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FORT FORT LOINTAIN A FERME SES PORTES.
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FORT FORT LOINTAIN

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⊱ from past to present EmptyDim 30 Nov - 2:17




Elis & Dragée

Il est tard, la nuit est tombée sur le royaume comme on enveloppe un enfant sous un drap de soie, le laissant s’évader dans de doux songes remplis d’étoiles. Mon Poucet doit être endormi maintenant, et je me demande, comme souvent, à quoi il peut bien rêver. Je dors à la cour en ce moment, pour que l’on me voit un peu plus en compagnie du prince. J’en viens immédiatement à penser à Elis, qui doit bien en rire dans sa barbe. Je doute qu’il sache que tout ça n’est qu’une frasque, mais je le connais assez pour savoir qu’il doit bien s’en amuser, si ce n’est s’en moquer éperdument. Que suis-je pour lui aujourd’hui ? Une erreur, une page tournée, un souvenir. Ou rien. Il a du en connaitre des dizaines après moi, et les aimer, comme moi, comme si je n’étais pas différente. Les ruines flambantes furent une épreuve, malgré le déni total qui m’envahissait. C’était comme si toutes ces années passées sans lui s’étaient envolées, comme si rien n’avait changé. J’étais toujours cette gamine obnubilée par un Cailloublanc. Incapable de rester impénétrable quand ses yeux se posèrent sur moi. C’était chose facile d’oublier ça lorsqu’il était loin, ça l’est moins maintenant qu’il est là. Et j’appréhende chaque jour, craignant et désirant à la fois le croiser quelque part, à chaque instant. Cette affreuse sensation de manque, de papillons qui me dévorent les entrailles et se jouent de moi. Quand je passe des heures à me préparer, que je tiens le bras du désirable Charmant en dévalant les escaliers durant un bal, mes yeux se posent partout sauf sur celui qui prétend être mon fiancé. Ils cherchent ce garçon qui ne vient jamais.

Ma main tremble sur cette poignée de porte, je ne peux contenir les secousses qui gangrènent mon coeur, le tremblement qui fait écho sur ma peau. Un rictus s’échappe de mes lèvres, en pensant aux mains qui d’ordinaire se posent sur ce bois. Des mains rêches, des mains d’hommes qui manient le métal et l’acier. En comparaison, ma main parait bien pâlotte, bien fébrile. Il y a peu de lumière à l’intérieur, les forges doivent être éteintes à l’heure qu’il est. Mais qu’est-ce que je fais là ? Je ne sais plus ce qui m’a amenée ici, devant l’armurerie. Une folie. Un instinct probablement idiot qui aura tant fait de regretter son acte. Mais comment le savoir, si je ne tente rien ? J’agrippe la poignée et la tourne, avant de pousser la porte. Elle n’est pas fermée, il est trop tard pour faire marche arrière. Des odeurs de sciure, de fer et de rognage enveloppent bien vite mes narines. La chaleur est presque étouffante dans cet endroit. J’avance de quelques pas en découvrant ce lieu dans lequel Elis forge ses armes, caressant délicatement du bout des doigts chaque matériau à portée de mes mains. Outils de mort. Il leur donne la vie tandis que ceux-ci la reprennent, assénant mort dans chacune de leurs histoires, ne portant des noms que de bourreaux. Je me demande vaguement, s’il pense parfois à ça. La pièce est vide. J’en soupire de soulagement. Finalement, il n’était peut-être pas temps que l’on se fasse face. Peut-être qu’il vaudrait même mieux que ça n’arrive jamais. Si Poucet savait où je suis, il me détruirait. Je ne peux pas risquer de perdre sa confiance plus longtemps, je ne peux pas jouer avec les sentiments des frères. J’ai fait mon choix, il y a longtemps. J’ai délivré Elis d’un fardeau qu’il aurait eu à porter, sans plus d’explications. Je l’ai laissé là, dans ses maux, je l’ai abandonné quand je promettais de ne jamais le quitter. J’ai déjà fait mon choix, et il n’y a rien qui pourra rattraper ça. Mais peut-être qu’il pourrait me pardonner, qu’il pourrait cesser de me fuir. Un craquement surgit de l’ombre et mon corps réagit immédiatement, faisant volte-face. Silence. Le poids du monde pèse sur mes épaules. Je dégage doucement mon visage de ma capuche, faisant bruiter la cape dans l’air. « Je suis désolée. » Il est là, planté face à moi comme ce jour où je l’ai abandonné. Ce sont les mêmes sensations, les mêmes remords déjà éprouvés. Les mêmes désirs, et surtout les mêmes pensées. Rien n’a changé et pourtant tout est différent. Elis ne me regarde plus comme avant. « C’était ouvert. » Ma voix est tremblante, incertaine. Telle une gamine qui aurait fait une bêtise, prise en flagrant délit. Je n’ai d’autre bouclier que mes mots. Je n’ai aucune défense, face à lui. Je ne suis rien, ni personne. Il n’y a pas de duchesse, de princesse ni de fée. Il n’y a que Dragée, démunie comme une enfant, comme l’adolescente qui l’aimait aveuglément, innocemment, ce Cailloublanc. Je noue mes mains entre elles et reste plantée comme un piquet, ne sachant que faire. Partir, sans plus de mot, ou attendre patiemment qu’il daigne me parler. J’ai peur. Plus encore que lorsque Poucet est touché par une lame. J’ai peur de recevoir pire que du métal.
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⊱ from past to present EmptyMer 17 Déc - 19:28




Dragée et Elis

quand la justice n'est plus possible, il ne reste qu'un choix : pardon ou vengeance.

C'était une habitude. Le sixième Cailloublanc ne s'en rendit pas compte, tandis qu'il faisait le tour du propriétaire, mais au fil des années, c'en était devenu une. Une habitude d'adulte, sérieuse et utile, alors que toute sa vie il ne s'était sentit ni l'un ni l'autre. Il était fini, le temps des enfants. Il n'en était plus un. Parce que les enfants ne vérifiaient pas tout. Ils continuaient sur leur lancée sans prendre la peine de jeter un coup d’œil en arrière puisque de toute façon, rien n'avait d'importance, quand on était enfant. On se fichait de ce qu'on avait eu, et de ce qu'on avait perdu. On se fichait de ce qui pourrait bien se passer si, parce que l'angoisse n'était pas de la partie. Aujourd'hui elle l'était. Aujourd'hui, Elis faisait attention. Il contrôlait ce qui s'était passé, il réfléchissait. Et maintenant qu'il y pensait, c'était vrai qu'on perdait beaucoup de choses dans une vie. Des clés, une idée, un visage, des bouts de palpitants battant encore – souvent pour un autre, des bougies qui s'éteignaient parfois toutes seules, ou parfois pas, et qui brûlaient notre maison, qu'on oubliait aussi, avec le temps, l'alcool, l'avenir qu'on forgeait de ses mains déjà bien abîmées par les épreuves du passé. Pour éviter tout cela, il fallait déjà en avoir conscience. Il fallait pouvoir la dresser, la liste des égarés. Et Elis n'y parvenait toujours pas, bien qu'il fasse semblant que si, et que cette feinte dupe tout le monde, y compris le forgeron qui avait cru pendant longtemps pouvoir gérer. Alors qu'il ne l'avait jamais réellement fait. Il jouait simplement à l'adulte, et dans cette manière de faire il ressemblait à son frère, qui était lui un piètre menteur, mais qui savait reconnaître les imposteurs quand il en voyait un. Au final, il n'y avait que de la nostalgie dans leurs deux vies entremêlées, malgré toutes les épreuves endurées, malgré les coups de l'enfance, parce que si cette dernière avait été houleuse, elle pouvait au moins se vanter d'être bien réelle, alors que l'avenir, qu'avait-il pour lui ? Elis ne savait même pas ce qu'il adviendrait de Poucet, qui plongeait irrémédiablement par le fond. Quant à lui, cela ne l'intéressait plus. Il avait peut-être la vie rêvée pour le plus honnête des bougres, il était humain, il était apprécié, il gagnait sa vie, et n'avait pas de soucis à se faire. Mais quoi ? Qu'était maintenant son existence sur terre ? Une routine, une légère blessure qui s'infiltrait dans le cœur nuit après nuit, parce que c'était cela., la vie rêvée. C'était voir ses proches crevés dans des fossés, ou s’autodétruire, sans rien faire parce qu'aider aurait compromis au bon déroulement de notre propre vie. C'était s'occuper de soi, fonder une nouvelle famille, qui empoisonnerait les autres au profit de son propre bonheur. Et se taire surtout, avancer tête baissée, ne pas faire de vague pour obtenir un petit quelque chose à la fin, bien qu'Elis ne sache pas quoi. En tout cas, il savait ce qu'il possédait à ce jour. Et quoi qu'il en dise, et malgré toute la bonne volonté du monde, dans les méandres de son esprit sa conscience le lui disait : cela ne lui plaisait pas. Il n'était pas satisfait de son sort. Peut-être était-ce pour cela d'ailleurs qu'il vérifiait chacun de ses passages, comme il le faisait en ce moment même à la forge, prêt à rentrer chez lui après une longue journée de travail.
Pour espérer retrouver quelque chose qu'il avait omis. Une erreur laissée pour compte, parmi tous les visages oubliés, tous les souvenirs effacés.
Il éteignit la dernière flamme présente dans le fond de l'atelier, en prenant bien soin de tout observer pour déceler la moindre faille dans cette pagaille ordonnée qu'il côtoyait tout le temps et dont il s'était attaché, parce que c'était plus facile de s'occuper des objets de métal que des personnes qui les étaient chères. Et une lame, émoussée ou non, coupait bien moins que la plus éphémère des larmes.
C'était apaisant, d'être ici. Même sans Cinead, qui devait divaguer dans la rue, trop pressé de s'en aller pour daigner attendre son maître, Elis se sentait bien mieux que tout seul, chez lui. La forge était vivante, le jour comme la nuit, et le feu qui y habitait toujours suffisait à lui réchauffer le cœur. Ce dernier continuait à rougeoyer malgré le manque de combustible, et redeviendrait brûlant le lendemain, parce qu'il n'y avait aucun répits ici. Au final, c'était un peu comme dans la vie. Mais en plus doux. Oui, Elis le savait maintenant. Il était plus doux de forger des armes que le plus infime bout d'existence. Ce fut ce qu'il se dit lorsqu'il s'apprêta à partir mais que la porte s'ouvrit sans qu'il ne la touche. Fronçant les sourcils, il resta immobile, dissimulé dans l'ombre durant quelques instants, assez pour voir son monde s'effondrer sous ses yeux interrogateurs. Voilà que ça recommençait. Le malin se jouait de lui, une nouvelle fois, car c'était son inlassable devoir. Le même spectacle que dans les ruines flamboyantes. Une fée, exactement là où elle ne devrait pas se trouver, dans son champ de vision en l’occurrence. C'était bien plus amusant de cacher les souvenirs plaisants d'une personne pour ne lui montrer que les mauvais. Pourtant ici, même le malin fut duper par le bouclé. Car ces souvenirs-ci n'étaient pas que détestables. Pendant longtemps, Elis s'était juré de ne plus voir la fée qu'avec ses traits démoniaques et puis de plus en plus flous, si lointains que ses songes en étaient devenus apaisés. Une longue rémission, semée d’embûches, et d'échecs cuisants, mais qui avait aboutit à quelque chose. Cailloublanc ne savait quoi, mais de toute manière cela n'avait pas d'importance. C'était juste une saveur à la fois amère et agréable, qui ne le dérangeait plus.
Plus trop, en tout cas.
Il lui avait fallu le répéter des centaines de fois pour bien vouloir y croire.
"Je suis désolée." Étonné, il s'était avancé inconsciemment pour finir à découvert, comme le marin réfléchi se laissait finalement avoir par le chant de la sirène. Il ne pourrait plus reculer à présent. Et elle non plus. Elle avait parlé la première. Elle était là. Et même pas par hasard. Cela se voyait sur son visage de poupée qu'Elis avait aimé, autrefois. Jadis. Il y a très longtemps. Elle l'avait abandonné avec ces mêmes paroles, pensait-elle le retrouver avec ces dernières ? Le forgeron y réfléchit plus que de raison, et cela fut la cause de son irritation. Qu'il aurait aimé pouvoir se montrer calme et stoïque en sa présence. Comme si rien ne le touchait plus venant de sa part, alors que des années auparavant il aurait vendu son âme au diable pour avoir le plaisir de l'entendre dire qu'en effet, elle était désolée, et que c'était de sa faute, et qu'elle allait enfin lui donner de véritables explications, et non des bribes d'histoires qu'elle n'avait même pas cru elle-même.
Peut-être qu'encore aujourd'hui, il aurait été prêt à faire un pacte avec ce même démon.
Il chassa néanmoins bien vite cette pensée de son esprit. Il fallait être adulte. Il fallait rester droit, et humble. Il fallait. Tout simplement. "C’était ouvert." Elle l'aida dans sa besogne, en le ramenant à la réalité, qui tout de suite l'obligea à répondre, parce que c'était ainsi, et pas autrement. Il fallait se protéger. "Et bien ça ne l'est plus, je suis en train de fermer." Il se remit en marche, en pensant muscles qui se défroissent, jambes qui reprennent leur rôle, qui avancent, avancent, passent à côté d'elle sans la voir
ou juste un petit peu. Un regard.

Il attrapa sa besace dans un autre coin de la pièce, dans la seule optique de ne pas lui faire face, pourtant c'est ce qu'il fit finalement, parce qu'il y eut bien un instant où la besace était passée derrière son épaule, et la forge bien sage, bercée, presque endormie. Il y avait bien un instant où on devait faire ce qu'il y avait à faire. "Il est tard, Dragée." ajouta-t-il donc, en posant ses yeux sur sa silhouette, d'un ton si peu détaché que celui lui fit peur. Si peur qu'il en devint las. C'était il y a si longtemps. Et pourtant. "Qu'est-ce que tu fais ici ?"
Et pourtant elle lui brûlait encore les lèvres.
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⊱ from past to present EmptyVen 2 Jan - 2:11




Elis & Dragée

C’était il y a longtemps. Nous ne connaissions pas la rancoeur, le dégoût ou la haine. Nous ne savions rien du monde. Nous respirions nos propres souffles, échangions nos battements grondants, qui se mêlaient pour se frotter sur la même note, le même grain d’univers. Le bonheur nous aveuglait et nous empêchait de marcher un pas après l’autre. Nous avancions en même temps, à reculons, sans jamais voir plus loin que le bout de notre inconscience. Notre innocence, notre ignorance. Rien n’avait d’importance. Nous étions des enfants. C’était il y a longtemps et pourtant, je n’ai pas oublié. Je n’ai jamais plus ressenti un tel sentiment de sécurité qu’à ses côtés. Je n’ai jamais plus touché un homme comme je posais mes mains sur lui. Je n’ai jamais plus regardé quiconque avec cette envie détachée, honnête. Je n’ai jamais plus été pure, entière. Complète. C’est une moitié d’âme, un morceau de chair qui ondule dans le néant, fragile, tremblotant en attendant d’être recousu à la pointe fine d’une aiguille. Comme elle pique, cette aiguille. Elle brûle, déchire puis cautérise, jusqu’à la prochaine saignée. Les hommes sont vulnérables au moindre frôlement. Un palpitant effleuré et il n’est plus qu’un tas de cendres. Si j’avais su dans quoi je m’engageais à l’époque, les choses se seraient certainement passées différemment. Et qu’est ce qu’un destin, si ce n’est un mince copeau de bois, bancal entre deux rives, une branche jonchée d’épines qu’il nous faut traverser sans flancher. Une frontière fragile, une aile délicate de papillon, et tout s’écroule.

C’est une encre qui s’échoue dans ma poitrine, un roc qui m’assène le foie, me noue les tripes. Je me sens retenue prisonnière au sol sans aucune issue, aucun moyen de m’échapper. Il est trop tard, trop tard pour reculer alors qu’il avance. Alors que son visage se dessine peu à peu, que ses traits prennent forme sous la lumière et ébranlent la forge entière. Elis est là, tel un inconnu. Si proches et pourtant si loin. Je ne le connais plus, l’amour de jeunesse. Il a vieillit, et les rides du temps ont fait leur chemin. Les deux coeurs candides ne sont plus. Je pourrais presque entendre murmurer leurs supplications, leurs prières envers nous d’arrêter, arrêter avant le carnage. Le massacre. « Et bien ça ne l’est plus, je suis en train de fermer. » Si ce sont des mots, je ne reçois que des fragments de verre qui martèlent et résonnent sur ma peau. L’écho grinçant glisse pour me rendre livide. J’entends la haine derrière sa voix, et les râles d’agonie de mon coeur qui répondent en silence. Il s’approche, agrandissant pourtant la distance, le regard fuyant. Mes pupilles le suivent, timides, observant tous ses gestes, tout ce qu’il fait. Décortiquant chaque millimètre bouillonnant de son corps. « Il est tard, Dragée. » Sec, cassant. Il marque une pause avant de prononcer mon nom, comme si le simple fait de le chuchoter lui arrachait la gorge. Il est loin, le temps où il chantait mon nom. C’était il y a longtemps. Je me rappelle notre rencontre, un air curieux, méfiant sur son visage puis détaché. Le petit garçon a bien changé. Au fil du temps il s’est résigné, a supporté puis apprécié ma présence, jusqu’à ne plus s’en passer. Il devenait un homme, frêle, délicat comme tous les autres. Dépendant et docile envers sa promise. Pas un jour ne passait sans que je ne reçoive un sourire de lui, un baiser, une caresse. Prêt à tout donner, jusqu’à la vie. Prêt à tout subir, jusqu’à la mort, ou pire. Mais c’était il y a si longtemps. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Je ne sais pas. Je me suis moi-même posé la question avant de franchir cette foutue porte. Désormais j’ai peur. Mon palpitant bouille, pas très loin de finir écume. J’ai du mal à soutenir son regard sans sentir le poids du monde sur mes épaules, sans regretter un seul passage de mon existence. Qu’est-ce que je fais ici ? Mes pas m’ont amenée naturellement à lui, discrètement dirigés par mon esprit vicieux. Comme si quelque part, il me dictait de finir ce que j’ai commencé. « Je pensais, peut-être, trouver une lame pour mon champion. » Mensonge, et mal mené. Aucune crédibilité ne se ressent dans ma voix, et il est temps que je reprenne le contrôle avant de m’échouer dans les torrents de mon âme. J’avance lentement, frôlant les murs, m’éloignant de cette porte comme pour signifier que je n’ai pas l’intention de m’en aller. Une cage, une proie, un prédateur. Les rôles s’inversent si facilement. Je n’ose pas même me reprendre, prononcer le nom de Poucet reviendrait à réaliser qu’il reste encore quelque chose qui nous unit, ou nous sépare. Il est trop tôt pour faire face à la réalité et au passé. Un pas après l’autre, ma robe rampe et chasse la poussière du sol jusqu’à ce que j’arrive à me poster derrière une table. Je fais mine de m’intéresser aux instruments qui s’y trouvent et pose mes doigts ici et là, imitant l’intrigue dans mon regard. « Je ne voulais pas être envahie de monde, j’ai simplement attendu qu’il n’y ait plus de clients. Tu ne vas quand même pas dire non à une duchesse ? » Mes yeux sont las, baissés, partout sauf sur lui. Ma voix reprend son assurance tandis que mes ailes cessent de fléchir. Rester droite, humble et fière. Dure et impénétrable. Aussi bornée que les flammes. Ce n’est qu’un homme parmi tant d’autres. Je relève le menton pour lui faire face, et lui octroie un léger sourire en coin, pétillant de victoire. « Allons Elis, on ne va pas continuer à s’ignorer, nous ne sommes plus des enfants. » Nous ne sommes plus des amants.
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⊱ from past to present EmptyDim 18 Jan - 18:06




Dragée et Elis

quand la justice n'est plus possible, il ne reste qu'un choix : pardon ou vengeance.

C'était difficile, de faire semblant. Ça durait un temps, ça fonctionnait et puis du jour au lendemain ça se démasquait. Ça s’effritait, pour tomber en ruines et en morceaux. Elis aurait voulu avoir eu l'occasion de remarquer les fausses notes de cette histoire, bien avant que tout ne dérive au profit de la noyade. Mais il n'avait pas eu ce don qui lui aurait évité de perdre bien des moments de sa vie, car s'il avait vu plus rapidement que sa fée se moquait de lui, il n'y aurait eu ni les larmes ni les regrets. Ni la douleur, qui s'était frayée un chemin au milieu de la nuit pour ne plus jamais repartir, ni cette nostalgie du bonheur qui elle s'était évanouie en même temps que leurs illusions. Tout aurait été alors bien différent, à commencer par ce qu'il ressentait à cet instant précis, dans cet endroit qui se refermait habituellement sur lui pour lui procurer une protection sans faille. La forge était son repaire, son bouclier. Elle ne laissait passer aucune souffrance, aucune tristesse. Il n'y avait pas de passé, juste une enclume qui ne flanchait jamais sous les coups du marteau. Ici, elle l'étouffait en son sein, même si la fumée qui se dégageait de l'âtre flamboyant ne se voyait pas, elle se ressentait, âcre, dénudée de tout noble sentiment autre que le désir de détruire ses poumons, faire réapparaître à la surface ses songes, sylphides noyées, fantômes de tous ces sourires et ces rires qu'ils avaient bien pu partager. Elis espérait que la petitesse de l'instant fasse éprouver à Dragée les mêmes sensations, la même torture, car elle, le méritait. Elle seule. Après tout, c'était la fée qui avait agrandit son monde d'un tourbillonnement d'ailes, pour le réduire en une carcasse sanguinolente aussi vite qu'elle l'avait rendu magique. Il pouvait se la remémorer à sa porte, Poucet sur les talons, même s'il avait tenté d'oublier, sans jamais y parvenir. Dragée avait ramené un bout de son cœur à la maison.
Elle avait par la suite pris tout le reste.
Tout en soutenant son regard ardent, il arrivait sans peine à se rappeler sa propre méfiance à son égard, malgré le fait qu'elle était apparue dans son existence avec un présent bien plus important que tous les autres. Un instant il songea, comme de nombreuses fois auparavant, qu'il aurait du continuer à se méfier. Si on lui donnait la chance de recommencer une nouvelle fois, aujourd'hui même, Elis s'en portait garant, il s'arrangerait pour ne pas refaire les mêmes erreurs de parcours, et ce tournant décisif, il ne la raterait pas. Pas cette fois. Il verrait le mur qui s'était rapprocher petit à petit, invisible aux yeux de l'adolescent qu'il était. Il verrait le danger là où il n'avait vu que l'éternité.
Ou retomberait encore une fois, parce que la vie était un éternel recommencement, cercle vicieux où on faisait face aux mêmes guerres, aux mêmes personnes, aux mêmes instants, aux mêmes mensonges. Cela le rendait bien las. Cette pensée même le fatiguait, mais ses yeux demeurèrent impénétrables, glaciales comme la silhouette qui lui faisait face. Inaccessible. Elle parla. Il aurait voulu qu'elle hurle, qu'elle pleure, au moins une fois, une seule et unique fois, pour voir s'il y avait un peu de l'humain en elle. Pour voir si derrière ce doux reflet glacé, il y avait eu au moins un peu de sincérité. Ce ne fut pas le cas. Ils s’embourbèrent un peu plus dans leurs mauvaises feintes. Descente aux enfers répétées mainte et mainte fois. "Je pensais, peut-être, trouver une lame pour mon champion." Il se tut, et un sourire vicieux se dessina sur ses lèvres sèches, comme si ce seul petit geste médisant avait pour rôle de répondre à cela, alors que tant de mots bouillonnaient dans sa gorge. Son regard se perdit dans l'observation de ses faits et gestes, qui visaient à meubler l'instant, comme ses paroles qui ne menaient à rien ou juste du vide. C'était ce qui restait d'eux, après tout. Des enfants qui se tenaient la main pour ne pas s'enfuir, ou juste ensemble, et qui avaient fini par se trancher les doigts un à un afin de se détacher l'un de l'autre. Ça avait été efficace. Ses sentiments fantômes malmenaient encore sa pauvre carcasse. "Je ne voulais pas être envahie de monde, j’ai simplement attendu qu’il n’y ait plus de clients. Tu ne vas quand même pas dire non à une duchesse ?" Lui dire non. Elis ne lui avait jamais dit non. Il eut envie de rire pour lui faire face. Pour se retrouver dans le même registre pitoyable qu'elle, s'il ne s'y trouvait pas déjà, jusqu'au cou qui plus est. Il eut envie de rire au nez de ce qui avait représenté autrefois son avenir entier. Mais il ne le fit pas, parce qu'il se rendit compte que ce n'était pas amusant du tout. Après tout, Elis s'était vu à ses côtés, pendant très longtemps. Il s'était imaginé de nombreuses fins, toutes lointaines, toutes bien trop belles. Il aurait aimé l'avoir pour lui, et surtout pour toujours, il aurait aimé devenir sien, pourquoi pas avoir des enfants. Il aurait aimé, tout simplement. Et Dragée n'aurait peut-être pas été une duchesse, mais il l'aurait fait reine.
Lorsqu'il se rendit compte qu'il pensait à ces idées d'un autre temps, déjà mortes et enterrées, le forgeron se reprit comme il put, même si le sourire qu'elle lui offrit était le reflet du sien, et que cela faisait mal, de la pire façon qui soit, de se dire qu'on en était arrivé là.
"Allons Elis, on ne va pas continuer à s’ignorer, nous ne sommes plus des enfants." C'était étrange, d'entendre son nom de cette voix-là. C'était comme revenir en arrière, et constaté que peut-être qu'en effet, ça n'avait plus le même goût qu'avant. Le rire qui franchit la barrière de ses lèvres fut aussi amer que cette observation. "Tu as raison, on devrait arrêter de s'ignorer, au moins ainsi on pourrait se concerter sur ce qu'à besoin mon frère ou pas." Ce n'était pas son champion. C'était son frère. Ce petit bout de palpitant qu'elle lui avait redonné. Pour mieux le reprendre plus tard. Ses sourcils se haussèrent, pour ponctuer ses paroles où un certain sarcasme s'était glissé. Il aurait aimé que non, mais elle avait raison. Ils étaient devenus des adultes, avec le lot d'idioties qui allait avec. "Poucet a déjà une lame. Une lame que je lui ai faite." reprit-il d'un ton catégorique, toujours immobile, comme si par ce simple geste il se protégeait de la créature qui menaçait de le dévorer. Une nouvelle fois.
Éternel recommencement.
"Alors je te dirai non." Un jour. Peut-être. Ce soir, les mots ne valaient même pas la peine. Tout était déjà dit,
écrit depuis longtemps.
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⊱ from past to present EmptyMer 28 Jan - 1:13




Elis & Dragée

L’existence peut se résumer à peu de choses. Mais il y en a une, une qui dépasse l’entendement. C’est la fin, la fin de toute chose. Nous vivons tous avec cette crainte impérissable. Celle d’arriver au bout, de disparaitre sans laisser de trace. Même les personnages d’un conte de fée ou d’une mélodie de choeur nagent dans un océan d’attente. Nous marchons, tels des funambules, sur un fil invisible. Il n’y a pas de vérité dans l’aperception des choses. Seulement l’ignorance, la curiosité, et enfin l’appréhension. C’est dans cette triste évidence que l’on donne un sens à ce qui n’en a pas, que l’on se fixe des objectifs, des ambitions, si futiles soient-ils. Combler le vide, le néant. Habiller ce que l’on ne peut pas voir, mettre un nom sur ce que l’on ne peut pas toucher. Dans l’espoir d’exister au yeux des autres afin qu’ils nous renvoient notre propre reflet. En être fier. Mais cela fait longtemps que j’ai abandonné ma dignité et mon honneur. Si j’ai choisi un chemin tumultueux, semé d’embûches et de regrets, c’est pour arriver à cette fin en me disant que j’ai accompli une chose. Une chose qui me ronge les os et la chair depuis si longtemps. Une chose qui me pourrit les entrailles et me maudit le coeur. Regarde moi brûler, Elis. Regarde ce que tu as laissé s’envoler. J’aurais été reine, à tes côtés. Je ne peux pas te blâmer, pour ce que tu n’as pu empêcher. Je ne peux te blâmer pour mes erreurs, mes pêchés. Mais j’aurais voulu, j’aurais aimé que tu comprennes dans un regard, j’aurais voulu que tu viennes me chercher. Je voulais une existence qui compte. Même si, dans une autre vie, j’aurais voulu marquer ton monde différemment. Je t’ai laissé une empreinte qui rime avec haine et amertume. Dans tes rétines je ne suis qu’une ombre. Le souvenir d’une lamentation. Si seulement tu me voyais brûler. Tu comprendrais.

Ton rire amer. Douleur lancinante qui submerge l’épiderme et atteint les veines. En sommes-nous réduits à ça ? Ce n’est plus de l’ignorance, mais un mépris non dissimulé. Une bonne revanche sur ce que je t’ai fait, n’est-ce pas ? Si c’est un duel que tu veux, je ne te suivrai pas. J’ai baissé les armes en ce qui te concerne. Je suis épuisée d’avoir dû tant te faire souffrir sans me retourner. Lassée, de ton sarcasme. Je te laisserais me planter ce que tu veux si c’est pour te sentir mieux. Mais est-ce vraiment suffisant ? « Tu as raison, on devrait arrêter de s'ignorer, au moins ainsi on pourrait se concerter sur ce qu'à besoin mon frère ou pas. » Je vois un frère qui subit trop pour ce qu’il peut supporter. J’entends un frère qui respire la haine et les regrets à plein nez. Je sais, Elis. Je sais ce que tu dois te dire. C’est enfoui dans ton coeur mais j’entends ses hurlements. Je t’ai volé ton frère. Mais ne fais pas semblant. Il n’y pas de barreaux qui te retiennent, aucune cage qui ne t’assène. Tu pourrais me l’enlever, si tu le voulais. Tu pourrais le reprendre et t’enfuir avec lui, l’emmener loin de moi si tel était ton souhait. Pourquoi ne le fais-tu pas ? Le besoin dis-tu. Ce n’est pas d’une lame dont Poucet a besoin, mais de toi, de moi. Et tu ne pourras rien y changer. Je suis désolée. Désolée d’avoir débarqué dans ta vie pour y laisser une marque indélébile, creusée au fer rouge. J’ai chamboulé ton monde comme tu as chamboulé le mien. Maintenant qu’on y est, que nous sommes face à face, vidés, ne pourrais tu pas me pardonner. « Poucet a déjà une lame. Une lame que je lui ai faite. » Mes yeux t’évitent, fuient même le son de ta voix. Si dur, si froid. Quelque part, j’ai envie de te laisser gagner. Ce serait la chose juste à faire. Quelque part. Mais tu sais au combien je préfère la facilité, et me cacher derrière la silhouette de celle qui a le contrôle. Je relève nonchalamment mon visage vers toi, glissant au passage une boucle de cheveux derrière mon oreille. Mes lèvres se tordent en une moue qui dévoile mon trouble mais je ne fléchis pas. Pas même pour toi. « Alors je te dirai non. » Dogmatique. Radical. Derrière tes mots sont dissimulés une petite vengeance. Je n’ai plus d’emprise sur celui qui était un jour mon univers tout entier. Tu t’en es allé. Des coquillages qui se ferment, se protègent. Pour rien au monde, ils ne laisseraient sortir leur perle. Quelle honte, elles se sont fissurées, avec le temps. Bien que la forge soit endormie, j’entends un feu crépitant dans mon palpitant. L’ardeur ne s’est pas évanouie. Le magnétisme n’en aura jamais fini. Je serais toujours liée à toi quoique tu dises, quoique tu fasses. Et ça me démange de l’intérieur. Tu ne t’en iras jamais. « Alors qu’est-ce que tu cherches à insinuer par le fait de se concerter sur ce dont a besoin Poucet. Tu penses que j’ignore ce dont il a besoin, que je suis mauvaise pour lui ? » Si je vois rouge, ce n’est pas à cause de toi. C’est moi. Je suis en colère d’être si dépendante de ton regard, de ton opinion. La fureur m’assaille parce que je n’ai aucun droit d’être là. Pour toi je ne suis que mensonges et pourtant, pourtant je ne peux me défaire de cette emprise que tu as sur moi. Je ne peux m’enfuir une nouvelle fois. Si je dois faire face je dois le faire seule. Poucet ne sera pas là pour me tendre les bras. J’ai brisé ce que nous avions construit Elis, mais ce n’est pas encore fini. Nous devons le piétiner, le dévaster. Terminer ce que nous avons commencer, pour briser ces chaînes qui pèsent si lourd à mes pieds. « Avant tu ne m’aurais jamais rien refusé… » dis-je dans un souffle presque inaudible, fragile, comme si c’était ma dernière chance d’émettre un soupçon d’honnêteté. « Cessons de faire semblant, Elis, tu sais pourquoi je suis là. Le pardon. »
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⊱ from past to present EmptyMar 3 Mar - 16:04




Dragée et Elis

quand la justice n'est plus possible, il ne reste qu'un choix : pardon ou vengeance.

Elle ne voulait pas être envahie de monde. Quelle belle mascarade que Dragée Plumosucre, la fée qui chaque seconde de chaque minute de chaque maudit jour était entourée de charmantes compagnes enrobées de sucre, au bras de son fiancé ou non, dans ce maudit château ou dans les rues de cette ville qu'elle voulait diriger. Toujours elle avait des gardes, des danseuses, des amitiés hypocrites qui l'étouffaient de leur présence. Sauf ici. Non, ce soir-là, c'était elle, qui envahissait sans regrets aucun le monde d'Elis, une petite terre d'avenir qu'il avait réussit à cultiver malgré tout le reste, et qu'il espérait voir prospérer sans trop d'anicroches car il en avait fini de cela – du moins c'est ce qu'il aurait aimé. Mais rien en était, bien entendu. On faisait fi de ce qu'aurait préféré les humains, on préférait leur offrir leurs vieux démons sur un plateau d'argent, leur mettre sous le nez leurs fantômes du passé, qui de plus avaient toujours un goût si enivrant qu'il fallait s'accrocher pour ne pas retomber la tête la première dans le vice qui les avait quelques années auparavant lier les pieds et les mains. Et quant était-il des fées ? A en juger par les regards fuyants de la créature qui se trouvait en face de lui, Elis aurait pu facilement dire qu'ils étaient fait de la même substance maudite. Ils nourrissaient les mêmes rêves, faisaient les mêmes erreurs, possédaient des peines similaires, et pourtant, le forgeron ne pouvait se détacher de cette image qu'il s'était faite d'elle afin de l'oublier, celle du monstre au visage de sylphide, celle de la bête démoniaque qui ne lui avait voulu que du mal, et ce depuis leur première rencontre. Mais était-ce vraiment le cas ? En y réfléchissant bien, Cailloublanc n'était pas idiot, il savait qu'il avait tord. Elle aussi, par ailleurs. Ils avaient tous les deux eu tord, peut-être pas d'être tomber amoureux, ni de s'être quittés, mais de l'avoir fait de cette manière, si brusquement, comme on assassinerait quelqu'un, comme on tomberait dans un ravin. Les abandons nourrissaient la haine, le désespoir, et tous ces sentiments néfastes qui allaient ensembles, sans pouvoir les dissocier l'un de l'autre. Dragée n'était pas un monstre. En fait, elle était même plutôt humaine, bien que cela revienne plus ou moins au même, en y réfléchissant à tête reposée, une façon de faire qu'Elis avait tout bonnement rayé de sa liste depuis qu'elle avait franchi la porte de la forge. Chacun dans ses retranchements, ils prenaient bien soin de se balancer à la figure des ignominies, sans prendre ne serait-ce qu'un dixième de seconde, le temps de faire le point. Et le roux avait beau avoir l'air d'un adulte, et se comporter généralement comme tel, en sa présence il redevenait un adolescent, alors qu'il aurait aimé être le plus calme possible pour lui montrer qu'elle ne le touchait plus du tout à l'heure qu'il était. Foutaises. Son comportement ne trompait personne, pas même lui, qui se savait être totalement impuissant face à cette amertume qui le rongeait de toute part.
"Alors qu’est-ce que tu cherches à insinuer par le fait de se concerter sur ce dont a besoin Poucet. Tu penses que j’ignore ce dont il a besoin, que je suis mauvaise pour lui ?" C'était reparti pour un tour. Ils ne pouvaient pas s'en empêcher. Au final, ils s'étaient comportés ainsi depuis le début de leur histoire hasardeuse, à toujours vouloir être le plus important pour Poucet, une guérilla qui n'avait fini que lorsqu'ils avaient compris que le petit frère d'Elis n'était pas le seul à quémander l'attention de l'autre. Pourtant, tout avait changé. Au moins avaient-ils eu à cette époque l'excuse qui caractérisait leur jeune âge, et puis ils en avaient ris, aussi. Maintenant ils ne riaient plus. Ils ne riaient plus de ce qu'ils avaient été avant. Il fallait être capable d'une certaine objectivité, pour cela, et dieu savait comme ces deux êtres en étaient dépouillé. Pour ce qui était d'Elis, il n'en avait jamais eu une once, après tout, car s'il se moquait de sa propre personne, jadis, c'était simplement pour faire sourire sa bien-aimée. Ainsi, malgré les remarques qui fusaient et le ton de Dragée, il se borna, se renfermant dans son mutisme, là, immobile dans sa propre existence embourbée.  La fée en profita pour enfoncer le couteau dans la plaie, faire le tour de la cicatrice purulente, ouverte à nouveau, saignant à gros bouillon à présent que le mal était revenu faire son travail.      
"Avant tu ne m’aurais jamais rien refusé… " Ils parlaient au passé. Et cela faisait mal, de la pire des manières. Ça prenait aux tripes, pour s'agripper au cœur et le lacérer sans vergogne. Elis crispa ses mâchoires, laissant échapper un vague souffle de bête nerveuse, des mots au creux de sa gorge qui se noua lorsque les derniers mots de la fée tombèrent, comme une lourde enclume sur une tête déjà bien assez malmenée par le temps. "Cessons de faire semblant, Elis, tu sais pourquoi je suis là. Le pardon." Cesse. C'était ce que son palpitant lui répétait, sans être écouté une seule seconde. Cesse de faire l'idiot. Fais la partir, loin de toi, et tu seras débarrasser. Tu n'auras plus mal. Plus jamais. Après quelques secondes de silence pesant, le forgeron se décida enfin à bouger, ses pas foulants le sol maladroit de la forge. Il s'avança jusqu'à elle, et posa une main rêche sur son bras pour la diriger jusqu'à la sortie. "Viens." qu'il murmura d'une voix tout aussi dure. Il ouvrit la porte, se prit la nuit de plein fouet, s'y engouffrant avec la fée. Il la lâcha brusquement, après coup, afin de fermer la porte à double tour, comme il le faisait chaque soir depuis des années. Ceci fit, il se tourna de nouveau vers elle pour la regarder un long moment, plongeant son regard dans le sien, une expérience qu'il n'avait pas goûté depuis bien longtemps. Il y avait peu de passants à cette heure si avancée, mais il restait tout de même quelques courageux, et c'est dans un murmure violent et précipité qu'il parla à nouveau, bien loin de son calme habituel. "En effet, avant je ne t'aurais rien refusé, parce que j'étais idiot, et amoureux, et bon sang ! Que ne comprends-tu pas dans le mot avant, Dragée ?! Regarde-toi, c'est toi l'enfant boudeur, c'est toi qui fait semblant... Mais bon, je doute que tu t'aies un jour comporté d'une façon différente !" C'était des mots pour faire mal. Des mots pour causés la peine, mais aussi pour se faire du bien à soi-même, plus une méthode de guérison qu'une manière de se venger "Et à présent tu réclames mon pardon ? Parfait. Mais pour quoi ? Pour avoir cautionnée les activités de mon frère ? Pour t'être terrée dans ton château pendant des années en me laissant gentiment refaire ma vie avant de- de revenir en souriant. Que pensais-tu quand tu t'es décidée à venir ici, hm ?" Cela lui avait-elle pris comme la fois où elle l'avait quitté, ou cette rencontre avait-elle été préméditée depuis longtemps ? Si c'était le pardon qu'elle désirait, elle allait devoir lui fournir des explications.
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⊱ from past to present EmptyDim 10 Mai - 17:21




Elis & Dragée

Il existe des courageux, des personnes fortes, prêtes à tout pour continuer de chérir et protéger ce qu’ils aiment, jusqu’à faire de grands sacrifices. Elis est de ces personnes. Le forgeron, le téméraire, l’aîné. Il fait parti de cette poignée de gens qui subissent échec sur échec mais se relèvent et continuent de gravir les obstacles, frappant plus fort à chaque fois, se moquant de la puissance de la prochaine. Parce qu’ils sont les leaders, les chefs. Elis est né pour être celui qui guide la meute, la protège et se saigne pour elle. Il est le loup. Ce qui me lie à lui, c’est cette enfance sinistre où nous devions tout prendre en charge. Nous n’avions pas le temps de pleurer parce qu’il fallait tout gérer. Nous faisions les adultes en laissant notre enfance s’envoler à une vitesse phénoménale, nous pensions avoir des projets qui tenaient la route. Nous pensions que rien ne pourrait nous séparer, Elis, Poucet, moi. La différence est que j’ai choisi d’en sacrifier d’autres, alors qu’Elis n’a jamais fait couler de sang sur ses mains. Il pensait devoir me protéger, mais ce qu’il ignorait, c’est qu’il aurait du se protéger de moi. Les fées ne comptent que sur elles-mêmes, particulièrement celles de Yasen, glaciales comme les pics surplombant les nuages de grêles. Ce fut sans doute la décision la plus difficile de toutes, le laisser là. Mais Poucet avait plus besoin de moi que lui. Et j’avais plus besoin de raison que de sentiments. Il fallait faire un choix.

Un frisson me parcoure l’échine quand sa main rêche vient attraper mon bras fébrile. Il ne réalise pas sur le moment, mais c’est la première fois depuis des années que nous nous effleurons. Et c’est une sensation aussi douce et chaleureuse qu’elle est piquante et douloureuse. Ce n’est plus le genre de caresse qu’il me faisait autrefois, non, c’est une pression nerveuse et dénuée de tout ressentit affectueux. C’est un toucher désagréable, que j’aurais voulu ne jamais connaitre. « Viens. » Dans un murmure dur qui me clou le bec derechef, tout autant qu’il fige mon visage dans une surprise et un dégoût non dissimulés. Je n’apprécie pas qu’on me donne des ordres, ou qu’on me touche sans mon consentement. Je pourrais hurler et gifler sa joue avec une ardeur aussi ferme qu’il me tient, mais je n’en fais rien. Nous avons un passé, il n’est pas qu’un homme croisé comme ça. Il n’est pas que le forgeron terré derrière ses braises. Il est cet homme qui a toujours eu un effet palpable sur moi, un contrôle que j’aimerais tant briser. Nous sommes déjà dehors et je le regarde verrouiller la porte de la forge tandis que je remonte la capuche de ma cape sur mon visage. Des regards de biais, j’aperçois certains passants, certains soûls d’autres non. Mais ce serait mauvais pour moi que je sois vue ici, avec lui. Les nouvelles se font vite à la capitale et ma réputation et celle du Prince comptent plus pour moi que n’importe quoi d’autre en ce moment. « En effet, avant je ne t'aurais rien refusé, parce que j'étais idiot, et amoureux, et bon sang ! Que ne comprends-tu pas dans le mot avant, Dragée ?! Regarde-toi, c'est toi l'enfant boudeur, c'est toi qui fait semblant... Mais bon, je doute que tu t'aies un jour comporté d'une façon différente ! » La machine redémarre si vite que je n’ai pas le temps d’inspirer. Mon coeur s’emballe et frappe tellement violemment que je peux le sentir dans ma gorge, se déchirer entre la haine, le mépris et la culpabilité. Pourquoi a-t-il toujours cet effet sur moi, me laissant misérable et démunie, frappant exactement là où ça fait mal, là où tout est verrouillé à double tour. L’adrénaline, le courant. Mon corps entier se met à trembler tandis que mes lèvres se pincent. Je lève une main et vient la frapper avec hargne sur sa joue dure. L’écho d’un claquement perdure et résonne jusque dans les tréfonds de la ruelle, peut-être même jusque dans mon âme si j’en crois mes rétines livides et moites. Je me hais d’avoir agi ainsi, sur le coup de la colère et sans réfléchir. Ce n’est pas moi. Ce n’est pas dans mes habitudes de me laisser aller. Pourtant je ne vois pas d’autres alternatives. Sans un mot je le regarde se frotter la joue et renchérir pour m’achever. « Et à présent tu réclames mon pardon ? Parfait. Mais pour quoi ? Pour avoir cautionnée les activités de mon frère ? Pour t'être terrée dans ton château pendant des années en me laissant gentiment refaire ma vie avant de- de revenir en souriant. Que pensais-tu quand tu t'es décidée à venir ici, hm ? » Je comprends alors que je ne suis pas la seule à être déboussolée. Il avait beau faire semblant jusqu’à maintenant, il se lâche aussi férocement qu’il le peut. Tout cela lui arrachait la gorge depuis des années et il peut enfin tout libérer. Serait-ce une étape à franchir avant le pardon ? « Je pensais que tu serais devenu adulte, que nous pourrions oublier le passé et aller de l’avant, au moins pour lui. Mais je réalise que j’ai été idiote de venir, tu es plus borné encore qu’avant. Je t’ai fait beaucoup de mal, j’en suis parfaitement consciente et je vis chaque jour avec le regret de ne pas l’avoir fait comme tu le méritais. Mais je ne faisais pas semblant avec toi, je ne faisais pas semblant de t’aimer ! Il fallait que je parte Elis, il le fallait. Je n’avais pas d’autres choix. » Peux-tu au moins vivre avec ça ?
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