Le chapeau de Chapelier, c’est toute sa vie. Son chapeau, c'est comme s'il était vivant. Comme s'il avait une conscience propre. Comme s'il voulait des choses et que ça se produisait pour le chapelier. Par exemple, un jour où Chapelier se baladait avec un de ces objets magiques en or censé lui apporter chance, un bandit l'accosta. Celui-ci voulait l'objet en question, une belle montre à gousset en or, avec des aiguilles en or... plaqué. Bah oui, on ne peut pas tout avoir dans la vie ! Tout est-il qu'en un coup de vent, le chapeau de Chapelier s'attaqua au brigand, l'aveuglant et permettant à son possesseur de s'enfuir. Et étrangement, il lui revint en peu de temps. Déjà à sa naissance, il fut prédestiné. Son père était un chapelier pas du tout fou, plutôt du genre calme, en fait. On pouvait même dire qu'il était le contraire de son nom: "Folichon". Il était d'une raideur absolue et hyper-productif. Bien trop. Il y avait dans la cave des Folichons, des milliers et des milliers, et encore des mi... Bon, j’exagère : une montagne de chapeaux invendus ou qui ne plaisaient pas au père Folichon. Des chapeaux de toutes les couleurs, de toutes les formes, pour des hommes, des femmes, des chats, des poissons... Bref, que de chapeaux, que de chapeaux. LA mère Folichon, elle, était une bonne femme. Bonne et bonne. Une femme bonne, qui aimait son fils, qui veillait à son bien-être, qui lui apprenait les bonnes manières, surtout le fait de se tenir bien droit, le dos comme une planche. Pour cela, elle lui posait une théière remplie de thé bouillant sur la tête et lui faisait faire le tour de la maison. Et s'il renversait la théière, il était bon pour une douche d'eau froide sous les cris catastrophés de sa mère qui s'excusait mais lui refaisais néanmoins refaire l'exercice. Bonne, car elle était très jolie et avait plein d'amants. En fait, elle en avait tellement que personne ne sut qui était le père de Chapelier. Mais lui ne s'en souciait pas, son seul souci était de ne pas renverser la brûlante boisson posée sur sa tête.

Et puis un jour, Chapelier eut la bonne idée d'utiliser ce que lui avait appris sa mère. C'est ainsi qu'il se balada tranquillement dans les rues de son petit, très petit, village de campagne avec une théière sur la tête. Cela provoquait toujours la même réaction de le voir ainsi :Mais ! Il est fou !" disaient les habitants.Mais il fou, oui qu'il est fou ! Mais il se rendit quand même compte qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Les gens ne le regardaient pas comme il le fallait. Mais pas question de perdre les bonnes habitudes. Il cogita pendant quelques jours puis trouva la solution, qui était juste sous son nez depuis le début : les chapeaux ! Si la théière n'était pas un couvre-chef très en vogue, le chapeau l'était, lui ! C'est ainsi qu'un jour, alors qu'il fouillait la pile de chapeaux inutilisés de son père qu'il trouva son chapeau, le seul, le dernier, le premier et l'unique. Un beau chapeau couleur lie-de-vin avec un beau bandeau rouge autour, et des tâches violettes ici et là.

Puis, tout se passa très vite. Chapelier avait choisi de suivre le lapin Blanc. Un lapin qui l’avait mené dans une forêt obscure et aux chemins tortueux. Et il courait, le Folichon, il courait ! Il essayait de trouver la sortie mais... Lorsqu'il perdît la petite boule de poil blanche, tout ce qu'il trouva fut un lièvre totalement déjanté. Et une souris qui finit par disparaître peu après l'arrivée de Chapelier. La bête se nommait apparemment Mars. Un plutôt beau nom, non ? Mais de prénom il n'en avait pas. Il était Mars le lièvre, grand amateur de thé et de non anniversaires. Très vite, Chapelier devint un ami -le seul- du mammifère, au point que même si leur relation fût ambiguë et qu'ils ne se parlèrent pas beaucoup, ils s'attachèrent extrêmement l'un à l'autre. Le lièvre avait un stock d'objets magiques presque inexploitable tellement il y en avait. Des casseroles, des lunettes, des couteaux... Même un caillou et une pancarte avec marqué dessus "SAUVEZ LES MARAIS !" Mars semblait être un sorcier où quelque chose dans ce genre car chaque fois qu'il disparaissait, il revenait avec un objet magique.

Dans la forêt, tout se déroulait si rapidement, à nouveau. Si bien que l'incendie qui ravagea la forêt sembla se produire tout de suite après l’arrivée du chat rose. Et que la disparition du lièvre sembla un épisode traumatisant que seul l'homme vécut. Un énorme vide se développa dans le corps de Chapelier. Bien que Cheshire lui fût une aide plus qu'efficace, plus rien ne le retenait dans la forêt du non anniversaire. Plus rien à part le stock d'objet magique. Ainsi, Cheshire et Chapelier abandonnèrent la forêt pour se rendre à fort fort Lointain afin de les vendre, avec pour la part de Chapelier, le regret de laisser là son ami le lièvre qui était soit mort et consumé soit vivant et consistant.

À fort fort Lointain, les affaires de la chapellerie de Chapelier se déroulaient bien, et rien ne venait troubler la routine des deux hommes qui vivaient ensemble. Enfin, jusqu'au jour où un mystérieux chat noir et blanc vint voler le chapeau de Chapelier, qui mît tout en œuvre pour le retrouver. Il avait l'air bête avec sa tête nue et sa théière posée sur son crâne plat. Il finit par le retrouver et Kitty vint vivre avec les deux hommes, n'ayant nulle part où aller.