Il était une fois, dans le ville de Roncefolle, un marquis et sa femme qui venait d'avoir un enfant. C'était une petite fille belle comme le jour, prénommait Rosalie et à qui tout semblait sourire. Pour fêter sa naissance, le couple donna une grande réception, à laquelle furent conviée toutes les fées du Royaume, sauf une, faute de couvert. Lors de la réception, les fées se penchèrent chacune l'une après l'autre sur le berceau de l'enfant, lui offrant leur bénédiction. Alors que la douzième et dernière fée s'approchait du berceau, une treizième fée fit irruption dans la salle, et pour se venger de ne pas avoir été invitée, elle lança une malédiction sur la pauvre enfant innocente : le jour de ses seize ans, elle se piquerait à un fuseau et mourrait sur le coup. Sur ses paroles funestes, elle quitta la salle. La dernière fée, ne pouvant annuler le mauvais sort, décida de le modifier en promettant qu'au lieu de mourir, l'enfant serait plongée dans un profond sommeil avant d'être sauvée par le fils d'un noble. Malgré toutes leurs précautions, le marquis et sa femme ne purent empêcher la malédiction de se réaliser, et le jour de ses seize ans, Rosalie se piqua au doigt et s'endormit aussitôt, en même temps que toute la ville de Roncefolle. Dix ans passèrent, pendant lesquels des ronces impressionnantes encerclèrent la demeure du couple, repoussant les plus braves, jusqu'au jour où le fils d'un noble qui passait par là s'avança, les ronces sur son chemin se changeant en fleur, et vint embrasser la jeune fille endormie, réveillant la belle et toute la ville. Ils se marièrent ensuite, et vécurent heureux très longtemps...

C'est une magnifique histoire, n'est-ce pas ? Dommage qu'elle soit fausse... En tout cas, en partie fausse. Car voyait vous, si la première partie est vraie, le reste n'est qu'un tissu de mensonge cachant une vérité bien trop laide pour être acceptée. Je suis Rosalie, celle que l'on a surnommée la Belle Au Bois Dormant, et je suis là pour faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé. Comme je l'ai dit, la première partie de cette histoire est vraie. J'ai été maudite, et mes parents ont en vain tenté de me protéger du mauvais sort, sans y parvenir. Je me suis donc piquée sur le seul fuseau de la ville, qui se trouvait être dans notre demeure, dans une salle oubliée de tous, en haut d'une très haute tour. Je ne me rappelle pas exactement ce qui s'est passé ensuite, mais je sais que je suis tombée dans un sommeil profond, imperturbable mais surtout tourmenté. Car si la douzième fée a pu contrer le mauvais sort, les effets néfastes de ce dernier m'ont suivi jusque dans mes rêves.

Durant mes dix années de sommeil, j'ai été assaillie sans relâche par des cauchemars porteur de funestes vision, sans aucun moyen de m'échapper. Je n'avais aucune notion du temps, je ne savais ni depuis combien de temps j'étais sous l'effet du charme, ni comment j'allais faire pour m'en sortir. Tout ce dont je me rappelle, c'est d'une sensation désagréable au début de mon sommeil, comme si quelque chose serpentait sous mon corps chaque jour, et qui s'est dissipé avec le temps pour ne me laisser aucun repère dans mon malheur. Ce n'est qu'au bout de dix ans, donc, que j'ai pu sortir de ce sommeil, pour découvrir une situation à laquelle jamais je ne me serais attendue : penché sur moi, il n'y avait aucun prince venu me délivrer, mais un homme à l'allure effrayante qui s'est échapper dans la froideur de la nuit sitôt que mes yeux se sont ouverts pour me laisser seule avec mon désarroi et la sensation fugace de ses lèvres contre les miennes.


J'aurais tant aimé que mon réveil en catastrophe soit la seule surprise déplaisante que j'aurais eu à subir, mais il s'est avéré que de tout ce que j'ai découvert, cet homme qui a brisé sans le savoir l'enchantement qui m'a si longtemps retenu prisonnière a été ce qui m'est arrivé de mieux. En effet, il ne m'a pas fallu longtemps pour reprendre mes esprits et me rendre compte que j'étais allongée sur un lit de ronces mais bizarrement, je ne pouvais rien sentir, pas la moindre épine s'enfoncer dans ma peau, ou même la moindre goutte de sang. Pourtant, j'étais certaine qu'en temps normal, j'aurais dû souffrir de ce matelas végétal. En essayant de me lever, aussi délicatement que possible au cas où la douleur à laquelle je m'étais attendue surgisse finalement, je me suis rendue compte que certaines des plantes s'étaient également enroulées autour de moi. Plus tard, je me suis rendue compte que cette étreinte avait laissé une empreinte durable sur mon corps sous la forme de tâches brunes imitant à la perfection les ronces, qui tranchaient avec ma peau devenue presque translucide. Mais là encore, ma mésaventure végétale n'était rien comparée à ce qui m'attendait dans la pièce d'à côté, sous la forme d'un miroir accroché dans ma salle de bain...

Si la malédiction m'a gardé vivante malgré le sommeil forcé, j'ai eu la désagréable surprise de constater que rien n'avait stoppé la course du temps : c'était comme regarder quelqu'un de totalement différent et qui pourtant partageait les mêmes traits que moi. S'il n'y avait pas eu mes yeux qu'il m'était impossible de ne pas reconnaître, j'aurais même douté de la personne qui se reflétait en face de moi. Je me souviens m'être reculée soudainement du miroir, et avoir fondue en larme immédiatement après. C'est horrible cette sensation de s'être fait voler dix ans de sa propre vie, et pourtant il n'y avait rien, j'en étais persuadée, qui puisse me rendre ma jeunesse. J'étais désormais une femme de vingt-six ans dans laquelle vivait une adolescente de seize. Je ne me rappelle plus combien de temps je suis restée assise dans cette salle de bain, les bras passés autour de mes genoux, mais c'est mon père, à ma plus grande surprise, qui est parvenu à me sortir de ma torpeur.


Après, tout s'est enchaîné très rapidement : j'ai compris très vite que mon réveil signifié également le réveil des habitants de la ville, et la raison de la présence au combien rassurante de mon père à mes côtés. C'est lui qui a pris les choses en main à partir de ce moment, et j'avoue lui en avoir été très reconnaissante, parce que je n'aurais jamais eu la force de faire le nécessaire au réveil de la ville dans les premiers temps. Et de cette façon, je n'ai jamais eu à voir de mes propres yeux les corps des habitants qui ne se sont jamais réveillés. C'est peut-être la plus horrible des réalités qui ont accompagné mon réveil, celle-ci, parce que parmi ses habitants se trouvait ma mère, que j'avais vu pour la dernière fois dix ans de cela, le jour de mon seizième anniversaire... Pourtant, c'était un des effets logiques du maléfice : si le temps ne se stoppe pas pendant le sommeil magique, alors le temps garde ses droits, et certaines des personnes sont tout simplement mortes naturellement dans leur sommeil parce que leur heure était tout simplement venue. C'est une douce façon de partir, en temps normal, mais une bien cruelle dans le cas de Roncefolle, parce qu'il fallait supporter la peine de beaucoup en même temps...

Après quelques temps passés auprès de mon père et des habitants de la ville, j'ai compris qu'il était impossible pour moi de rester dans ces lieux qui me rappelaient tellement de mauvais souvenirs, et j'ai pris la décision d'aller commencer une nouvelle vie ailleurs. Vous l'aurez compris, je me suis dirigé vers Fort Fort Lointain où, après tout ce temps passé à survivre plutôt que vivre, j'ai enfin pu retrouvé le sourire et ai passé les plus belles années de ma vie.  J'ai rencontré les meilleurs amis que je n'avais jamais eu jusque là, et tout particulièrement Fiona, avec qui je me suis très vite liée. J'étais très contente de son mariage avec Shrek, et j'attendais tellement de cette nouvelle vie... Mais bien évidemment, vous savez tous ce qui s'est passé : Marraine est arrivée, à fait disparaître les personnes qui comptaient le plus pour moi, et a installé son règne de terreur sur tout le Royaume. Et c'est à ce moment là que je suis retombée dans cette tristesse qui m'avait suivie depuis mon réveil, mais pas pour les raisons que vous pouvez vous imaginer.

J'aurais très bien pu supporter de vivre sous Marraine tout en restant plus ou moins heureuse. Ce qui m'a replongé dans le malheur, et même plus, dans la peur, c'est la présence à la cour de la fée d'une personne que j'avais complètement oubliée et qui pourtant avait eu une importance capitale dans ma vie, celle qui s'était penchée au dessus de mon berceau ce fameux jour, et qui m'a maudite avec toute la haine dont elle était capable : la treizième fée. Son apparition a eu chez moi l'effet d'une bombe, et sous l'effet d'une peur panique dont je n'avais pris conscience mais qui, j'en étais certaine, était enfouie en moi depuis tout ce temps, j'ai décidé de fuir la citée au beau milieu de la nuit, sans rien dire à personne, en me dirigeant au hasard des chemins vers les Alentours. Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai décidé de fuir dans cette direction, ni très bien ce que j'espérais trouver, mais il se trouve que j'ai trouvé exactement ce dont j'avais besoin.


A force de chercher au beau milieu des bois, je suis tombé sur un manoir dont j'ignorais jusqu'à l'existence même. Je ne sais pas ce qui m'a poussé à aller frapper à la porte de cette résidence qui appartenait à une personne dont j'ignorais tout. J'aurais pu rebrousser chemin et simplement retourner à Roncefolle, auprès de mon père, mais je ne l'ai pas fait. J'imagine que le destin avait une dernière surprise en magasin pour moi, et qu'il tenait à ce que j'en profite. Alors j'ai frappé à cette porte, et lorsque le propriétaire est venu m'ouvrir, j'ai tout de suite comprit quelle était cette dernière surprise : j'ai oscillé entre le choc de la surprise et l'envie de m'enfuir quand j'ai découvert que devant moi se tenait celui qui avait brisé le charme du sommeil par son baiser, cinq ans auparavant, Dracula Dentspointues, bien que je ne connaissais pas son nom, à l'époque, évidemment. Sa surprise devait être aussi grande que la mienne, et nous sommes restés un long moment à nous dévisager, puis il s'est décalé pour me laisser entrer, lisant probablement la plainte sourde dans mes yeux. La demeure de celui que je me plais à appeler mon sauveur est alors devenue mon refuge pour quelques jours, puis finalement pour une durée indéterminée. J'ai appris à connaître mon hôte autant que possible, sa condition et notre caractère respectif s'opposant dans les premiers temps à toutes sortes de rapprochements. Et d'un commun accord, nous avons appris à vivre ensemble, à respecter l'intimité de l'autre. Nous ne parlons pas très souvent et les choses sont parfois un peu maladroites entre nous, mais ça me rassure d'avoir quelque part où je peux me sentir en sécurité, sans qu'on vienne me poser des questions. Dracula respecte tout à fait ma vie privée et ne m'a jamais embêté avec les raisons de ma fuite de Fort Fort Lointain, et en contre partie, je n'ai jamais demandé ce qu'il faisait cette nuit là, penché au dessus de moi. Peut-être parce que je n'ai jamais osé...

Voilà toute l'histoire de celle qu'on a surnommé la Belle au Bois Dormant. Ma vie n'a rien de bien extraordinaire maintenant. Je vis toujours chez Dracula en espérant que quelque chose se passe à la cour de Marraine qui pourrait me rendre cette liberté que j'avais, quelque chose d'autre que le rège de courte durée de ce maniaque de Tracassin, évidemment. En attendant, je me contente de faire profil bas, bravant uniquement la capitale pour mon métier de babysiter qui me permet de subvenir à mes besoin tout en évitant de me faire remarquer en ville en travaillant dans un lieu public.  Tout ce que j'espère que Fiona et Shrek reviendront un jour et que tout rentre dans l'ordre et si j'en crois les rumeurs en ville, il se pourrait que mon vœux soit bientôt exhaussé...