Pour beaucoup, Fort Fort Lointain est la contrée où, à l'instar du Roi Harold et de la Reine Liliane, tout le monde vit sa fin heureuse en épousant son grand amour avec plus ou moins un coup de pouce. Pourtant, cela n'est pas forcément vrai pour tout le monde. Des fois, les nécessités familiales et commerciales peuvent faire que des mariages de raison sont célébrés à l'église du coin. Cela a été le cas pour les parents d'Aliénor quand leurs bans ont été annoncés dans le far far away times il y a trente ans maintenant. Jeune boulanger prometteur, le père d'Aliénor cherchent à l'époque un financement pour pouvoir posséder son propre commerce. La mère, si elle vient d'une famille aisée, cherche quant à elle un moyen d'échapper à la tutelle de parents possessifs. L'accord entre les deux époux a alors été fort simple : la femme se charge d'apporter les investissements qu'il manque pour l'achat de la boutique sur Romeo Drive tandis que l'homme se devoit de traiter convenablement sa compagne. Malgré leurs caractères si éloignés l'un de l'autre, les parents d'Aliénor ont fini par trouver un équilibre dans leur vie de couple même si les disputes étaient fréquentes. Leur entente a abouti à la naissance d'une fille deux ans après la noce. Le poupon, qui a vite grandi, ressemblé à un portrait miniature de sa mère. Même si le père a tâché de modérer ce penchant, la petite fille a très vite révélé avoir le même caractère que sa mère : orgueilleuse et ne supportant pas qu'on n'exécute pas ses caprices.
Trois ans après cette heureuse naissance, Aliénor a poussé son premier cri. Si le boulanger a salué la naissance de sa deuxième fille avec autant d'enthousiasme que sa première, il en a été autrement pour la mère. En effet, le travail pour la naissance de la nouvelle-née a duré près de vingt heures et a failli la tuer d'épuisement. Se remettant avec beaucoup de peine de ses couches, elle a vécu comme un affront que son époux dédie plus de temps à leur cadette qui a failli la tuer qu'à leur aînée, son joyau à ses yeux. Pourtant, le boulanger a fait tout son possible pour se montrer le plus égalitaire possible entre ses enfants. Tandis que les enfants dormaient, les disputes murmurées ont eu de cesse de s'accroître à cause des reproches voilés ou non que faisaient l'épouse concernant l'attitude jugée inégale de son époux envers leurs enfants. Inconsciente de tout ceci, Aliénor a grandi dans une relative insouciance. Il est vrai qu'elle n'a jamais été très proche de sa sœur mais n'étant pas la seule gamine de son âge parmi les enfants de Romeo Drive, Aliénor ne s'en est jamais plainte puisqu'elle avait tout de même des compagnons de jeux. Passant beaucoup de temps avec son père car sa mère ne veut guère s'occuper d'elle quand il n'y a pas école, la jeune fille a très vite appris et pris gout à pétrir le pain. Aliénor a toujours été contente d'entendre son père la complimenter sur son pain.
Seulement, alors qu’elle vient de fêter son vingtième anniversaire, Aliénor a le drame de perdre son père tant aimé d’une maladie fulgurante. Anéantie par cette tragédie, la jeune femme a, sous les remarques perfides de sa mère et de sa sœur, repris tant bien que mal la boutique de son père avec les quelques connaissances qu’elle avait acquise à ses côtés. Après tout, comme le souffler le reste de sa famille, il y avait consacré toute sa vie jusqu’à en ruiner sa santé, il serait honteux de laisser dépérir le rêve du défunt. Qui, de mieux, celle qui passe son temps depuis toute petite dans l’atelier de son père pour le remplacer ?
Jouant sur les sentiments d’Aliénor, sa mère et sa sœur l’ont transformé peu à peu en leur domestique. Bien sûr, elles n’ont jamais osé prononcer ce mot mais, leur attitude n’a guère été celle d’une famille envers l’un des leurs mais bien plus de maître à domestique. Grâce aux différentes corvées faites par Aliénor, les deux femmes ont pu vivre sans s’inquiéter de travailler pour gagner leur subsistance.
Quatre ans se sont passés ainsi dans une routine devenue familière. Le matin, Aliénor prépare les différentes baguettes avec l’aide d’un employé que sa mère n’avait pas encore renvoyé pour faire des économies. Une fois cette tâche faite, la jeune femme se hâte pour faire les différents repas de la journée pendant que le pain cuit. Le pain sorti du four et le repas de midi englouti rapidement, Aliénor nettoie le linge avant de s’assurer d’une nouvelle fournée avant de recommencer le lendemain.
Cependant, cette routine bien huilée se retrouve perturbée quand un jour, l’eau du puit de la maison se retrouve à sec. Cela n’était pas arrivé depuis l’année de mariage des parents et Aliénor a été désignée pour aller chercher l’eau du puit le plus proche le temps que la situation se règle.
S’exécutant, la jeune femme fait le voyage jusqu’à celui-ci avec la plus belle cruche de la maison mais aussi celle capable de contenir la plus grande quantité d’eau. Là-bas, Aliénor a fait la rencontre d’une vieille femme bien en peine de se désaltérer à l’eau du puit. Sans hésiter une seconde, elle s’emploie à aider celle-ci à sa demande, quitte à devoir soutenir le seau du puit trop lourd pour ses vieux bras quand elle boit.
Cette personne qu’Aliénor a aidée a tenu à remercier celle qui l’a aidé sans rien attendre en retour. Cette vieille dame a alors en tête de lui offrir grâce à sa magie, car il s’agissait d’une fée, le don de pouvoir de faire apparaître une fleur ou une pierre précieuse à chaque parole prononcée.
La jeune femme n’a guère eu le temps de refuser poliment le don avant que celui-ci lui soit donné et que la fée, si tant que ça en soit vraiment une, disparaisse de manière magique. Après un moment d’égarement, Aliénor s’en est retournée chez elle avec la cruche remplie du précieux liquide.
Seulement, cette rencontre l’a retardé dans le chemin et sa mère l’attend sur le pas de la porte de la boutique, rouge de colère face à ce retard. En s’excusant, Aliénor fait apparaître des roses et des perles. N’en croyant pas ses yeux, la mère demande la cause de ce prodige. Après avoir entendu l’histoire de sa fille cadette, elle l’invite tendrement à aller se coucher et à se reposer. Peu habituée à cette démonstration d’affection, Aliénor s’exécute tout de même.
Toutefois, le lendemain, alors que la jeune femme est en train de préparer seule (l’employé étant en congé pour des raisons qui demeurent inconnu pour Aliénor) la dernière fournée de pain de la journée, sa mère débarque en rage dans l’atelier. La giflant si fort qu’elle fend la lèvre de sa fille, la mère se met à vociférer les pires méchancetés à sa cadette. Ne comprenant pas tout de suite de quoi il en retourne, il a fallu plusieurs minutes de hurlements pour qu’Aliénor comprenne ce qui venait de se passer. Sa mère, jalouse que sa dernière-née ait un don que sa préférée n’ait pas, a envoyé celle-ci puisée de l’eau dans l’espoir qu’elle puisse, elle aussi, faire apparaître des fleurs et des pierres à chaque parole. Seulement, la fée jugeant l’aînée des enfants Rosenbouche bien orgueilleuse, a décidé de lui donner le don de faire apparaître des serpents et des crapauds à chaque parole dite.
Effrayée par sa mère qui semblait déterminer à vouloir la rouer de coup, Aliénor a pris la fuite de chez elle. Chutant malencontreusement sur les marches de l’entrée de la boutique, la cadette a été rattrapée par sa mère hurlant qu’elle allait la tuer. Le salut d’Aliénor vient d’un chevalier-flic qui, en patrouille, vient aussi vite à l’origine des cris pour lui porter assistance. Profitant de la présence du représentant de Marraine, Aliénor s’enfuit pour ne pas être à nouveau à portée de la rage de sa mère.
Trouvant refuge chez une connaissance pendant quelques mois, la jeune femme en profite pour mettre de l’ordre dans ses pensées. Estimant plus raisonnable de ne pas retourner dans la maison de son enfance, Aliénor prend la décision d’aller quérir une audience auprès de la nouvelle dirigeante, Marraine, pour lui demander son aide afin d’ôter ce don qui n’a été jusqu’alors la source d’ennuis pour elle. Dans le but d’en éviter davantage, la jeune femme se restreignit chaque jour davantage les paroles qu’elle prononce jusqu’à sembler devenir muette.
Toutefois, le pieu souhait d’Aliénor de recevoir une audience auprès de Marraine a rapidement tourné à la déconfiture. A chaque tentative pour entrer au palais aux moments adéquats, la jeune femme est remise à la porte sans ménagement par les servants de la dirigeante car « Marraine n’a pas de temps à consacrer aux gueuses dans son genre ». Chacun des refus rencontrés amène Aliénor à s’interroger si la place de Marraine à la tête de fort fort lointain est légitime. De ses réflexions, elle est parvenue à la conclusion que ce n’était pas le cas car un souverain se doit de s’inquiéter du bien-être de son peuple, ce qui, pour Aliénor, n’est pas du tout le cas.
C’est dans le cadre du contexte du retour de Marraine au pouvoir qu’elle a fait son premier geste de rébellion face à son autorité. La garde-royale était à la poursuite d’un homme qui est parvenu à la distancer un peu. Le malfrat tournant à un carrefour sans en voir la direction, la garde s’est renseignée auprès d’Aliénor, qui comme témoin inopinée, a vu cette direction. Sans trembler, la jeune femme leur a indiqué la direction opposée d’un doigt tremblant d’une peur inexistante face à la rencontre d’un malfrat.
Si Aliénor est consciente de la réussite de son geste à défier silencieusement l’autorité, elle sait aussi qu’elle ne pourra guère rester chez ses connaissances. Après avoir déménagée dans un tout petit appartement sous les toits, Aliénor a parcouru toutes les propositions d’emploi avant d’aller tenter sa chance auprès de plusieurs commerces. Ayant enchaîné plusieurs refus pour des motifs variés, la jeune femme a fini par voir une annonce de recherche de boulanger chez Muffin Man. Après des hésitations, elle s’est rendue à la boutique tenue par Monsieur Pâtacookies. A sa plus grande surprise, Aliénor a eu le poste il y a peu. Comptant tout faire pour le garder, la jeune femme continue de rêver en secret à la chute de la reine dans l’espoir que le retour de Shrek et de Fiona soit synonyme de la fin de ce don qui lui a pour le moment apporté bien des désagréments…