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hungry ghosts


FORT FORT LOINTAIN

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hungry ghosts  EmptySam 1 Nov - 22:55



niki & adaé
if you like piña coladas, and getting caught in the rain
and the feel of the ocean, and the taste of champagne

La houle s'avance et Adaé recule. Elle fait marche arrière, tombe à la renverse et s'éclate sur les rochers. Figurine de cristal qui se brise et vole en mille éclats, emportés par le courant, noyés dans l'écume grisée du chagrin. Elle se dérobe quand la marée lui monte aux chevilles, sa peau émaillée, brûlée par le sel. Parce que flancher et fuir, c'est tellement plus simple que de faire face. Que de s'exposer au passé, de risquer de se faire engloutir. Alors elle fait comme si tout lui glissait dessus. Comme si le temps, court, avait fait son œuvre de manière efficace. Mais c'est qu'une vaste arnaque. Comme ceux qui prétendent que tout s'en va, que les blessures cicatrisent, que les plaies se pansent et que la douleur s'efface. Mais ça ne sera jamais le cas, jamais vraiment, et vous le savez. On ne tait pas la souffrance, on tombe, on l'apaise, on se relève et on recommence. Et pire que physique, le mal émotionnel. Doucereuse affliction qui irradie le corps et l'esprit. Une toxine qui vous paralyse pour mieux vous affliger par la suite, un chant qui vous les brise sacrément fort et fichtrement bien. Et dans le cas d'Adaé, c'est plus qu'une simple chanson, qu'une mélodie fade et affectée. C'est un cri qui déchire le cœur comme une balle transperce l'air. C'est le vent qui résonne à vos tympans, d'une symphonie exacerbée, saccadée, térébrante, comme les reflux d'une nuit agitée. L'appel de l'océan. Mais le plus éprouvant, c'est pas seulement de ressentir le manque qui se creuse. C'est d'être impuissant, d'effleurer l'idéal sans pouvoir y plonger. De pester contre le monde, sans pouvoir le changer. Alors, à défaut de pouvoir filer les sept mers, l'ange déchu des flots choisi de s'en approcher au possible. De fouler avec maladresse les pans de sables et de galets et de s'émerveiller du ciel brumeux, pourtant constellé de diamants. Elle aurait bien aimé être une étoile, Adaé. Pas une de ces énormes novas blanches comme neige qui scintillent à vous en faire craqueler la rétine, plutôt un de ces petits astres, qui tremblote un peu, mais qu'on voit au loin. Elle passerait sa vie entière dans son enveloppe de gaz et de poussière, à surveiller ce beau monde depuis un ailleurs mystérieux. Elle serait présente même alors que le Soleil atteint son zénith et la balaye de sa lumière. Après tout, dans l'espace, c'est chacun son tour. Même la plus petite comète, une fois la nuit tombée, porte son impact sur le monde. Elle inspire lentement l'air frais du soir, ses yeux trop concentrés à chercher de nouvelles constellations et manque de se rétamer face la première, la faute à ses jambes instables. Et si au fond, Adaé c'était plus une météorite ?
Elle jette un vieux regard critique sur ses deux perches en guimauve et reprend contenance, toute soupirante hybride qu'elle puisse être, se demandant comment font toutes ces ladys pour parcourir en talons des rues pavées irrégulières. Enfin, son regard se porte sur l'environnement alentour. L'atmosphère brumeuse de la plage ne fait pas exception ce soir-là, bien qu'atténuée par l'émanation réchauffée des vagues qui glisse avec douceur sur les côtes. Quatre mois qu'elle est ici, à se balader sur l'autre rive de l'océan, sur la terre ferme, et elle ne s'y est toujours pas totalement habituée. Pareille à une gamine, elle s'émerveille encore de ce qu'elle peut trouver, des paysages qui s'offrent à elle, de ces couleurs, ces odeurs, qu'elle redécouvre. Mais il y a des saveurs qui ne changent pas, et qui perpétuent l'amertume au fond de sa gorge, malgré ce nouveau mode de vie débordant de découvertes. Ses iris passent sur l'horizon, estompé par l'obscurité de la nuit, et sur les reflets brillants de la lune, sur la surface lisse des eaux. Puis, elle l'aperçoit. Une silhouette floue, une vingtaine de mètres plus loin, le dos tourné, de telle sorte qu'elle n'a su la reconnaître immédiatement. En avançant sur ses jambes tremblantes, elle parvient à discerner qu'il s'agit de la carrure d'un homme, assis face au rivage. Cinq pas encore et elle remarque une masse capillaire ondoyante, qui lui tombe au bas de la nuque. Trois autres pas et un sourire. Niki.
Adaé enchaîne les derniers pas trop rapidement et, alors qu'elle n'était plus qu'à un mètre de lui, lui assenant un bref « Hey, salut ! », dans un élan d'affection non contenu, son pied gauche vient embrasser le droit. « Nom d'un cachalot maudit rogntudju ! » Mais jurer ne l'aide pas vraiment et elle tire sur ses bras pour finalement s'asseoir en tailleur, à la hauteur de son ami. Qui, à bien l'observer, n'avait pas si bonne mine. Et un Niki Cassenoisette qui ne souriait pas, c'était un Niki Cassenoisette en mauvais plan. Bien qu'elle ne le côtoie que depuis quelques semaines, la sirène n'a pas mémoire de l'avoir déjà vu dans un état pareil, à fixer un point invisible et vague, l'air complètement détaché du monde et une bouteille bien entamée à portée de main. Et, à nouveau, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'a ressenti pareil pincement au cœur. C'en devenait pénible de lire un tel désarroi, une telle détresse émanant d'un même corps. Elle tourna son regard sur son visage, le détailla trait pour trait, s'attardant sur ses yeux qui savaient la perforer de part en part, sur la courbure de son nez, sur celles de ses lèvres. « Tout va bien, Niki ? Qu'est-ce que tu fais là, à une heure pareille ? » Et toujours ce sentiment d'impuissance dans le creux des entrailles, qui taillade et vous happe l'âme ; et ce verre qui continue à se briser quelque part au fond d'elle et cette tristesse qu'elle éprouve devant la fragilité de l'être humain. « Dis-moi, Niki, dis-moi. » Requête plaintive et empathique. En quatre mois passés au royaume, si Adaé s'est rendu compte d'une chose c'est qu'au-delà comme en-deçà des eaux, les émotions vous contrôlent et vous piègent. Vous piègent dans une tempête, un blizzard d'émotions, parfois contradictoires, souvent cuisantes. Mais, elle a également reconnu que tout le monde a son truc, son tic, sa came. Cette chose qui atténue la douleur, qui la dissipe, rien qu'un moment, bref, mais apaisant. C'est comme un interrupteur, qui permet, pour un temps limité, de mettre les sentiments, les pensées, la souffrance en mode off. Dans le genre libérateur, salvateur, comme une épine qu'on vous retire lentement du pied, comme une dose d'opium qu'on vous insuffle doucereusement dans les veines. Certains ont le tabac, le sucre, la fleur de grin, d'autres l'hydromel, le lait, le rhum. Adaé, elle, a Niki.
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hungry ghosts  EmptySam 8 Nov - 19:28




Adaé et Niki
Ce secret était un trou au milieu de moi dans lequel tombaient toutes les choses heureuses.

Il boit. Il noie son chagrin en s'imbibant d'hydromel. La bouteille grandit, rapetisse, il ne sait pas encore si elle est à moitié pleine ou à moitié vide, l'un ou l'autre voudrait dire tantôt pessimiste, tantôt optimiste. Il n'est pas en capacité de réfléchir plus longtemps. Il ne se donne plus cette peine. Pitoyable, la scène est parfaite en son sens, lui assis sur le sable, à fixer l'horizon tout en ressassant son passé qui lui arrache les tripes, ce sont les regrets les plus forts, les plus moches aussi. Ce doit être un peu la faute de Marie qui est retombée dans sa vie à l'instar d'une bombe qui lui a éclaté en pleine figure, laissant de son corps seulement quelques lambeaux de chair qui pendent allègrement dans les airs. Il saigne, mais ne le montre pas. Il souffre, mais ne veut pas le voir. Alors il l'exprime à sa manière. On peut jouer, on peut hurler, on peut pleurer, Niki il est tout bonnement harassé de dégueuler ses sentiments, alors il les ravale. Une gorgée de plus, une gorgée de moins, pour une soirée il veut oublier. C'est que ça marche pas en plus, alors il enchaîne, au départ un se transformant en deux, puis en trois, en quatre, la moitié vient d'être vidée dans son estomac qui réclame plus de boustifaille. Au moins, s'il y a une chose qui n'est pas contre lui depuis ces dernières semaines, c'est bien la lune qui l'admire dans tout son désarroi, lui refilant un peu de cette chaleur oubliée qu'il aurait voulu avoir un peu plus. Il se réconforte grâce aux éléments simples d'une existence banale à en crever. Il aurait pu être sur un trône de bonbons, sentir chaque matin les effluves d'un caramel mentholé, il aurait pu épouser une belle princesse aux yeux pétillants, il aurait pu être un riche et juste dirigeant de sa contrée natale. Il n'en a rien été. Il s'illusionne en s'imaginant ce qu'auraient pu être les évènements sans l'existence de son oncle. Tout aurait été parfait, la capitaine de la garde royale en moins, toutefois il aurait rendu sa mère fière, aurait appris des tas de choses qu'il ne pourra maintenant jamais comprendre. Il voudrait chouiner. Mais ça coince dans sa gorge, c'est acide, ça brûle, ça crache des phrases dans son crâne qui s'entrechoquent. T'as tout loupé Niki. T'as tout foiré Niki. Tu t'es même pas battu Niki. Lâche, couard, fuyard. Les armes se sont pas pointées, les poings ne se sont pas levés, il s'est laissé faire en bon peureux qu'il est. Est-ce qu'il l'a encore cette folie enfantine qui le poussait à gravir des montagnes ? Elle est perdue. Quelque part entre l'âge adulte et sa déception. Se sous-estimant à souhait, bien plus qu'il ne l'aurait voulu, ce sont les apparences qui sauvent les rumeurs à son sujet, non pas ce qu'il pense. Il n'est qu'un homme. Ou plutôt devrait-il dire jouet. Passant une main libre sur la chaîne mettant fièrement en valeur son charme, il se surprend à déglutir, presque de rage mêlée à une peine immense. Il voudrait que tout soit comme avant. Que le temps se fige à l'instant même où Marie décide de devenir une femme forte, qu'il puisse la retenir, mettant les cartes sur table, quitte à se prendre un poing en pleine figure. Au moins maintenant il ne serait pas dans tel état, il ne serait jamais venu à ce bal et Niki serait d'os et de veines. L'alcool lui monte à la tête, pas assez pour qu'il puisse s'endormir en masse sur la plage, pas assez pour qu'il puisse avoir un trou noir le lendemain. S'il vomit plusieurs après, c'est pas bien grave, il est trop penché sur les erreurs qu'il a pu faire plutôt que de se demander quelle dégaine il aura après coup. Peu lui importe. Qu'on lui offre ce qu'il veut pour une fois, qu'on arrête de lui arracher tout ce qu'il aime entre les doigts, qu'on puisse embaumer son coeur d'une lumière salvatrice, le faisant rebattre à foison. C'est pas qu'il tape plus, c'est juste que ça lui fait plus le même effet, qu'il s'enfonce dans des profondeurs qui dépassent l'entendement. Elle aurait jamais dû réapparaître dans sa vie. Il aurait jamais dû se dire que le pardon est chose facile. Il voudrait lui dire la vérité, lui avouer de but en blanc qu'il est son souverain légitime de Yasen. Il ose pas. Il peut même pas se le permettre, pour qui est-ce qu'elle le prendrait encore ? Le plus énorme menteur que le royaume ait jamais porté, plus qu'il ne l'est déjà. Un baratineur de première qui s'invente des chimères pour récupérer la confiance de quelqu'un. Pinçant sa lèvre inférieure, ce n'est qu'un brouhaha de mots qui le sort de sa léthargie trop poussée, il regarde pas pour autant. Et ça s'pourrait que ce soit un voleur, un pillard sans foi ni loi qu'il prendrait pas le temps de se débattre. Qu'on l'achève, qu'on lui lâche la grappe et qu'il puisse enfin partir en poissard qu'il est. Il suppose déjà le grand titre dans le journal de Fort Fort Lointain, semblable à quelque chose du type : un homme miteux retrouvé poignardé non loin du port, aucune enquête n'a été ouverte, il est mort comme il a vécu. « Tout va bien, Niki ? Qu'est-ce que tu fais là, à une heure pareille ? » Une autre qui ne sait pas, une autre qui compte sur lui.
Adaé la belle écailleuse.
Adaé qui traîne dans ses pattes. Adaé qui ne le lâche pour rien au monde, en lui posant bien évidemment des questions curieuses. Ils sont pas du même univers, c'est ça qui joue. Elle qui débarque de l'eau, des profondeurs marines là où il fait à priori bon vivre. Et lui qui a vu le jour dans les tréfonds de la terre, là où les insectes pullulent cherchant de quoi se remplir la panse. A quelques reprises ça lui a traversé l'idée de lui demander en toute sincérité de l'emporter avec elle sous l'eau. Qui sait, avoir une queue de poisson ça pourrait peut-être lui plaire ? Bien sûr que non, ça ne se peut pas, à cause de la reine, autant sa sauveuse que son bourreau. Adaé elle est jolie. Adaé elle a du courage à revendre autant qu'une innocence qui lui est propre. La question la plus grandiose qu'elle lui a posée, ça devait être une fois alors qu'ils se baladaient dans la rue principale, Romeo Drive, fixant avec fascination un palmier. Qu'est-ce que c'est Niki ? Il s'est improvisé comme maître dans l'apprentissage de la vie mortelle. Elle aura su faire gonfler en lui une importance qu'il ne pensait jamais revoir. Il a besoin d'elle. Elle a besoin de lui. « Dis-moi, Niki, dis-moi. » Voix fluette, semblable au sifflement d'un oiseau déphasé qui ne se souvient guère comment voler. Enfin leurs regards se croisent. Perdition, désolation, inquiétude, tant d'émotions qui traversent les prunelles claires de la sirène. Un peu d'amour aussi, probablement fraternel plus qu'il n'est passionnant et ça le touche en plein coeur, ça lui fait mal, ça se serre, ça tord son estomac dans trop de sens, il grimace. Elle le voit ainsi. Il aurait voulu que personne le croise, cependant, l'hydromel faisant ce qu'elle fait, elle ne lui donne pas la capacité de se rendre malade trop longtemps pour ça. Au contraire il délire. Inspirant profondément, le goulot retombe sur ses lèvres, le liquide à la pomme fermentée se retape un chemin direct dans son sang. Un de plus, un de moins. Il a plus rien à perdre. Si ce n'est sa dignité, et encore, son oncle aura eu le chic de lui virer d'une gifle - et surtout d'une malédiction. « Tu arrives à point nommé Adaé, je te présente la descente aux enfers du prince bafoué, premier acte. » Ses paroles ont encore du sens, c'est qu'il a pas totalement touché le fond, bien qu'il en soit pas loin. Lui qui en temps normal ne boit pas des masses, qui a même comme qui dirait la montée joyeuse, ça doit dépendre des cas, des situations, quand il s'enfile des verres pour rigoler ou quand c'est comme ça, quand l'envie est plus forte que la joie. Celle-ci s'est d'ailleurs barrée, ne supportant de voir son propriétaire se détruire grâce à ce qu'il tient entre les mimines. Et la vérité, elle est sorte malgré lui, sans qu'il se demande comment elle va réagir, cependant pourrait-elle seulement comprendre les sous-entendus qu'il amène excessivement ? Le prince bafoué, le prince tâché, le prince volé, le faux prince. Tant de titres qui lui conviennent, tellement qu'il ne sait pas lequel choisir. Un rire sec lui échappe, pas franchement mauvais ni totalement bon, il est loin de ressembler à ces ivrognes qui chantent l'hymne à la reine dans la rue tout en essayant de marcher droit. Bien enfoncé dans le sol, sa main libre continue de jouer un instant avec sa chaîne qu'il relâche la seconde d'après, préférant la froideur des grains beiges qui signent la limite entre ici et là-bas. « J'avais juste besoin d'être seul, mais, je vais bien. Tout va bien dans le meilleur des mondes même, je souris à la vie et elle me le rend bien en retour. » Alors pourquoi tu t'enfiles une bouteille, hein, Niki ? Déglutissant quelque peu, sa tête se penche en arrière pour cette fois-ci s'attarder sur le ciel plein d'étoiles. Elles brillent pour eux, pauvres êtres qui peuplent Fort Fort Lointain, elles brillent en sachant pertinemment qu'elles vont mourir. Cependant, elles le font tout de même, elles feront ce pour quoi elles sont faites. Ici, dans ce monde, on est jamais préformaté pour avoir un but dans la vie. C'est selon les choix, ce doit être ça qui fait peur et qui pousse à avoir des larmes qui perlent dans les yeux, on sait pas, on sait plus, certains ont l'illumination, beaucoup pas du tout. Et ils restent là, à l'instar de spectres qui errent en attendant une bougie pouvant les ramener du bon côté des choses. « Et toi, dis-moi comment va ton superbe monde ? » Sourire sur la trogne, sa tête se penche sur le côté pour avoir Adaé dans son horizon. Il est pas crédible. Son ton il tressaute, il manque de justesse, de cette sensation royale qui s'en émane. Niki il a bu un peu trop. Encore une gorgée, allez, comme si ça suffisait pas, une toute petite pour se sentir encore mieux, pour laisser son corps devenir aussi doux qu'un coussin bourré de plumes. Il est faux. Et Adaé elle est assez intelligente pour le voir, le connaît assez pour se douter qu'y'a un truc qui cloche. Il est plus si futé, il est plus si mirobolant, il est plus rien du tout. Il veut juste goûter à ce truc qu'il pourra jamais avoir, même si pour cela il doit se frapper la tête contre un mur jusqu'à ce qu'il se vide de son liquide vital.
L'oubli Niki, ça a un prix.
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hungry ghosts  EmptyDim 9 Nov - 21:43


niki & adaé
if you like piña coladas, and getting caught in the rain
and the feel of the ocean, and the taste of champagne

La vie, c’est comme l’océan, au fond. C’est immense, plein de possibilités, d’aventures, de découvertes. Y a des jours où c’est beau, paisible, apaisant. Y en a d’autres où règnent la tempête, le chaos et le malheur. Et puis la vie, elle donne et elle prend. Elle happe et elle recrache. Parfois juste un morceau de bois flotté, parfois un navire entier. La mort aussi, c’est comme l’océan au fond. C’est indomptable, inévitable. Parfois on surmonte le deuil comme on survit à la houle qui se brise sur les falaises, parfois on se laisse prendre comme un marin qui se noie dans l’eau salée. Mais plus que tout, l’océan c’est comme l’amour. Ça peut être doux, ça peut être violent. Ça peut être embrumé d’un brouillard épais, mais c’est toujours là. Suffit d’un peu de vent, du cri d’une mouette, d’effluves d’odeurs iodées ou de petits et minables grains de sable qui collent à votre peau, et ça domine tout votre esprit. Ça vous prend d’assaut, vous tord et tortille. Mais faut pas vous faire d’illusions. Si y a bien une chose qui ne ressemble pas à l’océan, c’est l’océan lui-même. Il peut être trompeur ; faux, comme les masques que certains abhorrent, comme les sourires qui façadent des visages aux yeux tristes, comme Niki qui fait semblant d’aller bien. « Tu arrives à point nommé Adaé, je te présente la descente aux enfers du prince bafoué, premier acte. » Adaé, elle comprend pas le sens de tout ce qu’il lui dit. Il l’intrigue, mais sans attiser cette curiosité innocente habituelle. Il la fascine mais sans faire naître l’admiration la plus totale. Non, si elle reste juste là, à l’observer en silence, c’est parce que ça lui fait mal. Y a comme un orchestre qui se joue de ses émotions. Qui tire les cordes, qui appuie les touches, qui massacre la chanson. C’est le bourreau de son cœur ; virtuose de la douleur. Elle fronce les sourcils, l’esprit en rade. « J'avais juste besoin d'être seul, mais, je vais bien. Tout va bien dans le meilleur des mondes même, je souris à la vie et elle me le rend bien en retour. » C’est moche de se sentir impuissant, capable de rien, alors qu’on voit le spleen et le chagrin emporter une âme loin de vous, en vous laissant simplement un goût amer dans le creux de la gorge. Elle détaille son ami, qui garde les yeux rivés sur le ciel aux mille étoiles. Avec l’éclat de la lune, elle distingue nettement ses traits, fondus dans les ténèbres. Mais ce qu’elle voit, Adaé, ça lui plaît pas. On dirait un fantôme sans couleur, un pâle reflet corné de l’homme qu’elle a l’habitude de côtoyer. Elle reste silencieuse alors qu’il contemple les astres qui constellent la couverture d’obsidienne, les reflux des eaux, pour seule musique, en cadence avec les palpitations déchirées de son petit cœur.« Et toi, dis-moi comment va ton superbe monde ? » Niki n’est plus Niki. Sa voix déraille et les mots s’entrechoquent. C’est comme un vieux disque rayé, un gramophone ancien qui n’arrive plus qu’à crachoter par à-coups sa chanson préférée. Adaé le voit dans son âme, qu’y a pas que ses cordes vocales qui fonctionnent plus bien. Il avale une autre gorgée du liquide doré, comme si c’était la seule solution, la réponse à tout. Et puis, il se tourne enfin vers elle. Elle pose une main délicate sur la sienne et ses yeux cherchent l’autre paire de prunelles. De sa poigne libre, la sirène saisit la jarre des enfers et approche le goulot de ses lèvres. Quitte à sombrer, autant être deux. Ses iris d’acier ne quittent pas ceux de Niki ; elle veut qu’il y lise toute la confiance qu’elle met en lui, toute la douceur du monde qu’elle veut lui offrir. Qu’il y puise une quelconque source d’ataraxie, rien qu’un soupçon de calme, juste de quoi réguler les battements affolés de son palpitant et qu’enfin il comprenne. T’es pas seul, Niki. T’es pas seul. Et alors le feu lèche sa gorge et embrase son gosier. C’est trompeur, c’est à la fois rêche et sucré. Y a le goût du miel, qui persiste sur les papilles, et pourtant, y a tout l’alcool qui s’écoule, qui se noie entre ses organes. Elle grimace pendant que l’incendie se propage, s’insinue insidieusement dans les entrelacs bleutés de ses veines et va jusqu’à consumer son cœur des flammes ardentes du vide. En une gorgée à peine, elle se sent plus proche et plus distante de lui qu’elle ne l’a jamais été auparavant. « Mon monde c’est le tien. » Adaé, elle parvient pas à trouver cinq autres mots pour lui faire comprendre. Elle aimerait bien le lui dire, comme on annonce la météo, comme on commente un tournoi de joute. Elle aimerait bien lui dire, Tu sais Niki, si y a six mois on m’avait dit que j’aurais une paire de jambes, un oreiller de plumes d’oie et un ami comme toi, j’aurais ri. J’aurais ri parce qu’on peut pas s’imaginer quelqu’un comme toi avant de t’avoir rencontré. T’es différent de tous les autres ici, t’es humain. Et t’a beau faire croire que tout va bien, que tu vas bien, ça prend pas avec moi, on apprend pas à faire un filet à un vieux pêcheur. T’as beau prétendre que ça te glisse dessus, je sais ce que c’est, la douleur ; et je suis là, tu sais. Je serais toujours là, quand t’arrivera plus à faire semblant, quand t’arrivera plus à encaisser. Je suis pas magicienne, même plus sirène, mais j'suis là. T’es pas seul, Niki. T’es pas seul. Sans le quitter des yeux, elle dépose la gnôle à son flanc. Elle inspire par le nez, lentement ; elle sent sa poitrine se soulever avec autant d’indolence. « Ne me mens pas, Niki. » Elle essaie de conserver une voix calme cuivrée tandis que les mots glissent sur la langue avec une aisance nouvelle. « Tu sais, on a un proverbe, chez nous, en dessous. Tout ce que tu essayes de noyer, la mer finira par recracher. » Adaé déporte son attention sur la surface lisse des flots. Comme en écho à ses paroles, l’écume se dépose sur le rivage, chatouillant presque ses orteils. Elle resserre ses genoux et joint ses mains. Son index effectue des allers-retours sur la fine cicatrice qui lui barre la paume gauche et elle insuffle une nouvelle bouffée d’embruns. « Je t’ai jamais vu comme ça, Niki. Mais c'est pas grave, ça compte pas. T’as le droit, on a tous le droit. Et je sais que ça fait du bien, parfois, de se laisser aller. C’est comme se laisser porter par le courant. Tu sais pas où ça te mène, mais t’arrivera toujours quelque part. Laisse-moi t’accompagner, alors. » Adaé, elle a l’impression que ses pieds s’enfoncent un peu plus dans le sable à chaque respiration, comme si son corps entier se laissait prendre par une langueur indéfectible, que ses membres s’engourdissaient. Mais peu lui importait, de rester assise là toute la nuit, à se voir sombrer dans un état de consomption. Peu lui importait que les étoiles soient les seules observatrices de ce monde nocturne. Elle avait la mer, elle avait Niki. Et même si c’était pas parfait, c’était tout ce dont elle avait besoin pour le moment.
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hungry ghosts  EmptyDim 16 Nov - 22:20




Adaé et Niki
Ce secret était un trou au milieu de moi dans lequel tombaient toutes les choses heureuses.

Qu'est-ce que ça fait d'avoir la peau d'un traître ? Comment on se sent lorsqu'on ment ? Lorsque les identités se perdent à travers le temps ? Qui est-il exactement ? Il sait qu'il a un prénom, celui-là n'a à la réalité jamais vraiment changé. Cependant son nom de famille, ce qui fait de lui ce qu'il est actuellement, n'est plus. Valdinguant entre un Cassenoisette princier et un Dragibus roturier, il voudrait n'avoir aucune histoire, encore moins de passé. Il en serait pas là, à se foutre royalement de la gueule du monde, continuant d'avoir un sourire de façade pour faire comme si. Parce que Niki, il est très doué pour faire comme si, faire comme si qu'on se le dise, c’est un peu un don, c'est inné, ça vient dès l'enfance quand on veut faire croire au meilleur ami qu'on a pas de problèmes à la maison. Alors que le père passe trop de temps à la taverne, que la mère se morfond dans ses tissus en rêvant qu'un jour le prince charmant l'emmènera. C'est pas tant qu'il était dans cette optique étant tout jeune, c'est juste qu'il faisait fit de la situation en comblant son coeur vide. Un père décédé trop tôt, une mère inquiète souhaitant le bonheur de son enfant, et un oncle avide de pouvoir ayant voulu usurper sa place - ce qu'il a fait avec brio, la preuve étant qu'aujourd'hui son nom n'a de cesse de le hanter, le détruisant à petit feu. C'est pour ça qu'il boit. C'est pour ça qu'il sent son petit univers s'effondrer sous ses pieds, il la voit, la lave en fusion, sans dragon autour pour le gober non. Le jour où Niki le dresseur de chevaux mourra, ce sera en agonisant, probablement pour se donner le temps de regretter encore un peu avant d'avoir la paix définitive. Il peut toujours se la rêver. Alors pour continuer à idéaliser, il enchaîne les gorgées, jusqu'à ce que sa belle petite sirène décide de se mêler de son problème. Elle est entrée dans son monde la tête la première, sans même se demander si l'eau était froide ou encore trop chaude, elle veut l'aide comme on peut le faire avec un ami, le sortir de sa torpeur, de son silence qui fait un mal de chien à voir. Il est pitoyable. Elle devrait lui mettre une beigne ou encore lui hurler dessus à l'instar du poivrot risible qu'il est devenu en cette belle soirée. Pourtant la lune est haute, autant que les étoiles qui brillent rien que pour eux, c'est même presque propice à des déclarations muettes. Toutefois, ce serait mal connaître les habitudes du prince déchu qui n'arrive pas à faire les choses au bon moment. C'est sa gaucherie qui le caractérise, autant que sa mauvaise prise de conscience qui arrive juste quand il ne faut pas. A ne pas en douter que le jour de son mariage - si seulement il veut bien y croire - il ne saura pas dire oui ou non devant l'autel. « Mon monde c’est le tien. » Têtue en plus d'avoir une répartie digne des plus beaux poèmes, sur l'instant il se dit machinalement qu'il ne mérite pas sa présence, qu'il ne devrait pas avoir droit à un tiers de ce qu'elle lui donne. Trop de rires, trop de sourires, trop de questions ridicules qui poussent l'aîné à glousser lorsqu'il les entend. Touchante, candide, à la fois mature pourtant, elle cherche à lui offrir ce trépas, cette lumière dans l'obscurité ambiante qui floute son horizon. Mon monde c'est le tien. Est-elle seulement sûre de vouloir connaître l'effroyable vérité qui entoure cette mine ravagée par les méfaits du temps autant que de l'hydromel qui réchauffe son sang, ainsi que son être ? Pinçant sa lèvre inférieure, une profonde inspiration lui brûle les poumons. L'air marin le rappelle à l'ordre. Il est encore sur le royaume, il est pas parti assez loin, c'est que ça suffi pas. « Ne me mens pas, Niki. » Pauvre Adaé, ce grand dadet ne fait que ça, en se disant qu'un jour il aura le revers de sa pièce. Bien sûr qu'il l'aura, son coup de bol, sauf que celui-ci se transformera en malchance parce qu'il n'arrive pas à faire autre chose que mentir. Le mensonge c'est en lui. Le mensonge ça le dévore. Le mensonge c'est sa bête noire. Rien qu'à l'entendre prononcer ces mots, il en frissonne, s'enfonçant d'autant plus dans le sable en admirant sa bouteille encore bien pleine s'éloigner de sa main destructrice. « Tu sais, on a un proverbe, chez nous, en dessous. Tout ce que tu essayes de noyer, la mer finira par recracher. » Recracher Marie ? Recracher son trône ? Recracher sa pauvre mère trépassée depuis maintes années ? Un rire sec autant que mauvais lui traverse ses lèvres devenues sèches, qu'il humecte grâce au bout de sa langue tout en fixant inlassablement les traits de l'ancienne créature marine. A première vue, elle n'a rien d'une terreur des océans, capable d'avaler quelconque âme par le biais de dents pointues. A ne pas en douter qu'elle sait se défendre, malgré tout, Adaé elle a comme cette naïveté en elle qui la rend plus touchante, donnant un poids considérable aux paroles qui traversent les oreilles de son aîné. Niki il a plus grand-chose dans sa vie, si ce n'est ses canassons, une bicoque bien tenue ainsi qu'un petit être à la peau blafarde qui vient souvent lui rendre compagnie, avec ce personnage ils parlent des heures durant autant qu'ils se baladent dans les rues voisines. Adaé il arrive pas à la qualifier. Elle est comme ça, c'est tout. Tantôt la soeur, tantôt l'amie, tantôt la sauveuse, ce soir elle prend le rôle de la pochtronne qui s'enlise dans les peines de l'autre. Ils se trouvent plutôt bien, quand on y songe plus longtemps.
L'un souhaite plus marcher sans l'autre.
Il redoute encore tout, n'est pas convaincu que l'avoir à ses côtés dans un tel état est la bonne solution, bien au contraire, il doit baisser dans son estime et le voir ainsi n'est pas si flatteur. Lui qui prend toujours un malin plaisir à jouer sur les apparences, à se donner une mine radieuse pour que l'autre ne se doute pas qu'en son torse se trouve un coeur pourrissant demandant à être soigné. Qui pourrait sauver sa carcasse ? Qui pourrait lui offrir ce repos bien mérité ? Quelqu'un qui puisse lire dans ses pensées tel un ouvrage ouvert sous le nez, là où il n'aura pas besoin de laisser sa voix mettre les choses au clair, là où quelqu'un ne le jugera pas. « Je t’ai jamais vu comme ça, Niki. Mais c'est pas grave, ça compte pas. T’as le droit, on a tous le droit. Et je sais que ça fait du bien, parfois, de se laisser aller. C’est comme se laisser porter par le courant. Tu sais pas où ça te mène, mais t’arrivera toujours quelque part. Laisse-moi t’accompagner, alors. » Il a le droit. Elle lui confirme un fait indéniable qu'il ne s'est jamais permis d'avoir. Oui, Niki Cassenoisette a lui aussi le droit de craquer à un moment ou à un autre, de laisser ses nerfs lâcher sous les émotions qui viennent à foison dans son âme qui ne supporte plus de se faire tirer à gauche puis à droite. Trop de contradictions qui se mêlent, une seconde la haine, une autre la joie, puis après l'amour, pour finir avec la mélancolique. L'alcool ça a pas que de bons effets, qu'on se le dise. Il aurait préféré chanter tel un crétin inconscient en titubant entre les grains dorés qui, enrobés par la nuit ont plus une dégaine de minuscules diamants qui ne brillent que pour ceux qui veulent bien voir. Se penchant pour attraper son compagnon du soir, il le brandit dans les airs tout en ajoutant. « Ne touche pas à ça. » Il agit tel un parent affirmant à son enfant qu'il ne doit pas avaler de bonbons, alors que juste devant lui il se vide un bocal de guimauves roses et sucrées à souhait. Il est pas logique. Il s'en tape un peu. Après tout le lendemain qui sait, avec de la chance il ne se souviendra même pas d'avoir agi d'une telle manière. Et il balance l'eau de vie dans les airs qui se ramasse plusieurs mètres au loin dans un fracas abominable. « Tu es sûre de vouloir entrer dans mon monde ? Je ne suis pas bien convaincu par ce que tu dis, non pas que je doute de ta sincérité, juste que, bon sang, tu risques de regretter le voyage. Ah ! Grand Niki, glorieux Niki, boute-en-train Niki, joyeux, petit, pauvre, crétin d'idiot de Niki. » Il pourrait en faire une chanson, il devrait le marquer quelque part, ça pourrait lui servir pour une carrière future dans la chanson. Il était une fois un bien joli garçon, qui en plus d'être sacrément mignon, était foutrement crédule, il aimait la populace et elle lui rendait bien en retour, sauf son oncle qui rongé par la jalousie a préféré orchestrer sa mort. Manque de bol, il avait certes pas beaucoup de réflexion quant au sens de la vie, néanmoins il avait réussi à survivre, enfermé dans un mutisme il avait été sauvé par une famille adorable répondant à un autre nom de famille. Il en a jamais parlé, et il a essayé de se reconstruire comme il a put, avec de nouveaux repères, repères qu'il a d'ailleurs lourdement perdu par la suite. A Yasen on le hait, à Yasen on ne veut plus entendre parler de lui, ce meurtrier de lui-même. « Et avant tout, PRINCE Niki, je te prie. » L'hydromel prend possession de son corps, les gestes avec, il est redressé comme un piquet, tout en restant assis sur le sol - il aurait probablement pas la foi de se lever. Un sourire sur la trogne, c'est qu'il y croirait presque s'il était pas si ironique. « Tu le crois ça ? Moi-même maintenant j'ai peur de m'y perdre, dans tout ce que je sais, ce que je suis. A priori, j'ai du sang bleu qui coule dans ma peau, je devrais même être dans un immense palais qui sent la réglisse. Il est beau, si beau... » Timbre moins sûr, prenant une dimension plus dramatique et peinée qu'autre chose, un point invisible sur les vagues attire toute son attention. Il se remémore l'architecture, les odeurs ambiantes, le sol glissant sur lequel il tombait tellement souvent. Faisant volte-face en secouant ses bouclettes brunes s'écrasant en fouillis sur son visage, ses prunelles reprennent un pétillement enfantin en croisant le visage de son interlocutrice. « Qui sait, un jour peut-être, lorsque j'aurais récupéré ce qui m'appartient, je pourrais t'y emmener et tu seras traitée comme une princesse digne de ce nom. » Princesse Adaé Ecaildargent, sans aucun doute elle aurait des tas de prétendants, un coeur pur à prendre pour le rendre heureux. Ce doit être un peu ce qu'il cherche le Niki, à lui donner ce qu'il n'a pu avoir en retour. La sirène on l'a enlevé à sa mer adorée. Le petit bourgeois à sa neige tant aimée. Ils se retrouvent comme deux simplets à admirer ce qu'ils n'auront pas. Au moins, ils sont ensemble dans cette envie muette de retourner à leurs origines. Là où tout les sépare, là où flocons et vagues ne mènent qu'à la glace et un paysage de givre.
C'est toi et moi, c'est tout ce qui compte.
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hungry ghosts  EmptyMar 23 Déc - 13:58


niki & adaé
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(comme j'suis trop gentille, je te prierais d'écouter d'abord ça et ça, comme ça, avec un peu de chance, quand tu liras, tu seras tellement morte d'avance que tu te rendras pas compte que c'est du kk ce que j'ai fait :laugh: )

De manière générale, les hommes passent leur vie entière à s’inquiéter de l’avenir. Ils font des projets, essaient de prédire les événements prochains. Comme si tout planifier à l’avance permettrait d’amortir le choc, d’alléger l’esprit si tout ne fonctionnait pas exactement comme prévu. Mais l’avenir, le futur, le destin, est une entité particulière, indépendante, sauvage. On ne peut ni la dompter, ni la contrôler. A peine l’effleurer du bout de notre imaginaire, et se laisser aller aux idées, aux scénarios les plus fous, les plus faramineux. L’espoir s’en mêle et le cœur suit, et alors, on ne peut plus rien faire pour contrer ces ébauches de vie future qu’on rêve de voir s’accomplir. Mais, à l’instar d’un tigre farouche, cet avenir en question apparaît distant, intouchable et pourtant prêt à mordre ; il reste imprévisible bien qu’un fait soit toujours assuré : une fois dévoilé, il ne correspond que très peu à ce que le subconscient des hommes avait élaboré. Et alors ceux-ci s’insurgent et hurlent, ils crient silencieusement à l’injustice et réclament dommages et intérêts à leurs vies brisées et balayées par le vent de la miséricorde. Et puis, incapables d’atteindre l’idéal qu’ils s’étaient fixés, ils retombent à la contemplation et surtout à la critique de leur passé. Comme un point d’ancrage, une ligne fixe et sûre sur laquelle se repérer. Sauf que beaucoup d’entre eux aimeraient pouvoir endiguer ces bouées, déglinguer ces boussoles et exploser le crâne à tous ces foutus repères qui leur bousillent  la mémoire. Faut dire qu’ils demandent pas grand choses, ces badauds-là, juste un peu de répit, un peu d’oubli, pour se panser l’âme et cicatriser leurs souvenirs. Mais la vie, la mort, les dieux, tous sont incorruptibles, cruels. Ils ne prodiguent aucun traitement de faveur, ils se contentent d’observer le vaste monde d’un air hautain et de siffler « si tu veux la paix de l’âme, cherche-la toi-même ». Et c’est pour combler le néant qui les habite, pour signifier leur débrouillardise que le commun des mortels s’applique à un jeu dont Adaé n’a pas encore véritablement saisi les règles. De tout ce qu’elle a pu en voir, de cet échiquier grandeur nature, elle n’a retenu qu’une chose, toute petite, singulière, pourtant dissimulable et cependant emblématique et baignée de vérité ; les hommes sont faux. Ils passent leur vie à tenter d’échapper à la mort, comme si le simple fait de ne pas y penser pouvait l’éloigner un tant soit peu. Ils passent leurs temps à ce qu’ils appellent « travailler », pour gagner quelque écu dès l’aube naissante et le perdre en son intégralité aux jeux ou à la taverne le soir venu. Ils épousent des femmes  et des hommes mais en aiment d’autres, rient à des comédies qu’ils ne saisissent pas et miment des pleurs devant le moindre drame qui semble affecter leurs connaissances. Mais pire encore, ils mentent. Par politesse, par principe. Ou par sécurité ; pour se mettre à l’abri, se protéger des autres, mais avant tout d’eux-mêmes. Le plus grand obstacle à son épanouissement est le soi, et, malheureusement, c’est un syndrome bien trop courant. Et Niki semble en présenter tous les symptômes.
« Ne touche pas à ça. » Les exhalaisons qui se dégagent des poumons du dresseur d'équidés viennent effleurer les narines d'Adaé, de leur effluve forte de mélancolie et de déni. Elle retrousse son flair, sensible au chagrin qui s'en émane. Elle se concentre alors sur le contact chaud de leurs peaux qui se rencontrent parmi les embruns, alors qu'il lui ôte la gnôle des mains. Et les mots grésillent à son oreille et l’ordre se retourne contre elle alors que la carafe virevolte dans l’air, avant de retomber dans un bruit étouffé dans les dunes, manquant de se briser contre les galets. Les prunelles d’acier fixent le contenant de verre un instant encore, se disant qu’une dernière gorgée n’aurait pas été de trop. Elle aurait peut-être fait passer cette boule dans le creux de sa gorge, qui enfle à chaque fois qu’elle pose les yeux sur Niki. « Tu es sûre de vouloir entrer dans mon monde ? Je ne suis pas bien convaincu par ce que tu dis, non pas que je doute de ta sincérité, juste que, bon sang, tu risques de regretter le voyage. Ah ! Grand Niki, glorieux Niki, boute-en-train Niki, joyeux, petit, pauvre, crétin d'idiot de Niki. » Piquée de curiosité, son attention tout entière est portée sur l'homme assis à ses côtés. Adaé se délecterait sans broncher du timbre chaud de sa voix, si elle n'était pas nimbée d'ironie et d'alcool. La sirène ne sait pas ce qu'il traverse, ce qu'il a vécu, mais elle peut se faire une idée très nette de ce qu'il ressent. Ce qui est à la fois avantage et inconvénient du passé, c'est que chacun en possède une copie différente, unique. Mais la douleur, elle, reste inchangée ; c'est comme un petit nœud tout effiloché, planqué entre les souvenirs douloureux et des sentiments en bordel. Un vide, un trou noir vers lequel tout converge avant d'imploser, sous le poids des années. Et comme une vilaine tâche, on a beau frotter, ça s'efface pas. Pire encore, ça s'étale, ça se propage. C'est un feu ardent qui lèche la moindre parcelle de votre peau et qui incendie votre âme, un brasier tempétueux, qui vous éloigne de l'accalmie du présent pour vous noyer dans les méandres de votre mémoire morte, de celle que vous aimeriez enterrer. Mais comme les glaciers sur les mers du nord, elle flotte en rade, à la surface de votre esprit, à attendre vicieusement que vous dérapiez pour vous ensevelir de ses neiges démoniaques. Adaé, elle sait ce que c'est, de fuir sa propre ombre. « Et avant tout, PRINCE Niki, je te prie. » On dit de l'alcool qu'il désinhibe, qu'il ouvre sur un monde de relâchement, d'indolence et de pulsions en tous genre. Mais ce qu'Adaé ignorait, c'était qu'il semblait tout autant conduire vers une démence douce-amère. Si elle ne connaissait pas le bougre à côté d'elle, elle penserait qu'il s'amuse à se jouer des autres comme les comédiens face au quatrième mur. Mais Niki ne joue pas, il masque. Et alors que les vagues emportent au loin le silence de la nuit, la peinture de sa carapace de façade d'écaille. Pareil à un tic familier, les pupilles stagnent sur la silhouette du présumé noble, s'attardant sur les détails, des nerfs saillants à la base de son cou, remuant en rythme avec les battements acharnés de son cœur jusqu'à la moindre mèche brune, secouée par une brise marine. Elle essaie de comprendre la signification de ces paroles, de soupeser les mots.
Puis, comme si le mécanisme un peu rouillé se déboîtait à nouveau, tout s'enchaîne.
« Tu le crois ça ? Moi-même maintenant j'ai peur de m'y perdre, dans tout ce que je sais, ce que je suis. A priori, j'ai du sang bleu qui coule dans ma peau, je devrais même être dans un immense palais qui sent la réglisse. » La sirène se mord la lèvre. Elle meurt d’envie de lui demander ce qu’est la réglisse et surtout, si c’est mangeable, mais elle se retient. Question de principe. Et à défaut de pouvoir satisfaire une curiosité maladive et gauche, elle s'approche davantage. La voix de Niki se brise sur le dernier tiers de sa réplique et en réponse, Adaé plaque son épaule contre la sienne et se joint à sa contemplation du tapis céleste. « Il est beau, si beau... » Elle reconnaît ce ton, à force de l'avoir elle-même employé, en décrivant à son ami les fonds marins qui lui manquaient tant ; et ces coraux aux mille teintes mates, ces poissons aux écailles irisées, ces taches de soleil, dansant sur les rochers. La brune se gratte la gorge et humecte ses lèvres salées par les rejets d'écume. « Si tu es prince, et je ne dis pas ça parce que je ne t'accorde aucune confiance, loin de là, que fais-tu à la capitale ? Pourquoi ne retournes-tu pas simplement dans ce si beau palais, si tu l’affectionnes tant ? » Sa question reste en suspend, comme adressée au récif plutôt qu'au bipède avachi à sa droite, qui semble perdu dans ses pensées, peut-être à la recherche d'un ailleurs meilleur. Puis, une paire d'yeux malicieux rencontrent les siens, de façon inattendue, mais pas moins appréciée. « Qui sait, un jour peut-être, lorsque j'aurais récupéré ce qui m'appartient, je pourrais t'y emmener et tu seras traitée comme une princesse digne de ce nom. » Adaé clôt ses paupières un bref instant, un sourire étirant ses lèvres. Devenir une princesse ? C'était le but ultime de toutes les petites filles du royaume terrestre semblait-il. Mais en-deçà, la royauté avait un autre aspect. Elle semblait moins glorieuse qu'à Fort Fort Lointain, déchirée par les déferlantes. Mais si être traitée comme une princesse impliquait de porter de belles robes, de manger de bonnes choses et de pouvoir regarder en continu les Reines de Rollywood sans bouger le petit doigt, Adaé était partante. Surtout que posséder un titre pareil, c'était avoir du pouvoir, ne jamais se sentir impuissant. Elle parviendrait alors, d'un coup de baguette, à effacer la tristesse qui tapisse le fond des yeux du ser Cassenoisette. Quand elle rouvre les siens, cependant, elle ne peut s'empêcher de froncer ses sourcils sur le coup de l'incompréhension. « Je ne sais pas comment tout fonctionne chez vous, les hommes, mais en tout cas, dans ma contrée, tu n’as pas à récupérer quoi que ce soit si c’est déjà à toi. » Très belle logique, je te félicite, petite morue. Adaé soupire de sa propre bêtise ; elle en a connu d'autres, des moments où elle aurait aimé s'enterrer vivante au fin fond d'un placard. Puis, à quoi bon ? Elle n'était pas d'une grande aide en l'instant même. Elle observe son interlocuteur du coin de l’œil alors qu'elle essaie vainement de contenir sa respiration à un rythme plus ou moins régulier. Enfin, les mots glissent sur sa langue et effleurent son palet, dégageant des sons à l'accent usé, usés par le temps, par les émotions. « C’est plus complexe qu’il n’y parait, c’est ça ? » Cette fois, son regard est plus direct, plus insidieux, aussi. Elle ne comprend pas Niki. Elle n'y parviendra sans doute jamais, elle s'en rend dorénavant compte. Mais, à défaut de pouvoir appréhender ce qui jonche son esprit, peut-être réussira-t-elle à y mettre un peu d'ordre ? C'est jamais facile, de faire face, de vouloir améliorer les choses ; souvent, le contraire se déroule et on s'enlise davantage, on se retrouve pris au piège entre les rouages de notre cœur, cette motrice rouillée, et ses sentiments qui fonctionnent plus très bien. Souvent, on finit par plus pouvoir encaisser, faire semblant. Faire semblant. C'est comme le capot d'une cocotte-minute, un jour viendra, ça sautera au plafond. « Hey » Adaé, elle a peur d'avoir perdu un Niki dérouté et broyé dans ses pensées. Alors pour rétablir le contact, elle pose machinalement sa patte sur son avant-bras et perçoit la petite décharge qui l'électrise comme à chaque fois. « Tu peux me le dire, Niki. Je suis là, je t’écoute ; ça va aller. » Ses doigts sont froids, à force de les remuer dans l'air glacé de la nuit. Elle sait pas trop quelle heure il est non plus, ni depuis combien de temps, ils sont assis-là, comme deux idiots, à attendre et espérer, à avouer et démentir. Mais Adaé, elle s'en contrefout. En soi, le plus important, c'est pas plus le voyage que le partenaire de route.
Elle se laisse aller contre lui, et pose sa tête contre son épaule, avant de fermer les yeux et d'inspirer un grand coup, prête à tout affronter ; mer déchaînée, tempête de sable, blizzard aveuglant comme aveu déchirant.
Ça ira toujours.
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hungry ghosts  EmptyLun 29 Déc - 16:26




Adaé et Niki
Ce secret était un trou au milieu de moi dans lequel tombaient toutes les choses heureuses.

De la paix à la guerre, il n'y a qu'un pas, de la joie au désarroi, il en faut beaucoup moins. C'est désolant à quel point un seul élément dans l'existence peut tout casser, une trahison, un mot de trop ou bien un geste révélateur, puis la chute s'ouvre sous les pieds de la pauvre victime, celle-ci ne peut faire autre chose que de se laisser tomber, attendant avec impatience de s'écraser sur le sol brut et noir. Un rien, un peu, une toute petite faille dans laquelle les démons se glissent pour tripatouiller un coeur encore trop fragile. Il n'était qu'un enfant. Il ne comprenait pas, il ne comprenait rien à vrai dire. Muré dans un silence de glace, il avait réfléchi, des années durant, jusqu'à ce qu'un jour l'illumination traverse son esprit. Il ne voulait pas y croire le petit Niki, il préférait se dire que c'était lui, même que son imagination débordante lui jouait des tours - c'est que sa véritable mère lui disait - et pourtant, il n'y avait aucune autre possibilité. L'adolescence avait fait de lui un jeune homme plus pensif, à mi-chemin entre la lumière et les ténèbres. Il avait regardé, gauche, droite, gauche, machinalement comme on peut le faire en passant le balai dans une boutique. Puis il avait su que tout était de la faute d'un père, d'un oncle, d'un membre de sa propre famille et que définitivement, avoir le même sang ne veut plus rien dire. Si encore il était possible de choisir les propres membres de son cocon, bien sûr que Niki aurait fait des choix considérables. Il aurait jeté Adaé dedans sans qu'elle puisse rien y faire, en tant que quoi ? Il ne saurait le dire exactement. Marie aurait été de mise, ainsi qu'Ulrich et sa soeur. La fratrie aurait été immense si le ciel avait bien voulu lui donner ce pouvoir. Personne lui a répondu, et souvent, il souhaiterait être cinglé pour entendre la voix d'un tout-puissant lui donnant des ordres. Qui sait, il pourrait mourir vaillamment en donnant l'assaut contre sa libératrice de bonne fée, elle le tuera en peu de temps, toutefois il aura agi avec plein d'espoir. Ce qu'il n'a plus actuellement. La preuve étant que le chagrin il préfère le noyer dans la bouteille plutôt que dans les eaux salées. Au moins ne s'est-il pas encore étouffé, c'est un bon début. Cependant, il ne faudrait pas que sa petite protégée tombe dans ce cercle vicieux dans lequel il a foutu le pied, jamais de la vie. Il s'en voudrait. Comme si avoir la culpabilité d'être ce qu'il est ne suffisait pas, perdre un autre proche l'assassinerait littéralement. Inspirant profondément, les effluves marines grimpent jusqu'à ses poumons qui s'emplissent d'une meilleure odeur que celle de l'hydromel. Le tableau est appréciable de loin, il l'est bien moins quand on s'en approche. « Si tu es prince, et je ne dis pas ça parce que je ne t'accorde aucune confiance, loin de là, que fais-tu à la capitale ? Pourquoi ne retournes-tu pas simplement dans ce si beau palais, si tu l’affectionnes tant ? » La petite sirène et sa candeur si significative. Ah, Adaé, douce Adaé, jolie Adaé. Si elle savait à quel point rien n'est simple dans le monde des hommes. Généralement quand il l'écoute conter ses récits, il se dit que la société poissonnières en-dessous est bien plus agréable. En commençant par les souverains qui ne font pas de différences, entre les possibilités qui s'ouvrent à eux, aux cours de chants, des courses de chevaux des mers, à cette musique constante qui règne en maître sur les vagues. Il l'envie cette demoiselle qui a connu autre chose que toute cette désolation enrubannée dans un papier cadeau pastel. Elle n'est pas heureuse, pas totalement, il en est convaincu. Il voudrait la rejoindre, qu'à deux ils trouvent un moyen de filer en douce de ce royaume, qu'ils en trouvent pourquoi pas un autre ! Ce serait une autre idée à garder dans un coin de sa tête. Une chimère entre autres qui ne se réalisera jamais. Le palpitant serré, main dans le sable qui serre un peu plus la matière fine, il en torture une nouvelle fois sa lèvre inférieure sèche à souhait - à ne pas en douter, elle risque de bientôt saigner. « Je ne sais pas comment tout fonctionne chez vous, les hommes, mais en tout cas, dans ma contrée, tu n’as pas à récupérer quoi que ce soit si c’est déjà à toi. » Et le Cassenoisette dissimulé sous Dragibus peut pas s'empêcher de sourire le plus bêtement du monde, continuant inlassablement de zieuter l'horizon bleuté. C'est touchant. C'est bon de se dire que quelqu'un d'autre peut chercher des solutions à votre place, en vain certes, en revanche le coeur y est et c'est cela qui fait toute la différence. Elle veut lui donner, ça oui, beaucoup de choses, mais, est-ce que Niki serait capable de lui offrir quelque chose en retour ? Pas même un cheval. Il ne roule pas sur l'or, ne quémande pas à manger dans la rue non plus. Il n'a pas à se plaindre. Voilà, c'est tout ce qui marche, tout ce qui peut fonctionner avec lui. Ne pas avoir le droit de craquer, de saturer, parce que dans toute sa malchance, il a trouvé des petits bonheurs qui s'accumulent au fil des âges. Si l'alcool lui est monté à la tête rendant son esprit brumeux, une part de lucidité persiste à lui affirmer qu'il ne faut plus perdre le fil - ne vaut-il pas mieux dans ce cas, s'enfoncer dans le sable pour se laisser périr qu'elle lui répète. Secouant sa tignasse brune pour chasser sa conscience, il en vient à renifler un peu pour se donner un semblant de vie. « C’est plus complexe qu’il n’y parait, c’est ça ? » A un point tel que beaucoup de dirigeants en ont perdu la raison, si ce n'est plus. Et c'est à partir de l'instant où l'homme a dit ceci m'appartient que tout a commencé à partir en vrille.
Véritablement.
Son petit sourire devient de plus en plus amer, il veut oublier l'accident, oui, c'est cela qu'il cherche, l'oubli dans toute sa splendeur. Comme quand on frappe un chevalier au crâne si fort qu'une bouillie infâme sort de son casque, signifiant qu'il a été vaincu ainsi que lapidé à l'extrême. N'y-a-t-il donc aucun forban souhaitant sa perte quelque part ? Niki cherche du regard, il ne trouve pas, si ce n'est un gigantesque vide digne de la dame de la nuit. Un contact délicat le sort de son délire, des doigts fins et glacials sur sa peau bien trop chaude, durant une seconde il a oublié la sylphide à ses côtés. « Tu peux me le dire, Niki. Je suis là, je t’écoute ; ça va aller. » Il le sait, plus que n'importe qui. S'il n'avait pas tant de liqueur dans le sang, il n'en serait pas là, il aurait redressé la tête et l'aurait jeté dans l'eau sans qu'elle puisse dire ouf. Il aurait repris la bonne humeur par les rênes, comme il sait si bien le faire l'imposteur. Il ment aux autres, il se ment aussi à lui-même. Bon sang, il va aller loin dans la vie ce petit. Tournant sa mine vers elle, il n'ose ajouter quelque chose, toutefois à son tour il commet un geste tendre à son égard. Il se penche quelque peu, ses lèvres entrent en collision avec sa joue porcelaine, et une légère pression s'y fait. Un petit baiser bambin aussi chaste qu'il peut être sincère. Le bout de son nez frotte contre cette surface lisse à souhait, il inspire son parfum floral jusqu'à s'en imprégner puis murmure d'une voix basse. « Je n'ai même pas à t'affirmer à quel point tout est alambiqué ici. » Petit rire brisé, il se recule pour reprendre un minimum de tenue - quoique, avec une moitié de bouteille dans le bide, il n'a plus à rendre de compte. Il s'étire, fait craquer son dos endolori par sa position larvaire puis jette un regard pensif vers le ciel jonché d'étoiles qui narguent ceux qui se trouvent en dessous. Elles ont bien de la chance. Elles n'ont pas à penser, elles. Elles ont juste à être là, puis à disparaître un jour comme un autre. Néanmoins, Niki, lui, il aime à se dire que ce sont les morts qui sont là-haut. Que le paradis c'est surfait, ainsi que l'enfer - il a été inventé pour les mouflets peureux - s'il n'y a donc aucun bien et aucun mal, il peut y avoir un lieu entre les deux. Quelque part il y a sa mère biologique, son père Piotr qu'il n'a eu la chance de connaître, et qui sait encore qu'il a bien pu perdre ? Ils sont là, il peut le sentir jusqu'au moindre os qui forme son squelette, les âmes perdues ne le sont jamais totalement. « Ce qu'il y a de dépitant, c'est à quel point il est facile de tromper autrui pour arriver à ses fins. Et ça arrive Adaé, bien plus qu'on ne le pense, avec des inconnus, des proches, parfois même de la famille. Dans mon cas c'était mon oncle, il n'avait rien à m'envier je suppose, si ce n'est le droit de poser son royal séant sur le trône de Yasen. » Il le prend avec une certaine poésie, un lointain qui lui paraissait impossible en début de soirée. Il hausse les épaules, passe le bout de sa langue sur ses lippes pour les humecter, tout en ne lâchant pas son attention sur la voie céleste. « Mais, il l'a fait tout de même. Je n'étais pas plus haut que ce rocher, et il a voulu me tuer. De la manière la plus pleutre possible, bien évidemment, il aurait été bête que quelqu'un se doute de sa participation à ce regrettable incident. » Est-ce qu'il jouerait avec l'auto-dérision maintenant ? Regrettable ? Est-ce qu'il le pense réellement ? Il ne saurait pas vraiment le dire. Quand il est sous l'emprise de quelque chose, Niki est à la fois ce qu'il a toujours été tout en étant très éloigné de la bête d'origine. Après tout, il est dit que seuls les enfants et les ivrognes ne peuvent s'empêcher de dire les choses telles qu'elles sont. Pour une fois qu'il peut se lâcher, c'est pas demain la veille qu'il recommencera - s'il s'en souviendra, pour sûr. « J'étais trop jeune, je n'ai rien pu faire et encore maintenant je suis impuissant. Que pourrais-je accomplir après tout ? Une armée de chevaux ? Ce ne serait pas totalement saugrenu, encore faudrait-il que je leur apprenne à tenir des épées et des boucliers. » Il devient barge, il a perdu définitivement toute once de bon sens et part dans un éclat de rire mémorable, si bien qu'il s'en affale sur le sable à l'opposé d'Adaé qui sans aucun doute, doit le regarder sans comprendre sa tristesse évacuée ainsi. Tête dans le sable bien enfoncée, bras étalés comme une étoile de mer, son ventre se gonfle, se dégonfle, ses épaules quant à elles gigotent dans un rythme irrégulier, témoignant de sa folie douce incontrôlée. Puis au fil des minutes, ça se calme, ça se tasse, si bien que tout son être se rendort. Paupières closes, il se sent étonnamment apaisé. Il rajoute toutefois pour ne pas dériver de sa promesse muette. « Ceci étant, je suis convaincu que tu ferais une excellente altesse, la plus gracieuse, défenseuse de la faune et de la flore marine de surcroît. » Qu'il affirme avec un tel aplomb qu'il se surprend. Il semble qu'il s'enfonce, qu'enfin il a récupéré un peu de cette candeur qu'il a dégobillée dans cette bouteille qui continue de le supplier de la vider, elle est loin, trop loin pour qu'il se donne la peine. Encore s'il avait la foi, il pourrait certainement ramper jusqu'à elle. Néanmoins, elle n'en vaut pas la peine, pas autant que cette présence rassurante qu'incarne la sirène aux cheveux sombres. Est-ce qu'il a oublié ? Faut croire que oui. Un peu.
Juste assez pour se soigner.
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hungry ghosts  EmptyMar 30 Déc - 0:46


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Il y a des choses qu'on ne changera jamais. Qu'on ne pourra jamais changer. Immuables, dans l'espace comme le temps, qui se perdent dans l'infiniment petit, qui s'oublie en plongeant dans l'infiniment grand. Des choses qui n'auraient pas dues se produire, d'autres sans quoi rien n'aurait été possible. Des petits actes, aussi peu significatifs que la simple éclosion d'une fleur, offrant au monde son petit cœur de pétale et de douceur. Mais aussi de grands événements, poétiques et magistraux à la fois ; les aurores boréales, qui dansent sur le tapis céleste des nuits froides et obscures du nord, le bercement enchanteur des vagues, similaires à ceux des mères qui endorment leurs enfants de leurs incantations mélodieuses, les forêts denses, qui s'étendent de part et d'autre des royaumes, dans un camaïeu harmonieux de vert, le clapotis des rivières, qui rythment le ballet de la nature, le chant des oiseaux, la chaleur du soleil, les couleurs du ciel. Et puis, il y a l'amour. L'amour et la haine, la joie et la peine ; des milliers de facettes différentes, des millions d'émotions pour guider une même âme.
Pour la perdre, aussi.
Le cœur est un organe creux, forgé de tissu musculaire, noyé dans le sang et les émotions. Il mesure environ douze centimètres à l'âge adulte et pèse tout juste trois cent grammes, soit moins d'un demi-pourcent du poids corporel total. Trois cent putains de grammes qui tiennent bon, qui résistent. Il irrigue le corps, il rythme la vie. C'est comme un orchestre à lui tout seul, qui jongle entre les rôles du maestro et des instruments, qui s'acharne à poursuivre la symphonie, pour qu'elle ne s'arrête jamais. Mais parfois, y a des accrocs, des fausses notes. Parfois, le palpitant saute et rate une gamme, parce qu'avec le temps, il s'use. Il est plus très bien accordé. Et surtout, il a été bien malmené, le pauvre petit. Parce qu'un cœur, ça a beau n'être qu'un morceau de chair plus ou moins arrondi, et bien protégé dans sa cage d'os, comme un moineau d'or et de sang, ça finit toujours par être atteint, ça connaît la douleur d'être éphémère. Pire encore, ça connaît la douleur, tout simplement. Poignardé à vif, arraché à chaud. Déchiré en deux, trois, quatre, mille lambeaux. Manipulé, trituré, tendu, broyé, pétri dans tous les sens. C'est comme une boule de linge trempé qu'on peut essorer. Qu'on peut vider de son essence. Et pourtant, c'est beau, un cœur. C'est plus beau encore quand de moineau, on passe à colibri en un regard, qu'on ouvre la porte aux papillons dans le creux des entrailles pour un contact, qu'on électrifie les veines, pour un baiser. C'est une fresque qu'on dépeint à votre odorat, une musicalité qui touche vos yeux et un goût doucereux qui hante vos tympans. Ça vous laisse aussi le parfum aigre-doux des souvenirs dans l'fond des papilles. Ouais, le cœur, c'est une contradiction à lui tout seul. Une machine de guerre qui ploie sous l'ouragan des sentiments, qui dégueulent sur la dureté de la vie et qui s'habille du regard des amants et des aimés. Mais une fois que l'assaut est lancé, une fois que le char est touché, que la flèche a transpercé les chairs, que les balles se brisent sur les os, que le poison s'insinue dans les veines, vous vous rendez compte. Vous vous rendez compte que c'est pas tant le cœur qui vous fait si mal, c'est simplement, que vous êtes idiots. Et à ce moment-même, les deux idiots assis sur la plage n'en peuvent plus de leurs idiots de cœurs. Surtout qu'ils commettent l'idiotie de ne pas mettre en commun leur bêtise.
Adaé fixe patiemment l'homme aux chevaux du bout de ses pupilles irisées, la main toujours en étau sur son avant-bras, comme pour sceller une promesse muette, un pacte secret mais pourtant tacite. Je serais toujours là, Niki. Et en réponse à cet accord de sourd, elle le perd de vue, un tout petit instant, pour sentir ses lèvres effleurer sa joue, et son souffle se mêler au siens. Ses lippes sont si près qu'elle sent les mots qui roulent directement de ses oreilles à sa gorge, de ses bronches à ses poumons. « Je n'ai même pas à t'affirmer à quel point tout est alambiqué ici. » Elle ne sait pas quoi répondre, alors elle choisit de se taire, pour une fois. Elle a confiance en lui ; et dieu sait que la confiance est quelque chose de fragile. C'est une coupe de cristal délicate qui se gorge de l'amour qu'on veut bien y mettre, de la liberté et du soutien qu'on veut bien y accorder. Mais parfois, elle se fendille, cette coupe. A d'autres encore, elle se brise sous le poids des trahisons et hurle son désespoir porté par le vent de la pitié. Mais, la vie a beau être cruelle, elle connaît, elle aussi, sa part de miséricorde. Il arrive qu'elle vous envoie des émissaires, des anges, chargés de veiller sur cette coupe que vous pouvez leur offrir sans confession. Niki était de ceux-là, et Adaé tâchait d'en faire de même. Néanmoins, il arrivait que les plus beaux anges se brûlent les ailes. « Ce qu'il y a de dépitant, c'est à quel point il est facile de tromper autrui pour arriver à ses fins. Et ça arrive Adaé, bien plus qu'on ne le pense, avec des inconnus, des proches, parfois même de la famille. Dans mon cas c'était mon oncle, il n'avait rien à m'envier je suppose, si ce n'est le droit de poser son royal séant sur le trône de Yasen. » Elle l'écoute, plus attentive que jamais. Elle boit ses paroles et laisse voyelles et consonnes glisser sur elle comme les luisantes perles de nacre et d'obsidienne que l'homme à ses côtés se plaisait à contempler, depuis leur petit renfoncement dans les sables de la nuit. Les mots sont très importants, aux yeux d'Adaé. Souvent, elle ne saisit pas toutes leurs significations, leurs sens cachés, mais ce mystère les rend d'autant plus appréciables. Selon les bouches qui les expirent, ils sont énigmes à résoudre, pièges à éviter ou secret à conserver. Les mots sont malléables et souples, et, tout comme le ton qu'on emploie, peuvent être révélateur de beaucoup. Mais les gestes aussi, ont leurs définitions propres. « Mais, il l'a fait tout de même. Je n'étais pas plus haut que ce rocher, et il a voulu me tuer. De la manière la plus pleutre possible, bien évidemment, il aurait été bête que quelqu'un se doute de sa participation à ce regrettable incident. » Ses prunelles s'écarquillent sous la puissance de cette nouvelle. De toutes les images qui défilaient dans son esprit, pas une ne reflétaient l'idée de la mort de Niki. Pas lui. « Niki... » Il était le dernier à mériter un sort aussi vil et lâche, le dernier à attendre un tel sort. La rancœur et la compassion la gagnent davantage lorsqu'elle se met à songer à Niki petit, emmitouflé sous plusieurs couches de vêtements, bravant les blizzards de Yasen pour jouer au chevalier et sautiller de pierre en pierre (coucou justine). Elle crispe ses doigts, et s'enfonce encore dans l'omoplate de son ami, le cœur en berne. Adaé parvient presque à percevoir le craquement lointain d'un cœur éraillé qui a bien du mal à suivre correctement les notes qu'on lui impose. « J'étais trop jeune, je n'ai rien pu faire et encore maintenant je suis impuissant. Que pourrais-je accomplir après tout ? Une armée de chevaux ? Ce ne serait pas totalement saugrenu, encore faudrait-il que je leur apprenne à tenir des épées et des boucliers. » L'étreinte de ses doigts se défait alors que Niki part dans un fou rire solitaire, à s'en finir étendu face contre les dunes, la gorge déployée à expier ses peines. Adaé se dresse une image plutôt floue de chevaux combattant, elle ne peut le nier. Mais ce qu'elle peut encore moins rejeter, c'est son ignorance face au comportement du brun. Il est emporté dans une démence douce-amère qui agite ses membres en cadence avec le flux des vagues, plus agité qu'auparavant. Une mouette survole les rivages, seule autre témoin d'une scène qu'Adaé se contente d'observée, toujours murée dans un silence presque religieux. Il lui rappelle la réaction d'un poisson qu'on sort de l'eau sans crier gare, il trépigne, se débat, apeuré, pris d'une psychose absurde, avant de s'apaiser d'un souffle, de détendre le parvis de ses écailles de lune et d'ouvrir la porte sur un autre voyage. Lorsqu'enfin, la déraison commence à s'émousser et Niki à retrouver son calme, la sirène ose couler un regard vers lui. Puis un sourire. « Ceci étant, je suis convaincu que tu ferais une excellente altesse, la plus gracieuse, défenseure de la faune et de la flore marine de surcroît. » Un rire lui échappe, alors qu'elle relève les yeux au ciel. Puis, dans sa soi-disant grâce si naturelle, elle se laisse tomber comme une morue à demi-crevée à son flanc, expirant un soupir de fatigue, l'esquisse d'une boutade toujours sur les lèvres. Qu'il est beau, le soulagement des confessions passées, des secrets dévoilés. « Mon premier décret serait d'instaurer un jour férié supplémentaire, pour célébrer la grandeur de l'océan. Et des gâteaux à la cannelle de chez Farbucks. » Ils étaient face à des millions de lucioles qui ne brillaient que pour eux. Derrière, au loin, la capitale semblait si endormie qu'aucun son quelconque n'en émanait de trop. Et devant, toujours aucun croquis de voiles à l'horizon. Ils étaient seuls et plongés dans le silence. Mais pas les silences gênés qu'on partage avec des inconnus lors de moments embarrassants. C'était un des silences sereins, qu'on éprouve et qu'on dispense quand les mots n'ont soudain plus d'utilité aucune. Certaines choses n'ont en effet, pas besoin d'être dites pour êtes entendues, pas besoin d'être mimées pour être comprises. Ravalant sa salive, Adaé s'extirpa de son affable torpeur pour se tourner vers l'autre, la tête posée sur la paume de sa main, son coude engoncé dans les grains d'ocre. Il dégageait une aura d'autant plus belle, sous le ciel étoilé, lorsqu'il avait l'esprit dégagé de ces maux, quoi qu'encore voilé par les effets de l'alcool. Mais quelque chose dans son expression trahissait une humeur plus tranquille qu'antérieurement. « Tu ne peux peut-être pas envoyer une armée d'équidés au combat, mais tu peux toujours faire éclater la vérité. Des tas de gens le font chaque semaine, aux miroirs, dans Tellement Frais. » Une lueur de malice recouvrait ses iris et son visage entier. Adaé savait bien que cette émission ne fascinait pas outre-mesure le dresseur ; mais ils se jouaient toujours des « témoins » qui venaient partager leurs expériences pour le moins...unique. Elle réprima un autre gloussement, préférant se concentrer à nouveau sur son protecteur. Qu'aurait-elle fait, si elle n'avait pas fait la rencontre de Niki Cassenoisette ? Où serait-elle allée, si ce n'est dans sa bicoque, les soirs où les orages éclatent trop fort, où la solitude est trop grande et où son parfum lui manque ? Si sa vie sur deux jambes n'était pas parfaite, la renier entièrement serait injuste. Elle avait perdu des écailles, mais avait obtenu en retour, un beau cadeau. « Je suis navrée, Niki. Je sais ce que c'est, de ne pas se sentir à sa place. » Une dernière fois alors, elle tendit sa paume en quête de la sienne, les yeux rivés sur leurs peaux. Qui aurait-elle été, sans les efforts de Niki Cassenoisette ? « Ce n'est pas simple, ça ne le sera jamais. Mais quitte à se sentir différents, à être différents, autant être deux. Pas vrai ? » Définitivement, pas la même petite Adaé.
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hungry ghosts  EmptyJeu 1 Jan - 22:43




Adaé et Niki
Ce secret était un trou au milieu de moi dans lequel tombaient toutes les choses heureuses.

La cassure. L'instant précis où la réalité se coupe du rêve, et où la chimère se mêle au cauchemar. La brisure. Celle qui fait un tel mal de chien que l'être attaqué ne peut que se rouler en boule en chouinant, demandant de l'aide aux ombres qui passent à côté de lui sans se soucier de son état. Le néant. Celui qui dévore sans ménagement ceux qui se penchent vers lui, la fission, la crasse, l'immense faille qui se forme en son coeur gobe tout ce qu'il peut y avoir de beau en ce monde, laissant derrière lui un Niki dévasté tant psychologiquement que physiquement. Par le biais de l'alcool, il a cru un instant pouvoir s'en sortir, dégager de cette fatalité qui lui colle à la peau là où les horreurs se font. Mais rien, il est un monstre à part entière, appartenant à cette catégorie si particulière qui ferme les yeux sur tout. Il se monte la tête pour un oui, se l'écrase sur un mur pour un non, ce doit être la peur qui l'empêche d'avancer parce que à partir du moment où on lui met des bâtons dans les roues, il n'est plus tellement convaincu de pouvoir arriver à son but. Si encore il en avait un, les faits seraient tellement plus simples, plus doux dans la gorge à l'instar de l'eau cristalline qui vient ré-altérer une peau asséchée. Il ne sait pas, il ne sait plus, il nage dans le doute sans avoir d'écailles, se noie sous des responsabilités qui ne lui appartiennent plus et là où son château le nargue, il peut apercevoir de loin son oncle qui se pavane avec sa douce Dragée qui le fait danser dans un petit salon privé. Ah, s'il était seulement question de luxe, il aurait déjà lancé l'assaut envers l'ignoble traître, lui aurait sans aucun doute coupé la tête qu'il aurait exhibée sur une pique à la bordure de Yasen. Oh oui, il se serait conduit en un véritable combattant sans foi ni loi, qui ne laisse personne l'atteindre à moins de lui croquer le coeur. Néanmoins, Niki Cassenoisette reste fidèle à ce qu'il a toujours été, un grand gamin la main posée sur le torse, ne cessant de rire parce qu'il n'y a rien de plus beau qu'un gloussement qui s'étale dans le vent, ça fait plaisir à soi-même comme à autrui, et c'est ça qu'il veut faire le prince déchu, offrir du bonheur là où il n'y a que de la désolation. Quel genre de souverain aurait-il été exactement ? Un homme étincelant promettant monts et merveilles à son peuple, ne pouvant leur imposer des taxes et préférant que tout marche dans le meilleur des univers plutôt que de leur faire du mal. Il aurait été surnommé le bon, le juste, l'adorable, rien de quoi faire peur à des hypothétiques envahisseurs. Néanmoins il aurait poussé son propre bout de terre à sa perte parce que prendre des décisions difficiles, ça n'a jamais été pour lui. Il veut les fuir, il les dégage d'un coup de balai maladroit préférant faire attendre plutôt que d'affronter. Est-il pour autant un lâche dégoulinant d'une mauvaise volonté déconcertante ? A priori non, il conviendrait plutôt d'affirmer que tout seul, Niki, il est incapable de bouger le moindre petit doigt. Qui souhaite le sortir de sa torpeur ? Une belle sirène aux écailles argentées, similaires à la lune qui brille pour eux ce soir. Elle s'affale à ses côtés dans un petit soupir significatif, serait-ce donc la fin des confessions pleurées ? Si seulement il en était ainsi. Plus il est calme et plus son cerveau s'agit dans sa petite tête bien trop compressée, il fronce les sourcils en ne lâchant pas l'étendue d'étoiles du regard. Il aimerait en être une, ce doit être même très agréable d'être une entité pareille. Personne ne vous embête, personne ne vous demande de faire ceci ou cela, d'être parfait pour un bal ou de savoir causer telle langue à la perfection. Personne vous enquiquine là-haut, on fait que vous admirer pour votre présence, là où les hommes préfèrent se massacrer, elles surplombent ces ridicules insectes pour les regarder avec une compassion que même lui ne peut comprendre. On leur demande rien aux étoiles, si ce n'est de vivre pour mieux mourir. Alors quel est le sens exact de cette vie ? Celui de venir au monde pour retomber dans les catacombes de la faucheuse ? Il inspire profondément, sent une nostalgie nouvelle lui traverser le corps alors que ses paupières se ferment pour profiter de cette accalmie. Non, on demande rien aux étoiles, juste d'être là. « Mon premier décret serait d'instaurer un jour férié supplémentaire, pour célébrer la grandeur de l'océan. Et des gâteaux à la cannelle de chez Farbucks. » Et justement, une des leurs est tombée à la capitale pour pousser certains mortels à la rejoindre dans son palais auréolé de lumière. Elle lui parle en cet instant même, sa magnifique étoile aux cheveux foncés qui dans toute sa candeur ne peut se transformer en autre chose qu'un soleil. Ce doit être ça la plus belle confirmation d'une existence pour une étoile, devenir aussi énorme qu'un astre. Adaé elle en deviendra un un jour, ça, Niki en est plus que convaincu. « Tu ne peux peut-être pas envoyer une armée d'équidés au combat, mais tu peux toujours faire éclater la vérité. Des tas de gens le font chaque semaine, aux miroirs, dans Tellement Frais. » Allons bon, participer à une émission réellement ? Il se voit mal présenter le lieu où il vit, ainsi que celui où il a vécu une partie de son enfance. Non, ce serait insulter ses origines tout comme ce qu'il est exactement. Peut-être est-il pitoyable à succomber à l'alcool, en revanche il a encore un minimum de décence pour ne pas s'afficher devant des milliers d'yeux trop curieux. Qu'aurait-il d'intéressant de toute façon ? On rirait de lui, on se moquerait du trentenaire bafoué. « Je suis navrée, Niki. Je sais ce que c'est, de ne pas se sentir à sa place. » Toute la populace est désolée, être désolé ça ne suffit pas, être désolé ça ne répare pas des coeurs brisés, être désolé ça ne construit pas des statues, être désolé ça ne fait pas avancer le monde. Mais, à lui ça lui convient pour qu'on s'excuse là où il n'y a eu aucune pitié à le massacrer dans la neige. Le sang sur tout ce blanc, quelle splendide représentation d'une déchéance royale.

Être à sa place c'est tout un débat qui se pose depuis les fondements même de l'humanité, qu'est-ce que ça peut vouloir dire ? Qui l'est qui ne l'est pas ? C'est sans aucun doute rentrer dans un moule de normalité qui façonne les hommes autant que les autres créatures fantastiques qui foulent l'herbe sacrée du royaume. Même Adaé ne convient plus au commun des sirènes chanteuses qui gobent les marins. Que sont-ils ? Des survivants d'une lignée maudite ? Ce serait amusant qu'ils découvrent que finalement, ils ne soient pas faits de la même matière que leurs compatriotes. D'une autre, peut-être plus insidieuse ou plaisante qui sait ? En ce qui concerne la sylphide, il est sûr qu'elle est faite à moitié d'illusions aqueuses au moins, du reste il n'en a pas la moindre idée. « Ce n'est pas simple, ça ne le sera jamais. Mais quitte à se sentir différents, à être différents, autant être deux. Pas vrai ? » Ses yeux clairs s'ouvrent à nouveau au monde, il croise ses traits délicats et ne sait quoi répondre à sa parole. Autant être deux. Oui être deux contre toute une population c'est un départ non négligeable qui pourrait lui servir. Toutefois si elle se pense si hors du lot que les autres, n'est-elle pas justement en train de tomber dans le cercle vicieux que Niki s'est imposé ? Il en grimace, bien que touché par sa demande il ne peut empêcher le pincement dans le fin fond de son coeur. C'est douloureux. On ne touche pas à sa précieuse sirène, sous peine d'en repartir avec des bleus. Personne n'a le droit de faire saigner sa peau, personne, personne, pas même lui qui ferait mieux de disparaître en un claquement de doigts plutôt que de continuer à la torturer ainsi. Un sourire tendre sur le visage, sa main gauche vient à glisser sur la joue libre de sa sauveuse temporaire, il la caresse du pouce dans un petit silence qu'il brise assez rapidement en soufflant. « C'est possible, oui, mais je ne veux pas t'emporter dans ma chute. » Le dresseur de chevaux est enclin à faire table rase sur bien des choses, cependant en ce qui la concerne il ne pourrait jamais se pardonner d'avoir foutu en l'air un début d'existence bien fait sur la terre ferme. Avant elle vivait sous l'océan, se contentait d'algues, de ses proches comme d'animaux marins qu'elle pouvait comprendre. Là-dessous elle devait être heureuse, mais depuis qu'elle est ici ? Qu'est-ce qu'il en est ? La joie doit être moindre, la petite flamme dans son ventre complètement éteinte ou presque. Il ne veut pas envenimer la situation, il n'est qu'un explicatif à ce qu'elle ne cerne pas à la perfection. « Je tiens énormément à toi Adaé, tu es ce que j'ai de plus précieux depuis que j'ai tout perdu et je ne souhaite pas étreindre cette petite étoile qui brille constamment dans ton regard. » En un petit rire si léger qu'il paraît totalement inexistant. Il ne relâche pas sa garde sur elle pour autant, bien au contraire, il vient se redresser un peu pour déposer un baiser entre ses deux yeux, murmurant tout contre. « Tu vaux bien plus que tout le peuple de Fort Fort Lointain, je me demande même comment les entrailles de notre terre ont pu recracher une fille comme toi. Tu n'as pas ta place dans cet enfer. Tu mérites mieux, tellement mieux... » Comme un véritable prince qui saura l'aimer pour son entièreté, ses défauts comme ses qualités, sa bêtise comme sa sincérité. Plus qu'un alcoolique qui perd son temps à se lamenter. Oh, Adaé, elle ferait mieux de retourner parmi les siens, ceux qui brillent de mille feux par le seule présence. Gamine solaire qui n'a aucun droit de perdre tout ce qu'elle dégage, il ne veut participer à cette boucherie qu'il a engendrée tout seul. Pas de tristesse, encore moins de désespoir, Adaé elle ne peut pas ressentir ça, non, il se l'interdit. Retombant mollement dans le sable, il pince sa lèvre inférieure pour se faire violence. « Ta place tu l'as déjà, c'est nous qui sommes de trop et avons transformé les paysages à notre image. » Jusqu'à foutre en l'air des millénaires de principes logiques. Que l'homme est beau quand il s'agit de détruire, qu'il est étonnant quand il peut écraser d'une main un groupe entier de personnes, qu'il est agréable lorsqu'il use des armes contre les siens. Qu'il est affreux aussi de pouvoir ressentir des émotions. Ce doit être cela qui le différencie tant des animaux, il aime, il déteste, il ressent jusqu'à ses tripes et peut-être que s'il ne pouvait rien sentir, les guerres ne seraient qu'un croque-mitaine pour faire peur aux marmots qui ne veulent pas dormir tranquillement. C'est toujours à cause de l'amour que ça part en vrille, d'un détail insignifiant qui jadis pauvre roche, est devenu une montagne. Le pire c'est qu'on tue avec ce sentiment, chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde. Niki il en crève de cette maladie d'amour insensée jusqu'à oublier ce qu'il est. Comme quoi ce n'est pas totalement impossible l'oubli, il suffit seulement de se plonger dans l'ouvrage d'un autre, de se nourrir de ses souffrances pour oublier les nôtres et d'Adaé il n'en tire qu'une humanité grandissante. Trop précieuse oui, trop précieuse pour ce monde.
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hungry ghosts  EmptyDim 4 Jan - 22:19



niki & adaé
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Adaé, elle connaît pas grand chose de la vie. C'est qu'un petit fléau des eaux qui foulent les marées depuis vingt-huit années à peine. Vingt-huit ans, c'est pas grand chose, c'est rien en comparaison au centenaire qu'atteigne les sages, les mêmes qui ruminent des adages moralisateurs dans leurs longues barbes blanches. Les mêmes qui sont justement, censés enseigner aux jeunots de quoi est faite la vie, et comment s'en sortir jusqu'à la fin. Mais c'est qu'ils sont peu loquaces, les anciens. Ils gardent jalousement leur mode d'emploi parcheminé contre leur cœur et ne répondent à vos questions que par des énigmes, des textes à trous, des poèmes incomplets, des sonnets qui n'attendent qu'à être achevés. Ils vous somme que c'est à vous de poursuivre leur œuvre, que c'est à vous que reviennent les charges de votre destin, que c'est vous, seulement vous, toujours vous, qui décidez de tout, hormis du début et de la fin. Adaé elle se rappelle même le vieux Mohandas, le plus âgé de tous les tritons. Sa réputation avait d'immuable tous les âges qu'il avait traversés, toutes les époques qu'il avait daigné connaître, tous les souvenirs qu'il avait eu l'audace d'embrasser. Certaines langues même, se plaisait à conter qu'il avait connu la création du monde et la naissance des premiers hommes ; et quand on l'interrogeait à ce sujet, dans toute sa pureté d'âme et son ego bien gonflé, il ne répondait que d'un hochement d'épaules flous. Guide spirituel des flots sous-marins, il avait décrépi jusqu'à la moindre de ses écailles, à s'étendre sur un roc face aux cieux. Mais Adaé se souvient. Elle se souvient qu'un jour, au paroxysme de sa belle philosophie, au point culminant de sa tranquillité d'âme, et avant de rendre son dernier souffle à ce monde cruel et bercé d'écume, le vieux Mohandas a levé sa main tâchée de soleil haut vers les nuages qui portaient les larmes des dieux. Il a pointé du doigt le soleil et a dit « Ma vie est mon enseignement. Votre vie, en sera de même. C'est un mystère qu'il faut vivre, et non une énigme à résoudre. Alors, vivez, apprenez, tombez, mais relevez-vous. Et ne cessez jamais de croire. Car, croire en quelque chose sans le vivre, c'est malhonnête. »  Et Adaé elle s'en rappelle. Elle était gamine encore, la tête à peine sortie de l'eau, les bras agrippés au cou de sa mère. Elle a encore dans le cœur, la voix rauque et caverneuse d'un antique au teint basané et à l'esprit débordant de rêves. Elle ressent encore les mêmes frissons qui ont alors parcouru sa peau, sous l'inflexion fêlée de la voix de l'aïeul. Et Adaé, elle avait beau ne pas connaître grand chose de la vie, elle savait qu'elle avait le mérite d'être vécue. En mémoire des ancêtres, en l'honneur des descendants. Et elle avait, dans l'esprit qui dictait ses pas, dans le cœur qui battait ses jours, dans le sang qui lui coulait les veines, l'intime conviction que l'homme allongé à ses côtés, avait besoin qu'on le lui rappelle. L'intéressé, juché sur son monticule de sable, tend justement la main, et la sirène vient appuyer sa joue contre la paume chaude qui lui est offerte. Les paupières closes, elle sent ses lèvres ourlées s'ouvrirent en un sourire. C'est rien qu'une main contre un visage, qu'une peau contre une autre, mais c'est d'autant grisant que l'assourdissant vacarme qui lui broyait les organes et résonnait contre les parois de son corps, frêle et menu, contre la carrure rassurante de l'homme du nord. D'un souffle alors, elle inspire les senteurs qui se dégagent du derme de son ami, y notant l'effluve aigre des embruns, et l'arrière frais de la mousse et des herbes. « C'est possible, oui. » Elle laisse les mots couler le long de son corps, savoure la tonalité chère à ses tympans qui s'expirent des lèvres face à elle. La brune a bien du mal à contenir convenablement sa respiration, face à l'attention qu'on lui porte. Pourvu simplement, que Niki ne le remarque pas. Qu'il ne comprenne pas à quel point une seule et simple de ces paroles, parvenait à la perdre dans les méandres duveteux des songes et du miel de l'amour. « Mais je ne veux pas t'emporter dans ma chute. » Ses sourcils se joignent un court instant et elle rouvre les yeux, ses iris baignées dans l'éclat argenté de la lune. Elle ne dit mot, elle atteint simplement. Une voix dans sa tête, légère et mauvaise, lui souffle qu'elle n'a fait que ça de toute sa vie, attendre, et qu'il était désormais temps d'agir. Mais elle chasse la mauvaise d'un revers de main imaginaire. Elle restait circonspecte, interdite, la pommette toujours calée dans le creux de doigts longs et noueux, quoi qu'un peu plus rosie qu'auparavant.« Je tiens énormément à toi Adaé, tu es ce que j'ai de plus précieux depuis que j'ai tout perdu et je ne souhaite pas éteindre cette petite étoile qui brille constamment dans ton regard. » De regard justement, elle en coule un long et lourd de questionnement à Niki. Elle ne sait pas quoi dire, quoi faire, quoi penser. Elle est perdue entre l'émotion la plus sincère, d'être comparée de la sorte à un joyau, et entre la déroute la plus totale. N'avait-il donc rien entendu de ce qu'elle s'était entêtée à avouer, les derniers moments durant ? Elle est là, Niki. Elle est là. T'as juste à tendre la main, et elle te prendra le bras. T'as juste à tomber, et elle t'aidera à te relever. Même si vous n'êtes qu'à deux, même si c'est toi et elle contre le monde entier, elle sera là, comme tu l'as été, comme tu l'es. Toujours. La petite Adaé, elle sent que la douceur qui avait pris place dans le creux de son ventre est monté de plusieurs étages et s'est muée en une tornade d'autre sentiments ; qu'elle a donné naissance à la mélancolie, au chagrin et à l'embarras. Ça forme comme un nœud épais et bien ficelé au cœur de sa gorge, et elle a beau déglutir, ça veut pas partir. Pire encore, ça se propage un peu partout, ça endoloris les membres et paralyse l'esprit. Ses narines se dilatent et son flair capte des odeurs de compassions qui la dégoûtent. Ses yeux se referment derechef, alors que les lippes charnues de Niki se posent sur son front, comme pour sceller cette promesse qu'il s'est faite à lui seul. Elle reste statique, les pensées soudainement embrumées. Elle aurait envie de lui hurler au visage que, si ces pupilles brillent et irradient d'étoiles, c'est grâce et pour lui. Mais il y a des hommes que de simples mots ne parviennent pas à raisonner. « Tu vaux bien plus que tout le peuple de Fort Fort Lointain, je me demande même comment les entrailles de notre terre ont pu recracher une fille comme toi. Tu n'as pas ta place dans cet enfer. Tu mérites mieux, tellement mieux... » A l'entendre, Adaé est l'ange incorrompu qu'on observe de loin, avec une bienveillance feinte et un discernement tout compte fait, relatif. Mais ce que Niki oublie, c'est qu'elle ne vient pas des entailles de la terre, mais de l'écume des vagues. Et la mer, elle non plus, ne recrache pas que des créatures sages et saintes ; elle sait se montrer plus cruelle encore que les dirigeants de ces royaumes, qui se cantonnent au massacre entre frères de cœur et de sang. La mer n'a de pitié pour aucun, pas même ses propres enfants, qu'elle jette sans vergogne aux mains d'une fée mégalomane, plutôt que de les couver de ses bras aqueux. Adaé ne bronche pas d'un centimètre, elle garde son front, appuyé contre celui du dresseur, et réprime les perles de contestation qui menacent d'éclore aux coins de ses yeux.Ses doigts se crispent et emprisonnent des pépites d'ocre qu'elle s'empresse de relâcher, dans un spasme contrit, à demi-douloureux, à demi-meurtri.Que mérite-t-elle de mieux ? Que mérite-t-elle de plus que lui ? Elle n'est qu'à moitié humaine, qu'une demi-femme ; lui, a beau être destitué, il n'en est pas moins un prince, un roi. Et la noblesse de leur temps n'a pas la permission de s'abandonner aux doutes et aux plaintes.Qu'ils vivent.« Ta place tu l'as déjà, c'est nous qui sommes de trop et avons transformé les paysages à notre image. » Si Niki dit vrai, si sa place est réellement ici, sur cette terre, à fouler les rues pavées et à saluer poliment les passants qui peuplent ce bas-monde, alors pourquoi souffre-t-elle autant à cette remarque ? Pourquoi entend-elle toujours le chant brisé de l'océan qui s'échoue à ses oreilles ? Cet appel monstrueux qui lui déchire le cœur un peu plus chaque jour ? Pourquoi se sent-elle comme une fragile poupée de cristal, ballottée entre vents et marées, brisée à la première tempête, en mille-et-un éclat de mémoires mortes et d'avenirs anéantis ? Elle n'a pas plus sa place sur ces terres qui pourtant ont vu naître le trentenaire face à elle. Malgré ses tentatives, une larme glisse le long des vallées de son visage, creusé par la fatigue, et elle se détache silencieusement de l'étreinte, la mine renfrognée. Elle toise d'un œil consterné et mauvais son protecteur. « Niki. » avoue-t-elle dans sa souffle, la voix enraillée, gonflée par les sentiments qui ne demandent qu'à refaire surface. Elle ne sourit plus. « Daigne encore une seule et unique fois rejeter tes racines et ton sang, et ce n'est pas uniquement ton trône que tu auras perdu, mais tête. Elle roulera sur les pierres qui jonchent la capitale et les teintera d'écarlate. Je m'en assurerais moi-même. » Sa volonté était de fer, et elle n'hésiterait pas à enfoncer le pieu plus profondément encore dans sa chair s'il s'obstinait à fermer les yeux sur le monde et à refuser de comprendre. Adaé, elle avait soudainement la guerre des sensations qui lui courait la peau, un goût amer de bile dans la gorge et des lèvres scellées dans une expression de dureté qui ne lui ressemblait pas. Vois, Niki, vois comme l'univers s'ouvre pour toi et tes frères, vois comme il n'est là que pour tu le détruises avant de le remodeler, de l'améliorer, de le transformer en ce si cher paradis perdu que tant d'âmes n'aspirent qu'à trouver. « Et je tiens tout autant à toi, Niki. C'est là les raisons de mes menaces. Je ne te laisserais t'infliger du mal inutilement. » Et soudainement, y a comme un violon qui se met à se lamenter et à faire vibrer ses côtes. L'instrument ébranle tout en elle, la flamme qui incendie ses yeux, son palpitant qui manque un énième battement. Tout, sauf ses convictions. Il aura beau la repousser, encore et toujours, il aura beau essayer de s'en défaire, de fuir, de la faire fuir. Il n'y parviendra pas si facilement. Adaé, c'est comme les mauvaises herbes qui poussent au printemps, c'est comme le reste de soupe au fond d'un bol, c'est comme les rhumes qui n'en finissent plus l'hiver. Elle est revêche et coriace. Elle s'enracine comme un vieux saule dans les gens qu'elle aime, et faudra bien plus fort qu'un simple coup de hache pour la faire tomber. Elle assassine une dernière fois Niki des yeux, avant que son expression ne gagne à nouveau en instabilité, que ses lèvres se mettent à trembler et qu'elle enfouit ses traits dans la nuque bouillante et découverte de celui à qui elle devait tout. Les mains jointes dans son dos, la vue embrouillée, elle ne distinguait rien, hormis l'obscurité de la nuit et  les pulsations effrénées qui manquaient de lui faire imploser le gosier. « T'as peut-être perdu pas mal de choses au cours de ta vie, mais il y a une chose que je t'interdis formellement d'abandonner à l'oubli. » Les mots ont du mal à se frayer un passage vers l'extérieur, mais elle lutte tant bien que mal. Elle s'ose s'avouer à moitié que si elle se borne à ce point avec un énergumène de telle sorte, ce n'est pas dans le simple but de le protéger de lui-même, c'est aussi, dans ses élans les plus égoïstes, pour elle. Mais parfois, ça a du bon. « L'espoir, Niki. L'espoir. »
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hungry ghosts  EmptyLun 12 Jan - 21:08




Adaé et Niki
Ce secret était un trou au milieu de moi dans lequel tombaient toutes les choses heureuses.

Le vide ce doit être quelque chose de salvateur. Le néant c'est une chose que Niki n'a pas le droit de connaître, cette particularité a le mérite d'appartenir aux gens qui peuvent eux, arrêter de penser l'espace d'un temps, quelques secondes, parfois toute une existence sans se poser la moindre des questions. Il y en a beaucoup trop dans sa tête, il y en a énormément si bien qu'elles se mêlent, se complexifient et prennent une envergure bien trop conséquente à son goût. Niki il est le genre d'homme à faire d'une colline une immense montagne, ne pouvant s'empêcher de songer à des scénarios catastrophiques et abracadabrantesques. Il est fait ainsi, sa mère lui disait souvent petit qu'il n'arriverait à pas grand-chose sans avoir des preuves indéniables, il ne devrait pas se pourrir pour des autres qui n'en valent pas la peine. Or, le souci chez ce prince bafoué c'est que tout agissement prend un sens, une parole peut vite devenir une doctrine, une philosophie à suivre à la lettre comme l'effrayer à l'instar d'un enfant sur lequel on passerait son temps à hurler dessus. Il est fait comme ça, certainement le coeur bien trop gros pour ce corps ridiculement petit dont on se moque là-haut. Ce doit être plaisant d'ailleurs d'être une entité qui surplombe le monde à sa guise, qui leur offre comme leur reprend. Avoir le droit de tout, de rien, de vie et de mort, de rêve et de cauchemar. Nul doute que le dresseur de chevaux serait bien trop touché par le royaume pour le faire souffrir, il voudrait son bonheur sans réellement se soucier des avis qui divergent d'autres étoiles. En serait-il seulement une d'étoile ? Il serait plus éphémère encore, il aurait tout juste le temps de souffler qu'il ne serait déjà plus visible dans ce ciel charbonneux. Sa bêtise le perdra ainsi que sa gentillesse, bien qu'il soit lui aussi capable de haïr autant que possible. La preuve en est avec l'incarnation du mal même - ou du moins ce qu'il croit l'être - en la personne d'Alexandr Lerat. C'est mauvais de se faire trahir, ça fait un mal de chien, ça plante une flèche si profondément dans le palpitant que ça le fait saigner jusqu'à ce que les deux pieds s'écrasent dans la tombe. C'est dur de se dire que finalement, tout cet amour donné n'était pas réel. Ce doit être ça le pire dans cette histoire, le fait qu'un mensonge soit devenu une réalité dans son crâne de mouflet, qu'il y avait cru jusqu'au bout. Même après son accident il n'était pas capable de se dire que c'était de sa faute, il cherchait des raisons, un pardon quelque part dans les yeux de son père adoptif. A force, il s'était enfermé dans un mutisme plus que conséquent, passant un temps considérable à se pencher sur le sujet si étrange que devait être son assassinat. S'il était trépassé, tout serait plus simple actuellement, Adaé aurait par exemple trouvé un autre garçon pour la guider dans les rues pavées, pour la retenir lorsqu'elle tombe, pour faire aussi office de lumière dans cette obscurité constante imposée par la reine depuis pas mal de mois. S'enfonçant un peu plus dans les grains de sable, il souhaite ne faire qu'un avec le sol, devenir aussi risible qu'un morceau de poussière dont on se débarrasse très facilement. Au moins personne ne l'embêtera, même si on le détestera pour ses vertus inutiles. Quelque chose d'insignifiant dont on ne se soucie pas, oh oui, ce serait un renouveau qu'il aurait là, une réincarnation tellement incongrue qu'il ne pourrait marquer dans des pages ce qu'il peut zieuter sous cette nouvelle forme. Obnubilé par les bourdonnements qui s'installent dans ses oreilles, il ne prend que très peu garde aux menaces de sa belle sirène qui de façon sérieuse semble ainsi l'assassiner plus de quinze fois du regard. C'est amusant comme des yeux peuvent se révéler si ouvertes vers une âme colorée, la porte ouverte dit-on ou l'ouvrage aussi tout dépendra des cas, des envies, de la parole du poète ou de celui de l'érudit. Que peut-il voir dans les iris d'Adaé ? De la colère, du désarroi avec un soupçon d'innocence qui fait d'elle ce qu'elle est. Avec trop de perversion, elle ne serait pas si douce, avec trop de rancoeur elle ne serait pas si compatissante et il n'ose se demander comment elle serait actuellement si un évènement dans son existence avait fait qu'elle perde toute notion de joie. « Et je tiens tout autant à toi, Niki. C'est là les raisons de mes menaces. Je ne te laisserais t'infliger du mal inutilement. » Ah, bon sang ils ne vont jamais s'en sortir. Quand l'un veut partir l'autre le retient, quand l'un ne veut pas blesser l'autre il préfère la fuite et vice-versa. C'est un immense cercle vicieux duquel ils ne pourront pas sortir. L'attachement fait que malheureusement ils ne pourront pas se quitter aussi simplement, quand bien même les actes du prince de Yasen sont nobles, la femme des océans ne le laissera pas filer aussi facilement. Elle prendra des filets si besoin, lui mettra des bâtons dans les roues pourquoi pas, quoi qu'il en soit elle restera à ses côtés. Il dira non, puis oui, puis non, ils n'avanceront plus correctement, au moins ce sera ensemble - c'est ce qui compte, pas vrai ? Un sourire attendri sur la trogne, tout son malheur s'est évaporé du moindre pore de sa peau, laissant place à une fatigue grandissante. Terminé, c'est terminé, c'est le point final à cet interlude raté.

« T'as peut-être perdu pas mal de choses au cours de ta vie, mais il y a une chose que je t'interdis formellement d'abandonner à l'oubli. » C'est ce qu'il veut lui, plus que l'amour, plus que la revanche, plus que tout émotion étant capable de lui apporter ne serait-ce qu'un tressautement de sa pompe à sang. La paix, ce doit être compliqué à avoir, il faut réunir plusieurs ingrédients et ce n'est pas un gâteau de sa charmante interlocutrice qui saura lui procurer ceci. Tant pis, il fera avec. Fronçant quelque peu les sourcils bien que délaissant ses muscles se fondre dans l'immensité de la plage, il penche vaguement sa tête comme pour mieux déceler un soupçon de défaillance sur son visage. Il n'y voit rien, si ce n'est un entêtement gigantesque. Faut croire que peu importe la nature d'un être, un rien peut le faire flancher d'un côté de la balance tant dans le bon que dans le mauvais. « L'espoir, Niki. L'espoir. » Ce dont elle parle c'est bon pour les bourgeois, pas pour les pauvres qui ne savent pas ce qui les attendent le lendemain d'une soirée bien arrosée. Ceux qui sont toujours posés sur un tas de schillings peuvent se promettre de garder l'espoir contre leur torse tout bonnement parce que c'est ce qu'ils ont en eux, ils n'auront pas à craindre leur estomac vide, encore moins une hypothétique rébellion puisque le pouvoir, ils l'ont. Alors que ceux qui vivent dans les rues ne peuvent pas s'y rattacher, ils restent accrochés à la réalité à l'instar d'une sangsue sur le bras d'un ogre malchanceux. Ils restent dans une optique que le pire peut arriver, le meilleur un peu moins mais selon un vieil adage, un jour ou un autre l'autre face d'une pièce peut se découvrir sous un soleil de plomb. Ils attendent, ils ne font plus que ça, tout comme Cassenoisette qui certes n'en est pas à mendier dans les rues, toutefois il ne peut se permettre de trop s'illusionner. C'est bon pour les fillettes qui rêvassent d'un prince charmant à leur fenêtre, des garçonnets qui pensent un jour devenir de grands pirates. Plus on grandit, plus ça change. Plus on grandit, plus le terme espoir prend un autre sens - plus il disparaît dans la brume finalement. Haussant les épaules, il ne lâche pas les traits délicats de sa princesse à en devenir. « C'est si gentiment demandé, comment résister à des yeux de chiot battu comme les tiens ? Hm ? » Niki est convaincu que lorsqu'elle était plus jeune, elle faisait tomber n'importe qui devant ses nageoires - qu'il n'a jamais vu d'ailleurs. La petite préférée de son peuple, l'adorée, la jalousée aussi, pourquoi pas la détestée ? Adaé elle fait danser les avis comme un feu peut crépiter dans un petit foyer. De manière si délectable qu'on peut passer des heures à le fixer sans rien dire, si fascinant qu'on ne sait plus quoi en penser. Sauf qu'elle, le petit problème c'est que son élément c'est l'eau. Alors l'on pourrait dire dans ce cas qu'elle se rapprocherait d'une immense vague dévastatrice ou d'une tempête naissante. Perdant peu à peu de son sourire, ses paupières finissent par se fermer dans un espoir d'avoir ce repos tant mérité après s'être enfilé une bonne partie de sa bouteille d'hydromel. « Restons ensemble, faisons la promesse même... Tu veux bien ? » Même si ce n'est pas sous un arbre centenaire, sous l'origine même de l'univers cela ira très bien. Sans même lui laisser le temps de répondre il divague déjà, disparaît pour d'autres rivages bien plus tentant que ses souvenirs. Avec elle de surcroît, rien ne pourrait être plus parfait que là. Tout de suite. Même si c'était bien partie pour se finir dans le sel de l'écume. Là, maintenant, avec elle, et personne d'autre. Là, maintenant, sous les étoiles et rien de plus.
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hungry ghosts  EmptyJeu 29 Jan - 21:24


niki & adaé
if you like piña coladas, and getting caught in the rain
and the feel of the ocean, and the taste of champagne

Rien n'est plus trompeur qu'un sourire. Comme en écho aux vieux adages qui prétendent que tout un chacun se cache derrière plusieurs masques différents, se heurte au quatrième mur et au jeu des faux-semblants, les sourires sont une arme sans équivoque lorsqu'il s'agit de feindre le mensonge ou l'omission. Et nul ne le sait mieux que celles et ceux qui se cachent derrière eux, qui s'en parent, toutes dents sorties pour masquer le verre brisé qui tapisse le fond de leurs âmes et les lambeaux de lumière qui nimbent leurs esprits. Certaines personnes montrent tous crocs dehors dans une esquisse courbée de leurs lèvres, comme pour mettre poliment en garde leurs ennemis ; d'autres arborent une mine radieuse pour empêcher leurs larmes de couler et leurs cris de déchirer les nuits. D'autres encore grimacent bêtement, badine avec légèreté dans le simple but d'enrayer les montées de panique qui les prennent aux tripes. Il y a les sourires gênés qu'on offre aux connaissances pour s'excuser du silence pesant qui règne dans l'air, les sourires crispés et figés qui dénotent de l'ironie et l'arrogance la plus véritable, les demi-sourires qu'on porte lorsqu'on ne sait trop quoi répondre, mais qu'on veut rester humble et courtois, les sourires en coin qu'on partage avec une mine taquine. Et puis, dans toute cette échelle d'hypocrisie, de façade et de significations, il existe ce sourire rare. Unique en son genre et pourtant totalement sincère. C'est le sourire de celui qui sait que les ennuis sont bientôt terminés ; le sourire de celui qui pressent la venue de l'aube et l'acte final de la nuit obscure et peu rassurante dans laquelle il était plongé. Le sourire salvateur, ce rire sans éclat qui se perçoit davantage dans le blanc des yeux que dans celui des dents.
Et Niki, justement, ce soir-ci, à ce moment-là, sous ce ciel étoilé, alors qu'Adaé elle a les perles salées qui lui roulent les joues, il sourit. Il sourit comme jamais il a sourit auparavant. Au moment même où ses lippes s'ouvrent, simultanément, une lueur vive passe sur son visage et efface les maux ancrés dans sa peau ; la nitescence lui gomme les ridules d'anxiété qui lui marbraient les pores, pour laisser seules les pattes d'oie aux coins de ses pupilles, ces petites lésions, ces crevasses de joie qui signifient « je vais bien, je suis heureux, je crois ». Et être heureux, être calme, être en paix avec lui-même et le monde, c'est tout ce qu'Adaé souhaite à Niki. Y aura toujours une part d'elle qui ne pourra se défaire de lui, de ce qu'il est et de ce qu'il fait d'elle, mais l'autre est prête à tout pour qu'enfin, il apprécie un tant soit peu ses jours et que les misères qui meublent son quotidien lui paraissent bénignes. Mais, toutes races confondues, et notamment les êtres humains, sont des créatures bien compliquées. Capables de grands élans de générosité, comme de se retrancher dans les plus ignobles des trahisons. Un exemple simple est l'oncle du ser Cassenoisette ; si odieux lui est-il décrit, Adaé essaie de se persuader tant bien que mal que ledit Lerat ne soit pas une vermine si pourrie jusqu'à la moelle que son neveu le prétend. Elle ne remet pas en cause le témoignage de son ami, elle s'applique juste à penser que les hommes et les femmes ont deux faces. Comme une pièce qu'on lance à de multiples reprises, mais de façon plus sanguinolente, plus cruelle. Une bataille qui fait rage à l'intérieur d'eux-mêmes, un conflit entre leur part angélique et leurs tendances démoniaques. C'est pourquoi, pour résister aux démons intérieurs, à ces bêtes noires propres à chacun et pourtant tout aussi virulentes chez les uns que les autres, la petite Adaé a choisi d'allumer la flamme de la compassion. Il existe des infâmes, des gens aux personnalités abjectes, mais elle se convainc qu'une part de bonté réside en chacun, tout comme les meilleures personnes sont parfois capables de commettre d'innommables gestes, de déblatérer de lâches paroles.
« C'est si gentiment demandé, comment résister à des yeux de chiot battu comme les tiens ? Hm ? » Niki la scrute, elle scrute Niki. Il a l'air apaisé. C'est tout ce qu'elle note, tout ce qu'elle retient. Et elle s'en contente. Elle sait qu'il est pas totalement guéri, que la rémission totale n'est pas encore annoncée, mais Adaé préfère centrer son attention sur l'instant présent. Il a l'air apaisé, c'est suffisant. Puis, il y a différents types de maladies, il y a celles qui touchent le corps, qu'elles soient de simples toux au plus invasif des cancers. Mais surtout, il y a celles qui sont cachées. Qui sont plus complexes à déceler et à traiter. Ces infections qui dévorent les palpitants, ces dépendances qui consument les âmes, ces impasses qui nous affligent et qu'on ne saurait dépasser. Parfois alors, si on est chanceux, on tombe sur un moyen de survivre, de se rattacher à la vie, de retarder cette échéance, cette date butoir qui nous pend au nez ; mais ce moyen de surmonter, il est jalousement caché dans un autre corps, cet être qui sait nous guérir. Les anciens veulent que tout vivant ait son complément, que chacun rencontre son âme sœur. Mais, quand bien même celle-ci aurait le remède à tous nos soucis, saurait épancher nos peines, cautériser nos plaies et bander nos vieux souvenirs douloureux, on ne peut savoir à l'avance qui portera cette charge et surtout quand la Providence décidera de mettre ce trésor sur nos chemins. Adaé, quand elle y pense, elle se dit que, si elle tombait nez-à-nez avec l'énergumène en question, elle serait pas certaine de pouvoir le reconnaître ; la faute à ces signaux fallacieux. La faute à ces sourires trompeurs. D'ailleurs, comment sait-on qu'un sourire est sincère ?
Il reste.
Il reste comme il persiste sur le visage ensommeillé de Niki. « Restons ensemble, faisons la promesse même... Tu veux bien ? » Adaé retombe dans sa douce réalité. Elle est assise, là, sur la plage, un soir de gibbeuse, à détailler un prince déchu qui se laisse aller rejoindre Morphée. Qu'il est doux, ce sentiment qu'il dégage, cette sérénité relative et retrouvée qui nappe ses traits. Comme un gosse à qui on vient de raconter une belle histoire avant le coucher, comme un nourrisson qu'on a bercé, Niki s'avachit sur les dunes, détaché, déconnecté. Et la sirène reste un moment encore, silencieuse dans la nuit, à observer la scène. La boule dans sa gorge, redescend subitement et son souffle s'adoucit, retournant à son rythme binaire semblable à celui des vagues qui s'affaissent avec langueur sur les bancs de sable. Une brise fraîche s'insinue entre les couches de ses vêtements, mais elle s'en fiche. Les embruns lui mordent les joues, mais elle s'en fiche. Le sommeil la tiraille aussi, autant que son envie de se lover dans une couette chaude et duveteuse, mais elle s'en fiche. Les mots résonnent dans le vide et seul le silence marin lui répond, mais elle n'en tient pas rigueur. « Oui, Niki. Ensemble. » Il est là, elle aussi, ils sont deux et c'est tout ce qui compte.
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