics avant, pour la simple et bonne raison que je me suis toujours arrangé pour ne pas y avoir affaire. Tout le monde sait très bien que la plupart d'entre eux sont les chiens de gardes de cette dingue de souveraine, et que l'excès de zèle durant les altercations fait presque partie de leur formation, et même si je ne recule jamais devant un adversaire, je ne laisse pas mes instincts me pousser vers la stupidité. Enfin, pas systématiquement. Et puis, en ce moment, avec l'anarchie créée lors du bal, tout le monde est à cran, ce qui veut dire que la patience et la délicatesse naturellement limités de ces messieurs de l'ordre n'en sont que plus réduites. Non vraiment, il faut que je reste calme, je vais payer cet abruti de vieux, m'excuser platement, et éviter de me faire enfermer dans la Tour d'Argent. Même si ça me permettrait de me rapprocher sensiblement de Gurgi, c'est pas le moment de jeter un rebelle dans les griffes de Marraine. Enfin, de ceux qui sont en charge, quoi.

Je prends une grande inspiration au moment où le vieux crache son venin une énième fois devant le nouvel arrivant : ça va être le moment où je vais me manger deux trois remarques bien placées. En plus, personne ne voudra croire que je ne suis pas vraiment en tort dans cet histoire. « Pardon monsieur le chevalier, je sais pas lire, en fait, du coup j'ai pas compris que c'était interdit de stationner ici, haha, c'est cocasse, non, un cocher qui ne sait pas lire ? Bon, et sinon j'ai eu une assez mauvaise journée à cause d'un abruti, donc vous me laissez partir sans payer le dédommagement, parce qu'il faut admettre que j'ai rien fait, et qu'il est juste vachement pénible, l'ancêtre ! Aller, bonne journée ! » Ah, si seulement... Mais faut pas que je me voile la face, dans cette situation, j'ai le rôle du jeune empêcheur de tourner en rond qui vient créer des ennuis à un pauvre homme...

J'évite soigneusement le regard de l'autre type et crispe mes poings en entendant les accusations du fossile et je me tends carrément à la mention de ma capacité à lire. Ce que ça m'énerve... Je roule les yeux lorsque qu'on en vient au dédommagement, et lutte très fort pour ne pas écraser son nez crochu avec mon poing. Ma main se dirige vers ma bourse, parce que je sais que je vais devoir payer, alors autant en finir rapidement. Je me fige cependant à la réponse du flic : j'avais pas prévu qu'il prenne mon parti – ou du moins ne soit pas enclin à me sanctionner – et le suis après qu'il ait coupé court à la conversation avec le vieux.

Un peu hébété, je le suis sans un mot jusqu'à une taverne où il nous commande deux bières. Je sirote la mienne un peu distrait, essayant de comprendre ce que je fais là et surtout comment je vais m'en sortir. Ce n'est pas que je n'ai pas l'habitude de prendre un verre avec les toutous de Marraine, mais voilà... Je n'ai pas le temps d'élaborer une excuse pour partir, car l'homme a décidé de me faire la conversation, en me demandant mon avis sur une affiche. Oh, l'ironie ! Je me retrouve là parce que je ne sais pas lire, mais j'ai réussi à me sortir de ce faux pas, mais comme c'était trop beau pour être vrai, le destin a probablement décidé de faire en sorte que mon incapacité à lire soit la cause finale de mes soucis aujourd'hui. Et il a bien réussi son coup, parce que trop c'est trop, et je ne peux me retenir de m'en prendre à mon interlocuteur :

« Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Et puis vous me voulez quoi, à la fin ? Si c'est un plan tordu pour vous amuser avant de me mettre une amende à cause de l'autre taré, c'est vraiment pas la journée, j'ai du boulot à faire et j'ai pas le temps pour vos jeux. Alors si vous voulez parler d'une affichette, trouvez quelqu'un d'autre. »

Bravo, Taran, c'était fin, très fin, et surtout, vachement utile. Maintenant, j'ai plus qu'à serrer les dents, attendre ma sanction et surtout me taire pour ne pas aggraver mon cas...

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La réaction obtenue du jeune homme blond lui donna la réponse qu'il cherchait. Lancelot ne releva pas le ton insolent qu'il utilisa, pour la simple et bonne raison qu'il l'utilisait comme un moyen de défense. Une façon plus ou moins effective de protéger ce secret qu'il ne devait pas aimer des masses. Il savait ce que c'était. Pas sur le même sujet, évidemment, mais tout de même. Il savait ce que c'était que de cacher une chose sur soi sans qu'on aime le faire. Il le laissa s'énerver, puis reprit une gorgée de sa pinte avant de reprendre la parole, la voix plus basse, lourdement accoudé sur la table.

"Je te l'ai déjà dit, je ne te mettrais pas d'amende. Et si je te demandais ça, c'était pour m'assurer d'une chose." Il fit une légère pause avant de reprendre "Tu ne sais pas lire, n'est-ce pas?"

Pour tout dire, la confirmation tenait plus de l'accord de principe que d'un réel besoin de validation. Il se doutait que le jeune homme risquait soit de sortir de la taverne sans ajouter un mot de plus, soit d'exploser (il avait le sang chaud ce petit, il n'y avait pas de doute), soit de tout simplement se refermer comme une huître. Aucune de ces réactions ne serait bénéfique pour lui. C'est pour cela que Lancelot leva une main, comme pour couper court à toute plaidoirie.

"Je ne suis pas là pour te juger, ou me moquer de toi. Bien au contraire. Alors calmes toi. Tu n’es pas le seul qui a eu une journée éprouvante." Ce qui était vrai. Lancelot avait beau avoir l’air tout prêt à aller casser du rebelles dans les rues de Fort Fort Lointain, il ne l’était pas vraiment. Depuis très tôt le matin, à peine l’aube passée, le chevalier était dans les rues à patrouiller, à se tenir prêt à poursuivre un rebelle si l’un d’eux faisait l’erreur de montrer le bout de son nez face à lui. Il commençait à sérieusement fatiguer de ces journées sans fin ou presque…"Non, je veux même te proposer quelque chose. Parce que si je suis du genre à chercher le fond de l’histoire, tous mes collègues ne le sont pas et il serait dommage que quelque chose qui puisse se régler relativement facilement te fasse perdre de l’argent. Je peux t’apprendre à lire."

On aura tout vu. Un chevalier-flic qui voulait aider quelqu’un qui avait eu des petits soucis avec la loi plusieurs fois, même si rien de grave…De connu. Loin de lui l’idée qu’il ait en face de lui un des fameux rebelles que certaines escouades de la Tour d’Argent recherchaient sans relâche. Lancelot voulait simplement éviter qu’un jeune homme ne se fasse martyriser alors que ce n’était pas – totalement – sa faute. Cela serait bien injuste, non ?

Lancelot & Taran

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J'ai beau détourner le regard en serrant les dents pour attendre ma sentence, rien ne vient. Pourtant, ce n'est pas les raisons qui manquent à ce chevalier-flic pour me faire enfermer, me donner une belle amende ou tout simplement me passer à tabac. C'est déjà surprenant qu'il ait prit ma défense tout à l'heure contre le vieux, la plupart de ses collègues aurait donné dans l'excès de zèle sans réfléchir à la possibilité que pour une fois ce n'est pas le jeune sang-chaud qui est en tord, mais même si cet homme a plus de jugeote que la moyenne, je sais très bien qu'il ne supportera pas mes provocations indéfiniment. J'aurais presque envie de sourire à l'idée qu'à sa place, je me serais déjà casser la gueule, mais je n'ai pas le temps de m'enfoncer dans mon délire, parce qu'il semblerait que mon protecteur du moment a prit sa décision, puisqu'il se remet à parler.

Je fronce les sourcils en entendant ses paroles, d'une part parce qu'il n'a pas l'air de vouloir me coffrer, d'autre part parce que je suis intrigué. Je m'apprête à lui demander de cracher le morceau, ne supportant pas son petit suspense, mais il me devance et là, c'est l’hécatombe : d'abord, j’écarquille les yeux sous l'effet de la surprise. Personne, mis à part mes amis les plus proches à Yasen, ne sont au courant du fait que je ne sais pas lire. Depuis mon arrivée à la capitale, je me suis débrouillé pour ne jamais avoir à le montrer. Ça n'a pas été facile, d'autant que dans mon métier, si on ne sait pas lire les noms des rues où les clients veulent aller, c'est même pas la peine d'essayer. Je me souviens avoir passé près de trois semaines à me balader dans les divers quartiers, en demandant aux passants les noms des différentes rues dans lesquelles je me trouvais, et à les mémoriser une par une. C'était très long, mais j'y suis arrivé.

Puis, la surprise laisse très rapidement la place à une colère noire, et ma première impulsion est de me lever d'un seul bond, la tête bien en avant, pour lui mettre un coup : il est appuyé dur la table nonchalamment, et je pourrais facilement lui brise le nez et m'en aller sans prendre le risque qu'il me retrouve. C'est en fait ce que je m'apprête à faire lorsqu'il me coupe dans mon élan en levant la main, comme s'il avait lu ma réaction dans mes yeux. Il reprend la parole, mais les mots qu'il prononce n'ont pas d'importance pour moi : je n'ai rien demandé à ce type, qui est maintenant le premier à connaître mon secret et qui, comble de l'ironie, est un chevalier-flic alors que je suis un rebelle qui tente de faire profil bas. Autant dire que ce n'est vraiment pas le moment de faire ami-ami avec lui.

J'attends qu'il ait fini son beau discours, plus parce que j'en profite pour rassembler mes affaires que parce que je suis intéressé par ce qu'il dit, et au moment où je suis prêt à partir, sa proposition me tombe dessus aussi finement qu'un marteau frappe une enclume. Je reste abasourdi, le regardant avec perplexité : soit ce n'est pas vraiment un chevalier-flic mais quelqu'un de bien intentionné déguisé, soit il se paie ma tête, ce qui ne m'étonnerait pas du tout. Dans tout les cas, je ne peux pas... Non, je ne veux pas accepter sa proposition bien trop parfaite. C'est déjà assez humiliant de s'être fait percer à jour, je ne veux pas en plus être redevable à celui qui a trouvé mon secret, parce que je suis sûr que si je venais à accepter, je devrais le payer d'une manière ou d'une autre.

Je me lève, le regardant fixement, et lâche d'une voix qui tremble malgré moi : "Non. Allez jouer au bon samaritain ailleurs, et foutez moi la paix." Je sors en trombe de la taverne, furieux contre le monde entier, puis m'arrête soudainement en lâchant un long soupire. Je viens de passer devant la pancarte où les offres de la taverne sont affichées. Et je ne peux pas le lire. Ravalant ma fierté, je fais volte-face, rentre dans la taverne aussi brutalement que j'en suis sorti, me fonce vers la table où es toujours installé l'autre type. Je reste debout, appuyé des deux mains sur le meuble, mon visage dangereusement près de celui du chevalier-flic.

"On va mettre les choses au clair : je ne joue pas à des petits jeux, j'ai pas le temps pour ça. Si vous voulez quelque chose en échange de m'apprendre à lire, vous me le dîtes maintenant, parce que si on vient à faire un marché et que vous essayez de me faire un sale coup, chevalier-flic ou pas, je vous démonte. Et que ce soit bien clair, personne n'est au courant, et ça restera comme ça."

Mes yeux s'agitent follement tandis que je parle, scannant son visage à la recherche du plus petit indice d'entourloupe, et je peux sentir la sueur qui se forme à la base de ma nuque. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire...

Lancelot & Taran

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De ce que le chevalier avait pu voir de ce jeune homme, c'était un sanguin, qui n'aimait pas être pris par surprise. Bien. Ce dernier point, il le comprenait parfaitement. Lancelot lui-même n'aimait pas trop les surprises et serait probablement capable de réactions assez inhabituelles - en ce qui le concernait - si le cas se présentait. Cependant il devait bien avouer avoir rarement rencontrer une personne pouvant avoir des réactions aussi épidermiques...quand bien même, sa proposition tenait toujours. Et il lui fallait maintenant attendre la reponse du jeune homme.

Dans l'attente de la dite réponse, le chevalier garda ses yeux sur le visage du blond, ne laissant rien paraître. Après tout, lui n'avait rien à perdre dans cette histoire; il ne faisait que proposer ses services. Si l'autre refusait, il trouverait cela dommage pour lui, savoir lire pourrait s'avérer utile, cependant il n'allait pas le forcer s'il ne le voulait pas. Lancelot repartirait en vadrouille sans jamais remettre le sujet sur le tapis et sans que cela ne l'empêche de dormir. S'il lui disait oui, eh bien il savait qu'il rendrait service au jeune homme et il ferait tout pour lui apprendre à lire, en espérant qu'il accepte un peu mieux les critiques constructives que les remarques...

Finalement, la reponse arriva et le chevalier hocha la tête, lui faisant comprendre qu'il avait compris. Que pouvait-il ajouter de plus? Il avait pris sa décision et le brun avait autre chose à faire que tenter de le convaincre d'accepter. Après tout, il semblait s'en sortir correctement sans savoir lire, tant mieux pour lui. Il le regarda quitter la taverne et pris une gorgée de sa boisson avant de reposer son verre, un sourcil haussé dinterrogation en voyant le jeune homme revenir comme une furie dans la pièce, un air décidé (et pas forcément heureux par ailleurs) sur le visage. Le brun leva les yeux pour croiser ceux de son interlocuteur et un léger sourire se peignit sur son visage. Un sourire simple, pour signifier qu'il était content du changement d'avis du jeune homme. Il hocha de nouveau la tête avant de prendre la parole.

"Ce sont des termes corrects. Je te laisse même le choix de l'endroit. Le quand sera à definir selon nos emplois du temps respectifs" Car il ne pouvait pas trop se permettre d'avoir des horaire fixes vu la situation de la ville en ce moment. "La seule chose que je te demande en retour est de faire attention. Est-ce que je pourrais au moins avoir un nom?" Il eut à peine le temps d'attendre la réponse qu'il entendit l'écho d'une bagarre un peu plus loin dans la taverne. Les affaires reprenaient visiblement...il soupira, termina rapidement sa boisson et se leva, replaçant son chapeau sur sa tête dqns un même mouvement "il semblerait que j'ai du travail. N'hésites pas à me contacter quand tu voudras."

Et sur ces quelques mots, il se dirigea vers la bagarre en cours, bien décidé à la faire cesser ou, au moins, à faire sortir les gens dehors...