Pâle comme la lune, chevelure d'ébène et lèvres de sang. Dès ta naissance on chanta ta beauté. Cette beauté tu la tenais de ta mère qui avait par un regard susciter la passion d'un riche seigneur. Ce dernier lui offrit or, argent et bijoux dans le dessin de la voir intégrer sa maison avec ses autres concubines. Ta mère se laissa séduire, plus par l'idée du confort financier que par la passion. Ledit seigneur était si riche que sa maison tenait plutôt du palais et tout ce luxe lui était monté à la tête si bien qu'il se prenait pour un prince. Un mauvais prince hélas et pour noircir encore le tableau ses concubines agissaient comme dans les plus sombres rumeurs impériales. Jalousie, coups bas, complots et empoisonnements. Elle passa par chacune de ces étapes. Sans doute les dieux eurent quelque peine pour son sort car ils placèrent sur son chemin un samouraï et l'amour les unit au premier regard. Ils s'enfuirent et s'installèrent dans un pavillon au bord de la mer. Ce fut dans ce lieu enchanteur que tu naquis. Tes premières années furent heureuses. Mais le poison rongeait lentement l'esprit de ta mère. La folie s'empara d'elle et les derniers souvenirs que tu en conserves sont ceux d'une pauvre petite chose prostrée dans l'angle d'une pièce sombre et qui jura de te crever les yeux en t'appelant par un nom qui n'était pas le tien.
Lorsque tu étais enfant et que l'on te demandais ce que tu voulais devenir, tu répondais avec assurance que tu serais samouraï comme ton père. On souriait alors en disant "Mais tu es une fille, les filles ne peuvent pas être samouraïs." Et tu n'en avais strictement rien à faire car telle était ta volonté. Ton père te soutenait, après tout quel mal pouvait il avoir à faire de sa fille un samouraï ? Le mal c'est que l'on te disait si belle que l'on ne pouvait concevoir que tu ne sois pas une ravissante épouse souriant timidement sous une ombrelle. Ton arrivée à la cour impériale secoua bien des cœurs mais tu n'étais pas venue pour te faire courtiser, tu accompagnais ton père venu offrir son sabre à l'empereur. Tu y demeuras quelques années avant que les caprices de l'empereur provoquent l'exil de ton père. Il avait eu le malheur d'exprimer sa désapprobation sur certains sujets sensibles. Furieuse tu décidas de le rejoindre sur l'île qui était devenue la prison de ton père. En arrivant tu assistas avec horreur au début d'une cérémonie visant à apaiser la colère d'un serpent marin gigantesque par le sacrifice d'une jeune fille. Tu n'écoutas que ton courage et pris l'initiative d'affronter le monstre. Tu avais grandis au bord de la mer et tu étais une excellente nageuse. Tu plongeas à la rencontre du monstre et tu lui transperça l’œil. Beaucoup de chance mais aussi beaucoup d’audace t’apportèrent la victoire. Le peuple en liesse organisa une fête le soir même mais la joie que tu ressentais en sachant que tu les avais sauvé n’était en rien comparable à celle de retrouver ton père. Tu fus reçu avec les grands honneurs à la cour de l’empereur qui se devait de remercier dignement celle qui avait sauvé les habitants de l’île. Tu n’exigeas qu’une seule chose : la fin de l’exil de ton père et cela te fut accordé. Ta présence fut demandée à de nombreuses fêtes et réceptions auprès des hauts dignitaires de la cour mais cette vie mondaine ne te convenait pas. Elle ne convenait d’ailleurs guère à ton père. Ce dernier regagna son pavillon au bord de la mer et tu partis à l’aventure avec sa bénédiction. Tu mis ton épée au service des opprimés, des villages à la merci de monstres en tout genre, des voyageurs sur des routes périlleuses. Ton corps fut mis à rude épreuve, tu n’étais après tout qu’une humaine au caractère bien trempée qui osait se dresser contre des créatures redoutables.
Ma la créature la plus redoutable que tu n’ais jamais eu à combattre fut ton propre cœur. Les cœurs sont des créatures sauvages voilà pourquoi nos côtes ont la forme des cages. Tu ne souviens pas du jour où tu as commencé à l’aimer. Cela se fit jour après jour, lentement mais sûrement. Elle avait cette manière de te regarder et de te prendre la main qui te laissait croire que tu étais la seule à qui elle tenait réellement. Elle promit de prier chaque jour les dieux pour ton retour saine et sauve, t’appelant sa tendre amie avant que tu ne la quittes pour accomplir une mission. Mais lorsque tu revins, elle portait sa robe de mariée, plus belle que jamais. Tu la supplias de renoncer à ce projet. Elle refusa, il était trop tard. Il était toujours temps de s’enfuir maintenant, juste vous deux comme elle l’avait toujours souhaité. Dans un élan de désespoir tu lui avoua que tu l’aimais. Tu ne lui avais jamais dit auparavant, pas avec ces mots. Son visage se figea et lorsqu’elle reprit la parole ce fut pour te dire que cela ne suffisait pas. Tu ne pus rien faire d’autre que d’assister à la cérémonie de loin, assistant impuissante à cette union qui aurait due être la votre. Elle ne voulu pas t’accorder un seul regard alors tu partis le plus loin possible.
Fort fort lointain était déjà par son nom le plus loin possible. Tu offris ton épée au roi Harold qui te semblait un bons souverain soucieux du bonheur de son peuple. L’activité grouillante de la ville éloignait tes plus sombres pensées. La disparition soudaine de la famille royale apporta une nouvelle reine à la capitale et faisant honneur au serment que tu avais prêté au royaume tu conservas ta place à la cour. Mais cette nouvelle souveraine était à tes yeux un véritable monstre car elle avait obligé son peuple à se soumettre au Charnel n°5, une abomination à tes yeux. Chacun devrait pouvoir se montre sous sa véritable forme sans avoir honte ou se cacher. Le souvenir de la guerre contre les orgres te laisses encore un goût amer dans la bouche. Un monstre que tu ne pourrais pas affronter seule et tu renias ton serment pour rejoindre la résistance.