Le soleil vient tout juste d’apparaître à l’horizon. Je souris, c’est le signe, c’est maintenant que je dois partir. L’aube d’un nouveau jour se prépare ! Je me sens prêt, et anxieux à la fois. Et il faut dire que c’est une émotion assez agréable. Il y a une légère secousse lorsque la montgolfière quitte le sol. Je pousse un léger soupir, soulagé et excité. Enfin ! Je quitte ce village de misère ! Enfin ! Je m’envole vers le ciel pour atteindre les étoiles ! Enfin ! Belle et fantastique ville, attends-moi ! Je viens conquérir chez toi la fortune et la gloire !
« OSCAR !!! »
Je sens soudain mon cœur faire un saut de panique. Une silhouette furieuse vient d’apparaître et poursuit ma montgolfière, tout rouge de colère. Je me mords les lèvres. Il est plus rapide que je ne le croyais… Mon père est sorti de la maison, complètement ridicule avec les nounours imprimés sur son  pyjama et son bonnet de nuit. Mais il faut dire que même comme ça, il est plutôt effrayant… Je grince légèrement des dents lorsqu’il fulmine :
« Qu’est-ce que tu fais encore ?! Redescends tout de suite ! Redescends où je te jure que je brûle tout ton matériel de magicien de pacotille ! »
J’augmente la chaleur à l’intérieur du ballon, histoire de monter plus vite. Mon père est vachement agile, en fait ! Je n’aurai jamais cru qu’il puisse me rattraper. Il est seulement à quelques mètres de ma montgolfière ! Mais je me calme bien vite. Je suis stupide ou quoi ? Il ne me rattrapera jamais. Je suis au-dessus du sol quand même ! C’est pas comme si mon père était une fée et qu’il pouvait voler ! Je me sens tellement bête d’avoir eu une telle frayeur que j’éclate de rire… Mais bon, c’est pas tellement ma faute si je suis si idiot… Je suis tellement excité que j’ai du mal à réfléchir !
Toujours hilare, je baisse mon regard sur mon père. Bizarrement, je le trouve beaucoup plus drôle, maintenant, à essayer de courir après ma montgolfière, avec ses nounours qui dansent partout sur sa chemise de nuit. Je lui fais un sourire victorieux et arrogant. Pauvre papa… Il est carrément ridicule.
« Mais voyons, père ! Vous m’avez donné l’autorisation de quitter le foyer ! Je cite vos dires ! Tu n’as qu’à partir, incapable ! Eh bien, d’accord, maintenant, je pars !
- J’étais sous le coup de la colère, espèce d’idiot !!! hurle-t-il mais la hauteur commence déjà à étouffer ses paroles. Reviens maintenant et peut-être que je donnerai un héritage !!! »
Mon oreille tique au mot héritage. C’est tentant, c’est vrai, mais je ne suis pas si con. Il ne me le donnera jamais ce foutu héritage ! Ça fait longtemps qu’il m’a barré de la liste des héritiers, et je risque pas d’y réapparaître tout de suite ! Et maintenant, peu importe de l’argent de mon père. Je gagnerai le mien et je deviendrai encore plus riche que lui ! J’en ai plus rien à foutre de cet héritage !
Je me penche une dernière fois au-dessus de la nacelle, espérant que je ne sois pas trop loin pour qu’il m’entende :
« Il est trop taaaaard, pèèèère ! je crie, toujours et encore aussi surexcité. Dites à mère et à mes frères que je les aime !!! ADIEU !!! »
Le reste des paroles que mon père prononce se perd dans l’air. Il est sûrement en train de m’insulter de tous les noms. Il faut dire que je lui en ai fait voir de toutes les couleurs. Je comprends qu’il me déteste tellement ! Mais bon, peu importe. Je parviens juste à distinguer au milieu des insultes :
« ZUFHZDHEFZENEC OSCAAAR !!!! DZUZHEFPFZEF TU NE TIENDRAS PAS DEUX JOURS !!!!!! »
Je soupire. Pauvre, pauvre, papa… Au fond, il se fait un sang d’encre pour moi. Je me sens même un tout tout tout tout tout petit peu coupable d’être parti comme ça. Maman va le tuer. Il va se faire engueuler, ça c’est sûr. Après tout, c’est sa faute si je suis parti. Mais bon, tout ça, ce ne sont plus mes problèmes. Mes frères se débrouilleront très bien sans moi. Quant à ma mère, elle a encore mon père et deux autres fils. Elle peut bien se passer du troisième !
Enfin… Mon père me prend pour un irresponsable et un incapable. Je vais lui prouver que je peux me débrouiller seul, que les rêves que j’ai ne sont pas irréalistes. Alors que la silhouette de mon père est devenue aussi petite qu’une fourmi, je lui hurle avec toute l’affection que j’ai pour lui dans mon cœur :
« VAS TE FAIRE FOOOOOOOUUUUUUUTRE !!!!!!!!! »
Je ne sais pas s’il m’a entendu… Je m’en fiche. Ici, dans les airs au milieu des nuages, je suis intouchable. Personne ne peut rien me faire. Je me sens heureux, et victorieux comme jamais. J’ai tout juste 18 ans, je suis jeune, arrogant, rêveur, et sur mon visage, un vent d’aventure me fait frissonner d’excitation.

U.C